Problématique du phosphore
Les sols du Burkina sont dans leur majorité (39%) des sols ferrugineux tropicaux (BUNASOLS, 1985). Ces sols manifestent une carence générale en phosphore. En effet, 20 à 80% de cet élément dans ces sols peut être sous forme de phosphore organique, ce qui le rend moins disponible à la plante. Ensuite, ces sols sont susceptibles à une mauvaise structuration dès lors qu’ils sont mis en culture (BERGER et al., 1987 ; CALLIMAN, 1990 ; HARTMAN, 1991). D’un point de vue pédogénétique, les sols du Burkina se sont développés, pour la plupart sur un matériau parental pauvre en éléments nutritifs majeurs (P, K) et ont une faible teneur en matière organique. En effet, les études ont révélé que les teneurs en matière organique de ces sols ont décru jusqu’en dessous d’un seuil critique, estimé à 1% (BUNASOLS, 1985; SEDOGO, 1993, BATIONO et al., 1998). Par ailleurs ils sont souvent peu profonds et très sensibles à l’érosion hydrique du fait de leur forte instabilité structurale (GUILLOBEZ et al., 1993). Il faut ajouter que dans les conditions de température élevée et d’alternance humectation-dessiccation, caractéristique du climat tropical, la minéralisation de la matière organique est rapide (NACRa, 1997 ; ANDREN et al., 2007). Il en découle un appauvrissement du sol, et par la suite une fixation du phosphore apporté par les engrais. En effet, lorsqu’on apporte des engrais phosphatés solubles, une faible partie du phosphore demeure comme ion phosphaté soluble dans la solution du sol; les ions phosphatés sont rapidement adsorbés par les particules du sol et sont précipités sous forme de phosphate calcique, de fer et d’aluminium, ou convertis sous forme organique (BARBER, 1977 ; PIERI, 1989 ; FIRDAUS, 2001). En plus, ces sols sont aussi bien fournis en hydroxydes de fer et d’aluminium qui ont un pouvoir fixateur du phosphore, supérieur à celui des argiles. Ce processus est si prononcé que l’alimentation phosphatée des cultures devient difficile (SOLTNER, 1994). La faible disponibilité du phosphore dans ces sols limite alors l’efficacité des engrais minéraux azoté et potassique (M.A, 1999).
Rôle et fonction du phosphore
Le phosphore joue plusieurs rôles dans la nature. Il assure le développement et la croissance de la plante. Il est l’un des nutriments indispensable à la production agricole. Les composés phosphatés sont indispensables pour l’accumulation et la libération de l’énergie nécessaire au métabolisme cellulaire, à la formation de la graine, au développement du système racinaire et à la maturation de la culture (SOLTNER, 1994). Ce qui contribue à améliorer la qualité et la quantité de la production agricole. Aussi, une bonne nutrition phosphatée des cultures réduit-elle le risque d’attaque des ravageurs et des maladies. En effet, en absence de phosphore, les autres éléments nutritifs ont des effets limités sur la croissance et le développement de la plante. Ainsi, en cas de déficience prononcée en phosphore, les légumineuses deviennent incapables de fixer l’azote atmosphérique car cette fixation par les bactéries symbiotiques exige du phosphore. En plus de ce rôle lié au végétal, le phosphore permet l’accroissement de la biomasse et de l’activité des micro-organismes. Le phosphore est un élément naturellement présent dans l’environnement, les organismes vivants, l’eau et dans le sol. Dans la nature il est généralement présent sous forme organique et minérale (SOLTNER, 1994). Selon la nature du sol (acide ou basique), les ions phosphatés dans la solution du sol peuvent être sous forme H2P04- (condition acide) ou sous forme de HPO/- (condition basique) (BUSMAN et al., 2002). Le phosphore est absorbé par la plante pendant la phase de croissance végétative et sera stocké pendant la reproduction, par la suite dans les graines (MARSCHNER, 1995) .
