Cycle de développement du Plasmodium
Le cycle de développement du Plasmodium comprend trois phases de multiplications qui se succèdent. Tout d’abord deux phases asexuées appelées « Schizogonie » qui se déroulent chez l’homme (hôte intermédiaire), ensuite une phase sexuée appelée « Sporogonie » qui se déroule chez le vecteur : l’anophèle femelle (hôte définitif) (Figure 2).
Cycle asexué du parasite chez l’homme
Il comprend deux phases :
La phase hépatique
L’homme est contaminé lors de la piqûre de l’Anophèle femelle infectée par le Plasmodium qui injecte avec sa salive des milliers de parasites sous forme de sporozoïtes dans le tissu sous-cutané. Ces sporozoïtes gagnent le foie en moins de 45 minutes. Au niveau du foie s’effectue le cycle exo-erythrocytaire appelé « schizogonie hépatocytaire », formant ainsi les schizontes hépatiques qui sont de volumineuses cellules plurinucléées. Chez P. vivax et P. ovale les sporozoïtes pénètrent dans les hépatocytes et se transforment en hypnozoïte (sporozoïtes dormant qui seront à l’origine de rechute plusieurs mois voire plusieurs années après l’infestation). En une semaine environ, les schizontes hépatiques deviennent des schizontes matures qui vont s’éclater. Ces schizontes matures contiennent quelques milliers de noyaux (corps bleus). Après leurs éclatements, de nombreux mérozoïtes sont libérés qui, pour la plupart, s’embolisent dans les capillaires sinusoïdes et passent dans la circulation sanguine amorçant les premières schizogonies sanguines. Cette phase dure en moyenne 8 jours pour P. vivax, 6 jours pour P. falciparum, 13 jours pour P. malariae et 9 jours pour P. ovale [disponible sur http://www.rph.wa.gov.au/Malaria/falcip.gif, consulté le décembre 2016].
La phase sanguine
Dans le sang s’effectue le cycle érythrocytaire. Les mérozoïtes pénètrent dans les hématies de l’hôte et s’y transforment en trophozoïtes qui à leur tour, subissent une schizogonie (division multiple) dite « schizogonie érythrocytaire ». A maturité, les schizontes sont appelés corps en rosace qui, en s’éclatant libère de nouveaux mérozoïtes. Après environ une semaine, certains mérozoïtes vont se différencié en gamétocytes. Cette phase commence le cycle sexué du parasite (PNLP, 2016).
Cycle sexué du parasite chez l’anophèle
Lors de son prochain repas sanguin, si celui-ci est sur un hôte infecté par le paludisme, l’Anophèle femelle absorbera des gamétocytes qui vont assurer la poursuite du cycle. Les gamétocytes se transforment en gamètes femelles et mâles dans le tube digestif du moustique. La fécondation donne naissance à un œuf mobile (ookinète) qui traverse la paroi du tube digestif de l’anophèle puis s’enkyste juste sous la membrane basale formant ainsi l’oocyste dans lequel s’individualisent les sporozoïtes. Après l’éclatement de l’oocyste, ces derniers sont libérés et migrent vers les glandes salivaires de l’anophèle. A l’occasion d’une nouvelle piqûre, ils seront réinjecté de nouveau à l’homme (PNLP, 2016). Pour P. falciparum, le cycle «sporogonique » chez le moustique peut varier de 12 à 30 jours, suivant la température. A titre d’exemple, à 28°C, la durée de la sporogonie est de 9 à 10 jours et lorsque la température est inférieure à 18°C, P. falciparum n’est généralement plus transmis. Pour P. vivax, le cycle est plus court mais peut varier de 8 à 30 jours suivant la température (à 28° C, le cycle est de 8 à 10 jours). Il est plus long pour P. malariae et P. ovale. Même à 28°C, le cycle est de 12 à 14 jours pour P. ovale et 14 à 16 jours pour P. malariae. P. vivax et P. malariae ne sont généralement plus transmis à une température inférieure à 15°C.
Biologie des gamétocytes : Gamétocytogénèse et gamétocytes
Définition
Le terme « gamétocytes » désigne la phase des pré-gamètes observés dans le sang circulant de l’homme. On observe les gamètes proprement dits chez le moustique qui sont générés par l’activation des gamétocytes prises avec le repas sanguin (Robert et Boudin, 2003). Ce sont ces derniers qui sont capables de faire la fécondation et d’initier le développement sporogonique chez le vecteur si celui-ci est sensible à l’espèce parasitaire (Boudin et Robert, 2003).
