La problématisation selon Christian Orange
« Les problèmes scientifiques fondamentaux sont des problèmes explicatifs»
C. Orange s’appuie sur le fait que les sciences consistent à étudier des événements ou des phénomènes pour les organiser selon un modèle qui explique leur fonctionnement. Cette discipline relève donc à la fois du registre empirique – qui s’appuie sur des événements et des phénomènes – et du registre des modèles – qui les organise – afin d’en proposer une explication.
« Les savoirs scientifiques ne sont pas de simples solutions »
Le discours scientifique n’est donc pas de l’ordre de l’assertorique mais bien de l’ordre de l’apodictique. En d’autres termes, le discours scientifique ne se borne pas à délivrer des modèles en tant que vérités, mais il comporte également tout le cheminement de pensée qui a conduit à l’élaboration de ces modèles. Le savoir scientifique inclut donc un raisonnement qui permet de rendre compte non seulement de la résolution du problème, mais aussi des contraintes et des nécessités empiriques de la situation étudiée : « il ne s’agit pas uniquement de « savoir que », mais de savoir « pourquoi cela ne peut pas être autrement » ».
« La problématisation comme exploration et délimitation des possibles »
Le débat est la forme privilégiée pour faire émerger ce raisonnement scientifique. Celui-ci consiste, à travers les échanges, à délimiter un champ de possibles pour solutionner le problème posé. Les interactions entre élèves auront pour but de mettre en avant ce qu’on observe des événements ou des phénomènes étudiés – les contraintes empiriques. Ces contraintes donnent lieu à des nécessités qui permettront de construire le modèle explicatif qui tiendra lieu de solution au problème de départ.
« Passer d’une connaissance de constat à un savoir problématisé »
Cette approche de l’enseignement des sciences donne une dimension épistémologique au savoir enseigné. La science en tant que discipline n’est plus seulement pensée comme le résultat de l’observation et de l’expérience (ceci est le point de vue empiriste). Elle est considérée comme un savoir problématisé, c’est-à dire que le résultat des observations et expériences passe à l’arrièreplan. Ce qui importe le plus, c’est bien le caractère nécessaire de ces résultats en fonction des conditions empiriques relevées. Cela ne peut pas être autrement pour telle et telle raisons .
« Les conditions didactiques de la problématisation »
Pour mettre en place un enseignement des sciences problématisé, l’enseignant doit être attentif à un certain nombre d’éléments. La formulation de la question scientifique posée à la classe est importante. Elle doit mettre les élèves devant « un problème explicatif épistémologiquement pertinent et dans lequel les élèves peuvent s’engager » . De plus, la classe doit à la fois partager des connaissances afin de construire un raisonnement en commun, mais elle doit également avoir des représentations du problème différentes pour pouvoir alimenter le débat qui fera émerger ce raisonnement commun. Le registre explicatif doit être adopté par l’ensemble des élèves afin d’avoir une base commune dans le type de discours et donc le type d’arguments utilisés. Enfin, la trace écrite doit comporter l’ensemble du cheminement effectué par la classe. Elle ne se limite pas à donner la solution trouvée par le modèle explicatif retenu, mais doit aussi comporter le raisonnement qui a permis de le construire ainsi que les modèles rejetés et les raisons pour lesquelles ceux-ci ne sont pas pertinents.
La problématisation selon Michel Fabre
Michel Fabre s’appuie sur les travaux de Bachelard, Popper, mais surtout Dewey pour développer, avec d’autres chercheurs, une pensée de la problématisation à l’école. John Dewey distingue cinq composantes aux problèmes : « la perception du problème, sa détermination ou construction, la suggestion de solutions possibles, l’examen raisonné des suggestions et de leurs conséquences, le test des hypothèses » . Michel Fabre définit la problématisation à partir de cela. Pour lui, « le processus de problématisation constitue un ensemble d’opérations visant à déterminer des données et des conditions (position et construction du problème) et à générer un certain nombre d’hypothèses de solutions à tester au regard de ces données et conditions (résolution du problème) ». Autrement dit, il s’agit d’un aller retour entre l’observation de faits, la construction de théories, et l’expérimentation de ces théories dans le but de trouver une solution au problème de départ.
Les données et les conditions
Les données sont inhérentes au problème posé, mais dans la situation d’apprentissage, elles peuvent être amenées au fur et à mesure par l’enseignant. Il s’agit de faits constituant des contraintes – soit le terme retenu par Christian Orange. Les conditions quant à elles sont ce que C. Orange nomme les «nécessités ».
Les inducteurs de la problématisation
Avec Agnès Musquer, Michel Fabre a développé une théorie définissant des « inducteurs de problématisation » , dans le but d’aider les enseignants à ne pas problématiser à la place de l’élève. Ces inducteurs sont des outils que l’enseignant pourra utiliser pour activer chez les élèves des schèmes leur permettant de construire le problème. Les inducteurs peuvent apparaître dans l’énoncé du problème, dans les échanges entre l’enseignant et les élèves, et/ou encore dans le dispositif pédagogique mis en place. Ces inducteurs nous serviront de base à la proposition faite aux élèves pour danser comme l’eau, nous y reviendrons plus bas dans la partie consacrée à la présentation de notre situation.
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Table des matières
Introduction
1. Le cadre théorique
1.1. La problématisation selon Christian Orange
1.1.1. « Les problèmes scientifiques fondamentaux sont des problèmes explicatifs»
1.1.2. « Les savoirs scientifiques ne sont pas de simples solutions »
1.1.3. « La problématisation comme exploration et délimitation des possibles »
1.1.4. « Passer d’une connaissance de constat à un savoir problématisé »
1.1.5. « Les conditions didactiques de la problématisation »
1.2. La problématisation selon Michel Fabre
1.2.1. Les données et les conditions
1.2.2. Les inducteurs de la problématisation
1.2.3. Le losange de problématisation
1.3. Transférer ce cadre théorique dans le domaine de l’EPS
1.3.1. Les contenus : savoirs moteurs et savoirs méthodo-cognitifs
1.3.3. La transformation des actions motrices et des discours
1.4. Prendre en compte la spécificité de la danse en tant que domaine artistique
1.4.1. En création : pas de réponses a priori
1.4.2. Application du losange de problématisation de Fabre à notre situation
1.4.3. Les composantes du mouvement en danse
1.4.4. Éléments de mise en scène
1.5. Problématisation et démocratie
2. Hypothèses de recherche pour une problématisation en danse
2.1. La problématisation permet d’atteindre un objectif d’apprentissage
2.2. L’apprentissage par problématisation travaille indirectement l’apprentissage de la démocratie
2.3. Le rôle de l’enseignant
3. Le dispositif
3.1. La question inductrice posée aux élèves
3.2. Le rôle des inducteurs
3.3. Tableau récapitulatif de la séquence proposée
4. Présentation du contexte d’étude
4.1. L’école et la classe
4.2. La méthodologie du recueil de données
4.2.1. La vidéo
4.2.2. Les retranscriptions
5. Analyse des réponses d’élèves
5.1. Repérage des éléments de problématisation dans les échanges verbaux
5.1.1. Le problème
5.1.2. Les données du problème
5.1.3. Les conditions
5.1.4. Les hypothèses de résolution
5.2. L’évolution des réponses motrices des élèves : une diversification plus qu’un enrichissement
5.3 Les difficultés rencontrées : l’importance du rôle de l’enseignant
5.3.1. La mise en place et le déroulement des séances
5.3.2. Dans la mise en place de l’apprentissage par problématisation dans la classe
Conclusion
Annexes