La cryptococcose est une mycose systémique cosmopolite due à une levure encapsulée appelée Cryptococcus néoformans. Cette levure est remarquable par son tropisme pour le système nerveux central (SNC) et les méninges. La Cryptococcose neuroméningée (CNM) se développe essentiellement chez les sujets ayant un déficit de l’immunité à médiation cellulaire. Elle a considérablement augmenté en fréquence depuis 1985 du fait de l’évolution du nombre de cas diagnostiqués chez les patients infectés par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) , celui des patients VIH négatif étant stable [1] La cryptococcose est la mycose systémique la plus fréquemment observée au cours du SIDA, représentant la troisième cause d’infections du système nerveux central après les encéphalites virales (VIH-CMV) et la toxoplasmose [2 ,3] Elle peut être localisée au niveau des poumons [1] voir se résorber en présence d’hôtes immunocompétents. Par contre en cas d’immunodépression, l’infection va se disséminer, atteignant d’autres organes avec une affinité particulière pour le système nerveux central Selon L’OMS en 2002 : «10 à 30% des PVV présentant une cryptococcose neuroméningée vivant en zone tropicale mourront à cause de cette pathologie opportuniste ». [4] Au Sénégal, la CNM était rarement observée jusqu’à une date récente .C’est à partir de 1999 qu’on a note une augmentation du nombre des patients atteints. C’est dans ce contexte que nous avons entrepris cette étude rétrospective à la clinique des Maladies Infectieuses du CHNU de Fann durant la période allant du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2014. , avec pour objectifs :
– Décrire les aspects épidémiologiques cliniques et évolutifs de la CNM
– Formuler des recommandations pour une meilleure prise en charge de cette pathologie.
Ainsi, pour atteindre ces objectifs, nous allons, dans une première partie, faire une revue de la littérature médicale traitant de la cryptococcose, Dans une 2ème partie, nous allons présenter et analyser nos données et dan une troisième partie discuter nos résultats et enfin formuler des recommandations.
RAPPELS
Historique
Le germe en cause appelé Cryptococcus néoformans (espèce plus pathogène chez l’homme) fut isolé pour la 1ère fois en Sardaigne par F.SANFELICE dans du jus de pêche. En 1894, Otto Busse isole un pathogène sur une lésion du tibia d’un patient ayant des ressemblances avec le genre Saccharomyces. En 1901, Jean-Paul Vuillemin renomme cette dernière Cryptococcus neoformans puisqu’elle ne produit pas d’ascospores [5]. Par la suite environs 50 synonymes ont été utilisés. Le premier cas de méningite fut découvert en 1914 par Versé [6]. Dès 1951, le caractère opportuniste de cette infection fut mis en évidence chez des patients immunodéprimés par un lymphome, un diabète ou une corticothérapie. La maladie a également été appelée « Torulose », « maladie de Busse-Buschke », «Blastomycose européenne ». Les travaux génétiques, biochimiques, épidémiologiques et pathogéniques de Kwon-Chung et Bennett [7] ont montré que l’espèce C neoformans se subdivise en deux variétés :
– C neoformans variété neoformans (Cn neoformans) correspondant aux sérotypes A et D ;
– C neoformans variété gattii (C n gattii) et correspondant aux sérotypes B et C. La spécificité de sérotype est portée par le GXM. Il existe d’autres espèces de cryptocoques cosmopolites saprophytes ne devenant pathogènes qu’exceptionnellement.
– Cryptococcus albidus a été isolé des lésions méningitiques, pulmonaires et le sang [8], il ne pousse pas à 37°C et non pathogène pour la souris,
– Cryptococcus laurentii est saprophyte des fruits, de grains, de feuilles du sol et d’eau de mer. Il a été isolé des lésions cutanées, d’abcès du poumon [8]. Il n’est pas pathogène pour la souris.
– Cryptococcus uniguttulatus a été isolé à partir d’un onyxis en 1934
– Cryptococcus terans a été isolé du sol en 1954 .
