La contraception est un motif fréquent de consultation en gynécologie, avec des besoins non satisfaits attestés par un taux annuel d’interruption volontaire de grossesses estimé à 22000 cas/an (Giroud et Mathé, 2000). Elle constitue un moyen simple d’espacer les naissances pour la bonne santé de la mère et de l’enfant, réduisant ainsi la mortalité maternelle (MM). Au Sénégal, celle-ci est élevée avec un faible taux de prévalence contraceptive, qui selon l’EDS 2005 est de 10,3 % (OMS, 1969). La contraception orale est largement répandue. En l’absence d’une méthode parfaite, trois considérations sont particulièrement importantes vis-à-vis de la contraception orale : son efficacité, sa sureté d’emploi, sa tolérance (Ellsworth et Leversee, 1990). D’abord apparue par l’administration orale de progestatifs seuls, la «pilule » est réellement née en 1956 grâce à Gregory Pincus, sous la forme d’une association œstroprogestative. Les contraceptifs oraux (CO) sont répartis en trois classes : les œstroprogestatifs, les progestatifs minidosés en traitement continue et les progestatifs macrodosés en traitement discontinu (Cueff, 1992). La toxicité des contraceptifs oraux est réelle. Sur le plan général, l’impact des contraceptifs oraux se traduira par des perturbations métaboliques : lipoprotéines, facteurs de la coagulation, métabolisme glucidique, avec des répercussions préoccupantes sur le plan clinique (Cueff, 1992). Sur le plan cardiaque, on note une hypertension artérielle et des accidents cardiovasculaires artériels et veineux qui constituent la principale complication de la contraception orale (Serfaty et coll., 1986). La voie orale implique la participation du foie avec des conséquences inévitables, malgré l’évolution des contraceptifs.
L’impact hépatique se traduit par un risque accru de cholestase intrahépatique, notamment chez les femmes prédisposées. Le foie étant un tissu cible pour les œstrogènes, leur rôle semble être prépondérant ainsi qu’une longue période d’utilisation de la contraception orale (Cueff, 1992). La toxicité hépatique des contraceptifs oraux se manifestera par des tumeurs bénignes ou malignes, dont la fréquence est faible. On notera la rareté des cas de toxicité ou de tumeur par rapport au grand nombre d’utilisatrices mais aussi la gravité des conséquences liées à la toxicité hépatique des contraceptifs oraux. Les contraceptifs oraux exercent aussi un effet sur l’appareil reproducteur féminin. Ils ont un éventuel effet promoteur du cancer du col utérin (Gompel et Kuttenn, 1983).
CONCEPTION
Synonyme de fécondation, la conception est l’union d’un gamète male et femelle d’une même espèce, aboutissant à un zygote (Flammarion, 6ème Ed, 1998).
Appareil reproducteur féminin
L’appareil reproducteur féminin est constitué des organes génitaux qui comprennent :
– les gonades femelles ou ovaires,
– les voies génitales, formées des oviductes ou trompes de Fallope, de l’utérus et du vagin qui s’ouvre à l’extérieur par la vulve.
Les ovaires
Organes pairs, en forme d’amande, longs de 2,5 cm à 4 cm, les ovaires sont constitués de deux régions faites de tissu conjonctif et de vaisseaux, la zone corticale et la zone médullaire. Chaque ovaire est maintenu par des ligaments: le ligament utéro-ovarien, le ligament suspenseur de l’ovaire et le mésovarium. Les ovaires produisent les ovocytes et les hormones féminines. A la naissance, les ovaires renferment des millions de follicules ovariens primaires qui, vont se développer à la puberté, sous l’action des hormones sexuelles, et libérer chacun un ovocyte mature une fois par cycle menstruel. L’activité ovarienne est stimulée et réglée par deux hormones d’origine hypophysaires que sont la FSH (hormone folliculo-stimulante) et l’hormone lutéinisante (LH) (Serfaty et coll. ,1986). Une perturbation de la qualité et de la quantité des hormones sexuelles perturberait la libération de ces ovocytes (Guissou, 2009).
