Dans le regard de la chambre

PAR : Claude Martin-Rainaudย 

Lโ€™expรฉrience du phรฉnomรจne de la camera obscura

ย  ย Lโ€™expรฉrience du Regard de la chambre commence dans le regard que le nouveau-nรฉ apprend ร  porter sur le monde. Dรจs quโ€™il commence ร  ouvrir les yeux, progressivement, au cours des premiรจres semaines, sโ€™รฉtablit en lui un premier apprentissage de la perception visuelle, prรฉalable ร  celui de lโ€™espace de sa chambre. Le flou se dissipe peu ร  peu car le cristallin de son ล“il apprend ร  accommoder peu ร  peu, sa vision se dรฉveloppe. Il regarde, fixe, distingue et dรฉcouvre ce qui est assez proche de lui. Peu ร  peu se structurent les processus de ยซfixation des traces mnรฉsiquesยป, ce qui devient sa mรฉmoire. Selon Piaget, les apprentissages se construisent ร  travers des actions-rรฉflexes qui vont, par rรฉpรฉtition, devenir des actions intentionnelles. Lโ€™enfant scrute avec ce qui semble un dรฉsir dโ€™interaction, avec vivacitรฉ, les visages qui se rapprochent de lui mais, quand elle se prรฉsente dans son champ visuel, il privilรฉgie immรฉdiatement sa mรจre. Celle quโ€™il connaรฎt dรฉjร  de lโ€™intรฉrieur, depuis son sรฉjour intra-utรฉrin, par la musique de sa voix, quโ€™il reconnaรฎt. A-t-il encore cette musique en lui? Il avait aussi une connaissance du contact avec sa mรจre, de lโ€™intรฉrieur de cet habitat premier dans lequel il baignait en symbiose, comme en apesanteur. Mais aujourdโ€™hui il expรฉrimente la prise de lโ€™extรฉrieur. Il va la toucher โ€œmain-tenantโ€, la saisir si fortement avec ses petits doigts, la palper, la regarder, en dรฉcouvrir lโ€™odeur, la sentir, la renifler. La sucer aussi avec voracitรฉ pour en dรฉcouvrir le goรปt, la savourer, la mordre et la tรฉter, pour enfin sโ€™en nourrir par lร  mรชme apprendre ร  la connaรฎtre du dehors. Maintenant il est dans ce monde-hors-dโ€™elle, quโ€™il ne pouvait prรฉvoir, mais oรน il est apparu. Regardons les yeux du nouveau-nรฉ, ils sont dโ€™une apparence parfaite, mais leurs diffรฉrents รฉlรฉments doivent encore รฉvoluer et leurs capacitรฉs visuelles encore se dรฉvelopper. Au cours de sa croissance intra-utรฉrine, lโ€™ล“il acquiert tous les รฉlรฉments nรฉcessaires au dรฉveloppement du systรจme visuel, suivant le programme gรฉnรฉtique de lโ€™individu. ร€ la naissance, la capacitรฉ rรฉceptrice de la zone pรฉriphรฉrique de la rรฉtine est plus dรฉveloppรฉe que celle de la fovรฉa, au centre. Au cours de lโ€™apprentissage de la vision cette rรฉgion devient la zone de plus grande acuitรฉ pour la discrimination des couleurs et des formes. Ce nโ€™est quโ€™aprรจs la naissance que lโ€™apprentissage de la vision se concrรฉtise. Cependant, dans la matrice de sa mรจre, lโ€™enfant distingue dรฉjร  les variations dโ€™intensitรฉ de la lumiรจre qui par moment peut illuminer son espace dโ€™ordinaire obscur. Quelques mois plus tard, il porte son regard sur sa mรจre, il la distingue, il lui sourit et lโ€™interroge du regard. Son systรจme visuel sโ€™est dรฉveloppรฉ progressivement en amplitude. Il apprend maintenant ร  porter son attention en avant, en haut, en bas, sur les cรดtรฉs, ร  connaรฎtre ce nouvel espace qui sโ€™ouvre ร  lui. Espace de sa chambre quโ€™il dรฉcouvre ensuite, au grรฉ de ses premiers dรฉplacements et quโ€™il comprend graduellement. Le long apprentissage du regard de la chambre de ses yeux et de son cerveau (intention, ouverture, interaction) sโ€™accomplira au cours de ses premiรจres annรฉes dans des jeux dโ€™aventure, dโ€™expรฉrience, dโ€™exploration et dโ€™expรฉrimentation qui ouvrent progressivement lโ€™accรจs ร  la connaissance. Mais revenons au dรฉbut. Sa mรจre a portรฉ lโ€™enfant en sa matrice oรน il a commencรฉ ร  sentir et ร  percevoir le monde extรฉrieur ร  travers elle. Puis, il a รฉtรฉ รฉjectรฉ dans un flux de sang et de liquides placentaires, au cours dโ€™une scรจne inaugurale รฉprouvante et vraisemblablement dramatique, sinon traumatique. Cette scรจne il la