De la découverte des lymphocytes T régulateurs… à leur utilisation en thérapie: Un bref historique

Identification d’une population thymique ayant des propriétés régulatrices : l’origine des lymphocytes T régulateurs

Le système immunitaire adaptatif est capable de réagir contre une multitude d’antigènes pathogènes d’origine tumorale, infectieuse ou environnementale. La très grande diversité du répertoire des récepteurs des cellules T (TCR, T cell receptor) obtenue par recombinaison génétique dans le thymus permet la reconnaissance de ces antigènes. Cependant, la capacité du système immunitaire adaptatif à générer au hasard cette diversité du répertoire conduit à l’émergence de clones capables de réagir contre des antigènes du soi ou des antigènes de l’environnement non pathogènes. Malgré la mise en place, dans le thymus, de mécanismes immunologiques de sélection négative, ces clones T auto-réactifs peuvent échapper à cette sélection et atteindre les compartiments périphériques. Ainsi, afin de préserver la tolérance à ces antigènes non pathogènes, les lymphocytes T régulateurs représentent une population cellulaire essentielle dans le maintien de cette tolérance. Ces Treg constituent une sous population de lymphocytes T (LT) CD4+ à activité immunosuppressive. Ils représentent entre 5 et 10% des LT CD4+ présents dans le sang périphérique chez l’Homme et jouent un rôle majeur dans la régulation de réponses auto-immunes, allergiques et dans le contrôle de l’homéostasie immunitaire.

Les Treg avant 1995 : une population suppressive nécessitant une meilleure caractérisation phénotypique

Les premières preuves de l’existence de cellules suppressives ont été établies au début des années 60 par les observations de Miller. La thymectomie néonatale en combinaison avec une greffe allogénique de thymus permet la mise en place d’une tolérance et le non rejet d’un greffon cutané allogénique de même fond génétique que la souris donneuse (J. F. A. P. Miller 1962). Ceci apporte, pour la première fois, la preuve que le thymus constitue le siège de la mise en place de la tolérance au soi. D’autres expériences ont ensuite consolidé ces données. Différents groupes ont observé que la thymectomie réalisée 3 jours après la naissance conduit au développement spontané de manifestations inflammatoires tissulaires et à la production d’auto-anticorps spécifiques de protéines du soi, caractéristiques de manifestations autoimmunes (Taguchi et Nishizuka 1981). De même, différentes équipes, ont rapporté dès 1973, que la thymectomie suivie d’une irradiation totale réalisée chez le rat à l’âge adulte conduit également à l’émergence de manifestations auto-immunes, notamment une thyroïdite associée à la présence d’auto-anticorps anti-thyroglobuline (Penhale et al. 1973), ou encore un diabète de type 1 (DT1) (Penhale et al. 1990; Fowell et Mason 1993). Dans ces conditions, le transfert adoptif de CD4+ issus de nouveaux nés, à des souris thymectomisées, conduit alors à l’établissement de manifestations auto-immunes chez ces souris (S. Sakaguchi, Takahashi, et Nishizuka 1982). A l’inverse, les lymphocytes T CD4+ ou les thymocytes simples positifs CD4+CD8- provenant de souris normales sont capables d’inhiber les réactions auto-immunes induites par la thyméctomie néonatale (S. Sakaguchi, Takahashi, et Nishizuka 1982; Asano et al. 1996). Ainsi, ces résultats démontrent dans un premier temps, l’existence de cellules régulatrices dérivant directement des thymocytes capables de prévenir les manifestations auto-immunes.

Par la suite, les travaux ont cherché à mieux caractériser la population lymphocytaire ayant des propriétés régulatrices au sein des LT CD4+ , notamment en identifiant des marqueurs de surface spécifiques. L’équipe de Sakagushi a largement contribué à la découverte de ces nouveaux marqueurs. Elle a pu observer que chez les souris ayant subi une thymectomie néonatale et souffrant de pathologies auto-immunes, les LT CD4+ CD5+ étaient diminués (S. Sakaguchi et al. 1985). Le CD5 fut proposé comme le premier marqueur membranaire des lymphocytes Treg. Ceci a été conforté par les expériences de transfert adoptif de LT CD4+ exprimant fortement le CD5, ayant permi de controler les manifestations auto-immunes chez la souris (S. Sakaguchi et al. 1985). Néanmoins, les expériences réalisées par la suite ont remis en cause le CD5 comme marqueur des Treg. En effet, le transfert de lymphocytes T CD4+ CD5low à des souris athymiques et déficientes en LT (Souris Nude) ou à des souris normales dont les lymphocytes T ont été éliminés (sérum anti-thymocytes + irradiation) conduit à l’émergence de manifestations auto-immunes sévères (S. Sakaguchi et al. 1985; Sugihara et al. 1988). Ces résultats suggèrent que le CD5 est exprimé différentiellement sur des lymphocytes T CD4+ ayant des fonctions opposées. Des expériences similaires ont été réalisées par Powrie et al. dans le début des années 90 et ont permis de mettre en avant une expression différentielle du CD45RC (chez le rat) ou CD45RB (chez la souris) sur les lymphocytes T CD4+ conventionnels (CD45RChi / CD45RBhi) et ceux ayant des propriétés régulatrices (CD45RClow / CD45RBlow) (Powrie et Mason 1990; Powrie et al. 1993). Toutefois, ces marqueurs restent non-satisfaisants dans la mesure où ils peuvent être exprimés par d’autres cellules. Ainsi, la quête de nouveaux marqueurs des Treg, plus spécifiques que le CD5 ou le CD45RC/CD45RB s’est intensifiée.

