Culture(s) éducative(s) et formation continue dans le contexte de la coopération bilatérale

« 赐子千金, 不如赐子一技 – Donner à son fils un enseignement vaut mieux que de lui donner mille pièces d’or ». Ce proverbe chinois est, comme tous les proverbes, un sédiment de l’histoire et l’expression d’une culture à travers des mots qui semblent comme figés, gelés pour mieux en faire ressortir la pertinence. Dans la Chine contemporaine, ce proverbe est d’une actualité déconcertante. Encore faut-il pouvoir en mesurer toute la portée dans un pays aussi complexe et paradoxal.

Ce proverbe, aujourd’hui, fait écho en nous, mais cela n’a pas toujours été le cas. La méconnaissance du sens profond de ce proverbe était d’ailleurs à l’image de la méconnaissance que nous avions de la Chine lorsque nous avons été nommée par le Ministère des Affaires Étrangères en tant que chargée de mission pour la coopération linguistique au Service de Coopération et d’Action Culturelle de l’Ambassade de France à Pékin en juin 2004. Nous devions pourtant assurer la formation continue des enseignants chinois de Français Langue Étrangère des universités. Or, nous pensons que l’acte de former, et plus particulièrement dans le contexte de la coopération bilatérale, n’est pas un simple geste pédagogique dans le sens où la formation continue s’adresse à des adultes porteurs d’un passé éducatif et de référents culturels qu’il est impossible de connaître a priori.

Les enseignants en formation font en effet référence, de manière plus ou moins consciente, à la scolarité qu’ils ont reçue. Ils partagent des représentations et possèdent des habitudes culturelles propres à leur contexte éducatif. Parallèlement, le formateur qui a été formé dans un autre contexte éducatif , fait également référence, de manière plus ou moins consciente, à sa propre expérience de formation initiale et continue. Dès lors, un dialogue (méthodologique) de sourds peut naître.

Pourquoi proposer une cartographie du terrain ? 

En géographie, cartographier un terrain, un espace, permet d’en saisir les frontières et de mieux le comprendre pour l’analyser. L’élaboration d’une carte permet de disposer d’une vision d’ensemble du territoire qui s’offre à la vue de l’observateur et d’en fixer les frontières. Dans d’autres domaines comme l’économie, mais aussi dans certaines recherches sur les échanges langagiers dans le domaine de l’éducation, cette opération vise à rendre plus compréhensible un terrain en en circonscrivant les caractéristiques qui seront utiles à l’analyse (Cambra Giné, 2003 : 102). Il s’agit donc d’un processus de sélection qui permet à l’observateur de mieux comprendre un contexte surtout lorsqu’il s’avère complexe et étendu.

Dans le cas d’une enquête sur la Chine, même si le thème de ce travail porte sur le microcontexte éducatif, il est facile de tomber rapidement dans les discours stéréotypés et réducteurs véhiculés par le sens commun et relayés par les médias. Ainsi, proposer une cartographie du terrain chinois, aussi modeste soit-elle, avant de passer à une phase d’enquête du microcontexte éducatif grâce aux méthodes actuelles de recherche en sciences humaines, n’est pas un procédé visant à faire état d’un savoir désincarné sur l’univers chinois, mais une nécessité méthodologique qui permettra, nous l’espérons, de mettre en avant la nature interactive des phénomènes sociaux et des phénomènes éducatifs. Partant du principe que l’on construit de la nouveauté et que l’on innove à partir des acquis du passé, cette cartographie du terrain visera à rendre plus tangibles des phénomènes essentiellement sociaux, culturels, politiques, éducatifs et linguistiques tout en les restituant dans leur dimension temporelle.

Finalités pratique et programmatique de l’enquête dans le contexte d’un processus d’intervention en politique linguistique éducative 

Cette enquête se situe dans le cadre d’une intervention en politique linguistique éducative. L’appui à la formation continue des enseignants de français est un champ d’actions privilégié dans la politique globale de coopération bilatérale française. Pour le poste diplomatique de Pékin, le montant alloué à la formation des enseignants de français (toutes catégories de formation confondues) représentait 47,3% en 2005 et 50,47% en 2006 de l’enveloppe budgétaire globale de la coopération pour le français.

