Le mercure : présentation générale
Propriétés chimiques et cycle global
Le mercure tient son symbole chimique Hg de son nom latin «hydrargyrum». Il est utilisé depuis 2700 ans pour amalgamer l’or, l’argent ou d’autres métaux. Il est unique par le fait qu’il est dense, liquide à température ambiante avec une pression de vapeur relativement élevée pour un métal (Andersson 1979; Stein et al. 1996). Les principales mines assurant la production de Hg sont situées dans les ceintures mercurifères, à la périphérie de l’Océan Pacifique (Pérou et Mexique par exemple) et entre les zones méditerranéennes et himalayennes (Espagne, Italie, Slovenie, Algérie, Chine….) où il est principalement exploité à partir de sa forme minéralisée, le cinabre (HgS).
Les produits à base de mercure (thermostats, batteries, manomètres, commutateurs, lampes fluorescentes) ainsi que leurs applications (chlor-alkali, sidérurgie, secteurs médical et catalytique) font partie de la vie moderne et sont à l’origine de la production de nombreux déchets (UNEP 2002; Fitzerald et al. 2003). Aujourd’hui les émissions de Hg issues de la combustion des carburants fossiles (en particulier du charbon), de l’extraction et du traitement des minerais et métaux, de l’incinération des déchets et de l’orpaillage artisanal représentent la source majeure des émissions atmosphériques de ce polluant à l’échelle du globe (UNEP 2002; Pacyna et al. 2006). Son temps de résidence moyen d’environ un an (cette valeur est encore discutée aujourd’hui) lui confère dans l’atmosphère une répartition homogène (Slemr et al. 1985; Fitzgerald et al. 1994; Fitzgerald 1995). Les émissions ne cessent d’augmenter depuis le milieu du 19ème siècle, et représentaient en 1995 plus de 2000 tonnes par an vers l’atmosphère (UNEP 2002). L’utilisation du Hg est aujourd’hui réglementée, voire interdite, selon les activités et les pays (UNEP 2002).
Bien qu’il fut utilisé pour soigner la syphilis et de nombreuses infections, le mercure est aujourd’hui reconnu comme un élément trace extrêmement toxique qui s’accumule le long des chaînes alimentaires aquatiques (Morel et al. 1998).
Le cycle géochimique du Hg est complexe et caractérisé par des échanges rapides entre les compartiments de l’écosphère : atmosphère, hydrosphère, géosphère et biosphère. Ce cycle est dominé par les échanges avec l’atmosphère (Fitzgerald et al. 1994). Plusieurs formes chimiques du mercure sont naturellement présentes au sein des différents milieux terrestres et aquatiques : Hg élémentaire (Hg°), Hg inorganique divalent (Hg(II)), les organo-mercuriels (R-HgX) dont le mono et di-méthylmercure. Etant classé dans les métaux de transition IIB, le mercure a un champ d’électrons large et facilement polarisable, sa couche « d » est insaturée; par conséquent il forme des complexes stables avec des ligands similaires tels que les thiols, HS- , et CN- (Pearson 1963; Hepler et al. 1974; Smith 1976; Pitzer 1979).
Cycle du Hg en milieu tropical humide
Le bassin de l’Amazone et le plateau des Guyane ne font pas partie des territoires particulièrement enrichis en Hg aux périodes tertiaires et quaternaires, par des phénomènes orogéniques et volcaniques (Nriagu 1979). Cependant, le fonds géochimique du Hg (II) dans les sols ferrallitiques amazoniens, défini comme la part du Hg qui s’est accumulé dans le sol sur de longues périodes à partir de deux sources : les roches dont l’altération est à l’origine des sols et les apports atmosphériques issus du dégazage de l’écorce terrestre et des océans (Fitzgerald, 1989), est naturellement élevé. Les concentrations peuvent être dix fois supérieures à celles mesurées dans les sols des régions tempérées et boréales (Roulet et al. 1995; Grimaldi et al. 2001). Ainsi, les sols sont assimilables à un puits de mercure (Mason et al. 1994), où il se trouve principalement complexé à la matière organique et aux surfaces minérales (argiles et oxy(hydr)oxides) (Roulet et al. 1995).
En plus de cette richesse naturelle des sols, la contamination environnementale du bassin amazonien a principalement été attribuée aux activités d’orpaillage qui utilisent le Hg élémentaire pour amalgamer les micro-particules d’or (Lacerda et al. 1991) (Picot et al. 1993). L’intensité de la pollution diffuse du Hg via l’atmosphère, diminue avec la distance aux sites d’orpaillage (Lacerda et al. 1991; Malm et al. 1991; Pfeiffer et al. 1993; Keeler et al. 1995). En effet, l’oxydation du Hg0 en Hg2+ dans l’atmosphère amazonienne est accentuée par la forte production de composés organiques volatiles émis par la végétation, ainsi que par les abondantes précipitations. En raison de sa bonne solubilité dans l’eau, de sa faible volatilité et de ses affinités pour les surfaces minérales et organiques, le temps de résidence de la forme ionique Hg2+ dans l’atmosphère est inférieur à deux semaines. Ainsi, lors de l’oxydation de Hg0 en Hg2+, la forme ionique peut rapidement réagir avec l’eau de pluie ou être adsorbée par des petites particules (aérosols), pour ensuite se déposer dans l’environnement sous forme de dépôt «humide» ou «sec».
