L’aménageur au sens large, c’est-à-dire l’élu ou le professionnel, conçoit des projets qui doivent répondre à un besoin mais qui doivent aussi être acceptés par le citoyen. Il est en effet nécessaire d’adapter le projet à l’usager d’une part mais il est aussi nécessaire de réduire autant que possible l’impact sur le cadre de vie des citoyens en général, qu’ils soient usagers ou non. Cette question d’acceptation du projet est de plus en plus importante avec la prise de conscience, depuis quelques années, de l’importance du cadre de vie. Pour répondre à cela la participation citoyenne est mise en avant et prônée. Des démarches impliquant, plus ou moins, le citoyen sont mises en place. L’idée semble bonne et intéressante puisqu’il s’agit de mieux définir les attentes de chacun mais aussi de rapprocher les élus et professionnels des citoyens. Cependant et malgré le développement continu de ce type de démarches et leur intérêt indéniable, certains blocages existent et les résultats obtenus sont semblent-ils décevants. L’apparition d’internet ouvre la voie au développement de nouveaux outils potentiels pouvant aider à la mise en place de ce type de démarche. Internet semble en effet offrir une certaine liberté d’expression qui peut potentiellement motiver certains citoyens à participer. Qui plus est, ce média est flexible, interactif et accessible quasiment partout désormais. Son utilisation pourrait donc éventuellement faciliter la mise en place de processus de participation citoyenne. À l’heure où internet est partout, jusqu’aux creux de nos mains avec les smartphones, la question de l’utilisation des outils de crowdsourcing comme moyen de favoriser la participation citoyenne se pose. Son utilisation n’est pas encore très développée dans le cadre de projet d’aménagement cependant il l’est dans le cadre de projet commerciaux où des entreprises font appel à des consommateurs ou à une population plus large pour effectuer une tâche précise. Ces exemples laissent à penser qu’une démarche similaire puisse être envisagée dans le cadre de projets d’aménagement. Cette étude vise donc à étudier l’intérêt potentiel de ces nouveaux outils et de la mise en place d’une démarche de crowdsourcing dans le cadre d’un projet d’aménagement.
Le forum de discussion, nouvel outil au service de la participation citoyenne
Cadre et évolution de la participation citoyenne
L’évolution de la participation citoyenne dans le cadre des projets urbains et rappel des obligations juridiques
Les divers niveaux d’implication des citoyens dans les projets d’aménagement et d’urbanisme
Il existe tout d’abord diverses manières et surtout divers moyens d’impliquer les citoyens dans un projet d’aménagement et d’urbanisme. Ces moyens dépendent notamment du niveau d’implication du citoyen ou de l’habitant choisit par les aménageurs et les élus. Il existe en effet différents niveaux d’implication qui ne donnent dans les faits pas le même résultat. Voici la typologie des principales formes d’implication possibles des citoyens dans le projet d’aménagement qui sont utilisés dans la pratique. Le premier niveau concerne l’information. C’est-à-dire le fait de transmettre de l’information et de la documentation au citoyen afin de l’informer d’un projet en cours ou de son évolution, s’il a déjà été réalisé. Cela permet tout d’abord au citoyen d’en connaitre l’existence mais aussi éventuellement d’adapter son mode de vie en fonction de ce projet. Cependant le citoyen n’est pas écouté et n’a pas son mot à dire dans ce contexte de travail. Cette phase d’information est la base de toute prise en compte de la parole citoyenne. Cette phase d’information est ainsi nécessaire pour tous les niveaux supérieurs d’implication du citoyen. Vient ensuite la consultation, c’est-à-dire le fait de recueillir l’avis et la parole des citoyens afin éventuellement d’adapter le projet d’aménagement ou d’urbanisme en fonction des dires de ces derniers. D’après la CNDP (Commission Nationale du Débat Public), « La consultation est un processus par lequel les décideurs demandent l’avis de la population afin de connaître leur opinion, leurs attentes et leurs besoins, à n’importe quel stade de l’avancement d’un projet » . Ceci étant, au contraire du niveau d’implication suivant, à savoir la concertation, la parole citoyenne est bien souvent recueillie en aval des grandes décisions et surtout le citoyen n’est pas forcément écouté et il n’y a souvent pas de retour de la part des