garde enfouie en lui, inconsciente, car bien que vรฉcue, il nโ€™a pas les moyens de comprendre ce qui a eu lieu. Immรฉdiatement lโ€™air sโ€™est engouffrรฉ dans ses poumons, aussitรดt quโ€™il a pu, il a criรฉ en apparaissant dans le ยซregard de la chambreยป sans rien voir, sinon percevoir plus de lumiรจre. Voilร  quโ€™il ouvre les yeux et quโ€™il regarde sa mรจre quelques jours plus tard. Il dรฉcouvre cet รชtre avec lequel il entretient sans le savoir une relation affective ininterrompue et nourriciรจre, vitale depuis le dรฉbut de sa genรจse. Une relation de plaisir sโ€™instaure maintenant dans lโ€™allaitement. Les regards รฉchangรฉs sont porteurs des รฉmotions premiรจres qui marquent lโ€™enfant et tout son รชtre pour toujours, autant que ses parents. Ces billes humides, brillantes, cristallines, mobiles et expressives, dont lโ€™iris est si dรฉlicatement colorรฉ et dรฉcorรฉ de dessins complexes, rรฉvรจlent dรฉjร  une gamme de sentiments pleins dโ€™รฉmotions. Ces รฉchanges de regards sont des moments de fascination pour les parents, comme pour lโ€™enfant qui suit et scrute dรฉjร  les yeux de ses gรฉniteurs et semble y chercher des sentiments et en jouir dรฉjร . Progressivement il dรฉcouvre les formes et les couleurs de lโ€™espace autour de lui, les lumiรจres, les ombres, les objets et les images auxquelles il sโ€™habitue et qui vont lโ€™habiter.

Lโ€™expรฉrience fortuite du phรฉnomรจne de la camera obscura

ย  ย Lโ€™habitation de lโ€™homme est le lieu de son ยซรชtre-lร ยป. Nous avons vu ร  quel point la chambre de lโ€™enfant est importante dans sa naissance au monde et dans sa connaissance du monde. Sa chambre est le lieu de la construction de son regard, de lโ€™รฉveil de sa sensibilitรฉ et de son attention, de son esprit et de sa conscience. Cโ€™est aussi le lieu de son apprentissage de lโ€™espace et de la sociabilitรฉ. Le lieu de cette expรฉrience va installer une relation รฉtroite et indรฉfectible entre lโ€™habitant et les limites de son habitation. Inconsciemment, lโ€™adolescent, puis lโ€™adulte habille et meuble son habitat pour le rendre compatible avec lโ€™image de son โ€œmoiโ€. Cโ€™est lร  que son habitus sโ€™รฉpanouit, quโ€™il accumule ses biens, ses objets, les habits dont il se pare pour รชtre et paraรฎtre et dans lesquels il laisse sa trace et ses odeurs. Cโ€™est lร  quโ€™il satisfait ses besoins les plus essentiels, quโ€™il mange, quโ€™il a une activitรฉ sexuelle, dort et rรชve. Comme dans les recoins dโ€™un ยซรฉdifice de mรฉmoireยป oรน les anciens dรฉposaient les morceaux de poรจmes ou de discours dont ils voulaient se souvenir, il range lร  le fruit de sa quรชte quotidienne. Ce quโ€™on lui a offert, ce quโ€™il a trouvรฉ et ce quโ€™il a acquis. Ce quโ€™il va รฉventuellement partager avec sa famille, ce qui fait partie de lui maintenant et dont il ne veut ni ne peut se sรฉparer. Dans Paris capitale du XIXe siรจcle, Walter Benjamin รฉcrit: Lโ€™intรฉrieur est non seulement lโ€™univers, mais aussi lโ€™รฉtui de lโ€™homme privรฉ. Habiter signifie laisser des traces. Dans lโ€™intรฉrieur lโ€™accent est mis sur elles. On imagine en masse des housses et des taies, des gaines et des รฉtuis, oรน les objets dโ€™usage quotidien impriment leur trace. Elles aussi, les traces de son habitant sโ€™impriment sur son intรฉrieur. Dans son habitat lโ€™homme est protรฉgรฉ. Au sein de son monde il se sent en sรฉcuritรฉ, rien de mauvais ne peut lui arriver, sauf lโ€™incursion des bruits du voisinage ou de la rue. Il peut regarder le paysage extรฉrieur ร  sa fenรชtre en toute tranquillitรฉ. Que va-t-il penser si un jour il dรฉcouvre que le phรฉnomรจne de la camera obscura a pris possession de son intรฉrieur? Quand ce sujet est รฉvoquรฉ au cours de conversations, il nโ€™est pas rare de voir des souvenirs remonter ร  la conscience. Certains enfants couchรฉs pour la sieste en รฉtรฉ, cherchant le sommeil, ou le refusant, ont pu observer lโ€™image renversรฉe qui se projette, sโ€™รฉtire