La forme sexuée Filobasidiella fut découverte en 1975 par Kwon-Chung, l’hétérothallisme de C. neoformans (signes a et a) permettant alors des études de génétique classiques avec le sérotype D. Ce n’est que récemment qu’une troisième variété a été décrite, la variété grubii correspondant au sérotype A laissant seul le sérotype D dans la variété neoformans.
Epidémiologie
Biotope
La répartition géographique de cryptococcus neoformans diffère selon la variété. La variété neoformans est ubiquitaire mais prédomine dans les zones tempérées telles que l´Europe, l´Amérique du nord et l´Afrique du nord. Tandis que la variété gattii est surtout retrouvée dans les régions tropicaux telles l´Afrique australe, centrale et du sud, et l´Amérique du sud. Mais également en Europe de l´est et en Océanie. La variété grubii a par contre surtout été retrouvée en Amérique du nord [9]. C. neoformans vit à l’état libre en saprophyte dans la nature et dans le sol enrichi en matières organiques. Il est retrouvé fréquemment dans les fientes de pigeons très riches en acide urique, xanthine, guanine et créatinine nécessaires à son développement et à la genèse des formes sexuées. On le trouve parfois dans les fientes de moineaux, perdrix, serin, canari, poules, aigles. Les fruits et le lait peuvent également le véhiculer [10, 11, 12]. En Afrique, il a été retrouvé dans de la poussière domestique récoltée au domicile de patients atteints de cryptococcose associée au SIDA [12].
Il est très résistant dans le milieu extérieur : plus de 16 mois dans le sable et 2 ans dans la terre humide et ombragée avec un pH de 6,8 à 7,2. Son développement s’arrête à partir de 39°C. C’est pourquoi il ne peut pas se multiplier dans le tractus digestif du pigeon [8] mais il survit dans le jabot où la température est nettement plus basse. C noeformans gattii n’a à ce jour pas été isolé du sol [8]. Sa niche écologique est constituée par les forêts d’Eucalyptus camaldulensis [11].Cette variété a été décrite dans les fèces des animaux se nourrissant de cette plante.
Mode de contamination
Il existe un consensus sur la notion d’une porte d’entrée habituellement pulmonaire. La porte d’entrée cutanée est possible après une inoculation directe, mais elle est minoritaire. L’infection se produit par inhalation du champignon contenu dans des poussières infectantes. Les particules infectantes de taille variable mais pouvant être inférieure à 2 lm, peuvent pénétrer dans les alvéoles pulmonaires. Le rôle infectant des basidiospores (spores issues de la reproduction sexuée) reste hypothétique. Il n’existe aucune contamination interhumaine ou d’animal à l’homme, bien que l’on ait rapporté des cas de cryptococcoses chez le chat (méningite) et chez la vache (mammite). La relation directe entre fientes de pigeons et infection est cependant rarement établie. En effet, la multiplicité des sources possibles, en particulier dans un environnement urbain, et la diversité génétique des souches rendent généralement impossible la découverte de la source précise. L’histoire naturelle de l’infection n’est pas encore clairement établie. L’une des hypothèses est que les particules infectantes inhalées se maintiennent dans l’organisme (probablement dans les macrophages alvéolaires) jusqu’à l’apparition d’un déficit immunitaire qui leur permettraient de sortir de cette phase dormante, de se multiplier et de disséminer dans tous les organes après une fongémie. La méningite cryptococcique serait donc due le plus souvent due à la réactivation d’une infection latente avec une longue période de latence entre exposition et diagnostic. Il existe quelques cas d’infections aiguës pulmonaires liées à l’inhalation massive de poussières contaminées par C. neoformans ou de lésions cutanées succédant à la souillure d’une plaie par des débris ou des poussières sols contaminés [13].