Origine des gamétocytes
La gamétocytogénèse a lieu lorsque les conditions environnementales chez l’hôte deviennent défavorables occasionnant une situation de stress pour les formes asexuées circulantes (Robert et Boudin, 2003; Miao et al., 2013). Les gamétocytes de toutes les espèces de Plasmodium infectant l’homme, incluant P. falciparum, résultent de stades sanguins asexués (Sinden, 1998). Autrement dit, ils sont obtenus à partir de plusieurs cycles des stades érythrocytaires asexués (Talman et al., 2004). Ils ne proviennent pas directement de mérozoïtes hépatique. D’après Eichner en 2001 (Eichner et al., 2001), le nombre de gamétocytes est généralement très inférieur à celui des formes asexuées; il est de l’ordre de 1 à 3 gamétocytes pour 100 trophozoïtes. D’autres établissent le ratio à 1 :10 (Eichner et al., 2001).
La gamétocytogénèse
La gamétocytogénèse englobe la phase de formation de gamétocytes, de leur croissance et de leur différenciation conduisant à leur maturité. Pour P. falciparum, elle se déroule en majeure partie au niveau des organes profonds. La culture in vitro de ce parasite a permis de décrire cinq stades évolutifs au cours de la gamétocytogénèse (Figure 3). Le stade I est morphologiquement semblable à un trophozoïte, puis le gamétocyte s’individualise progressivement en prenant une forme allongée (stade II à V) chez P. falciparum et arrondie chez les autres espèces. Il est riche en pigment et présente un gros noyau unique (Robert et Boudin, 2003). Le gamétocyte, quel que soit son sexe, est haploïde (Janse et al., 1989).
Facteurs d’induction de la gamétocytogénèse
L’induction de la gamétocytogénèse serait liée à une souffrance ou « stress » des stades asexués suite à une modulation de leur milieu de vie déclenchant ainsi la différenciation sexuée (Wernsdorfer, 1988).
Plusieurs facteurs peuvent déclencher la souffrance parasitaire. On peut distinguer les facteurs d’origine naturelle (effet de masse ou besoin nutritionnel) ou d’origine étrangère (certains antipaludiques tels le sulfaméthoxazole, le triméthoprime, la pyriméthamine, la sulfadoxine, la chloroquine et le proguanil (Barnes et al., 2008). En culture in vitro, une corrélation existe entre le taux de conversion des stades asexués sanguins de P. falciparum en gamétocytes et les conditions du milieu de culture. Dans les conditions de croissance rapide des parasites asexués, ce taux reste faible mais il augmente dans les conditions de faible croissance (Carter et Miller, 1979).
Maturation des gamétocytes
Morphologiquement, la maturation des gamétocytes passe par 5 phases évolutives (Dixon et al., 2008; Talman et al., 2004). Pour P. falciparum, le développement des gamétocytes de stades I à IV se déroule dans des organes profonds du fait de la cytoadhérence à l’épithélium des capillaires. Seuls les gamétocytes matures de stade V sont non adhérents et sont visibles dans la circulation sanguine périphérique bien après la poussée (Robert et Boudin, 2003). Un gamétocyte nouvellement apparu dans la circulation sanguine périphérique nécessite généralement un certain délai de 2 à 3 jours pour devenir infectant pour les moustiques. La maturation physiologique du gamétocyte mâlese détermine par sa capacité d’exflageller. Chez P. ovale, P. malariae et P. vivax, les gamétocytes se développent en 1 à 3 jours et sont le plus souvent contemporains de la poussée asexuée qui leur a donné naissance; alors que chez P. falciparum, ce stade de développement nécessite une longue période de maturation allant de 7 à 12 jours (Talman et al., 2004).
Le sexe des gamétocytes
Les Plasmodium sont des parasites hermaphrodites (Robert et Boudin, 2003). Coloré au Giemsa, les gamétocytes mâles et femelles (Figure 5) se distinguent de par leur couleur. Le cytoplasme apparait rose pâle chez le mâle (il y a peu de ribosomes et de mitochondries) et violet dense chez la femelle (il y a beaucoup de ribosomes, d’ARNm et de mitochondries). Ils se distinguent aussi de par leur composition protéique, par la présence d’une alpha-tubuline II chez le gamétocyte mâle à partir du stade II et d’une protéine Pfg377 chez le gamétocyte femelle, présente dès le stade III (Robert et Boudin, 2003). La présence de gamétocytes des deux sexes est nécessaire pour le succès du développement sporogonique (Carter et Graves, 1988). Tous les mérozoïtes issus de la descendance d’un seul schizonte deviennent soit mâles soit femelles (Smith et al., 2000). Le sex-ratio qui se définit comme le rapport entre le nombre de mâles sur le nombre de femelles dans une population est très prononcée chez les Plasmodium (Robert et al., 2003). En effet, une forte proportion de gamétocytes femelles que de mâles est constatée avec un gamétocyte mâle pour trois ou quatre femelles. Mais d’importantes variations ont été aussi observées (Read et al., 1992; Robert et al., 1996; Robert et al., 2003). Après exflagellation, le gamétocyte mâle libère jusqu’à 8 gamètes mâles, alors que le gamétocyte femelle, après activation, se différencie en un unique gamète femelle (Robert et al., 2003).
La Gamétocytémie
Toutes les souches de P. falciparum ne sont pas strictement gamétocytogènes, et toutes les poussées parasitaires asexuées n’entraînent pas obligatoirement une vague de gamétocyte (Robert et al., 2003). Un gamétocyte de P. falciparum présente une survie maximale allant de 3-4 semaines (Smalley et Sinden, 1977), et une période moyenne de circulation de 7,4 jours (Eichner et al., 2001). La mortalité des gamétocytes varie en fonction de leur âge. De plus, cette mortalité augmente lors de fortes densités de parasites asexués (Eichner et al., 2001).
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE
I. L’agent pathogène
I.1. Systématique
I.2. Morphologie
I.3. Cycle de développement du Plasmodium
I.3.1. Cycle asexué du parasite chez l’homme
I.3.2. Cycle sexué du parasite chez l’anophèle
I.4. Biologie des gamétocytes : Gamétocytogénèse et gamétocytes
I.4.1. Définition
I.4.2. Origine des gamétocytes
I.4.3. La gamétocytogénèse
I.4.4. Facteurs d’induction de la gamétocytogénèse
I.4.5. Maturation des gamétocytes
I.4.6. Le sexe des gamétocytes
I.4.7. La Gamétocytémie
I.4.8. L’infectivité des gamétocytes pour les moustiques
II. Vecteurs : Anopheles spp
II.1. Biologie des anophèles
II.1.1. Les stades aquatiques
II.1.2. Le stade adulte ou imago
II.1.3. Comportement des anophèles adultes
II.2. Le genre Anopheles arabiensis
III. Infection expérimentale chez le moustique
III.1. Définition
III.2. Objectifs
III.3. Méthodes
III.3.1. Le DMFA (Direct Membrane Feeding Assay)
III.3.2. Le SMFA (Standard Membrane Feeding Assay)
MATERIELS ET METHODES
I. Matériels utilisés
I.1. Matériels pour culture
I.1.1. Equipement de base
I.1.2. Les souches utilisées
I.1.3. Milieu de culture
I.1.4. Conditions de culture
I.2. Matériels pour l’infection expérimentale
I.2.1. Dispositif de gorgement
I.2.2. Moustiques sains
I.2.3. Préparation du sang infectieux
II. Méthodes
II.1. Culture in vitro de P. falciparum
II.1.1. Principe
II.1.2. Mode opératoire
II.2. Mise au point de la production de gamétocytes
I.2.1. Principe
I.2.2. Mode opératoire
II.3. Mise au point de l’infection expérimentale au laboratoire de niveau de sécurité 2
II.3.1. Principe
II.3.2. Mode opératoire
II.4. Test d’infectivité d’An. arabiensis par P. falciparum
II.4.1. ELISA-CSP
1) Principe
2) Mode opératoire
II.4.2. La PCR en temps réel
1) Principe
2) Mode opératoire
RESULTATS
I. Production des gamétocytes de P. falciparum 3D7 et 2012-532
II. Infection expérimentale
III. Tests d’infectivité des gamétocytes pour les moustiques
DISCUSSION
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXE