Valvulopathies
Le risque thrombo-embolique dépend des valvulopathies : les valvulopathies mitrales sont plus pourvoyeuses de complications thrombo-emboliques que les valvulopathies aortiques. Par conséquent, les indications au traitement anticoagulant et l’intensité de la décoagulation dépendent du type de valvulopathie.
En l’absence d’études randomisées et de consensus, les prises en charge sont empiriques et varient selon les auteurs [24, 38, 94].
valvulopathies mitrales
Les valvulopathies mitrales regroupent trois pathologies : le rétrécissement mitral ; l’insuffisance mitrale et le prolapsus mitral. Le rétrécissement mitral est à l’origine du plus grand nombre de complications thrombo-emboliques. Vient ensuite l’insuffisance mitrale.
Lerisque thrombo-embolique est très faible dans le prolapsus mitral (de l’ordre de 0,02 %). Aussi, le traitement par AVK est indiqué dans le rétrécissement mitral et l’insuffisance mitrale compliqués de [68, 94] :
• Fibrillation auriculaire ;
• Dilatation de l’oreillette gauche ;
• Image de contraste spontané visible à l’échographie cardiaque transoesophagienne ;
• Thrombus intra-auriculaire gauche ;
• Sténose mitrale serrée ;
• Antécédent d’accident thrombo-embolique.
En cas de prolapsus mitral, il est recommandé de traiter par aspirine en cas d’embolie d’origine mitrale avérée, et c’est dans les cas de récidive embolique sous aspirine qu’il est recommandé de traiter par AVK [94].
L’intensité de la décoagulation varie selon les auteurs : certains envisagent une décoagulation forte avec un INR cible à 3,7 soit un intervalle compris entre 3 et 4,5, d’autres une décoagulation modérée avec un INR cible à 2,5 soit un intervalle compris entre 2 et 3 [68, 94].
valvulopathies aortiques
Les valvulopathies aortiques regroupent 2 pathologies : le rétrécissement aortique et l’insuffisance aortique. Elles sont beaucoup moins pourvoyeuses de complications thrombo-emboliques que le rétrécissement mitral.
La SFC recommande un traitement par AVK dans les valvulopathies aortiques si elles sont compliquées de :
• Valvulopathie mitrale associée ;
• Fibrillation auriculaire ;
• Dysfonction du ventricule gauche.
L’INR cible est à 2,5 ; intervalle entre 2 et 3 [78, 94].
L’AFSSAPS ne recommande pas de traitement par AVK en cas de valvulopathie aortique.
Prothèses valvulaires cardiaques
Les prothèses valvulaires sont toutes à l’origine de complications thromboemboliques. Cependant la fréquence de ces complications dépend du type de prothèse.
Les prothèses mécaniques engendrent un haut risque thrombo-embolique. L’intensité de la décoagulation et la durée du traitement varient donc en fonction du type deprothèse et de sa localisation [78].
Prothèse mécanique en position mitrale
Les prothèses mécaniques en position mitrale nécessitent un traitement par AVK à vie avec un INR cible à 3,7 et un intervalle compris entre 3 et 4,5 [3, 94].
Certains auteurs s’appuyant sur des études récentes préconisent une décoagulation moins forte avec un intervalle d’INR compris entre 2,5 et 3,5 soit une cible à 3 [78].
Prothèse mécanique en position aortique
Les prothèses mécaniques en position aortique nécessitent un traitement AVK à vie.
L’intensité de la décoagulation est en fonction du type de prothèse et de la présence d’autre facteur de risque embolique.
En présence d’un autre facteur de risque embolique (dysfonction ventriculaire gauche sévère, antécédent thrombo-embolique, FA…) ou prothèse de première génération, il y a une indication de traitement par AVK à vie avec un INR cible à 3,7, intervallecompris entre 3 et 4,5 [3, 94].
En l’absence d’autre facteur de risque, ou prothèse de deuxième génération, il y a une indication d’AVK à vie avec un INR cible à 2,5 ; intervalle compris entre 2 et 3 [3, 94].
Prothèse mécanique en position tricuspide
Les prothèses mécaniques en position tricuspide nécessitent un traitement par AVK à vie avec un INR cible à 2,5 ; intervalle compris entre 2 et 3 [3, 78, 94].
Prothèse biologique
Les prothèses biologiques nécessitent un traitement par AVK pendant les 3 mois qui suivent la pose de prothèse. L’INR cible est à 2,5 ; intervalle compris entre 2 et 3 [3, 78, 94].
