Télécharger le fichier pdf d’un mémoire de fin d’études
Propriétés élémentaires des matériaux paramagnétiques
Dans cette section nous discutons des propriétés élémentaires des matériaux paramagnétiques. Cette étude nous permettra d’abord de comprendre le comportement de au premier ordre de ces matériaux et posera les fondements théoriques pour la sélection de réfrigérants magnétiques performants. Nous commençons par présenter le phénomène principal de la réfrigération par désaimantation adiabatique, l’effet magnétocalorique. Ensuite, nous exposons un modèle théorique pour le calcul des diagrammes d’entropie des paramagnétiques parfaits. Celui-ci permet de mettre en évidence un ensemble de propriétés microscopiques importantes pour l’effet magnétocalorique. Finalement, nous analysons l’effet de la présence d’interactions dans un paramagnétique réel. Nous précisons que seule l’entropie magnétique est considérée dans cette étude, sauf mention contraire (dans la gamme de température ciblée, l’entropie du réseau est négligeable pour la majorité des matériaux considérés).
Le paramagnétique parfait
Nous définissons un composé paramagnétique parfait comme étant celui constitué d’un ensemble d’atomes ou d’ions possédant des moments magnétiques permanents (J > 0) sans interaction. Ces ions magnétiques sont ainsi appelés des « ions libres ».
Entropie maximum
Considérons un ensemble d’ions libres ayant un moment magnétique électronique μ.
Soumis à un champ magnétique négligeable par rapport à kT, ce système se trouve dans un état désordonné de 2J + 1 orientations possibles et équiprobables par rapport à la direction du champ magnétique. Ce système est appelé dégénéré avec multiplicité 2J + 1.
Selon la statistique de Boltzmann, ces directions sont équiprobables car elles ont le même niveau énergétique
Moment angulaire et facteur de Landé
Les règles de Hund permettent de déterminer les propriétés magnétiques J et g (de l’état fondamental) d’un ion libre d’un matériau non métallique (Ashcroft and Mermin, 1976). Les sous-couches complètement remplies ne contribuent pas au comportement paramagnétique car le triplet J, L et S est nul. Seules les sous-couches partiellement remplies y contribuent.
Les valeurs de J et g des ions trivalents de la famille 4f (les terres-rares) sont affichées sur la figure 2.2. On remarque qu’il n’est pas possible de maximiser à la fois J et g. En partant de l’ion avec le plus grand facteur de Landé, le Gd3+ (g = 2), g baisse progressivement lorsque J augmente. Ainsi, les ions qui permettent de maximiser les variations d’entropie se localisent sur la partie supérieure de la figure 2.2, à savoir, le Gd3+, le Tb3+, le Dy3+ et l’Ho3+. Le calcul de l’effet magnétocalorique de ces ions selon le modèle des ions libres est affiché sur la figure 2.3. On remarque qu’un grand J favorise plus les variations d’entropie importantes qu’avoir un g élevé car, pour un champ magnétique donné, la relation S1/R > S2/R est toujours remplie si J1 > J2.
Interactions
Dans un paramagnétique réel, les ions magnétiques sont soumis à des interactions de nature électromagnétique, les principales étant les interactions dipolaire, d’échange et le champ cristallin.
Un ordre magnétique à longue distance et spontané peut avoir lieu lorsqu’un matériau paramagnétique est refroidi au-dessous de sa température critique d’ordre magnétique TC, appelée température de Curie pour un ordre ferromagnétique et température de Néel pour un ordre antiferromagnétique. Du point de vue énergétique, cela se produit lorsque l’énergie thermique kT devient comparable aux interactions.
Les interactions s’intensifient en fonction du rapprochement des ions magnétiques et de l’intensité de leur moment magnétique μ. Pour illustrer ceci, nous explicitons l’expression de l’énergie associée aux interactions dipolaires (Pobell, 2007)
Entropie à champ nul
L’entropie à champ nul d’un paramagnétique réel décroît avec la température. Cela est une conséquence directe de la présence des interactions et de l’ordre magnétique des ions (à courte et/ou à longue distance). Cet effet peut être observé sur la figure 2.4.