Cycle et forme du phosphore dans le sol
Dans la nature, le phosphore existe sous différentes formes et la connaissance de son évolution pourrait aider à prévoir sa disponibilité pour les plantes. En effet, dans la solution du sol, les deux principales formes d’ions phosphatés sont le H2P04- (milieu acide) et le HPO/- (milieu alcalin) (BUSMAN et al, 2002). Les ions subissent des transformations comme l’absorption, la précipitation, et la réorganisation microbienne (DERMERS, 2008). Le cycle du phosphore (figure 1) comprend le processus de prélèvement du phosphore par la plante, les transformations des formes organiques du phosphore et les réactions chimiques de fixation et d’immobilisation du phosphore dans le sol. Ce qui permet d’avoir selon STEVENSON (1986) le classement suivant par catégories:
﹣formes solubles inorganiques et organiques présents dans la solution du sol;
﹣phosphates inorganiques faiblement retenus (labile) ;
﹣phosphate de fer (Fe) et d’aluminium (AI) insolubles (dans les sols acides) et phosphate de calcium (Ca) insolubles (dans les sols calcaires et alcalins) ;
﹣phosphates fortement retenus par les oxydes hydratés de Fer et d’AI;
﹣phosphates fixés par les minéraux silicates;
﹣formes organiques insolubles contenues dans la biomasse microbienne du sol, dans les résidus végétaux et animaux non décomposès et dans la matière organique du sol (humus). Le phosphore labile est une fraction d’importance en agriculture puisqu’elle est facilement disponible aux plantes et peut être facilement lessivée (HEDLEY et al, 1982 ; SHARPLEY et MOYER, 2000). Il représente le phosphore présent dans la solution du sol, le phosphore organique facilement minéralisable et les phosphates faiblement retenus sur les colloïdes argileux (DEMERS ; 2008). Cependant, la majeure partie du phosphore du sol (> 90%) est sous forme insoluble ou fixée (STEVENSON, 1986), ce phosphore non labile est peu disponible pour la plante. Il convient aussi de noter que le phosphore est concentré en grande partie dans les graines des cultures et est perdu du sol par les exportations. Le phosphore,contrairement à l’azote et au potassium, est difficilement entraîné par le lessivage. Les pertes sont essentiellement dues à l’érosion et au ruissellement.
Facteurs influençant la dynamique du phosphore dans le sol
Les amendements organiques
Les amendements organiques sont de nature diverse et ont une influence sur la disponibilité et les formes de phosphore dans le sol. En effet, cette diversité serait liée à la nature et à la qualité des substrats apportés, à leurs effets sur les caractéristiques du sol, mais aussi à leur aptitude à la biodégradabilité (LOMPO, 1997). La matière organique a plusieurs effets bénéfiques sur les sols agricoles. D’une part, elle augmente la rétention de l’eau dans le sol, et stimule l’activité microbienne du sol (DEMERS, 2008). La baisse de la teneur en matière organique du sol entraîne une mauvaise structuration du sol, limitant ainsi, la profondeur d’enracinement (SIBAND, 1974; SEDEGO et al., 1994 ; OUATTARA et al., 2008), et rendant le sol impropre aux cultures. Il en résulte une augmentation du ruissellement et de l’érosion sous toutes ses formes (VALENTIN, 1994). D’autre part, elle représente également une source d’éléments nutritifs. La valeur nutritive potentille à court terme en azote et en phosphore est cependant dépendante de la source des matériaux qui la constituent (GAGNON et SIMARD, 1999). La matière organique contribue à augmenter la disponibilité du phosphore pour les plantes. En effet les acides organiques issus de la décomposition de la matière organique entre en compétition avec le phosphore pour les sites de fixation (SWENSON et al., 1949). Par conséquent, l’attraction électrostatique du phosphore est alors réduite, ce qui favorise son maintien dans la solution du sol (LYAMUREMYE et DICK, 1996). Il convient de souligner que la matière organique représente une source de carbone d’une part, stimulant l’activité des micro-organismes. Cette activité libère les ligands rendus disponibles pour les réactions d’adsorption, de précipitation et de solubilisation du phosphore dans le sol (DEMERS, 2008). Par ailleurs, la matière organique représente une source de phosphore organique minéralisable (LYAMUREMYE et DICK, 1996). En somme, la matière organique par sa minéralisation et en solubilisant le phosphore insoluble, fournit du phosphore assimilable aux cultures, et protège ce phosphore assimilable contre les risques de fixation en le réorganisant momentanément sous forme de corps microbiens ou en le combinant à l’humus, sous forme d’humophosphate (SOLTNER, 1994).