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : RAPPELS
1-Historique
2-Epidémiologie
2-1- Biotope
2-2 Mode de contamination
2-3 Répartition géographique
3. Physiopathologie de la cryptococcose neuro-méningée chez L’immunodéprimé à VIH
3.2. Facteurs de virulence
3.2.1. Croissance à 37 °C
3.2.2. Polysaccharide de capsule
3.2.3. Laccase et mélanine
4-1-1- Facteurs prédisposants
4-2- Mécanismes de défense
4-3- Quelles sont les raisons de l’atteinte élective du système nerveux central (SNC)
5- Manifestations cliniques
5.1- Forme clinique typique : Méningo-encéphalite cryptococcique subaiguë de l’adulte infecté par le VIH
5.1.1 Au début
5.1.2 Phase d’état
5.1.3 Évolution
5-2 Formes cliniques
5-2-1 Les formes symptomatiques
5-2-2 Formes selon la localisation
5.2.2.1. Atteinte pulmonaire
5.2.2.2. Atteinte cutanée
5.2.2.3. Atteinte urinaire et prostatique
5.2.2.4. Atteinte Osseuses et Articulaire
5.2.2.5. Atteinte digestive
5.2.2.6. Atteinte cardiaque
5.2.2.7. Fongémie
5.2.2.8. Autres localisations
5.2.3. Formes selon le terrain
6. Examens paracliniques
6-1 : Biologie
6-1-1- Examen direct du LCR
6-1-2- Culture du LCR
6-2 : Immunologie
6-2-1 Antigènes
6-2-2 : Anticorps
6-3 : Imagerie médicale
6-3-1 TDM cérébrale ou Scanner
6-3-2 Imagerie par résonnance magnétique (IRM)
6-4 Anatomopathologie
7 – Diagnostic
7-1 Diagnostic positif
7-2 Diagnostic différentiel
7-2-1 La méningite tuberculeuse
7.2.2. La toxoplasmose
7.2.3. Les encéphalites et méningo-encéphalites virales
7.2.4. Les tumeurs (lymphomes, kaposi …)
7.2.5. Les suppurations intracrâniennes (abcès, empyèmes, thrombophlébites, artérites …)
8- Evolution et pronostic
8-1 Evolution
8-2 Pronostic
9- TRAITEMENT
9-1-1 Buts
9-1-2 MOYENS
9.1.3. Indication
9-1-3-1 Traitement d’attaque
9-1-3-2 Traitement d’entretien
9-1-3-3 Critères d’arrêt du traitement
9-2 Traitement prophylactique
9-2-1La prophylaxie primaire
9-2-2 Prophylaxie secondaire
9-2-4. Arrêt et reprise de la prophylaxie secondaire
DEUXIEME PARTIE
1. Cadre d’étude
2. Méthodologie
2.1. Type et période d’étude
2.2. Population d’étude
2.3. Recueil et exploitation des données
2.4. Contraintes
3. Résultats
3.1. Etude descriptive
3.1.1. Aspects épidémiologiques
3.1.1.1. Répartition selon l’origine géographique et la région
3.1.1.2. Répartition selon l’année
3.1.1.3. Répartition selon le sexe
3.1.1.4. Répartition des patients selon l’âge
3.1.1.5. Répartition des patients selon la profession
3.1.1.6. Répartition selon le statut matrimonial
3.1.1.7. Répartition selon le type et le niveau d’enseignement
3.1.1.6. Répartition selon le statut l’exposition aux facteurs de risque
3.1.2. Antécédents
3.1.3. Les aspects cliniques
3.1.3.1. Signes cliniques
3.1.3.2. Pathologies associées
3.1.3.2.1 VIH
3.1.3.2.2. Infections opportunistes
3.1.3.2.3. Les autres localisations de la cryptococcose
3.1.4. Les aspects évolutifs
4. Discussion
4.1. Aspects épidémiologiques
4.2. Aspects cliniques
4.3. Aspects évolutifs
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
BIBLIOGRAPHIE