Les zones de température où l’entropie à champ nul varie fortement sont défavorables pour un cycle ADR car l’effet magnétocalorique décroit rapidement. L’expression 2.13 montre le lien entre les variations d’entropie et la chaleur spécifique. Ces zones peuvent ainsi être facilement identifiées par la position des anomalies de chaleur spécifique à champ nul. La figure 2.5 montre la chaleur spécifique et ces anomalies pour les mêmes matériaux dont l’entropie à champ nul a été présentée sur la figure 2.4.
Souvent, les pics de chaleur spécifique correspondent à une anomalie du type ou Schottky. L’anomalie est très prononcée et sa forme rappelle la lettre qui la désigne.
Elle indique une transition de phase de second ordre. L’anomalie du type Schottky est caractérisée par une bosse de plus faible intensité mais qui se déroule dans une gamme de température beaucoup plus large que les anomalies (Mnyukh, 2011). D’autres types d’anomalies peuvent aussi être présentes, telles que les anomalies de Jahn-Teller par exemple (Cooke, Swithenby, and Wells, 1972). Ces anomalies sont présentes sur la figure 2.5. Par exemple, le DGG a une anomalie centrée sur 0.373 K, le GGG une anomalie du type Schottky centrée sur 0.8 K environ et le TmVD, une anomalie de Jahn-Teller centrée sur 2.1 K.
Moment angulaire effectif et facteur de Landé
Une autre source d’interaction limite l’effet magnétocalorique : le champ cristallin, lequel consiste en un potentiel électrique créé par la disposition d’ions positifs et négatifs dans un réseau cristallin. La présence du champ cristallin a un effet important sur le moment angulaire effectif et le facteur de Landé des composés.
L’effet du champ cristallin sur l’énergie de l’état fondamental est représenté sur la figure 2.7. L’état fondamental est éclaté par la levée de dégénérescence due au champ cristallin. Chaque nouveau niveau d’énergie En est caractérisé par un moment angulaire total effectif Jeff,n < J ainsi que par un facteur geff,n. Pour simplifier le texte, nous adoptons la notation Jeff,0 = Jeff et geff, 0 = g pour l’état fondamental de l’ion sous action du champ cristallin.
Les états éclatés présentent des degrés de dégénérescence 2 (doublet, Jeff,n =1/2) ou supérieur dans le cas des ions de Kramers, c’est à dire des ions avec J demi-entier (Morrish, 2001). L’action du champ cristallin sur des ions non-Kramers (J entier : Pr3+, Pm3+, Eu3+, Tb3+, Ho3+, Tm3+) peut cependant générer des singulets (Jeff,n = 0) ou des doublets selon l’environnement cristallin. Les ions de terre-rare auront un Jeff qui est fonction de la levée de dégénérescence de l’état fondamental et de la température. Dans les températures de l’hélium liquide, en général seul le niveau de plus basse énergie E0 est significativement peuplé pour des champs magnétiques appliqués modérés, de l’ordre de 4 T.
Les ions dont le moment angulaire total a une composante orbitale nulle (L = 0) sont peu affectés par l’environnement cristallin (Barclay and Steyert, 1982). Parmi les ions Re3+, le gadolinium est le seul à avoir J 6= 0 et L = 0, raison pour laquelle il présente le Jeff mesuré le plus élevé parmi les matériaux à base de ces ions déjà caractérisés pour T < 5 K à notre connaissance. Ce fort Jeff à basse température est l’une des raisons de l’intense utilisation de cet ion (Barclay and Steyert, 1982).