décideurs. L’idée est ici de prévenir un échec et non d’optimiser le projet. L’idée peut même être pour certain de se mettre en avant plus que de réellement prendre en compte la parole citoyenne. En effet, à ce niveau d’implication, le citoyen ou l’habitant a la possibilité de s’exprimer mais le décideur ne s’engage pas à prendre en compte ce qui est exprimé. L’enquête publique est un des outils utilisés dans ce cadre d’implication du citoyen. En ce qui concerne la concertation, il s’agît d’un système relativement proche de la consultation. Selon la CNDP, cela implique un véritable dialogue entre décideurs et citoyens et surtout cela implique une prise en considération de la parole citoyenne dès le début du projet et en amont des décisions comme le souligne la Charte de la concertation du Ministère de l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement . Si officiellement il n’y a pas d’engagement strict quant à la prise en compte de la parole citoyenne, cette démarche implique un dialogue et donc un retour de la part des décideurs vers les citoyens. Comme cela est dit dans l’ouvrage « Bonne pratique à l’usage des collectivités territoriales »: « La concertation se caractérise par l’implication fondée sur le travail en commun des élus, des techniciens et des habitants du territoire sur un projet public, selon une procédure collective préalable à la décision » . Dans ce cadre, la prise en compte du citoyen est importante et nécessite donc également la mise en œuvre de moyens.
Une prise en compte de la participation citoyenne qui s’accroit depuis la décentralisation
Outre l’expression du citoyen par le biais des urnes, les possibilités étaient faibles jusqu’à l’instauration des enquêtes publiques. La prise en compte de la parole des citoyens et habitants apparait en effet réellement et juridiquement à partir de 1810 avec la création des enquêtes publiques. Cette instauration des enquêtes publiques permet au citoyen de s’exprimer sur des projets d’aménagement précis et non plus de s’exprimer de manière globale en passant par les urnes. Ces enquêtes publiques existent toujours aujourd’hui et sont plus généralisées. Cette possibilité qui est offerte au citoyen peut être vue comme un complément du vote puisqu’elle lui permet de mettre en avant ses opinions et son point de vue sur des projets particuliers pouvant affecter son cadre de vie.
Peu d’évolutions en terme de prise en compte de la parole citoyenne ont été observées jusqu’à la mise en place de la politique de décentralisation au début des années 1980, sous la présidence de François Mitterrand. Cette politique a impliqué des changements organisationnels politiques et un rapprochement de l’appareil décisionnel du citoyen. Ce rapprochement entre élus et citoyens a nécessité également des adaptations en termes de prise en compte de la parole citoyenne puisque les élus sont désormais plus accessibles pour ces derniers. Ces changements étaient aussi revendiqués et souhaités par les citoyens suite aux politiques d’aménagement passées comme l’évoque H. Bailleul dans sa thèse . À cette époque, les citoyens ont pris conscience des erreurs commises avec les politiques de reconstruction mises en place après la seconde guerre mondiale, notamment la construction des grands ensembles, et souhaitent donc pouvoir donner aussi leurs avis. D’après H. Bailleul , il y a une forme de contestation des procédés d’aménagement considérés comme trop autoritaires. Les habitants prennent également conscience de l’expertise dont il dispose en termes de connaissance des lieux. L’habitant a en effet indéniablement une expertise en termes de vécu et d’usage des espaces. Les élus prennent eux aussi conscience de cette nécessité de se rapprocher des citoyens. Comme le souligne Sabine Rui, « Les conflits suscités par les projets autoroutiers et ferroviaires dès la fin des années 1980 témoignent d’une panne de la démocratie et des processus de conduite des projets et convainquirent le législateur que la légitimité des décisions devait se construire avec les acteurs des territoires en cause » . Une des autres raison de cette prise en compte de plus en plus importante de la parole citoyenne s’explique par la prise de conscience concernant la nécessaire protection de l’environnement. Cette considération est de plus en plus importante, autant de la part des élus que de celle des citoyens qui prennent désormais conscience de l’importance du cadre de vie et de sa nécessaire protection.