Anthropisation et méthylation en milieu continental
Méthylation du mercure
La méthylation du Hg est un processus principalement biologique, bien que la production abiotique puisse se produire dans les eaux naturelles (Benoit et al. 2003). Les différents processus de méthylation et les facteurs environnementaux qui l’affect sont ici présentés.
De nombreux auteurs ont démontré que la méthylation in situ du mercure réactif ou biodisponible par les bactéries sulfato- ou ferri-réductrices (BSR et BFR) est à l’origine de l’acccumulation du MMHg dans les chaînes alimentaires des eaux douces (Gilmour et al. 1991; Watras et al. 1994; Watras et al. 1994; Barkay et al. 2003; Benoit et al. 2003; Fleming et al. 2006). Bien que la méthylation du Hg ait lieu dans les colonnes d’eau et puisse être importante en milieu marin (Monperrus et al. 2007), les sites principaux de production de MMHg dans les milieux dulcicoles sont associés aux environnements de dépôts particulaires tels que les sédiments lacustres et estuariens, les zones humides, les sols inondés et les marais (Mucci et al. 1995; Porvari et al. 1995; Roulet et al. 2001; Hall B.D. et al. 2004; Muresan 2006). Dans les eaux douces et les sédiments lacustres, les zones de transition à faibles teneurs en oxygène proches des conditions anoxiques ont été identifiées comme les principaux sites de production de MMHg (Gilmour et al. 1991; Watras et al. 1994;Muresan et al. 2007). Peu d’auteurs cependant, se sont intéressés à la méthylation dans les sols, seules certaines études ont mis en évidence la méthylation dans les sols temporairement inondés (Porvari et al. 1995; Roulet et al. 1995; Heyes et al. 1998).
Méthylation abiotique
La méthylation purement chimique du Hg est possible si des donneurs appropriés de groupements méthyl sont présents. Ainsi des composés solubles de méthylsilicium (CH3Si3+) peuvent réagir avec Hg2+ pour former du méthylmercure. Les organosiloxanes et autres substances apparentées au silicium ont également été considérées comme agents méthylants (Ullrich et al. 2001). Akagi et collaborateurs ont également démontré que l’alkylation du chlorure de mercure était induite photochimiquement en présence de méthanol, d’éthanol, d’acide acétique et/ou d’acide propionique (Akagi et al. 1977). D’autres auteurs ont suggéré que la méthylation pouvait résulter de réactions de transméthylation entre le Hg et les alkyls de plomb, d’étain et d’arsenic (Ebinghaus et al. 1994), utilisés dans les additifs de carburants. De plus, le triméthyl-plomb a été décrit comme méthylateur efficace, puisque d’importantes concentrations de MMHg ont été mesurées dans les sédiments de la rivière St Clair et attribuées à des réactions de transméthylation due à des émissions d’alkyl de plomb (Beijer et al. 1979).
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Table des matières
Avant propos
CHAPITRE I : Le mercure et la problématique de l’orpaillage en Guyane : état des connaissances
1. Le mercure : présentation générale
a)Propriétés chimiques et cycle global
b)Anthropisation et méthylation en milieu continental
c) Le problème sanitaire
2. La problématique mercure en Guyane
a)Généralités sur la Guyane
b) Problématique du Hg en milieu minier
CHAPITRE II : Les stocks de mercure dans les sols de Guyane Française ; impact de l’activité minière
Article I: Weathering versus atmospheric contributions to mercury concentrations in
French Guiana soils
Article II: Hg speciation in tropical soil associations; Consequence of gold mining on
Hg burden in French Guiana.
CHAPITRE III : Mobilité du mercure à l’échelle du bassin versant et méthylation du mercure dans les sols
Article III : Former gold mined soils as a source of methylmercury
CHAPITRE IV : Méthylation du mercure en milieu minier et impact de la mise en place d’une exploitation aurifère sur les émissions de Hg. Solutions envisageables pour réduire cet impact.
1. Article IV: Methylmercury in tailing ponds of small scale industrial gold mining in
French Guiana: field study and experimental remediation test
2. Article V : Pratique minière et réduction de la contamination au mercure en
Guyane française.
Chapitre V : Conclusion générale
1. Rappel des objectifs
2. Rappel des principaux résultats
3. Synthèse
4. Perspectives
Annexes
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