Les voies génitales
Les voies génitales sont constituées de l’oviducte ou trompe de Fallope, de l’utérus, du vagin et de la vulve. L’oviducte ou la trompe de Fallope est un conduit long de 10 à 14 cm. Son extrémité libre, large, est le pavillon dont le bord frangé est situé au voisinage de l’ovaire permettant le recueil de l’ovocyte au moment de l’ovulation. Au niveau du tiers externe du pavillon se situe l’ampoule encore appelée région élargie de la trompe où va s’effectuer la fécondation. La face interne de l’ampoule et le reste du conduit sont plissés et tapissés de cellules ciliées qui ont pour rôle de faire progresser l’ovocyte recueilli jusqu’à l’utérus (Valla et Benhamou, 1988). L’utérus est un organe creux, long de 6 à 8 cm. Dans sa partie supérieure renflée, il reçoit les deux oviductes. Sa paroi très épaisse, comprend une tunique musculaire lisse appelée myomètre et une muqueuse richement vascularisée appelée endomètre. Son orifice est plus ou moins obstrué par une substance visqueuse sécrétée par la muqueuse du col, la glaire cervicale qui a des caractéristiques spéciales et maximales au moment de l’ovulation c’est- à- dire, abondante, filante, transparente ce qui la rend favorable à la migration des spermatozoïdes. L’endomètre s’épaissit, sous l’influence des hormones sexuelles, en vue d’une éventuelle nidation d’un ovocyte fécondé. En l’absence de fécondation, l’endomètre se décolle, environ deux semaines après l’ovulation, provoquant des saignements appelés menstruations. L’utérus se termine vers le bas par un col plus étroit qui fait sailli dans le vagin (Allain, 1999). Le vagin est un conduit à paroi souple long de 7 à 10 cm tapissé d’une muqueuse fine, plissée, dépourvue de glandes. Sa partie profonde est renflée par un cul-de-sac annulaire qui entoure le col de l’utérus. L’orifice vaginal est partiellement fermé par l’hymen. C’est l’organe de la copulation qui a pour rôle de recevoir les spermatozoïdes au cours d’une relation sexuelle, ainsi que le dégagement de la descente du fœtus au moment de l’accouchement. Le vagin se termine par la vulve (Robert et Vincent, 1997 ; Alvangara et coll., 2001). ).
La vulve est l’ensemble des parties extérieures de l’appareil génital féminin constitué des grandes et petites lèvres, du clitoris et organes érectiles, du vestibule qui contient le méat urétral, l’orifice externe du vagin et les glandes vulvaires. Elle a une forme ovoïde présentant une fente médiane appelée fente vulvaire qui le divise en deux replis cutanés latéraux appelés grandes lèvres qui se divisent à leur tour, en deux nouveaux replis appelés petites lèvres. Le vestibule vulvaire est un espace ovalaire qui apparait entre les deux petites lèvres et se divisent schématiquement en deux parties. La partie antérieure nommée vestibule de l’urètre dans lequel on distingue la papille de l’urètre avec son sommet, le méat urétral, qui fait partie de l’appareil urinaire. La partie postérieure nommée vestibule du vagin dans lequel on distingue l’orifice inférieur du vagin, normalement obturé par l’hymen. Dans le sillon qui sépare l’orifice vaginal des petites lèvres, s’ouvrent les orifices des canaux des glandes de Bartholin, qui sécrètent un liquide contribuant à la lubrification du vestibule vulvaire lors des rapports sexuels (Abbara, 2007).
Cycle menstruel et hormones de la reproduction
Le cycle menstruel
Le cycle menstruel dure en moyenne 28 jours. Il débute le premier jour des règles et s’achève au premier jour des règles suivantes. Il comprend les règles, la phase folliculaire et la phase lutéale (Banlieu, 1977). Le phénomène des règles obéit à la sécrétion cyclique d’œstrogènes, puis progestérone, dont l’objectif est de développer la muqueuse utérine pour la préparation d’une éventuelle nidation de l’œuf. Si la fécondation n’a pas lieu, le taux de progestérone chute et la muqueuse de l’endomètre se desquame, déclenchant les règles. Entre le 3ème et le 5ème jour, celles-ci prennent fin (Allain, 1999). La phase folliculaire dure environ 14 jours et débute le premier jour des règles pour s’achever après l’ovulation. Au 14ème jour, sous la pression de sécrétions maximales de LH et de FSH, le follicule ovarien libère l’ovocyte : c’est l’ovulation. Le follicule vide, devient le corps jaune, qui sécrète des quantités croissantes de progestérone et décroissantes d’œstrogènes, en vue d’une éventuelle gestation. L’ovocyte pondu, se dirige vers le tiers externe de la trompe, où il dispose de 8 à 24 heures avant d’être fécondé (Guissou, 2009). La phase lutéale, débute en milieu de cycle, vers le 14ème jour, au moment de l’ovulation. Le follicule, mature, dégénère et se transforme en corps jaune. Celui-ci est constitué de cellules jaunes qui sécrètent la progestérone. Si l’ovocyte n’est pas fécondé, vers le 26ème ou le 28ème jour, les taux d’œstrogènes et de progestérone baissent, et les règles surviennent par desquamation de la muqueuse endométriale (Bettahar, 2006). L’hypothalamus réagit au bas niveau d’hormones en envoyant un message à l’hypophyse, lequel libère la FSH pour stimuler les ovaires et déclencher ainsi le processus de maturation d’un autre ovocyte. Les ovaires, à leur tour, libèrent beaucoup d’œstrogènes et peu de progestérone, une nouvelle muqueuse endométriale peut alors commencer son élaboration. Si l’ovule est fécondé, 4 jours après la fécondation, une série de mitoses va donner la morula qui est une masse pluricellulaire, puis le blastocyste, avec son trophoblaste et son bouton embryonnaire. A la fin de la première semaine, le blastocyste s’implante en règle générale dans la paroi postérieure de l’utérus et à la deuxième semaine, l’embryon est complètement implanté dans l’endomètre. Le corps jaune sécrète de la progestérone et des œstrogènes, essentiels à ces phénomènes jusqu’à ce que le placenta puisse le faire (Campal, 2002). Le cycle menstruel peut être perturbé par les contraceptifs. Cette modification est à la base de leur utilisation pour empêcher la conception. L’évolution de l’endomètre au cours du cycle menstruel, ainsi que les variations des concentrations des principales hormones, de leurs effets sur la muqueuse utérine et les ovaires pendant le cycle menstruel et la grossesse .