Les ions fortement affectés par le champ cristallin ont des facteurs g anisotropes. Par exemple, le Dy2Ti2O7 monocristallin a g? 0 et gk = 20 (facteurs g perpendiculaire et parallèle à l’axe facile d’aimantation, Flood, 1974). Dans ce document, nous considérons uniquement le facteur g moyen dans le volume des composés.
Pour conclure, nous remarquons que le couple (J, g) d’un ion fortement affecté par le champ cristallin ne peut pas être prévu par les règles de Hund (section 2.1.2.3). Le tableau 2.1 montre le cas d’un ion faiblement affecté par le champ cristallin, le Gd3+, ainsi que celui de deux autres ions fortement afféctés, le Dy3+ et le Er3+. Ces derniers présentent un fort facteur g avec un faible Jeff = 1/2 (au lieu de 15/2 pour un ion isolé).
|
Table des matières
Introduction générale
1 Introduction
1.1 Contexte
1.2 Fonctionnement des ADRs
1.2.1 Cycle thermodynamique : le cycle de Carnot magnétique
1.2.2 Couplage de plusieurs étages
1.3 Les composants des réfrigérateurs ADR
1.3.1 Matériaux paramagnétiques et leur capsules
1.3.2 Interrupteurs thermiques
1.3.3 Système magnétique
1.4 Revue de systèmes existants
1.5 Axes de travail
2 Choisir les matériaux paramagnétiques
2.1 Propriétés élémentaires des matériaux paramagnétiques
2.1.1 Effet magnétocalorique
2.1.2 Le paramagnétique parfait
2.1.2.1 Entropie maximum
2.1.2.2 Modèle des ions libres
2.1.2.3 Moment angulaire et facteur de Landé
2.1.3 Interactions
2.1.3.1 Entropie à champ nul
2.1.3.2 Moment angulaire effectif et facteur de Landé
2.2 Sélection préliminaire des matériaux
2.2.1 Revue de la littérature
2.2.2 Entropie disponible
2.2.2.1 Demandes antagonistes
2.2.3 Température caractéristique
2.2.3.1 Concentration volumique d’ions magnétiques
2.2.4 Cartographie (Smax, Tcarac)
2.2.5 Cartographie (Smax ·g, Tcarac)
2.2.6 Matériaux potentiels
2.3 Sélection fine des matériaux
2.3.1 Modèle des ions libres avec champ interne
2.3.1.1 Champ interne à partir des courbes d’entropie à champ nul
2.3.1.2 Comparaison avec des diagrammes d’entropie sous champ
2.3.2 Matériaux minimisant la masse de l’ADR
2.4 Matériaux potentiels
3 Synthèse et caractérisation des matériaux paramagnétiques
3.1 Synthèse des matériaux sélectionnés
3.1.1 Procédure expérimentale
3.1.1.1 Préparation du barreau d’apport
3.1.1.2 Conditions de croissance
3.2 Caractérisation du composé paramagnétique
3.2.1 Rayons-X
3.2.1.1 Sur poudres
3.2.1.2 Sur monocristaux
3.2.2 Propriétés magnétocaloriques
3.2.3 Aimantation
3.2.3.1 Principe de la mesure
3.2.3.2 Résultats expérimentaux
3.2.4 Chaleur spécifique sous champ
3.2.4.1 Principe de la mesure
3.2.4.2 Résultats expérimentaux
3.2.4.3 Récapitulatif : des caractérisations initiales encourageantes
3.3 Caractérisation d’une capsule complète
3.3.1 Objectifs
3.3.2 Dispositif expérimental
3.3.2.1 Conception de la capsule
3.3.2.2 Banc de mesure
3.3.3 Pertes parasites
3.3.3.1 Principe
3.3.3.2 Résultats
3.3.4 Conductance thermique
3.3.4.1 Principe
3.3.4.2 Résultats
3.3.5 Chaleur spécifique
3.3.5.1 Principe
