Cuba et les Etats-Unis : de la rupture à la normalisation

Cuba sous domination espagnole

   La première expédition espagnole allant dans le sens d’une appropriation complète de l’île de Cuba date de 1515. Elle fut menée par Francisco Hernandes de Cordoba depuis La Havane, dans le but de chasser les européens du pays. Depuis cette date, Cuba devient de plus en plus (avec ses terres fertiles, son or et ses richesses) ancrée dans le système de domination de l’empire espagnol. A cette époque, on note sur l’île la présence effective des agents de l’empire qui y assurent les tâches liées à la gestion de tous les secteurs de son économie, de son organisation et son fonctionnement quotidien. Par ailleurs, bien avant même que ne soit menée la conquête militaire de l’île en 1513, par un décret royal, Ferdinand d’Aragon stipule que désormais toutes les terres de l’île deviennent espagnoles. Cette concession de taille donne aux espagnols le pouvoir d’organiser le travail et la vie des habitants qui, dépossédés de leurs terres, sont exploités dans les « encomenderros ». Ces domaines d’exploitations accentuèrent la classification sociale et les inégalités. Ainsi la majeure partie de la population se retrouve donc confrontée à vivre dans des conditions de servitude presque générales. Cependant, les Etats-Unis n’ont jamais cessé de chercher une occasion pour chasser les espagnoles de Cuba. C’est dans cette optique que le troisième président républicain démocrate des Etats-Unis Thomas Jefferson (1801-1809), déclare qu’ « en cas de guerre entre les Etats-Unis et l’Espagne à propos de la Floride occidentale, l’occupation de Cuba serait automatique ». Pour mieux comprendre les intentions américaines, l’on se réfère aux propos du futur président des Etats-Unis Adams, secrétaire d’Etat du président Monroe qui affirme publiquement en 1823 à Cuba, qu’« Il y a des lois de gravitations politiques, comme il y’en a de gravitation physique, et de même qu’une pomme détachée de l’arbre par la force du vent ne peut, si elle le voulait, ne pas tomber à terre, Cuba, une fois rompue la connexion qui l’unit à l’Espagne, doit nécessairement graviter vers l’Union nord-américaine.» En réalité c’était cela, tout au début, la vraie vision des Etats-Unis envers la grande île. L’enjeu majeur était la quête de débouchés, mais aussi d’établissement de bases militaires dans le but d’assurer sa sécurité hors de ses frontières, dans un monde où les rapports de force à l’échelle internationale interpellent toute puissance.

L’entrée en scène des Etats-Unis à Cuba cotre l’empire espagnol

   Le 15 février 1898, l’explosion d’un cuirassé Maine américain qui mouillait à La Havane, donne le coup d’envoi d’une intervention militaire de Washington qui considère l’événement comme une provocation de la part de l’Espagne. L’incident provoqua plus de 260 morts du côté des américains. Il faut cependant signaler que l’île en ce moment fut secouée par des émeutes dirigées par le général Antonio Marceo et le célèbre José Marti, qui ont réussi à mettre en mal les forces de l’empire espagnol. Apres seulement deux mois d’assaut contre les troupes espagnoles présentes à Cuba, la reine d’Espagne consciente que les rapports de force ne lui sont nullement favorables, demande l’armistice le 10 avril 1898. Mais cela n’empêchait pas que Washington, par un vote au Sénat (42 voix contre 35), déclara « une guerre pour la libération de Cuba ». Après de longues luttes sanglantes menées par le peuple cubain pour se libérer du joug espagnol, les américains ne devraient-ils pas plutôt placer cette intervention dans le cadre d’un soutien, d’une assistance à un peuple, à des hommes qui ont déclenché et gagné cette guerre de libération contre l’empire espagnol ? Mais tel ne fut pas le cas. La position géographique de Cuba offre à l’île une position de carrefour des routes commerciales maritimes vers les Amériques. L’activité commerciale y occupe une place importante dans l’économie depuis des siècles, et est dominée par la canne à sucre, le tabac, le café, les pierres angulaires… En matière de défense et de stratégie militaire, elle donne une ouverture vers les routes qui jalonnent les mers et les océans de la planète. C’est la raison pour laquelle avant même que ne soit achevée l’intervention contre les espagnoles, le 20 avril 1898, les Etats-Unis adoptent la Joint Resolution. A travers cette résolution, les Etats-Unis s’engagent à ne pas mener aucune domination sur Cuba. Mais contrairement à cette idée qui semble conférer à l’île une autonomie, les Etats-Unis fixent le model de gouvernement approprié sur l’île et qui sera en exercice après la pacification et le désarmement des rebelles. De ce fait, Cuba sans armée ni défense fut militairement occupée par les Etats-Unis et placée sous l’autorité d’un général de l’armée américaine. De 1898 à 1910 Cuba fut un protectorat américain dirigé par des « régimes d’occupation militaire ». Ensuite, vont se succéder des dictatures fantoches au service de Washington qui a le monopole des échanges dans tous les secteurs au niveau de l’île. A La Havane, l’un des sentiments les plus partagés par les cubains de l’époque fut le fait de s’être fait volé la victoire en 1898 sur l’Espagne par les américains. Sous le prétexte de la liberté qui justifie presque toutes leurs interventions, les américains vont procéder à une néo colonisation de Cuba. Ainsi on peut dire que la doctrine Monroe, la guerre hispano-américaine, la Joint Resolution et l’amendement Platt , s’inscrivent tous dans cette logique de contrôle et d’occupation masquée de Cuba. Cette politique d’ingérence américaine, en dehors de Cuba, est aussi valable et perceptible dans presque toute l’Amérique latine : Nicaragua, Puerto Rico, Guam, Guatemala etc. Ainsi, pour mieux saisir la perception américaine de l’île de Cuba, il faut nécessairement essayer d’appréhender les rapports ou encore les activités menées par Washington pour y consolider sa présence et sa domination. Cette étude couvre toute la période allant de la pacification à la veille de la révolution, en passant par les dictatures qui se sont succédé sur l’île.