Maladie thrombo-embolique veineuse
Traitement prophylactique
En prévention primaire de la maladie thrombo-embolique veineuse (MTEV), les AVK sont moins utilisés que l’héparine non fractionnée ou les héparines de bas poids moléculaire du fait de leur moins bonne maniabilité.
En prévention secondaire, en revanche, ils représentent le traitement de référence si la durée est suffisamment longue, en relais d’une héparinothérapie [94].
Traitement curatif
Le traitement des thromboses veineuses profondes (TVP) et des embolies pulmonaires (EP) débute par une héparinothérapie suivi d’un relais précoce héparine-AVK puis AVK seul dès l’obtention de deux INR en zone thérapeutique à 24-48 heures d’intervalle (se reporter à la partie modalité de traitement).
Objectif de décoagulation
L’objectif est un INR cible à 2,5, INR compris entre 2 et 3. Dans cette fourchette, le risque de récidive de TVP sous traitement et le risque de complication hémorragique est alors le plus faible. Une décoagulation plus importante n’est pas plus efficace sur la thrombose mais est beaucoup plus pourvoyeuse de complications hémorragiques [54].
Durée de traitement
A l’heure actuelle, il n’y a pas de consensus sur la durée de traitement. Plus le traitement par AVK est long, plus le risque de récidive de MTEV diminue, mais plus le risque hémorragique augmente [54]. Certains auteurs font varier la durée de traitement selon la localisation de la TVP : les TVP proximales bénéficient alors d’une durée de traitement plus longue qu’une TVP distale [70].
Pour d’autres auteurs, il n’y a plus de différence de durée de traitement selon la localisation de la TVP [22, 47].
L’AFSSAPS propose un traitement par AVK sans distinction de localisation de la TVP pour une durée de 3 à 6 mois avec un traitement prolongé en cas de persistance du risque thrombo-embolique comme dans certaines anomalies constitutionnelles ou acquises de la coagulation, thromboses récidivantes, cancer en évolution, syndrome des antiphospholipides, absence de facteur étiologique retrouvé (alitement, chirurgie, immobilisation prolongée) [3].
La Société française de cardiologie (SFC) résume les recommandations de durée de traitement de la façon suivante [94] :
• Risque faible de récidive : thrombose veineuse distale post-opératoire, disparition des facteurs favorisants tel que l’alitement, l’immobilisation prolongée des suites d’un long voyage… : durée de traitement de 4 à 6 semaines.
• Risque intermédiaire de récidive : thrombose proximale ou embolie, persistance de facteurs favorisants : durée de traitement de 3 à 6 mois.
• Risque élevé de récidive : anomalie de l’hémostase, récidive prouvée : durée prolongée de 1 an à au-delà.
Infarctus du myocarde
Après un infarctus du myocarde (IDM), il n’y a pas d’indication d’utilisation des AVK en systématique.
Les AVK sont indiqués dans la prise en charge des complications thromboemboliques des IDM compliqués de :
• Thrombus mural ;
• Dysfonction sévère du ventricule gauche ;
• Antécédent thrombo-embolique ;
• Fibrillation auriculaire ;
• Dyskinésie emboligène.
La durée de traitement est de 3 mois avec une cible INR à 2,5 ; intervalle compris entre 2 et 3, sauf en cas de FA associée (traitement à vie ou tant que le rapport bénéfice/risque le permet). En cas d’intolérance à l’aspirine les AVK sont recommandés à vie dans l’IDM simple avec un INR cible à 2,5, intervalle compris entre 2 et 3 [3, 44, 94].
CONTRE-INDICATIONS
Contre-indications absolues
Les contre-indications absolues sont:
• Hypersensibilité connue à ce médicament, à ses dérivés ou à l’un de ses excipients, Insuffisance hépatique sévère ;
• Les injections intramusculaires sont contre-indiquées en raison du risque d’hématome ;
• La fluindione est contre-indiquée en cas d’hypersensibilité ou d’intolérance au gluten, en raison de la présence d’amidon de blé ;
• La grossesse est une période à risque car les AVK passent la barrière placentaire, sont tératogènes et peuvent causer une hémorragie fœtale.
L’utilisation des AVK est formellement proscrite chez la femme enceinte entre la 6ème et la 12ème semaine d’aménorrhée.
Contre-indications relatives
En cas de risque hémorragique, la décision de débuter ou de continuer le traitement par AVK, doit être prise en fonction du rapport bénéfice/risque propre à chaque patient et à chaque situation.