et se plie dans lโ€™angle du plafond et des murs de leur chambre. Ils voient les arbres situรฉs ร  lโ€™extรฉrieur agitent leurs branches et leurs feuilles dans le vent; les parents, en bas, sur la terrasse, dans leur intimitรฉ et les oiseaux qui traversent le ciel. Dโ€™autres ont vu la maison dโ€™en face, les vรฉhicules se dรฉplacer et les passants dรฉfiler sur le mur du fond de la grange dans laquelle ils ont รฉtรฉ enfermรฉs en punition, ou dans laquelle ils se sont cachรฉs avec leurs camarades de jeux. Certains peuvent en tรฉmoigner aussitรดt sans รชtre pris au sรฉrieux par les adultes, ou des annรฉes plus tard lors dโ€™un รฉchange dโ€™expรฉrience avec un autre, partageant une grande sympathie, une certaine jouissance ou un sentiment dโ€™effroi. La plupart ne pourront pas en tรฉmoigner du toutย car cette expรฉrience leur aura รฉtรฉ โ€œinvisibleโ€, ou vรฉcue dans un contexte traumatique et aura รฉtรฉ refoulรฉe. Comme nous lโ€™avons dit, la manifestation du phรฉnomรจne de la camera obscura nโ€™apparaรฎt clairement que si le soleil brille dehors et contraste avec lโ€™obscuritรฉ qui domine ร  lโ€™intรฉrieur. Lโ€™apparition que nous envisageons ici est naturelle et avant tout fortuite, inopinรฉe et peut surgir en nโ€™importe quel lieu propice au cours de lโ€™enfance ou dans la vie de lโ€™adulte, sans quโ€™il en soit informรฉ, ร  partir du moment oรน son regard est assez exercรฉ et attentif pour le distinguer. Les entretiens informels que nous avons pu mener au sujet de lโ€™apparition fortuite du phรฉnomรจne de la camera obscura nous permettent dโ€™estimer que, parmi les personnes interrogรฉes, la frรฉquence de la perception consciente de cette apparition est trรจs variable. Une grande majoritรฉ nโ€™en a jamais vu, certains en ont vu une fois et quelques uns lโ€™ont vu plusieurs fois. Il est รฉvidemment possible que, davantage que lโ€™adulte, lโ€™enfant soit plus curieux et mieux disposรฉ dans son attitude naturelle de dรฉcouverte du monde pour percevoir ce phรฉnomรจne. Cet enfant qui apprend ร  domestiquer ses peurs de lโ€™obscuritรฉ oรน naissent ses rรชves et ses cauchemars se trouve plus frรฉquemment dans โ€œsaโ€ chambre obscure au repos, en plein jour. Son regard est attentif, en phase dโ€™apprentissage, ร  la dรฉcouverte du monde visuel. Dans cette obscuritรฉ, se mรชlent les images de lโ€™endormissement, avec celles contemplรฉes au rรฉveil et celles rรชvรฉes dans le sommeil. Elles sont associรฉes avec des images mentales, des reprรฉsentations qui leur correspondent, ou qui surgissent de lโ€™imaginaire. Visions entre rรชve et rรฉalitรฉ qui participent aux jeux, aux dรฉcouvertes, aux peurs ou aux angoisses de la nuit. La clinicienne Lyliane Nemet-Pier nous introduit au cล“ur de lโ€™univers nocturne de lโ€™enfant: La peur de la nuit, la peur du noir, la peur de sโ€™endormir, la peur de faire des cauchemars, la peur de ne pas se rรฉveiller, autant de peurs qui peuvent nous habiter enfant et nous poursuivre toute notre vie. Des peurs que lโ€™Homme connaรฎt depuis des millรฉnaires et avec lesquelles il se bat et se dรฉbat, parfois sans relรขche. La nuit, lieu de crainte ou dโ€™effroi. [โ€ฆ] La peur du noir apparaรฎt chez le petit enfant, autour de sa deuxiรจme annรฉe jusquโ€™ร  environ six ans, la pรฉriode ล“dipienne, quand il subodore que ses parents ont une relation tendre dont il est exclu. [โ€ฆ] Il projette sur lโ€™รฉcran noir de la nuit, ses monstres intรฉrieurs (la flambรฉe des pulsions, la lutte intense menรฉe entre ses dรฉsirs et les interdits) et sรฉcrรจte des monstres qui vont le chรขtier. Un vรฉritable univers persรฉcutoire effrayant surgit en raison des orages pulsionnels quโ€™il est loin de dominer. Mais si les images de la camera obscura peuvent voisiner dans lโ€™imaginaire avec ces images mentales nocturnes en ce quโ€™elles apparaissent toutes dans lโ€™obscuritรฉ, les premiรจres ne peuvent avoir lieu la nuit oรน seuls se manifestent rรชves ou hallucinations. Si