Hormones de la reproduction
Elles sont réparties en deux groupes : les hormones sexuelles et les hormones hypophysaires.
Hormones sexuelles
Elles agissent au niveau de plusieurs sites ou organes. Ainsi, elles stimulent le système nerveux central provoquant la sécrétion de FSH et de LH à l’origine des différentes actions qu’elles exercent.
Les œstrogènes
Les œstrogènes physiologiques sont des substances stéroïdes ayant un noyau commun de 18 atomes de carbone polycyclique, appelé noyau cyclopentoperhydro phénanthrène. Ils possèdent un noyau aromatique, un hydroxyle phénolique, une fonction oxygène alcoolique ou cétonique. Il existe deux types d’œstrogènes : l’œstrogène physiologique de référence, qui est l’estradiol 17β ou E2 et l’œstrone ou E1 qui se distingue de l’œstradiol par la présence d’une cétone en 17. Cette modification de structure conduit à une perte de 50 à 70 % de l’activité biologique (Banlieu, 1977).
La biosynthèse des œstrogènes s’effectue surtout dans les ovaires. Les œstrogènes, comme tous les stéroïdes, dérivent du cholestérol et de la prégnénolone, qui sont transformés en androsténedione et testostérone, précurseurs directs des œstrogènes. La principale réaction enzymatique est la transformation de la testostérone et de l’androsténedione en œstradiol et œstrone, sous l’influence d’une aromatase, constituée d’un cytochrome oxydase (Cyto P- 450) et d’un cytochrome réductase utilisant le NADPH. Durant la grossesse, de grande quantité d’œstrogènes sont synthétisés par le placenta et excrétées dans l’urine (Banlieu, 1977).
L’œstradiol circule lié à 97 % aux protéines avec 60 % liés faiblement à l’albumine et 37 % liés fortement à la Sex Steroid Binding Globulin (SBPG). Cette dernière, qui lie aussi la testostérone est produite par le foie sous l’influence des œstrogènes et androgènes mais surtout sous l’influence de l’insuline. Une fraction de l’œstradiol circule aussi librement et constitue la partie physiologique ; la fraction liée pourrait avoir pour fonction de constituer un réservoir circulant immédiatement mobilisable. Physiologiquement, la demivie de l’œstradiol est de 90 minutes ; son catabolisme est avant tout hépatique et l’excrétion des métabolites inactifs se fait principalement par voie urinaire (Serfaty, 1986 ; Serfaty, 2000).
Leur mode d’action est tout à fait différent : ils pénètrent dans le cytoplasme et se lient à une protéine – récepteur spécifique en un complexe non covalent. De là, ils passent dans le noyau où se forme, sous l’influence du complexe cytoplasmique en question, un néorécepteur, qui se lie lui-même à l’œstrogène, ce qui semble avoir pour effet de déprimer l’ARN m (Prentice, 1991). Les tissus cibles des œstrogènes sont le tractus génital, les glandes mammaires, le système nerveux, les tissus hépatiques, osseux et adipeux (Banlieue, 1977). Au niveau du tractus génital, l’action de l’œstradiol provoque une hypérémie et un œdème utérin. En effet, les œstrogènes hyperplasient le myomètre et stimulent sa motricité et sa contractilité (Barillon, 1983). Au niveau de l’endomètre, ils stimulent son épaississement. La muqueuse vaginale s’épaissit sous l’action des œstrogènes, qui agissent, en stimulant la sécrétion de la glaire cervicale filante et abondante, favorable à la migration des spermatozoïdes dans les trompes de Fallope (Basdevant, 1979). Au niveau des glandes mammaires, les œstrogènes bloquent localement l’action lactogène de la prolactine et distribuent la graisse sous-cutanée. Elles pigmentent l’aréole et font croitre le mamelon mais aussi provoquent la synthèse de leurs propres récepteurs à l’œstradiol et de la progestérone. Au niveau du système nerveux, les œstrogènes stimulent la sécrétion de LH et de FSH qui agissent au niveau du cycle menstruel. La décharge ovulatoire de LH dépend d’un pic préovulatoire d’œstradiol augmentant la sensibilité de l’hypophyse à la stimulation par la LH-RH : c’est l’effet de rétrocontrôle positif qui est rarement utilisé. De fortes doses d’œstrogènes, en début de cycle, diminuent la sensibilité hypophysaire à la LH-RH et bloquent la décharge ovulatoire de LH : c’est le rétrocontrôle négatif, à la base de l’utilisation des œstrogènes en contraception. Pour être obtenu, il requiert des doses suffisantes de stéroïdes. Exemple : le blocage de l’ovulation est obtenu dans 100 % des cas avec 100 µg d’éthinylestradiol (Beck, 1973).