3.3.5.2 Résultats
3.3.6 Énergie disponible à température constante
3.3.6.1 Principe
3.3.6.2 Résultats
3.3.7 Désaimantation adiabatique
3.3.7.1 Principe
3.3.7.2 Résultats
3.4 Conclusions
4 Étude des effets transitoires parasites dans les interrupteurs à gaz
4.1 Fonctionnement d’un interrupteur à gaz d’échange
4.1.1 Conductance ON et OFF
4.1.2 Transition ON-OFF
4.2 Les phénomènes de transition
4.2.1 Temps de coupure
4.2.2 Connexions thermiques intermittentes
4.2.2.1 Conductance hydraulique
4.2.2.2 Solution proposée : ajout d’orifices de pompage
4.3 Vérification expérimentale
4.3.1 Configurations
4.3.2 Mise en oeuvre expérimentale
4.3.3 Remplissage des interrupteurs
4.4 Expériences en présence de liquide
4.4.1 Mise en évidence de la présence de liquide
4.4.1.1 Preuve de la présence de liquide
4.4.1.2 Effet de la température maximum de la mini-pompe
4.4.2 Effet de la conductance hydraulique
4.4.2.1 Effet des orifices de pompage
4.4.2.2 Impact du diamètre du tube de pompage
4.5 Oscillations et courts-circuits thermiques
4.5.1 Paramètres
4.5.2 Procédure expérimentale
4.5.3 Cas typique d’observation des oscillations
4.6 Étude expérimentale des oscillations thermiques
4.6.1 Température des extrémités en phase ON
4.6.2 Vitesse de montée en température
4.6.3 Température de l’intercept du tube de pompage
4.6.4 Température maximum de la mini-pompe
4.6.5 Conclusions
4.7 Expériences en conditions isothermes
4.7.1 Procédure expérimentale
4.7.2 Résultats expérimentaux
4.7.2.1 Vitesse de montée en température
4.7.2.2 Énergie due aux pertes parasites
4.8 Conclusions
5 Étude et dimensionnement du prototype 4 K – 50 mK
5.1 Paramètres clés de chaque élément du système
5.1.1 Principes du dimensionnement d’un étage
5.1.2 Composés paramagnétiques
5.1.3 Interrupteurs thermiques
5.1.4 Systèmes magnétiques
5.1.4.1 Contraintes d’écrantage
5.1.4.2 Modélisation magnétique
5.1.4.3 Densité de courant maximum
5.2 Étude du système complet
5.2.1 Configuration
5.2.2 Cycle de base
5.2.2.1 Cycle à simple recyclage
5.2.2.2 Cycle à double recyclage
5.2.3 Cycle initial
5.2.3.1 Démarrage à chaud direct
5.2.3.2 Démarrage à chaud direct avec pré-refroidissement
5.2.3.3 Démarrage à chaud avec pré-refroidissement
5.2.4 Choix
5.3 Pré-dimensionnement
5.3.1 Calcul d’un étage
5.3.1.1 Calcul de base d’un étage
5.3.1.2 Calcul de l’énergie froide
5.3.1.3 Calcul d’un étage optimisé
5.3.1.4 Application numérique
5.3.1.5 Estimation de l’erreur
5.3.2 Calcul d’une ADR multi-étagée
5.3.3 Optimisation du nombre d’étages
5.3.4 Influence des composés
5.4 Dimensionnement du prototype
5.4.1 Configuration
5.4.2 Recyclage
5.4.3 Détails et choix de conception mécanique
5.4.4 Pertes thermiques
5.4.4.1 Suspentes
5.4.4.2 Tubes de pompage des mini-pompes
5.4.4.3 Bilan des pertes
5.4.5 Composés et capsules paramagnétiques
5.4.5.1 Capsule de GGG
5.4.5.2 Capsules de CPA
5.5 Conclusions
Conclusions et perspectives
Annexe
Table des figures
Liste des tableaux
Bibliographie
Résumé
Abstract
Télécharger le rapport complet