toutes deux sont des images, objets de notre attention et de notre rรฉflexion, elles ne sont pas de la mรชme essence. ร€ lโ€™origine, les premiรจres sont optiques et deviennent mentales, les secondes sont et demeurent mentales. Pourtant, malgrรฉ ces diffรฉrences, images de la camera obscura et images de la nuit provoquent toutes deux dans notre ressenti une sensation dโ€™โ€œinquiรฉtante รฉtrangetรฉโ€. Sโ€™il y est sensible, lโ€™individu qui perรงoit le phรฉnomรจne de la camera obscura peut se poser la question du pourquoi de sa prรฉsence et du comment de son apparition. Le dรฉchiffrage de cette apparition, sa lecture et sa comprรฉhension, sa vision peuvent rester inexpliquรฉs, incomprรฉhensibles, cโ€™est-ร -dire invisibles, ou refoulรฉs. Quand elle est vue et comprise, lโ€™apparition du phรฉnomรจne de la camera obscura participe ร  lโ€™apprentissage de lโ€™obscuritรฉ. Cette image sera confrontรฉe ou associรฉe aux questions qui peuplent dรฉjร  les zones dโ€™ombre รฉnigmatiques qui sont la source potentielle dโ€™expรฉriences traumatiques. Cette confrontation participera ร  la construction du psychisme de lโ€™enfant. Tous les individus ne sont pas exposรฉs au phรฉnomรจne de la camera obscura ou, parmi ceux qui y sont exposรฉs, beaucoup ne le perรงoivent pas. Comme nous lโ€™avons dit, le phรฉnomรจne se manifeste naturellement dans certaines conditions bien dรฉfinies qui relรจvent dโ€™abord de lโ€™optique gรฉomรฉtrique. Il suffit que les conditions nรฉcessaires soient rรฉunies pour que le phรฉnomรจne apparaisse. Cโ€™est une expรฉrience impressionnante que de se trouver confrontรฉ pour la premiรจre fois, de maniรจre fortuite, avec lโ€™apparition de ce phรฉnomรจne dans un lieu obscur oรน lโ€™on peut se trouver par hasard, ou mรชme contre son grรฉ. Gรฉnรฉralement cette vision laisse un souvenir marquant chez lโ€™enfant, lโ€™adolescent ou lโ€™adulte qui sโ€™y trouve confrontรฉ soudainement. Souvenir รฉmerveillรฉ dโ€™une apparition soudaine, semblable ร  un rรชve, ร  une illusion, mais parfois teintรฉ de peurs, ou dโ€™une angoisse plus lourde. Lโ€™apparition fortuite du phรฉnomรจne de la camera obscura peut-elle rรฉellement provoquer chez lโ€™observateur ce sentiment dโ€™ยซinquiรฉtante รฉtrangetรฉยป dont parle la psychanalyse? Ce concept dโ€™โ€œUnheimlichโ€ a dโ€™abord รฉtรฉ identifiรฉ par Ernst Jentsch dans son article intitulรฉ ร€ propos de la psychologie de lโ€™ โ€œinquiรฉtante รฉtrangetรฉโ€1 dans lequel il nous dit: Il est [โ€ฆ] comprรฉhensible quโ€™ร  lโ€™association psychique ยซancien-connu-familierยป corresponde un corrรฉlat ยซnouveau-รฉtranger-hostileยป. Dans ce dernier cas, lโ€™apparition de sensations dโ€™insรฉcuritรฉ est toute naturelle et le manque dโ€™orientation peut facilement se teinter de la nuance dโ€™inquiรฉtante รฉtrangetรฉ. Lโ€™irruption soudaine dans lโ€™environnement familier de cette image qui enveloppe et renverse le dehors dans le dedans provoque une perte de repรจres, comme un malaise, qui ressemble โ€œรฉtrangementโ€ ร  ces sensations dโ€™ยซinquiรฉtante รฉtrangetรฉยป. Considรฉrant lโ€™รฉtude de Jentsch ยซsubstantielle mais non exhaustiveยป, Sigmund Freud reprend ce concept ร  son compte dans son essai intitulรฉ Lโ€™inquiรฉtante รฉtrangetรฉ, en allemand Unheimlich, publiรฉ pour la premiรจre fois en 1919. La traduction du terme Unheimlich en franรงais pose problรจme, de plus cโ€™est un terme trรจs riche en Allemand. Freud se livre dโ€™abord ร  une รฉtude lexicographique extensive. Unheimlich est lโ€™antonyme de Heimlisch qui qualifie ce ยซqui fait partie de la maison, familier, non รฉtranger, apprivoisรฉ, cher, intime et engageant.