Les situations à risque sont:
• Une lésion organique susceptible de saigner ;
• Une intervention récente neurochirurgicale ou ophtalmologique ou possibilité de reprise chirurgicale ;
• Un ulcère gastroduodénal récent ou en évolution ;
• Varices oesophagiennes ;
• Hypertension artérielle maligne (diastolique > 120 mmHg) ;
• Accident vasculaire cérébral hémorragique ou ischémique d’une étendue supérieure ou égale à 50 % du territoire de l’artère cérébrale moyenne ;
• Une insuffisance rénale sévère (clairance de la créatinine < 20 ml/ min).
MODALITES DU TRAITEMENT
Ladécoagulation est débutée par une héparinothérapie du fait de sa grande rapidité d’action. Les AVK, de durée d’action plus longue, sont introduits dans un second temps. Il faut obtenir deux INR en zone thérapeutique à 24-48 heures d’intervalle, avant de pouvoir arrêter l’héparinothérapie car il y a des variations de taux des protéines de la coagulation et une hypercoagulabilité du plasma pendant quelques jours [3, 90].
En cas de thrombopénie immuno-allergique induite par les HBPM, il n’est pas recommandé d’introduire les AVK trop précocement, dès l’arrêt des HBPM, mais de débuter préalablement une alternative à l’héparine non fractionnée pour éviter le risque d’hypercoagulabilité lié à la baisse précoce des protéines C et S lors del’introduction de l’AVK [4].
Les AVK s’administrent par voie orale sous forme de comprimés sécables ou non :
Non sécables pour l’acénocoumarol à 1 mg, bisécables pour la warfarine à 2 et 5 mg, et quadrisécables pour l’acénocoumarol à 4 mg et la fluindione.
Ces comprimés sont à avaler avec un verre d’eau.
Il est déconseillé d’utiliser une dose de charge car celle-ci est dangereuse en cas d’hypersensibilité individuelle aux AVK. Elle peut entraîner une augmentation transitoire du risque thrombo-embolique par baisse précoce et importante de laprotéine C. Cela peut rendre difficile la détermination de la dose réellement efficace [3, 69].
La 8 ème conférence des Chest physicians a établi des recommandations concernant la posologie d’initiation du traitement par la warfarine : Une dose initiale < 5mg est suggérée chez les sujets de plus de 60 ans, chez les patients malnutris, souffrant d’une insuffisance hépatique ou d’une insuffisance cardiaque congestive ou ayant un risque hémorragique élevé. Pour le reste des patients, une dose d’initiation entre 5 et 10 mg pendant 1 ou 2 jours est recommandée, avec adaptation de la posologie en fonction des résultats de l’INR [9].
Il n’existe pas de consensus quant aux autres molécules, mais il est conseillé de commencer le traitement en utilisant la posologie moyenne d’équilibre : chez l’adulte elle est de 4 mg d’acénocoumarol, 20 mg de fluindione, ou 5 mg de warfarine [83]. Chez la personne âgée, la dose minimale efficace est souvent 30 à 50 % plus basse que celle du sujet jeune. Aussi, il est recommandé de commencer à demi-dose ou à trois quart de dose pour les sujets de plus de 65 ans [3]. Par ailleurs, il est recommandé, pour cette population, de prescrire les AVK à demi-vie longue (warfarine ou fluindione) afin d’obtenir une décoagulation plus stable [26, 88].
La prise aura lieu, à heure fixe, le soir de préférence. Cette recommandation est due au fait que le contrôle de l’INR est généralement réalisé le matin, qu’il est possible d’en avoir le résultat dans l’après-midi et de modifier si nécessaire la dose du soir [83].
SURVEILLANCE BIOLOGIQUE DU TRAITEMENT
A cause d’une grande variabilité interindividuelle de la réponse aux AVK, la dose administrée est strictement personnelle et seule la réalisation régulière de tests biologiques de surveillance permet une meilleure sécurité lors de l’utilisation des AVK. Cette surveillance est indispensable car la fenêtre thérapeutique est étroite. Au départ, la surveillance du traitement par AVK s’appuyait uniquement sur la mesure du temps de prothrombine (TP).
INTERACTIONS
Les antivitamines K sont habituellement prescrits pour une longue durée. Pendant cette période, d’autres médicaments et aliments sont susceptibles d’être adjoint, pouvant venir déséquilibrer le traitement anticoagulant du fait du faible index chimiothérapeutique des antivitamines K.
Il est donc important d’avoir une parfaite connaissance de l’influence des médicaments et de l’alimentation sur l’effet anticoagulant des antivitamines K et d’intensifier les dosages d’INR dès qu’on suspecte l’intervention d’un nouveau facteur [9].