1995 et l’identification du CD25 : un tournant dans l’analyse des Treg

L’identification du CD25 (chaine alpha du récepteur à l’IL-2) comme marqueur des lymphocytes Treg par l’équipe de Sakagushi, découle des observations obtenues par les expériences exposées dans la partie précédente. En effet, Sakagushi et son équipe ont observé que le CD25 était également présant sur les lymphocytes T CD4+ exprimant fortement le CD5 ou faiblement le CD45RB, deux sous populations de lymphocytes T CD4+ aux propriétés régulatrices (S. Sakaguchi et al. 1995). Ainsi, le transfert de splénocytes dont les LT CD25+ ont été éliminés, à des souris athymiques, conduit à l’induction de manifestations autoimmunes de sévérité supérieure comparativement à un transfert de lymphocytes T CD4+CD5low ou CD4+CD45RBhi. A l’inverse, l’injection de CD4+CD25+ induit clairement une inhibition du développement de manifestations auto-immunes (S. Sakaguchi et al. 1995). De plus, il a été observé que les lymphocytes T CD4+CD25+ apparaissaient autour du 3ème jour après la naissance, au niveau périphérique, chez une souris normale. Ceci permet d’expliquer les résultats obtenus et notamment l’observation de manifestations auto-immunes chez les souris ayant subit une thymectomie néonatale, empêchant le développement thymique de ces cellules régulatrices. Enfin, l’administration de CD4+CD25+ provenant de souris normales à des souris venant de subir une thyméctomie prévient l’apparition des manifestations auto immunes (Asano et al. 1996). Ces résultats suggèrent le caractère indispensable du développement thymique de ces cellules dans le contrôle des réactions immunitaires auto-immunes.

Le CD25 est donc utilisé depuis pour l’indentification des Treg dans les différentes publications, aussi bien chez la souris (CD4+CD25hi), que chez l’Homme (CD4+CD25+ ). De même, la seule expression de CD25 (chaîne alpha du récepteur à l’IL-2) à la surface de la cellule est souvent utilisée comme critère de tri ex-vivo des Treg et reste satisfaisante chez la souris. Cependant les lymphocytes T conventionnels (Tconv) peuvent également exprimer le CD25. Cette expression de CD25 sur les Tconv est inductible par différents signaux d’activation (Roncador et al. 2005). Néanmoins, le niveau d’expression du CD25 sur les Tconv activés est inférieur au niveau d’expression du CD25 sur les Treg (Kuniyasu et al. 2000). En raison de cette expression différentielle du CD25 à la surface des Tconv et des Treg il reste indispensable de caractériser les Treg par un marqueur encore plus spécifique.

FOXP3 : le marqueur idéal ?