ยป Paradoxalement ยซce qui a un caractรจre de nouveautรฉ peut facilement devenir effrayant et รฉtrangement inquiรฉtantยป. Ainsi il nous invite ร  ยซaller au-delร  de lโ€™รฉquation โ€œรฉtrangement inquiรฉtantโ€ รฉgale โ€œnon-familierโ€ยป. Il nous dit aussi que la traduction dans dโ€™autres langues de cet โ€œeffrayantโ€ fait dรฉfaut. Marie Bonaparte, qui a publiรฉ cet essai en Franรงais la premiรจre en 1933, a traduit Unheimlich par ยซinquiรฉtante รฉtrangetรฉยป. Dans lโ€™introduction de son รฉdition en 1985, Jean-Bernard Pontalis dรฉfinit lโ€™inquiรฉtante รฉtrangetรฉ comme ยซce qui nโ€™appartient pas ร  la maison et qui pourtant y demeureยป. Ainsi caractรฉrisรฉe, la manifestation psychique de ce corrรฉlat de lโ€™inquiรฉtante รฉtrangetรฉ chez lโ€™individu dรฉfinit parfaitement lโ€™apparition ร  lโ€™observateur du phรฉnomรจne de la camera obscura. En effet, lโ€™intรฉrieur de la maison est habitรฉ en permanence par le dehors qui sโ€™y projette dรฉjร  et toujours, en puissance, mรชme sโ€™il nโ€™y est pas toujours apparent, et lorsque nous le dรฉcouvrons, cette intrusion nous โ€œinquiรจte รฉtrangementโ€. Voulant apporter une rรฉfรฉrence antรฉrieure et une dรฉfinition quโ€™il veut encore plus pertinente que celle de Jentsch, Freud cite Friedrich Wilhelm Joseph von Schelling: ยซSerait unheimlich tout ce qui devait rester un secret, dans lโ€™ombre, et qui en est sorti.ยป Nous nous sentons ici comme invitรฉs par Freud et Schelling ร  identifier plus prรฉcisรฉment encore ce qui dans lโ€™habitation surgit fortuitement lorsque le phรฉnomรจne de la camera obscura apparaรฎt, rรฉvรฉlant ces aspects ignorรฉs du lieu, comme lโ€™inconscient refoulรฉ de son habitant. Comme lโ€™inconscient qui nous habite, les lieux que nous habitons recรจlent des aspects dont nous nโ€™avons pas conscience. Nous aimons rapprocher la dรฉfinition de Pontalis ยซce qui nโ€™appartient pas ร  la maison et qui pourtant y demeureยป et celle de Schelling ยซce qui devait rester un secret, dans lโ€™ombre, et qui en est sortiยป. Le second รฉnoncรฉ peut dโ€™ailleurs รชtre la consรฉquence du premier. Ce qui est รฉtranger ร  notre habitation et qui y figure malgrรฉ nous, surgit parfois de lโ€™ombre alors que nous aurions aimรฉ quโ€™il y reste cachรฉ. Car cโ€™est bien cela qui a lieu dans une camera obscura: lโ€™extรฉrieur vient se renverser ร  lโ€™intรฉrieur pour sโ€™y rรฉvรฉler et exposer la nature de ce qui y demeure, dans sa beautรฉ et sa vรฉritรฉ. La rencontre de lโ€™intimitรฉ de lโ€™hรดte avec lโ€™รฉtrange qui y pรฉnรจtre ร  la renverse, quand elle est rendue manifeste par lโ€™observation du phรฉnomรจne de la camera obscura et de la photo quโ€™il est possible dโ€™en faire, peut apparaรฎtre aux yeux de cet hรดte comme une figuration, ou une mรฉtaphore renversante, de son refoulement. Ce qui correspond assez bien ร  ce que nous avons pu observer nous-mรชme, chaque fois que nous avons produit et photographiรฉ le phรฉnomรจne dโ€™une camera obscura chez un habitant qui assistait aux opรฉrations: il รฉtait lui-mรชme renversรฉ dans une attitude de fascination ou, ร  lโ€™opposรฉ, de rejet, de fuite.

Lโ€™invisibilitรฉ du phรฉnomรจne de la camera obscura

ย  ย  Le phรฉnomรจne de la camera obscura ressemble ร  La lettre volรฉe dโ€™Edgar Poe, elle paraรฎt รชtre sans valeur. Elle est placรฉe bien en รฉvidence devant les yeux de tous les enquรชteurs et personne ne la voit. Le phรฉnomรจne de la camera obscura est mรชme pire: nous lโ€™avons dans lโ€™ล“il, mais nous ne le voyons pas, nous le travestissons en ce que nous voyons. Paradoxalement, la phรฉnomรฉnologie, qui se revendique comme lโ€™instauration du logos sur les phรฉnomรจnes, science ou discours du phรฉnomรจne et ses pratiques dรฉrivรฉes dโ€™รฉlicitation ou dโ€™explicitation, nโ€™a jamais rรฉellement regardรฉ ni โ€œvuโ€, ni tentรฉ dโ€™analyser, ni mรชme envisagรฉ de considรฉrer ce โ€œphรฉnomรจne de la camera obscuraโ€ qui est ร  lโ€™origine de la vision, de la perception et de la conscience. Le phรฉnomรฉnologue est un spรฉcialiste du logos, il est focalisรฉ sur la lecture et lโ€™รฉcriture du texte de lโ€™expรฉrience. Il est trop rarement interpellรฉ par le discours des images, par la nature picturale de ses images mentales, les figures spatiales ou visuelles de sa rรฉflexion, ou