Un certain nombre de paramètres intervient dans la réponse aux antivitamines K.
Paramètres dépendants du médicament :
o Caractéristiques pharmacocinétiques de l’AVK :
Absorption intestinale ;
Transport vers les tissus cibles ;
Catabolisme et élimination
o Caractéristiques pharmacodynamiques de l’AVK (activité biologique du médicament)
Paramètres dépendants du sujet traité :
o Apport alimentaire et intestinal en vitamine K ;
o Prise de médicaments interférant avec les AVK (Tableau IV) ;
o Synthèse et catabolisme des facteurs de la coagulation vitamine K dépendants ;
o Sensibilité des enzymes hépatiques à l’action de l’AVK ;
o Facteurs génétiques.
Interactions médicamenteuses
Interactions contre-indiquées
• Acide acétylsalicylique : pour des doses anti-inflammatoires d’acide acétylsalicylique (≥ 1 g par prise et/ou ≥ 3 g par jour) ; pour des doses antalgiques ou antipyrétiques (≥500 mg par prise et/ou < 3 g par jour) et en cas d’antécédent d’ulcère gastroduodénal. Majoration du risque hémorragique, notamment en cas d’antécédent d’ulcère gastroduodénal.
• AINS pyrazolés (phénylbutazone : pour toutes les formes de phénylbutazone, y compris locales) : augmentation du risque hémorragique de l’anticoagulant oral (agression de la muqueuse gastroduodénale par les anti-inflammatoires non stéroïdiens).
• Miconazole (voie générale et gel buccal) : hémorragies imprévisibles qui peuvent éventuellement être graves.
• Millepertuis : diminution des concentrations plasmatiques de l’anticoagulant oral en raison de son effet inducteur enzymatique, avec risque de baisse d’efficacité, voire annulation, dont les conséquences peuvent être éventuellement graves (événement thrombotique).
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : Revue de la littérature
I. GENERALITES
1. Physiologie de la coagulation
2. Définition des AVK
3. Historique des AVK
II. PHARMACOLOGIE DES AVK
1. Métabolisme de la vitamine K
2. Structure chimique des AVK
3. Pharmacodynamie des AVK
3.1. Cycle de la vitamine K et la gamma carboxylation
3.2. Mécanisme d’action des antivitamines K
4. Pharmacocinétique des AVK
5. Différentes molécules
III. DONNEES CLINIQUES
1. Indications des AVK au long cours
1.1. Fibrillation auriculaire
1.2. Valvulopathies
1.3. Prothèses valvulaires cardiaques
1.4. Maladie thromboembolique veineuse
1.5. Infarctus du myocarde
2. Contre-indications
2.1. Contre-indications absolues
2.2. Contre-indications relatives
3. Modalités du traitement
4. Surveillance biologique du traitement
5. Effets indésirables
5.1. Accidents hémorragiques
5.2. Manifestations immuno-allergiques avec les indanediones
5.3. Autres effets secondaires communs aux AVK
6. Interactions
6.1. Interactions médicamenteuses
6.2. Apports alimentaires
6.3. Facteurs génétiques
6.4. Autres situations
IV. RECOMMANDATIONS DE LA PRISE EN CHARGE EN CAS DE SURDOSAGE EN AVK
1. Surdosage asymptomatique et hémorragies mineures
2. Hémorragies majeures
DEUXIEME PARTIE : NOTRE ETUDE
I. MATERIEL ET METHODES
1. Matériel
1.1. Type et période d’étude
1.2. Cadre d’étude
2. Méthodes
2.1. Critères d’inclusion
2.2. Critères d’exclusion
2.3. Paramètres étudiés
2.4. L’analyse des résultats
II. RESULTATS
1. Caractéristiques des patients
1.1. L’âge
1.2. Le genre
1.3. Les antécédents
2. Les indications du traitement anticoagulant
3. Les différentes complications observées
4. Interactions médicamenteuses
5. Prise en charge thérapeutique
5.1. Surdosages asymptomatiques et hémorragies mineures
5.2. Hémorragies majeures
6. Evolution
III. DISCUSSION
1. Les données épidémiologiques
1.1. L’âge
1.2. Le genre
2. Le traitement anticoagulant
2.1. Molécule prescrite
2.2. Indications du traitement AVK
2.3. L’INR à l’admission
2.4. L’ancienneté du traitement
3. Complications
4. Interactions médicamenteuses
5. Traitement
6. Modalités évolutives
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES
Annexe 1 : Fiche d’enquête
Annexe 2 : Serment d’Hippocrate