Le facteur de transcription FOXP3 (Forkhead Box Protein 3) a été identifié en 2001 suite à la caractérisation, chez la souris et chez l’Homme, de deux syndromes « autoimmuns » relativement similaires, associés à un défaut de FOXP3. Ainsi les souris SCURFY qui développent spontanément des manifestations auto-immunes et inflammatoires sévères et le syndrome IPEX (Immunodysregulation, Polyendocrinopathy, Enteropathy, X-linked syndrome), qui induit chez l’Homme des manifestations auto-immunes impactant plusieurs organes et des allergies sévères, sont tous deux liés à une mutation du gène codant le FOXP3 (Brunkow et al. 2001; Bennett et al. 2001). De façon intéressante, les manifestations autoimmunes caractérisant le syndrome SCURFY sont de même nature que celles produites lors de la déplétion des lymphocytes CD4+CD25+ . Ceci a conduit à identifier un rôle possible de FOXP3 dans la fonction des Treg. Notamment, en 2003 il a été rapporté que l’expression de FOXP3 était essentielle pour la différenciation et la fonction des Treg (Hori, Nomura, et Sakaguchi 2003; Fontenot, Gavin, et Rudensky 2003). Aujourd’hui, FOXP3 est considéré comme le meilleur marqueur pour identifier les Treg bien que certaines limites persistent. Alors que FOXP3 est constitutivement exprimé par les Treg, il a été rapporté chez l’Homme que sous certaines conditions, les Tconv activés peuvent également exprimer transitoirement FOXP3 sans acquérir de propriétés immuno-régulatrices (Banham, Powrie, et Suri-Payer 2006; Tran, Ramsey, et Shevach 2007). A l’inverse, une sous population de Treg chez l’Homme (CD45RA – FOXP3low) ne possède pas d’activité suppressive, mais à l’inverse, est capable de produire des cytokines pro-inflammatoires (Miyara et al. 2009). Enfin, il existe de véritables sous populations de Treg à activité immunosuppressive, n’exprimant pas forcement le FOXP3. Ces sous populations vont être décrites dans le chapitre 2. Ainsi, l’expression de FOXP3 seul chez l’Homme n’est pas une condition nécessaire, ni suffisante afin de conférer des propriétés régulatrices aux cellules. Enfin, FOXP3 étant une protéine nucléaire, elle ne peut pas être utilisée pour trier des Treg maintenus vivants. Chez l’Homme, il a pu être montré que l’expression de la protéine de surface CD127 (chaîne alpha du récepteur à l’IL-7) est inversement corrélée à celle de FOXP3, ce qui permet ainsi d’identifier plus spécifiquement les Treg sur la base de marqueurs de surface (W. Liu et al. 2006, 127; Seddiki et al. 2006).

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Table des matières

Introduction
Abstract
Avant-Propos
Première Partie – De la découverte des lymphocytes T régulateurs… à leur utilisation en thérapie: Un bref historique
1. Identification d’une population thymique ayant des propriétés régulatrices : l’origine des lymphocytes T régulateurs
i. Les Treg avant 1995 : une population suppressive nécessitant une meilleure caractérisation phénotypique
ii. 1995 et l’identification du CD25 : un tournant dans l’analyse des Treg
iii. FOXP3 : le marqueur idéal ?
iv. Développement thymique des Treg
2. Vers une complexité du compartiment T régulateur : identification de sous populations de lymphocytes T régulateurs CD4+
i. Les « peripheral » Treg
a. Les lymphocytes T régulateurs de type 1
b. Les lymphocytes T helper de type 3
ii. Les « in vitro-induced » Treg
iii. Caractéristiques phénotypiques des Treg
3. Mécanismes d’action des Treg
Deuxième partie – Les Treg au service de la thérapie : Quels potentiels thérapeutiques et quelles applications ?
1. Les lymphocytes T régulateurs à l’origine des maladies à composantes immunologiques ?
i. Treg et rejet de greffe
ii. Treg et maladies auto-immunes
iii. Treg et allergies
2. Les Treg comme outil thérapeutique : preuve de principe et réalité thérapeutique
i. Les différents exemples de thérapies cellulaires utilisant les Treg comme outil thérapeutique
a. Utilisation de Treg polyclonaux
b. Utilisation de Treg spécifiques d’antigène
ii. Les limites de l’utilisation des Treg comme outils thérapeutiques
3. IL-2 faible dose : une thérapie cellulaire in vivo spécifique des Treg
Troisième partie – Allergie alimentaire : physiopathologie et mécanismes immunologiques associés au niveau de la muqueuse intestinale
1. Physiopathologie de l’allergie alimentaire
i. Le système immunitaire associé à la muqueuse digestive
ii. Orientation de la réponse immunitaire vers la réponse Th2
iii. Spécificité des réponses allergiques intestinales
a. Les ILC2, Innate Lymphoid Cells 2
b. L’IL9, les lymphocytes Th9 et les MMC9
2. Complexité du compartiment Treg intestinal
i. La notion de Treg tissulaires
ii. De l’activation des tTreg jusqu’à leur homing au niveau de l’intestin
iii. Importance des pTreg intestinaux : exemple de la mise en place de la tolérance orale
iv. Les sous populations de Treg de l’intestin
3. Les différentes cibles thérapeutiques de l’allergie alimentaire et le rôle des lymphocytes T régulateurs dans allergie
Conclusion

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