Au niveau du tissu osseux, les œstrogènes, réduisent la résorption du calcium dont une consommation insuffisante accélère la destruction osseuse. D’où leur utilisation dans le traitement hormonal substitutif (THS) chez la femme ménopausée (Serfaty et coll., 1986 ; Guissou, 2009).
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE
I. CONCEPTION
I. 1 Appareil reproducteur féminin
I.1.1 Les ovaires
I.1.2 Les voies génitales
I .2 Cycle menstruel et hormones de la reproduction
I .2.1 Le cycle menstruel
I.2.2 Hormones de la reproduction
I.2.2.1 Hormones sexuelles
I.2.2.1.1 Les œstrogènes
I. 2. 2. 1. 2 Progestérone
I.2.2.2 Hormones hypophysaires
II. Contraception
II. 1 Définitions
II. 2 Méthodes contraceptives
II. 2. 1 Les méthodes de planification familiale naturelle (PFN)
II. 2. 2 Méthodes médicamenteuses
II.2.2.1 Contraceptifs oraux œstroprogestatifs
II. 2. 2. 2 Contraceptifs oraux progestatifs
II. 2.2.3 Contraceptifs injectables
II.2.2.3.1 Contraceptifs injectables progestatifs
II.2.2.3.2 Contraceptifs injectables combinés
II. 2.2.4 Implants
II. 2.2.5 Dispositif Intra-Utérin ou DIU
II. 3 Efficacité des méthodes contraceptives
II.3.1 Contraceptifs oraux œstroprogestatifs
II.3.2 Contraceptifs oraux progestatifs
II.3.3 Contraceptifs injectables
II.3.4 Implants
II.3.5 DIU
DEUXIEME PARTIE
III. TOXICITE DES CONTRACEPTIFS ORAUX
III.1 Perturbations métaboliques
III.1.1 Impact sur le métabolisme lipidique
III.1.1.1 Effets des œstrogènes
III.1.1.2 Effets des progestatifs
III.1.1.3 Effets sur les paramètres lipidiques de l’association œstroprogestative
III.1.2 Métabolisme glucidique et contraception orale
III.1.3 Impact sur la coagulation
III.2 Relation entre contraceptifs oraux et cancer du col utérin, de l’endomètre et du sein
III.2.1 Cancer du sein
III.2.2 Contraception et cancer de l’endomètre
III.2.3 Contraception et cancer du col utérin
III.3 Effets généraux des contraceptifs oraux
III.4 Toxicité cardiaque des contraceptifs oraux
III.4.1 HTA et contraceptifs oraux
III.4.2 Accidents Vasculaires Cérébraux (AVC) et contraceptifs oraux
III.4.3 Accidents cardiovasculaires et contraception orale
III.4.3.1 Risque veineux
III.4.3.2 Risque artériel
III.5 Toxicité hépatique des contraceptifs oraux
III.5.1 Conséquences du passage des contraceptifs oraux au niveau du foie
III.5.2 Cholestase intrahépatique
III.5.3 Œstrogènes et lithiases
III.5.4 Tumeurs hépatiques dues aux contraceptifs oraux
III.5.4.1 Tumeurs bénignes du foie
III.5.4.2 Tumeurs malignes du foie
III.6 Contraception des insuffisantes rénales
III.6.1 Insuffisance rénale chronique (IRC) et la contraception
III.6.1.1 Les progestatifs microdosés en continu ou micropilules
III.6.1.2 La contraception progestative à dose normale discontinue
III.6.2 La femme dialysée et la contraception
III.6.2.1 Les œstroprogestatifs mini ou normodosés
III.6.2.2 Les micropilules progestatives
III.6.3 Femme greffée rénale et la contraception
VI. Contre-indications
V. INTERACTIONS MEDICAMENTEUSES
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE