Cycle biologique de P. falciparumย
Bien que le rรดle clรฉ du moustique anophรจle dans la transmission de la maladie ait รฉtรฉ reconnu par le passรฉ, ce nโest quโร partir de 1948 que toutes les phases du cycle de dรฉveloppement du parasite ont รฉtรฉ รฉlucidรฉes. Ce cycle comprend une multiplication asexuรฉe ou schizogonie (comportant une phase hรฉpatique ou exo-รฉrythrocytaire et une phase รฉrythrocytaire) qui se dรฉroule chez lโhomme (hรดte intermรฉdiaire) et une multiplication sexuรฉe ou sporogonie chez le moustique anophรจle (hรดte dรฉfinitif).
La Schizogonie ou multiplication asexuรฉeย
Phase hรฉpatique ou exo-รฉrythrocytaireย
Au cours de son repas sanguin nรฉcessaire ร la maturation de ses ลufs, lโanophรจle femelle infestรฉ en piquant lโhomme lui injecte les formes primitives du parasite appelรฉes sporozoรฏtes contenues dans ses glandes salivaires avant dโingรฉrer le sang. Ces sporozoรฏtes restent dans le sang pendant une courte durรฉe (30 mn) puis migrent dans le foie oรน ils sโinstallent dans le parenchyme des hรฉpatocytes. Ils se multiplient pour devenir des trophozoรฏtes, puis des cryptozoรฏtes qui forment ร leur tour des schizontes hรฉpatiques. Aprรจs 12 jours environ, le schizonte รฉclate et libรจre des mรฉrozoรฏtes qui vont intรฉgrer le sang et les hรฉmaties amorรงant ainsi la phase รฉrythrocytaire. Dans les cas de P. vivax, P. ovale et P. malariae, le cycle hรฉpatique se rรฉpรจte alors que P. falciparum nโa pas un cycle continu dans le foie.
Phase รฉrythrocytaireย
Les mรฉrozoรฏtes hรฉpatiques libรฉrรฉs dans le sang pรฉnรจtrent les hรฉmaties, prennent une forme en anneau et se diffรฉrencient en trophozoรฏtes. ร lโintรฉrieur de lโhรฉmatie, le parasite produit le pigment malarique, lโhรฉmozoรฏne, et se multiplie de faรงon asexuรฉe pour conduire ร la formation de schizontes รฉrythrocytaires. Le schizonte รฉclate et libรจre 8 ร 32 mรฉrozoรฏtes dans le sang. Ces mรฉrozoรฏtes peuvent envahir de nouvelles hรฉmaties (dans un dรฉlai de 15 ร 30 mn) rรฉalisant ainsi un nouveau cycle schizogonique รฉrythrocytaire (qui dure 48 heures chez P. falciparum). Certains mรฉrozoรฏtes subissent une diffรฉrenciation pour donner des gamรฉtocytes mรขles et femelles, รฉlรฉments de contamination du moustique lors de son prochain repas sanguin.
La Sporogonie ou multiplication sexuรฉe
Aprรจs un repas infestant contenant des gamรฉtocytes mรขles et femelles, ces derniers se libรจrent rapidement de leur enveloppe รฉrythrocytaire pour se transformer en 08 microgamรจtes flagellรฉs mobiles pour le gamรฉtocyte mรขle, et en macrogamรจtes immobiles pour la femelle dans lโintestin moyen du moustique. Microgamรจte et macrogamรจte fusionnent dans lโestomac du moustique pour former un zygote qui รฉvolue en ookinรจte mobile qui traverse la paroi de lโestomac et forme sur sa face externe un oocyste. Ce dernier se dรฉveloppe en quelques jours et regorge de nombreux sporozoรฏtes qui gagnent les glandes salivaires et sont alors prรชts ร รชtre injectรฉs ร lโhomme au prochain repas sanguin.
Lutte antipaludiqueย
La lutte antipaludique a รฉtรฉ dรฉfinie comme lโensemble des mesures destinรฉes ร supprimer, ou tout au moins ร rรฉduire la mortalitรฉ et la morbiditรฉ dues au paludisme (OMS, 1974). Elle comporte des actions curatives, basรฉes sur la chimiothรฉrapie des malades, et des actions prรฉventives, basรฉes sur la prophylaxie et/ou sur la lutte ou la protection contre les vecteurs. La place dโune prรฉvention par la vaccination nโest pas actuellement dรฉterminรฉe, faute de vaccin opรฉrationnel. Ces trois types dโactivitรฉs sont complรฉmentaires et, exรฉcutรฉes conjointement, ils devraient permettre de maintenir le paludisme ร un niveau suffisamment bas pour quโil ne soit plus un problรจme de santรฉ publique.
Lutte anti-vectorielle
Dans les annรฉes 1960, la lutte anti-vectorielle a consistรฉ ร lโรฉradication du paludisme par lโassรจchement des marais associรฉ ร lโusage massif dโinsecticides comme le DDT (Dichloro Diphรฉnyl Trichloroรฉthane) et plus tard par lโimprรฉgnation des moustiquaires par des insectifuges. Au cours de cette phase dโรฉradication, une forte rรฉsistance ร la dieldrine a รฉtรฉ observรฉe chez la plupart des vecteurs majeurs du paludisme (Guillet, 2001). La rรฉsistance au DDT est nettement moins rรฉpandue mais lโusage massif de la DDT induit une rรฉsistance croisรฉe ร lโensemble des pyrรฉthrinoรฏdes (Guillet, 2001), une famille dโinsecticides largement utilisรฉs dans la lutte antipaludique, notamment pour les moustiquaires imprรฉgnรฉes. Les cas de rรฉsistance aux organophosphorรฉs et aux carbamates sont peu nombreux. Lโinsectifuge de rรฉfรฉrence le plus efficace reste le DEET (Combemale, 2001) bien que comportant une certaine toxicitรฉ vis-ร -vis des enfants et nourrissons. En effet, des cas de convulsions et dโencรฉphalopathies convulsivantes ont รฉtรฉ rapportรฉs avec le DEET habituellement utilisรฉ (Barry, 1992 ; Lipscomb et al., 1992).
Chimioprophylaxie et Chimiothรฉrapieย
Il existe plusieurs molรฉcules antipaludiques naturelles ou de synthรจse qui peuvent รชtre utilisรฉes soit en prophylaxie, soit en thรฉrapeutique. Les molรฉcules les plus efficaces agissent lors de la phase dโinvasion des globules rouges, laquelle phase est responsable des accรจs palustres ressentis. ร lโheure actuelle, moins dโune dizaine de ces produits sont disponibles, tรฉmoignant de la difficultรฉ dโune recherche qui s’avรจre peu productive et du gรฉnie รฉvolutif des plasmodies qui rรฉsistent de plus en plus aux mรฉdicaments.
Dans cette situation, il convient de bien connaรฎtre les quelques produits encore utilisables afin de tirer le meilleur profit de leur qualitรฉ. Il est possible de classer les antipaludiques en fonction de leur nature chimique (amino-4-quinolรฉines, amino-8- quinolรฉines, amino-alcools, sesquiterpรจnes lactonesโฆ), de leur point dโimpact sur lโun des stades du cycle รฉvolutif du parasite (gamรฉtocytocides, schizonticides, sporontocides) et en fonction de leur origine (naturelle, synthรจse). De faรงon gรฉnรฉrale, les antipaludiques jusque-lร mis ร disposition par les firmes pharmaceutiques sont tous des schizonticides sanguins, actifs sur les formes asexuรฉes du parasite. Nรฉanmoins, certains exercent une action inhibitrice sur les gamรฉtocytes immatures de P. falciparum (Bryskier & Labro, 1988). Les schizonticides intra-รฉrythrocytaires peuvent รชtre divisรฉs en trois classes selon leur lieu d’action : les lysosomotropes, les antimรฉtabolites et les antibiotiques.
Lysosomotropes
Lโefficacitรฉ sรฉlective de ces antipaludiques est le fait de leur concentration trรจs รฉlevรฉe atteinte dans les hรฉmaties parasitรฉes par rapport aux hรฉmaties non parasitรฉes. Ils agissent sur le processus ou les produits de digestion de l’hรฉmoglobine (Warhurst et al., 2002). Ce sont essentiellement les amino-4 quinolรฉines, les bases de mannich, les amino-alcools, et les dรฉrivรฉs de l’artรฉmisinine. Les amino-4-quinolรฉines reprรฉsentent une famille de mรฉdicaments dont le plus utilisรฉ est la chloroquine, antipaludique majeur qui a rรฉvolutionnรฉ le traitement du paludisme en Afrique. Ainsi, par son efficacitรฉ, sa tolรฉrance exceptionnelle et sa moindre toxicitรฉ par rapport aux autres molรฉcules de la mรชme famille, la chloroquine a pratiquement รฉclipsรฉ pendant longtemps les autres molรฉcules antipaludiques dรฉcouvertes dans les annรฉes 1950. Malheureusement, elle est confrontรฉe ร une rรฉsistance confirmรฉe des hรฉmatozoaires du paludisme du fait de sa moindre accumulation ร lโintรฉrieur des รฉrythrocytes parasitรฉs par les plasmodies rรฉsistants. Les bases de mannich comprennent l’amodiaquine, l’amopyroquine et la pyronaridine. Lโamodiaquine est indiquรฉe dans les cas de chloroquino-rรฉsistance. Elle est rapidement et presque totalement absorbรฉe et est entiรจrement mรฉtabolisรฉe dans le foie pour donner un mรฉtabolite actif, la monodesรฉthylamodiaquine. Nรฉanmoins, elle entraรฎne des troubles digestifs (nausรฉes, vomissements), oculaires, visuels, cutanรฉs (prurit, urticaire). De plus lโamodiaquine provoque une agranulocytose et une hรฉpato-toxicitรฉ. Elle est donc contre-indiquรฉe en prophylaxie. Quant ร la pyronaridine, elle a รฉtรฉ synthรฉtisรฉe en Chine en 1970 (Chang et al., 1992 ; Zoguรฉreh & Delmont, 2000) et dรฉrive ร la fois de la quinacrine (mรฉpacrine) et de l’amino-4-quinolรฉine (amodiaquine). Les concentrations inhibant 50 % des parasites (CI50) sur les souches sensibles et chloroquinorรฉsistantes sont comparables ร celles de la mรฉfloquine (Basco et al., 1999). Nรฉanmoins sa biodisponibilitรฉ est faible (35 %) (Debaert, 2000). Les amino-alcools regroupent des composรฉs ร structures chimiques diverses. Ils ont en commun un radical carbinol ou mรฉthanol. La connaissance de la structure chimique de la quinine a servi de modรจle au dรฉveloppement et ร la synthรจse des aryl-amino alcools (Basco et al., 1994 ; Ridley & Hudson, 1998). Ces derniers comprennent essentiellement les quinolรฉines mรฉthanols (mรฉfloquine), les phรฉnanthrรจnes mรฉthanols (halofantrine) et la lumรฉfantrine.
|
Table des matiรจres
INTRODUCTION
I โ Gรฉnรฉralitรฉs sur le paludisme
1. Dรฉfinition
2. Cycle biologique de P. falciparum
2.1. La Schizogonie ou multiplication asexuรฉe
2.2. La Sporogonie ou multiplication sexuรฉe
3. Lutte antipaludique
3.1. Lutte anti-vectorielle
3.2. Chimioprophylaxie et Chimiothรฉrapie
3.2.1. Lysosomotropes
3.2.2. Antimรฉtabolites
3.2.3. Antibiotiques
3.2.4. Cas particulier de lโartรฉmisinine et ses dรฉrivรฉs
3.3. Schรฉma de lโutilisation des antipaludiques
4. Chimiorรฉsistance
4.1. Dรฉfinition
4.2. Rรฉsistance au Sรฉnรฉgal
4.3. Mรฉcanismes de rรฉsistance de P. falciparum aux antipaludiques
4.3.1. Mรฉcanisme de rรฉsistance aux lysosomotropes
4.3.2. Mรฉcanisme de rรฉsistance aux antimรฉtabolites (antifoliques et antifoliniques)
4.3.3. Mรฉcanismes dโaction des artรฉmisinines
4.3.3.a. La protรฉine TCTP : Translationally Controlled Tumor Protein
4.3.3.b. La protรฉine ATP6
4.4. Facteurs favorisant la rรฉsistance
4.4.1. La pression mรฉdicamenteuse et la sรฉlection des mutants
4.4.2. Le degrรฉ dโimmunitรฉ de la population
4.4.3. Les voyages
4.4.4. Le rรดle des vecteurs anophรฉliens
4.5. Contrรดle gรฉnรฉtique de la rรฉsistance au paludisme
4.5.1. Contrรดle gรฉnรฉtique de la rรฉsistance au paludisme dans les modรจles murins
4.5.2. Contrรดle gรฉnรฉtique de la rรฉsistance au paludisme chez lโhomme
4.6. Etude de la chimiorรฉsistance
4.6.1 Test de l’efficacitรฉ thรฉrapeutique
4.6.2. Test in vitro
4.6.2.a. Gรฉnรฉralitรฉs
4.6.2.b. Culture in vitro de P. falciparum
4.6.3 Test molรฉculaire
4.6.3.a. Gรฉnome de Plasmodium falciparum
4.6.3.b. Etude des gรจnes impliquรฉs dans la rรฉsistance de P. falciparum aux antipaludiques
4.7. Dosage de mรฉdicaments dans le sang
II.MATรRIELS & MรTHODES
A – Etude de la rรฉsistance aux antipaludiques des souches de P. falciparum en milieu pรฉri-urbain ร Guรฉdiawaye
1. Prรฉsentation de la zone dโรฉtude
2.1. Sรฉlection des sujets
2.2. Prรฉlรจvements dโisolats de P. falciparum
2.3. Milieux de culture et rรฉactifs pour le test in vitro
2.4. Gรจnes de P. falciparum ร amplifier et oligonuclรฉotides
2.5. Endonuclรฉases pour lโรฉtude du codon 108 de Pfdhfr
2.6. Endonuclรฉase pour lโรฉtude du codon 76 de Pfcrt
3. Mรฉthodes
3.1. Chimiosensibilitรฉ in vivo de P. falciparum
3.1.a. Administration des traitements et suivi des patients
3.1.b. Exclusion en cours dโรฉtude
3.1.c. Interprรฉtation des rรฉsultats du test in vivo
3.2. Chimiosensibilitรฉ in vitro de P. falciparum
3.2.a. Prรฉparation du milieu de culture
3.2.b. Prรฉparation des solutions de travail d’antipaludiques
3.2.b.1. Prรฉparation des solutions prรฉdosรฉes
3.2.b.2. Gammes de concentration des antipaludiques
3.2.c. Prรฉparation des plaques
3.2.d. Prรฉparation de lโรฉchantillon de globules rouges parasitรฉs et de la suspension globulaire
3.2.e. Mise en culture de l’inoculum
3.2.f. Collecte cellulaire et comptage
3.2.g. Interprรฉtation des rรฉsultats du test in vitro
3.3. Tests molรฉculaires
3.3.a. Extraction de lโADN plasmodial
3.3.b. Amplification de lโADN des isolats de P. falciparum
3.3.c. Digestion enzymatique des produits PCR ou PCR-RFLP
3.4. Analyse statistique
B – Etude du polymorphisme des gรจnes Pftctp & Pfatp6
1. Recrutement des patients et collecte des isolats
2. Amplification du gรจne Pftctp
3. Amplification du gรจne Pfatp6
4. Analyse des sรฉquences des gรจnes Pftctp et Pfatp6
III. RรSULTATS
A – Etude de la rรฉsistance aux antipaludiques en milieu pรฉri-urbain
1. Caractรฉristiques de la population dโรฉtude
2. Chimio sensibilitรฉ in vivo de P. falciparum
2.1. Efficacitรฉ thรฉrapeutique de la chloroquine
2.2. Efficacitรฉ thรฉrapeutique de lโassociation artรฉmรฉther-lumรฉfantrine
3. Chimiosensibilitรฉ in vitro de P. falciparum aux antipaludiques
4. Tests couplรฉs efficacitรฉ thรฉrapeutique/sensibilitรฉ in vitro de P. falciparum ร la chloroquine
5. Dรฉtection des mutations associรฉes ร la rรฉsistance aux antipaludiques
5.1. Mutation K76T du gรจne Pfcrt et sensibilitรฉ in vivo de P. falciparum ร la chloroquine
5.2. Mutation K76T et sensibilitรฉ in vitro de P. falciparum ร la chloroquine
5.3. Mutation du codon 108 du gรจne dhfr et sensibilitรฉ in vitro de P. falciparum ร la pyrimรฉthamine
5.4. Mutations du gรจne Pfmdr-1 et sensibilitรฉ de P. falciparum ร la chloroquine
5.4.a. Profil gรฉnรฉtique de Pfmdr-1 et efficacitรฉ thรฉrapeutique ร la chloroquine
5.4.b. Profil gรฉnรฉtique de Pfmdr-1 et sensibilitรฉ in vitro de P. falciparum ร la chloroquine
5.5. Mutations du gรจne Pfmdr-1 et sensibilitรฉ in vitro de P. falciparum ร la quinine
B – Etude du polymorphisme des gรจnes Pftctp & Pfatp6
1. Polymorphisme du gรจne Pftctp
2. Polymorphisme du gรจne Pfatp6
IV. DISCUSSIONS
CONCLUSION