Cependant, ce volet de coopération est à notre sens l’un des plus sensibles qui soit, car il met en jeu des conceptions didactiques qui oscillent entre traditions, habitudes locales d’enseignement et apport de nouveauté, horizons didactiques différents. Les agents du Ministère des Affaires Étrangères (MAE) doivent agir dans un domaine qui nécessite un temps d’investigation relativement long pour comprendre le système éducatif dans lequel ils doivent intervenir. Malheureusement, ce temps d’investigation est considérablement réduit en raison de contraintes liées à la profession : la nécessité de réaliser des actions de coopération concrètes dans le domaine de l’éducation semble en effet mal s’accorder avec l’annualisation des budgets et l’urgence de la réalisation des tâches.

Le Service de Coopération et d’Action Culturelle (SCAC) de Pékin n’échappe pas à la règle : ses agents ont la lourde responsabilité de mettre en place une politique de formation continue pour les enseignants de Français Langue Étrangère (FLE) des universités chinoises. Cette responsabilité est d’autant plus pesante qu’il n’existe, comme nous le verrons plus bas, ni de formation initiale, ni de formation continue en Didactique des Langues-Cultures (DLC) pour les enseignants de FLE en Chine. Ce dispositif de formation continue proposé par le SCAC relève d’une intervention en politique linguistique éducative qui doit prendre en compte le système éducatif chinois et ses particularités afin de proposer des actions en adéquation avec les besoins des bénéficiaires.

Le contexte social, économique et politique

La Chine communiste est longtemps restée fermée sur elle-même (entretenant toutefois des relations parfois tendues avec son voisin soviétique), mais la mort de Mao Zedong a marqué le début de l’ouverture du pays vers l’extérieur. L’ouverture d’un pays est nécessairement marqué par le besoin de communiquer avec les autres pour apprendre à vivre et travailler ensemble, partager des valeurs communes, créer des synergies. Par conséquent, cette ouverture s’accompagne nécessairement d’un besoin de développer l’E/A des langues étrangères. Notre histoire, celle de la construction de l’Europe – bien que politiquement l’histoire de l’Europe et l’histoire de Chine contemporaine ne soient pas comparables – montre que l’ouverture à l’Autre, nécessite un fort besoin de communication en langues étrangère.

Il est donc important de saisir le contexte social, économique et politique chinois afin d’avoir une idée plus claire de ces besoins de formation en langues étrangères et voir comment une action menée par la partie française dans le cadre d’une intervention en politique linguistique éducative peut prendre en compte cette dynamique du changement impulsée par la politique d’ouverture. La Chine se situe actuellement au cœur d’un débat mondial par le poids économique et démographique qu’elle représente. Ses dimensions, sa population et son économie en font un véritable colosse qui, depuis les trois dernières décennies, tantôt effraie, tantôt attire. Il semblerait, aujourd’hui, que le monde ne puisse plus compter sans la Chine, que ses points de vue sur les relations géopolitiques tendues du contexte actuel (qui s’expriment au travers d’une diplomatie parfois ambiguë) ne restent pas lettre morte. La Chine commence décidément à bien porter son nom d’Empire du milieu .

La Chine reste cependant un paradoxe aux yeux des Occidentaux qui ne comprennent plus s’il s’agit d’un pays communiste ou d’un pays capitaliste. Mais la Chine produit ses propres concepts pour sortir d’un clivage politique qui, depuis la fin de la seconde guerre mondiale, a divisé le monde pendant longtemps en un bloc capitaliste avec à sa tête les États-Unis et un bloc communiste organisé autour de l’ex-URSS. La Chine faisait partie du second bloc, au moins jusqu’en 1960, date qui marqua l’arrêt de l’aide financière et technique octroyée par l’exURSS. Mais la donne est différente aujourd’hui : essayons de comprendre pourquoi.

A la mort de Mao Zedong en 1976, personne n’aurait imaginé que la Chine se relèverait des souffrances infligées au peuple pendant plus de 30 ans et qui firent millions de morts : répression dans les milieux intellectuels, camps de travail, objectifs de production irréalistes qui conduisirent à de grandes famines, etc. La Révolution Culturelle, période la plus noire de l’histoire chinoise contemporaine, laissait en effet une société traumatisée par le spectre du Grand Timonier, une économie en ruine et un pays isolé sur la scène politique mondiale. Comme le souligne Lew (2006 : 50-55), alors que l’opinion publique mondiale s’attendait à un effondrement de la Chine, « à l’image de ce qui s’est passé dans les pays du camp soviétique après la chute du mur de Berlin, un dynamisme inattendu s’est emparé de la société ».