Les principales règlementations en termes de participation citoyenne
Comme cela a été évoqué précédemment, la première prise en compte de la parole citoyenne est apparue avec les enquêtes publiques instaurées en 1810. Il s’agissait à l’origine de défendre le droit à la propriété dans le cadre des politiques d’expropriation . En Décembre 1967, la loi LOF (Loi d’Orientation Foncière) est votée et instaure les POS (Plans d’Occupation des Sols) et les SDAU (Schémas Directeurs d’Aménagement et d’Urbanisme). Cette loi instaure également l’obligation de rendre publique ces documents, afin d’informer le citoyen, et ils sont soumis à enquête publique. Ce droit à l’information des citoyens est renforcé en 1978 avec la création de la CADA (Commission d’Accès aux Documents Administratifs) qui veille au respect de ce droit. En ce qui concerne la participation active des citoyens aux projets urbains, cette dernière est assurée tout d’abord par les enquêtes publiques instaurées donc en 1810 et sera démocratisée plus largement en matière d’urbanisme à partir de 1983 et de la création de la loi Bouchardeau qui implique l’obligation de mener des enquêtes publiques pour toute création mais également révision ou modification de POS. Cette loi Bouchardeau régit plus précisément les procédures à suivre pour mener les enquêtes publiques afin de consulter la population. Ceci étant il ne s’agit toujours pas de processus de concertation mais plutôt d’une démocratisation du processus de consultation en généralisant les enquêtes publiques. Toujours en matière de consultation, la loi Aménagement de 1985 va plus loin puisqu’elle oblige, quant à elle, les collectivités à consulter la population pour toute création de zone NA (zone à urbaniser), projet de ZAC mais surtout pour tout projet modifiant considérablement le cadre de vie. En dehors des obligations juridiques, la loi du 6 Février 1992 offre la possibilité aux élus de solliciter les citoyens dans le cadre d’un référendum local.
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Table des matières
Introduction
Le forum de discussion, nouvel outil au service de la participation citoyenne
I. Cadre et évolution de la participation citoyenne
1. L’évolution de la participation citoyenne dans le cadre des projets urbains et rappel des obligations juridiques
2. Intérêt de la participation citoyenne pour l’aménageur et l’élu
3. Les limites constatées en matière de participation citoyenne
II. Le crowdsourcing, outil dans le cadre d’un projet d’aménagement ?
1. La mise en place d’un système de crowdsourcing dans le cadre d’un projet d’aménagement est-elle envisageable ?
2. Intérêt du crowdsourcing dans le cadre d’un projet d’aménagement
III. Le forum de discussion, nouvel outil potentiel de participation citoyenne
1. Le forum de discussion, un outil se rapprochant de la forme classique de débat
2. Des paramètres à prendre en considération
Cas d’étude : Forum de discussion concernant le projet Lyon Confluence
I. Le forum Lyon-urbanisme et la discussion Lyon Confluence
II. Méthodologie de l’étude
1. Données
2. Outils
3. Protocole
4. Difficultés rencontrées
III. Résultats de l’étude des profils des contributeurs
1. 6 groupes distincts de contributeurs
2. Affinage de la typologie avec d’autres paramètres
Recommandations et conseils pour la mise en place d’un forum de discussion dans le cadre d’un projet d’aménagement
Conclusion
Glossaire
Table des figures
Bibliographie
Ouvrages et travaux
Sites internet
Annexes
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