Le travail du sol
Le travail du sol peut se définir comme la manipulation, généralement mécanique, des propriétés physiques du sol, considéré comme nécessaire pour une meilleure production agricole (HOOGMOED, 1999). Il a pour rôle de créer une fissuration en vue d’augmenter la porosité totale des horizons superficiels du sol (MANDO et al., 2000), qui pourrait augmenter l’accroissement de la profondeur racinaire. Les techniques de travail du sol sont nombreuses, on peut citer entre autre le grattage et le labour à plat. Le grattage est un travail du sol qui consiste à gratter la couche superficielle avec un outil à dents (VLAAR, 1992). Cette technique n’apporte pas de modifications profondes au profil cultural, mais lorsqu’il est assez profond, il améliore dès les premières pluies, certaines propriétés hydrodynamiques du sol tel que l’infiltration. Son action sur le développement racinaire se limite à la zone travaillée (OUATTARA, 1994) Le labour à plat, est une technique conventionnelle de travail du sol et d’économie d’eau à l’échelle de la parcelle (I\JICOU et al., 1990). Il consiste en un retournement du sol à l’aide d’une charrue. Il améliore l’état physique du sol en augmentant sa rugosité et sa porosité (ZOUGMORE, 1991 ; VLAAR, 1992). Les techniques de travail du sol influencent le mode de distribution du phosphore apporté dans le sol, par les engrais, la matière organique exogène et les résidus de cultures. En effet, dans l’horizon de surface les opérations culturales qui réalisent un retournement ou un malaxage du sol tendent à homogénéiser le phosphore dans le volume travaillé. Par contre celle qui n’engendre pas de mélange des couches travaillées, conduit à l’instauration d’un gradient de teneur décroissant avec la profondeur (SHARPLEY, 2003). La technique de travail du sol qui influence l’aération du sol, peut avoir des conséquences sur la dynamique du phosphore. En effet, l’anaérobiose peut induire, dans certains cas, à la formation de composés amorphes du fer, qui malgré l’état réduit de celui-ci, peut résulter de l’accroissement du pouvoir fixateur pour le phosphore (FROSSARD et al., 1995). A l’inverse, en condition aérobie, cas le plus fréquent pour les sols cultivés, la fixation de certains anions organiques peut se substituer en partie à celle des ions phosphoriques, conférant ainsi au phosphore du sol une plus grande disponibilité pour les organismes vivants, mais également une grande aptitude à passer en solution (FROSSARD et al., 1995).
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 : SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE
1.1. Problématique du phosphore
1.2. Rôle et fonction du phosphore
1.3. Cycle et forme du phosphore dans le sol
1.4. Méthode d’extraction du phosphore
1.5. Facteurs influençant la dynamique du phosphore dans le soL
1.5.1. Les amendements organiques
1.5.2. Le travail du sol.
Conclusion
CHAPITRE 2 : MILIEU D’ETUDE
2.1. La Situation géographique
2.2. Le climat.
2.2.1. Les précipitations
2.2.2. Les températures
2.2.3. La demande évaporative
2.2.4. Les vents
2.3. La végétation
2.4. Les sols
2.4.1. Les caractéristiques générales des sols
2.4.2. Les caractéristiques physico-chimiques des sols
CHAPITRE 3 : MATERIEL ET METHODE
3.1. Matériel d’étude
3.1.1. Le dispositif d’étude
3.1.2. Gestion des parcelles
3.2. Méthode d’étude
3.2.1. Mesure du pH
3.2.2. Dosage du carbone
3.2.3. Dosage du phosphore assimilable
3.2.4. Le fractionnement du phosphore
3.2.5. Evaluation du rendement du sorgho
3.2.6. Analyse des données
CHAPITRE 4 : RESULTATS ET DISCUSSIONS
4.1. Effet du travail du sol et des amendements organiques sur les propriétés chimiques du sol
4.1.1. Résultat
4.1.1.1. Effet sur le pH
4.1.1.2. Effet sur le carbone et la matière organique
4.1.1.3. Effet sur le phosphore assimilable
4.1.2. Discussion
4.1.3. Conclusion
4.2. Effets du travail du sol et des amendements organiques sur le rendement des cultures
4.2.1. Résultats
4.2.2. Discussion
4.2.3. Conclusion
4.3. Effets du travail du sol et des amendements organiques sur les fractions du phosphore
4.3.1. Résultats
4.3.1.1. P extrait à la résine
4.3.1.2. P extrait au bicarbonate
4.3.1.3. P extrait avec NaOH
4.3.1.4. P extrait avec le HCI.
4.3.2. Discussion
4.3.3. Conclusion
4.4. Effets des propriétés chimiques du sol sur les fractions du phosphore
4.4.1. Résultat
4.4.2. Discussion
4.4.3. Conclusion
4.5. Effet des formes de phosphore sur le rendement
4.5.1. Résultat
4.5.2. Discussion
4.5.3. Conclusion
CONCLUSION GENERALE
REFERENCE BIBLIOGRAPHIQUE
ANNEXES
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