les aspects iconiques, symboliques ou mythologiques de lโ€™รฉlaboration de sa pensรฉe. Pourtant lโ€™รฉpochรจ, cette posture fondatrice de lโ€™expรฉrience phรฉnomรฉnologique contemporaine, caractรฉrisรฉe par la suspension du jugement, ce geste par lequel lโ€™attention se dรฉcale pour prendre de la distance et questionner en permanence le sensdu phรฉnomรจne, pourrait รชtre considรฉrรฉ comme un prรฉ-requis, une exigence pour โ€œvoirโ€ le phรฉnomรจne de la camera obscura et lโ€™interroger. Nous insisterons sur cet argument pour dire que lโ€™observation pertinente du phรฉnomรจne de la camera obscura requiert une application pleine et particuliรจre de lโ€™รฉpochรจ de la phรฉnomรฉnologie que Husserl dรฉsigne comme ยซrรฉduction phรฉnomรฉnologique transcendantaleยป et quโ€™il dรฉfinit ainsi: On peut dire aussi que lโ€™แผฯ€ฮฟฯ‡ฮฎ [รฉpochรจ] est la mรฉthode universelle et radicale parย laquelle je me saisis comme moi pur, avec la vie de conscience pure qui mโ€™est propre, vie dans et par laquelle le monde objectif tout entier existe pour moi, tel justement qu’il existe pour moi. Mais, dans lโ€™Antiquitรฉ, lโ€™รฉpochรจ est un concept philosophique forgรฉ par les sceptiques grecs. Le philosophe sceptique ne donne son assentiment qu’ร  des reprรฉsentations comprรฉhensives, quโ€™ร  des certitudes. Dโ€™aprรจs Cicรฉron, Arcรฉsilas de Pitane, qui fut lโ€™une des figures les plus illustres du scepticisme, nie que l’on puisse donner son assentiment ร  une reprรฉsentation. Il affirme mรชme quโ€™il n’y a pas de reprรฉsentation comprรฉhensive et que le sage sera donc celui qui refuse dโ€™affirmer quoi que ce soit. On ne peut distinguer entre les reprรฉsentations vraies et les autres, car des objets sans existence font aussi sur nous des impressions claires et distinctes. Il est possible qu’Arcรฉsilas pensait ici aux rรชves, aux erreurs des sens, ร  la folie.Mais dire cela, c’est dire qu’il est impossible de s’appuyer sur les donnรฉes des sens pour s’รฉlever par le raisonnement ร  une connaissance vraie des causes et des principes des choses. La raison ne nous fait donc rien connaรฎtre, puisqu’il n’y a pas de critรจre de la vรฉritรฉ. Aussi Arcรฉsilas recommande la suspension du jugement: l’รฉpochรจ: Arcรฉsilas affirmait qu’on ne pouvait rien savoir, pas mรชme ce que Socrate s’รฉtait finalement accordรฉ. Il pensait donc que tout se cache dans l’obscuritรฉ, que rien ne peut รชtre perรงu ni compris; que, pour ces raisons, on ne doit jamais rien assurer, rien affirmer, rien approuver; qu’il faut toujours brider sa tรฉmรฉritรฉ et la prรฉserver de tout dรฉbordement, alors qu’on l’exalte en approuvant des choses fausses ou inconnues; or rien n’est plus honteux que de voir l’assentiment et l’approbation se prรฉcipiter pour devancer la connaissance et la perception. Il agissait selon cette mรฉthode, si bien qu’en rรฉfutant les avis de tous il amenait la plupart de ses interlocuteurs ร  abandonner leur propre avis: quand on dรฉcouvrait que les arguments opposรฉs de part et d’autre sur un mรชme sujet avaient le mรชme poids, il รฉtait plus facile de suspendre son assentiment d’un cรดtรฉ comme de l’autreย  Quand il dit ยซque tout se cache dans l’obscuritรฉ, que rien ne peut รชtre perรงu ni comprisยป, Arcรฉsilas nous parle-il dโ€™une camera obscura incomprรฉhensible et inexplicable?. En fait, il nous dit que sโ€™il avait vu le phรฉnomรจne, il ne lโ€™aurait surtout pas cru. Cette suspension du jugement recommandรฉe par lโ€™รฉpochรจ vise donc pour le philosophe sceptique ร  รฉviter toute erreur de jugement, tant lโ€™incertitude est grande quant ร  la comprรฉhension des phรฉnomรจnes dans lโ€™Antiquitรฉ Grecque, surtout considรฉrant ceux qui ont lieu dans lโ€™obscuritรฉ oรน toutes choses se cachent. Lโ€™รฉtymologie du mot Grec ยซรฉpochรจยป prรฉsente un autre aspect intรฉressant. Son premier sens correspond bien ร  cette suspension du jugement recommandรฉe par les sceptiques grecs que nous venons dโ€™รฉvoquer. Mais ce terme dรฉsigne aussi lโ€™arrรชt, la suspension, la disparition de la lumiรจre pendant une รฉclipse. Nous verrons plus loin que lโ€™รฉclipse est le phรฉnomรจne qui le premier semble avoir amenรฉ lโ€™รฉcole dโ€™Aristote ร  se poser avec rigueur et pertinence le problรจme des images renversรฉes projetรฉes par un orifice dans une semi-obscuritรฉ. Lโ€™observation du phรฉnomรจne de lโ€™รฉclipse est certainement lโ€™expรฉrience la plus importante par laquelle le concept de camera obscura a fini par prendre corps au fil des siรจcles. Nous soulignerons cette double cรฉcitรฉ de la phรฉnomรฉnologie au regard de la camera obscura. Dโ€™une part, le phรฉnomรฉnologue ne sโ€™intรฉresse pas au phรฉnomรจne de la camera obscura en tant que tel, dans sa nature optique. Dโ€™autre part, il ne voit pas que lโ€™รฉpochรจ quโ€™il cherche ร  instaurer comme pratique investie de sagesse puise son origine-mรชme et son sens premier dans une des activitรฉs de recherche scientifique les plus anciennes, qui exploite le phรฉnomรจne de la camera obscura. Mais ce que nous devons relever ensuite cโ€™est que la suspension vertueuse du jugement du sceptique soit rapprochรฉe de la suspension de la lumiรจre, comme une รฉclipse du soleil ou de la lune. Une maniรจre pour le sage de se dรฉprendre de la thรฉorie platonicienne issue de lโ€™allรฉgorie de la caverne, qui veut que ce nโ€™est quโ€™en pleine lumiรจre que la vรฉritรฉ puisse apparaรฎtre

Lโ€™obscuritรฉ de la chambre

ย  ย Lโ€™obscuritรฉ et l’espace ont partie liรฉe. L’obscuritรฉ prรฉ-existe dรฉjร  dans lโ€™espace infini du Chaos et par extension elle existe en puissance dans lโ€™espace probablement limitรฉ de la Chรดra, telle une caractรฉristique originelle. ร€ l’article ยซChaosยป, le dictionnaire รฉtymologique de Bailly tรฉmoigne de ยซlโ€™espace immense et tรฉnรฉbreux qui existait avant l’origine des chosesยป. En Grรจce Ancienne, lโ€™obscuritรฉ relรจve de deux divinitรฉs primordiales, la Nuit noire Nyx [ฮฯฮพ] et les Tรฉnรจbres son frรจre ร‰rรจbe [ฮˆฯฮตฯฮฟฯ‚], l’obscuritรฉ qui rรจgne dans les enfers. Comme lโ€™espace de Gaรฏa, lโ€™obscuritรฉ de la Nuit et des Tรฉnรจbres รฉmergent de Chaos oรน ils existent en puissance. Chez Hรฉsiode, Nyx, la Nuit noire, รฉmerge du Chaos en mรชme temps que son frรจre ร‰rรจbe, peu aprรจs la Terre Gaรฏa comme nous l’avons vu et peu aprรจs lโ€™Amour premier, l’ร‰ros, qui fait se manifester et sโ€™unir les forces gรฉnitrices. Forces gรฉnitrices de Nyx qui va s’unir ร  son frรจre pour enfanter l’ร‰ther, la partie la plus brillante de la haute atmosphรจre, ainsi qu’Hรฉmรฉra, le Jour et sa lumiรจre, puis Epiphron, la Prudence, et Eleos, la pitiรฉ et la compassion. Nous retiendrons que chez Hรฉsiode, la lumiรจre, celle de l’รฉther comme celle du jour, est enfantรฉe par cette ยซunion de bonne ententeยป3 [Philotรจs, ฮฆฮนฮปฯŒฯ„ฮทฯ‚] de l’obscuritรฉ de la nuit, grosse de celle des enfers. Nous avons lร  en puissance une impressionnante source d’inquiรฉtante รฉtrangetรฉ, car Nyx enfantera d’elle mรชme comme Gaรฏa sans partenaire, ou par Philotรจs, avec dโ€™autres partenaires, une bien plus inquiรฉtante progรฉniture. Parmi tous les enfants que les diverses traditions attribuent ร  la Nuit, sont ces deux figures infernales de Charon le Nocher et du fleuve Styx, qui sรฉparait le monde terrestre des Enfers. Charon le batelier en charge des รขmes qui doivent traverser le Styx. Nyx est aussi la mรจre des Kรจres, ces divinitรฉs infernales qui s’abreuvent du sang des mourants et s’emparent des agonisants pour conduire leur รขme aux Enfers. Nyx est aussi la mรจre des terribles divinitรฉs que le mortel doit affronter au moment de sa mort: Moรฏra la Destinรฉe, des Moires tisseuses du destin des hommes et des dieux, de Nรฉmรฉsis la Vengeance et la Justice Divine et des ร‰rinyes persรฉcutrices, d’aprรจs Eschyle. Elle est aussi reconnue comme la mรจre des divinitรฉs qui rรจgnent sur ces รฉtats oรน l’homme ne s’appartient plus, Thanatos, la Mort redoutรฉe, et Hypnos, le Sommeil qui lui ressemble tellement, mais dont nous รฉmergeons vivant et reposรฉ chaque matin. La Nuit est aussi mรจre des Oneiroi, cette tribu des milliers de rรชves qui peuplent le domaine d’Hypnos et le cรฉlรจbre Morphรฉe qui endort les mortels. Doit-on associer ร  cette famille des divinitรฉs spรฉcialistes du ยซlรขcher-priseยป, cet autre enfant de Nyx qu’est Philotรจs, l’ยซamour de bonne ententeยป? Cette allรฉgorie de l’acte sexuel que nous avons dรฉjร  citรฉe ร  propos de sa relation avec son frรจre ร‰rรจbe. Nyx est mรจre enfin de ces terribles calamitรฉs que la vie nous oppose: Gรฉras la Vieillesse, de Momos le Sarcasme, d’Apatรฉ la Tromperie, de Dolos la Ruse, de Moros le Sort, d’Oizรจs la Misรจre, d’ร‰ris la Discorde et de Lyssa la Colรจre. La Nuit et son obscuritรฉ occupent dans l’imaginaire de la tradition Grecque une place importante, lourde de la plupart des redoutables inquiรฉtudes familiรจres qui envoรปtent et soumettent lโ€™homme, jusquโ€™aux plaisirs de lโ€™ร‰ros primordial. ร€ la lecture des textes nous retrouvons un รฉcho qui รฉveille encore des rรฉsonances ร  notre esprit, aujourd’hui. Clรฉmence Ramnoux relรจve dans les textes les รฉpithรจtes qui sont associรฉes ร  la Nuit pour chanter la litanie de conjuration de la divinitรฉ redoutable et pour dรฉcrire la nuit de tous les soirs. Elle est la Divine (ฮฌยตฮฒฯฯŒฯƒฮนฮฑ), la Redoutable (ฯŒฮปฮฟฮฎ), La Noire, la Tรฉnรฉbreuse (ฮดฮฝฮฟฯ†ฮตฯฮฌ, ยตฮญฮปฮฑฮนฮฝฮฑ, แฝฒฯฮตฮฒฮตฮฝฮฝฮฎ), la Dompteuse (ฮดยตฮฎฯ„ฮตฮนฯฮฑ), la Rapide (ฮธฯŒฮท). On lui donne aussi parfois le nom euphรฉmique de la Bienveillante (ฮ•แฝฯ†ฯฯŒฮฝยต). La nuit de tous les soirs est dite ยซambrosienneยป, quand elle apporte, par exemple, un songe heureux et ยซredoutableยป, quand elle enveloppe, par exemple, le champ de bataille oรน agonisent les morts. Elle est quelquefois obscure et quelquefois dรฉcouvre la course des astres errants. On la dit encore sacrรฉe (ฮฏฮตฯฮฌ). La mรชme qualitรฉ de ยซdompteuseยป se dit de la Nuit, du Sommeil et de l’Amour. Cette envoรปteuse se rรฉvรจle dans l’รฉpiphanie de la nuit รฉrotique. Certes les signifiรฉs que recouvrent tous les enfants et ces รฉpithรจtes de la Nuit nโ€™ont plus la mรชme valeur dans nos sociรฉtรฉs. Mais l’obscuritรฉ de la Voรปte cรฉleste, comme celle de la chambre, est encore aujourd’hui divine, redoutable, noire, tรฉnรฉbreuse, dompteuse, rapide, bienveillante, ambrosienne, envoรปteuse, รฉrotique et bien plus encore. Ce qui ne ressort pas assez ici c’est que lโ€™obscuritรฉ prรฉside aussi aux apparitions, mais nous verrons cela plus loin. Nous pourrions conclure ร  ce stade que l’obscuritรฉ d’ร‰rรจbe semble quelque peu occultรฉe par celle de la Nuit dans l’imaginaire.

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Table des matiรจres

Introduction
1) Lโ€™expรฉrience du phรฉnomรจne de la camera obscuraย 
1.1) Lโ€™expรฉrience fortuite du phรฉnomรจne de la camera obscuraย 
1.2) L’expรฉrience volntaire du phรฉnomรจne de la camera obscuraย 
1.3) Lโ€™invisibilitรฉ du phรฉnomรจne de la camera obscuraย 
2) Lโ€™exploration du phรฉnomรจne de la camera obscuraย 
2.1) Lโ€™espace de la chambreย 
2.2) Lโ€™obscuritรฉ de la chambreย 
2.3) Le stรฉnopรฉย 
3) La genรจse de la camera obscura
3.1) ร‰mergence de lโ€™expression camera obscuraย 
3.2) Les dรฉfinitions du mot grec kamaraย 
3.3) La surabondance fonctionnelle de la voรปteย 
3.4) La voรปte magiqueย 
3.5) La voรปte techniqueย 
3.6) La voรปte biologiqueย 
4) Le mode dโ€™existence de la camera obscuraย 
4.1) la camera obscura gรฉologiqueย 
4.2) la camera obscura vivanteย 
4.3) la camera obscura vรฉgรฉtaleย 
4.4) la camera obscura animaleย 
4.5) la camera obscura techniqueย 
4.6) la camera obscura esthรฉtiqueย 
5) La camera obscura de lโ€™artisteย 
5.1) Les vedute vรฉnitiennesย 
5.2) Les vedute de Scardanelliย 
5.3) Les vedute contemporainesย 
Conclusion
Bibliographie

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