Rappel historique des fondements de l’éducation chinoise et rôle social de l’enseignant 

Le rôle primordial de l’éducation dans la société chinoise est affirmé depuis Confucius (551-479 avant notre ère). Ce penseur est l’une des plus grandes figures de la civilisation chinoise, véritable emblème de la culture chinoise remis au goût du jour dans une société en pleine quête de sens (Domenach et Dong, 2007 : en ligne).

Mais d’après Yang (1993 : 215-223), Confucius serait également l’une des grandes figures de la civilisation mondiale : « Sa contribution à l’éducation et le rôle remarquable et durable qu’il a joué dans ce domaine lui assurent une place exceptionnelle dans l’histoire nationale et internationale non seulement de l’éducation, mais aussi dans celle de la culture. La conception de l’école dont il fut le père est d’une portée qui est encore sensible aujourd’hui. » La pensée de Confucius a en effet très largement influencé l’aire asiatique, particulièrement le Japon, la Corée et le Vietnam et dans une moindre mesure l’Occident lorsque les missionnaires jésuites, venus évangéliser la Chine vers 1600, rapportèrent en Europe les idées du sage chinois.

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Table des matières

INTRODUCTION
1ERE PARTIE : CARTOGRAPHIE DU TERRAIN
1. POURQUOI PROPOSER UNE CARTOGRAPHIE DU TERRAIN ?
2. FINALITES PRATIQUE ET PROGRAMMATIQUE DE L’ENQUETE DANS LE
CONTEXTE D’UN PROCESSUS D’INTERVENTION EN POLITIQUE LINGUISTIQUE EDUCATIVE
3. REPERES POUR COMPRENDRE LE TERRAIN CHINOIS
3.1. La Chine en bref
3.2. Le contexte social, économique et politique
3.3. Le contexte éducatif
3.3.1. Rappel historique des fondements de l’éducation chinoise et rôle social de
l’enseignant
3.3.2. Le système éducatif chinois
3.3.2.1. Bref aperçu historique depuis 1949
3.3.2.2. Le système éducatif chinois à l’heure des réformes
3.3.2.2.1. Les réformes
3.3.2.2.2. Structure du système éducatif actuel
3.3.2.2.3. Nombre d’établissements scolaires en Chine
3.3.2.2.4. Évolution des taux de scolarisation et d’alphabétisation
3.3.2.2.5. Le budget de l’éducation
3.3.2.2.6. Le Gaokao et le choix des études dans le supérieur
3.3.3. La formation dans la société chinoise
3.4. Le contexte linguistique
3.4.1. Données démolinguistiques
3.4.2. L’enseignement des langues étrangères en Chine
3.4.2.1. Bref historique du français et des politiques linguistiques éducatives en
Chine (1611-1980)
3.4.2.2. Le français en Chine aujourd’hui (1980-2007)
3.4.2.2.1. Statut et place du français dans le système éducatif
3.4.2.2.1.1. Enseignement primaire et secondaire
3.4.2.2.1.2. Enseignement supérieur
3.4.2.2.1.3. Les chiffres du privé
3.4.2.2.1.4. La population d’apprenants de français en Chine
3.4.2.2.1.5. Les institutions chinoises chargées de la « régulation » de
l’enseignement des langues étrangères
3.4.2.2.1.6. Les associations de promotion du français
3.4.2.2.1.7. Les objectifs de l’enseignement du français à l’université
3.4.2.2.1.8. Réformes et directives récentes pour l’enseignement/apprentissage
des langues étrangères à l’université
3.4.2.2.1.9. Le corps enseignant
3.4.2.2.1.10. Les manuels
3.4.2.2.1.11. Les publications scientifiques
3.4.2.2.2. État des lieux des politiques linguistiques éducatives aujourd’hui
4. LES DISPOSITIFS DE FORMATION D’ENSEIGNANTS DE FLE EN CHINE
4.1. La formation initiale des enseignants
4.1.1. La formation initiale académique
4.1.2. La formation initiale professionnelle
4.2. La formation continue
4.2.1.1. La politique de formation continue du SCAC en 2005
4.2.1.2. Les bourses
4.2.1.2.1. Les bourses d’études
4.2.1.2.2. Les bourses de court séjour
4.2.1.3. Les séminaires
4.2.1.3.1. Les séminaires préparatoires à l’obtention d’une bourse
4.2.1.3.2. Les séminaires nationaux
4.2.1.3.3. Les séminaires régionaux
4.2.2. Bilan 2005 de la politique de formation continue du SCAC
4.2.2.1. Les bourses
4.2.2.1.1. Les bourses d’études
4.2.2.1.2. Les bourses de court séjour
4.2.2.2. Les séminaires
4.2.2.2.1. Les séminaires nationaux
4.2.2.2.2. Les séminaires régionaux
4.2.3. Le Plan Pluriannuel de Formation Continue : mise en place et structure
4.2.3.1. Mise en place du projet
4.2.3.2. Le budget
4.2.3.3. Sélection et orientation du public
4.2.3.4. Structure et contenus de la formation
4.2.3.5. Les formateurs
4.2.4. Le Plan Pluriannuel de Formation Continue aujourd’hui
4.2.4.1. Bilan quantitatif
4.2.4.2. Bilan qualitatif
4.2.4.3. Les difficultés
4.2.4.3.1. Les aspects humains
4.2.4.3.2. L’aspect temporel
4.2.4.3.3. Le public-cible
4.2.4.3.4. Les aspects pédagogiques
5. CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
2EME PARTIE : CADRE THEORIQUE DE L’ENQUETE
1. FONDEMENTS LIMINAIRES DU CADRE THEORIQUE
1.1. L’enseignant au cœur du questionnement
1.2. Que signifie apprendre ?
1.3. Que signifie enseigner ?
2. LA DIDACTIQUE DES LANGUES-CULTURES : UN CADRE THEORIQUE
PERTINENT POUR INTERVENIR EN POLITIQUE LINGUISTIQUE EDUCATIVE
2.1. Rappel historique de la constitution de la Didactique des LanguesCultures
2.2. Cadre scientifique de la Didactique des Langues-Cultures
2.2.1. Les grands axes de recherche en Didactique des Langues-Cultures
2.2.2. Les perspectives scientifiques de la Didactique des Langues-Cultures.
3. VERS UNE DEFINITION DE LA CULTURE D’ENSEIGNEMENT/APPRENTISSAGE DU FLE
3.1. La culture
3.2. La culture éducative
3.3. La culture d’enseignement/apprentissage du FLE
3.3.1. Essai de définition : la culture d’enseignement/apprentissage du FLE
comme capital
3.3.2. Sens pratique et habitus
3.3.3. Dimensions symboliques
3.3.3.1. Les représentations sociales
3.3.3.1.1. Définition et caractéristiques
3.3.3.1.2. Fonctions des représentations
3.3.3.1.3. Organisation des représentations
3.3.3.2. Les stéréotypes
3.3.3.3. Les attitudes et comportements
3.3.4. Essai de représentation graphique de la culture
d’enseignement/apprentissage du FLE
4. LA FORMATION DES ENSEIGNANTS DE LANGUES ETRANGERES : ENTRE
CULTURE D’ENSEIGNEMENT/APPRENTISSAGE ET INNOVATION DIDACTIQUE
4.1. Que signifie former ?
4.1.1. Analyse lexicographique
4.1.2. Analyse sémantique
4.1.3. Le triangle de la formation
4.1.4. Dimensions socioculturelles et symboliques de la formation
4.2. Les spécificités de la formation d’enseignants
4.2.1. Les trois modèles de la formation d’enseignants
4.2.2. La figure du praticien réflexif : un changement de paradigme
4.2.3. Modèle didactique, innovation et pratique réflexive
4.3. Les différentes conceptions formatives en Didactique des LanguesCultures
4.3.1. L’évolution des conceptions formatives en Didactique des LanguesCultures en France
4.3.2. Pour une formation complexe
4.3.3. Les principes d’une formation continue complexe d’enseignants de
langues étrangères
5. CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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