De la mise en œuvre des Reformes à Cuba

  Pour rassurer les paysans, la première Reforme agraire fut lancée le 17 mai 1959. Elle réorganise les surfaces d’exploitations à une superficie minimale de 27 ha et maximal de 402 ha ; de supprimer les grands domaines des latifundistes qui occupent presque toutes les terres alors qu’ils ne produisent pas suffisamment ; et enfin procède à une redistribution des terres au petits paysans. Même si la propriété privée n’est pas interdite, l’Etat obtient de grands domaines à exploitation collective issues des confiscations faites aux anciens privilégiés du régime de Batista. Un mois plus tôt avant le lancement de la réforme, Fidel Castro était reçu à la Maison Blanche par le vice-président Nixon, car le président Eisenhower évitait de le rencontrer. Selon certains historiens tel que Eric NGUYEN, la Maison Blanche cherchait à savoir s’il était communiste ou pas, dans la mesure où les décisions qu’il prenait avaient un sens socialiste comme si étant édictées à partir de Moscou. Ce voyage resta sans succès, surtout dans les futures relations entre les deux pays. Dés son retour à Cuba, après avoir mis en œuvre la Réforme agraire, Castro passa à l’étape de l’expropriation et de nationalisation des entreprises étrangères présentes sur l’île. Du coup, la quasi-totalité des secteurs économiques et financiers passaient sous le contrôle de l’Etat qui va se charger de leur gestion effective. Toutes ces nouvelles mesures adoptées sur le plan intérieur par le gouvernement de Fidel Castro à l’encontre des intérêts nord-américains, supposaient un courage face aux menaces proférées par le président Eisenhower plus tôt en ces termes : « Si un Etat latino américain établissait avec le bloc soviétique des liens étroits qui soient de nature à porter préjudice à nos intérêts vitaux, les Etats-Unis devraient être prêt à réduire leur coopération économique et financière avec ce pays et à recourir aux mesures politiques, économiques ou militaires qui seraient appropriées». Cette mise en garde très précise, sème le doute, la crainte et l’incompréhension du gouvernement révolutionnaire par rapport aux intentions américaines dans la région. Du coup les représailles s’installent entre les deux pays quand les Etats-Unis, en juillet 1960, mettaient fin à leur importation de sucre cubain. Vue la part réservée aux américains dans cette économie du sucre en provenance de Cuba, le but de cette décision ne peut être qu’une tentative d’asphyxier l’île économiquement, afin de forcer le gouvernement castriste à revenir sur certaines décisions. En réponse à cette provocation de Washington, La Havane intensifie les mesures de nationalisation et toutes les compagnies américaines (estimées à une somme colossale d’un milliard de dollars), passent pour des propriétés de l’Etat cubain. Il est donc clair, aux yeux des Etats-Unis et des étrangers à Cuba que le régime castriste allait se tourner vers l’URSS pour chercher une alternative à la nouvelle politique de Washington.

Le recourt à l’arme économico financière et à la migration des  exilés  cubains comme arme contre le castrisme par Washington

  Avant l’éclatement de la crise d’octobre 1962, l’embargo américain contre Cuba était déjà en vigueur. Ainsi après photographie et identification de la présence des fusées soviétiques sur le sol cubain, le président Kennedy redéfinit les termes de l’embargo. Ce maniement de la notion pour faire prévaloir des intérêts met en évidence, selon Louis Dubouis, « la souplesse de la terminologie du droit international ». C’est ainsi que Washington décrète un « blocus » de l’île qui par la suite sera qualifié de « quarantaine ». La différence entre ces deux termes résulte du fait que la quarantaine exclut du blocus les produits pétroliers, et est « nettement moins agressif que celui du blocus et plus appropriée à une mesure de défense pacifique ». En tout cas, ce fut la mesure qui permit aux Etats-Unis d’empêcher les bateaux soviétiques porteurs d’armes nucléaires d’accoster sur l’île, donnant ainsi à Khrouchtchev l’occasion de trouver une sortie de crise pacifique bien qu’ayant de graves conséquences sur son futur politique et celui de l’URSS. Quelle que soit l’appellation : blocus, quarantaine ou embargo, la rupture qui en découle fut lourde de conséquences pour Castro, le gouvernement et le peuple cubain. Car, jusqu’en 1959, le nord-américain a toujours été le partenaire privilégié de l’île de Cuba en matière d’échange commerciaux. Depuis la guerre hispano-américaine, les Etats-Unis se sont imposés sur le marché cubain ayant ainsi une mainmise non négligeable sur l’économie. Ceci est d’autant plus vrai que jusqu’à le veille de la révolution, 73% des exportations de l’île de Cuba étaient destinées au marché nord-américain, avec évidemment des termes d’échanges préférentiels qui profitaient à la production de l’île. En matière d’importation, 70% des produits qui entraient sur l’île étaient d’origine américaine. Rien qu’avec ces indicateurs, la nature des relations que l’embargo va mettre un terme peut être conçue, pour enfin permettre une meilleure compréhension des défis auxquels les castristes devront faire face. Cet état de siège fait dire au Haut Commissariat aux droits de l’homme des Nations unies, dans un rapport publié en janvier 2007 que : « les restrictions imposées par l’embargo ont contribué à priver Cuba d’un accès vital aux médicaments, aux nouvelles technologies médicales et scientifiques ». L’embargo reste donc un moyen pour Washington de mettre en mal presque tous les secteurs de l’économie cubaine. La cubana de aviacion et la marine cubaine ont reçu l’interdiction de survoler l’espace aérien nord-américain ou d’accoster dans ses ports. Cuba reste exclut de l’OEA et du Fond Monétaire Internationale (FMI) qui ne reconnait pas sa monnaie. Ce qui a de néfastes répercussions envers l’île qui est obligée de payer trop cher ses emprunts dans le système financier mondial. Encore, aucune entreprise américaine ne possède le droit de commercer avec l’île et « les citoyens de du pays de l’Oncle Sam n’ont pas le droit de s’y rendre, sous peine de sanctions ». Du point de vue du Secrétaire HODGES, dans une déclaration prononcée devant le Comité des Affaires étrangères du Senat, la baisse dramatique des importations cubaines en provenance du monde libre demeure la conséquence principale de l’embargo américain. De 1962 jusqu’à la chute de l’URSS au début des années 90, les Etats-Unis ont tenté à travers le blocus d’isoler La Havane, afin d’appauvrir le régime castriste et précipiter son écroulement. Donc pendant toute cette période, pour combler les carences provoquées par l’embargo de son économie, La Havane pu se contenter de l’aide soviétique mais aussi des pays du tiers monde qui, pour la plus part, voyaient en la révolution cubaine et en son leader, l’expression d’un refus au colonialisme, à l’ingérence et à l’interventionnisme. La mise en place par l’administration Kennedy du Cuban Project ou opération Mangouste, confirmait la ferme volonté de Washington pour en finir avec Castro, à travers une trentaine de plan de sabotage, d’invasion ou d’attaques orchestrées par la CIA. En plus, la prolifération du nombre des exilés cubains en Floride fut perçue par le président Kennedy comme un atout que les Etats-Unis pouvaient saisir pour contrecarrer l’action révolutionnaire. Les premiers flux migratoires étaient principalement constitués de l’élite politique déchue de l’ancien régime que Washington comptait utiliser et retourner contre la révolution.

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
PROBLEMATIQUE
REVUE DE LA LITTERATURE
METHODOLOGIE
PREMIERE PARTIE : PRESSIONS AMERICAINES ET RADICALISATION DU REGIME CASTRISTE (1959-1962)
INTRODUCTION
CHAPITRE I – RAPPEL HISTORIQUE : DE LA GUERRE HISPANO-AMERICAINE A L’AVENEMENT DE LA REVOLUTION (1898-1959)
1.1 CUBA SOUS DOMINATION ESPAGNOLE
1.2 L’ENTREE EN SCENE DES ETATS-UNIS A CUBA COTRE L’EMPIRE ESPAGNOL
1.3 INFLUENCE POLITIQUE ET MONOPOLE ECONOMIQUE AMERICAIN A CUBA (1898-1959)
1.4 DES PREMICES AU TRIOMPHE DE LA REVOLUTION CUBAINE (1953-1959)
CHAPITRE II – DE LA DISCORDE DANS LES RELATIONS CUBANO-AMERICAINES
2.1 DE LA MISE EN ŒUVRE DES REFORMES A CUBA
2.2 REACTIONS AMERICAINES ET RECOURT A L’URSS DE CUBA
CHAPITRE III – CUBA AU CŒUR DE LE GUERRE FROIDE
3.1 DE L’INSENSIBILITE CUBAINE AUX RELATIONS EST OUEST A SON ENTREE DANS LE BLOC SOVIETIQUE
3.2 LE FIASCO DE LA BAIE DES COCHONS (AVRIL 1961) ET SES CONSEQUENCES
3.3 LA CRISE D’OCTOBRE 1962
DEUXIEME PARTIE : TENSIONS ET MODE OPERATOIRE DE CONFLIT ENTRE WASHINGTON ET LA HAVANE (1962-2010)
INTRODUCTION
CHAPITRE IV – UN DISPOSITIF AMERICAIN DE REPRESSION A L’EGARD DE CUBA
4.1 ISOLER CUBA DANS LA SPHERE LATINO-AMERICAINE
4.2 LE RECOURT A L’ARME ECONOMICO FINANCIERE ET A LA MIGRATION DES EXILES CUBAINS COMME ARME CONTRE LE CASTRISME PAR WASHINGTON
CHAPITRE V – UNE GAMME DE STRATEGIES DE « RESISTANCE » CUBAINE
INTRODUCTION
5.1 LES RAPPORTS EST-OUEST AU SERVICE DE LA CAUSE CUBAINE
5.2 LA PARTICULARITE D’UNE REORGANISATION POLITICO-ECONOMIQUE : CONTRER L’ACTION IMPRODUCTIVE NORD-AMERICAINE
5.3 DE LA MISE EN PLACE DES RESEAUX DIPLOMATIQUES EN DIRECTION DE L’AMERIQUE LATINE ET DE L’AFRIQUE
5.4 DE L’AUTOCRITIQUE POUR UN REAJUSTEMENT DE LA STRATEGIE DE RESISTANCE
5.5 LA DIFFICILE QUESTION DE L’EMIGRATION
5.6 QUELLE POSTURE ADOPTEE FACE A LA DISPARITION DE L’URSS ?
5.6.1 DE FIDEL A RAUL : LE NOUVEAU CASTRISME CUBAIN
5.7 LA MUSIQUE ET LE SPORT AU SERVICE DE LA REVOLUTION
5.7.1 UNE MUSIQUE ENGAGEE
5.7.2 LE SPORT COMME VITRINE D’UNE IDEOLOGIE
TROISIEME PARTIE : VERS LA NORMALISATION DES RELATIONS CUBANOAMERICAINES (2010-2015)
INTRODUCTION
CHAPITRE VI – MUTATIONS GEOPOLITIQUES FACE AU CHANGEMENT DE CAP DANS LES RELATIONS CUBANO-AMERICAINES
6.1 LA FIN DE LA GUERRE FROIDE
6.2 UNE NOUVELLE CONFIGURATION POLITIQUE A CUBA ET AUX ETATS UNIS
6.3 DE LA PRISE EN CONSIDERATION DES ENJEUX ECONOMIQUES
CHAPITRE VII – PRINCIPAUX ACTEURS INTERVENANT DANS LE PROCESSUS DU « DEGEL » ENTRE WASHINGTON ET LA HAVANE
7.1 UNE DIPLOMATIE ACTIVE
7.2 LA COMMUNAUTE CUBANO-AMERICAINE, L’OPINION PUBLIQUE ET LES ENTREPRISES AMERICAINES COMME DEFENSEURS DE LA NORMALISATION
7.3 L’AMERIQUE LATINE ET LA COMMUNAUTE INTERNATIONALE POUR UNE LEVEE DES SANCTIONS
7.4 LE VATICAN : UN ARTISAN DE LA NORMALISATION CUBANO AMERICAINE
CONCLUSION GENERALE
SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE

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