Définition du crowdsourcing
Le terme « Crowdsourcing » est composé de deux mots :
« Crowd (foule) + sourcing (Outsourcing ou externalisation) »
Ainsi, le concept du « Crowdsourcing » désigne l’externalisation vers la foule (Schenk et Guittard, 2012) ou encore l’externalisation des tâches en ligne au grand public appelé communauté via des plateformes. Ces dernières sont connues sous différentes dénominations notamment plateformes de crowdsourcing, de co création ou encore d’engagement. Par ailleurs, « plateforme de co-création » est le terme que nous allons utiliser tout au long de notre thèse et que nous allons aborder dans les sections qui suivent. Au niveau de la littérature portant sur le crowdsourcing, celui-ci a d’abord été défini par Howe (2006) de la manière suivante :
Simply defined, crowdsourcing represents the act of a company or institution taking a function once performed by employees and outsourcing it to an undefined (and generally large) network of people in the form of an open call. This can take the form of peer-production (when the job is performed collaboratively) but is also often undertaken by sole individuals. The crucial prerequisite is the use of the open call format and the large network of potential laborers.
En se basant sur cette définition du crowdsourcing, plusieurs auteurs ont proposé les leurs. A ce stade, nous retenons la définition claire et précise de Estellés-arolas et Gonzálezladrón-de-guevara (2012) évoquée par Brabham (2013) du fait qu’elle intègre tous les éléments de base du crowdsourcing ainsi que les motivations des individus :
Crowdsourcing is a type of participative online activity in which an individual, an institution, a nonprofit organization, or company proposes to a group of individuals of varying knowledge, heterogeneity, and number, via a flexible open call, the voluntary undertaking of a task. The undertaking of the task, of variable complexity and modularity, and in which the crowd should participate bringing their work, money, knowledge, and/or experience, always entails mutual benefit. The user will receive the satisfaction of a given type of need, be it economic, social recognition, self-esteem, or the development of individual skills, while the crowdsourcer will obtain and utilize to their advantage what the user has brought to the venture, whose form will depend on the type of activity undertaken.
En effet, cette définition englobe tous les éléments du crowdsourcing, notamment les organisateurs des pratiques du crowdsourcing, appelés ici les «crowdsourcers» qui revêtent différents types, les individus ou les participants connus sous la dénomination de la foule (crowd), et les motivations et les bénéfices de ces derniers, qui peuvent prendre des formes variées comme la reconnaissance sociale, l’estime de soi, ou encore l’amélioration de ses compétences. En outre, sont précisés également les bénéfices ou les avantages que peuvent tirer les « crowdsourcers » des pratiques du crowdsourcing qu’ils organisent ainsi que la diversité caractérisant celles-ci.
En somme, les crowdsourcers font appel à la créativité de la foule en lançant une variété de problèmes à résoudre ou des challenges sous-forme d’énoncés avec des consignes, exigences et préférences. La foule procède donc à la proposition des solutions sous-forme d’idées créatives en réponse au problème en question. Après, les crowdsourcers récompensent les meilleures solutions qui seront en leur possession et en tireront des gains ou des bénéfices (Brabham, 2008, 2010). Bien que le concept du crowdsourcing est désormais connu comme la pratique la plus adoptée récemment par les entreprises en termes d’innovation grâce aux TIC (Baruch et al., 2016 ; Jian et al., 2019 ; Pee et al., 2018 ; Saxton et al., 2013 ; Terranova, 2004), les praticiens et les chercheurs le confondent avec d’autres concepts voisins. Point que nous allons traiter juste après.
Distinction entre le crowdsourcing et les concepts voisins
Les concepts voisins du crowdsourcing sont généralement : user innovation, open innovation, open source et crowdfunding. Le tableau exposé, ci-après, présente les désignations de chacun de ces termes afin de donner un éclaircissement sur leur distinction du concept du crowdsourcing .
Par conséquent, le cœur du crowdsourcing est l’externalisation de certaines tâches auparavant exécutées en interne de l’entreprise (i.e., par ses employés) au grand public qui revêt, désormais, une grande importance grâce à sa créativité (Boukouyen et al., 2019a, 2019b, 2020a, 2020b). En plus de ces tâches, la participation de la foule représente aussi la raison d’être du crowdsourcing et constitue ainsi sa réussite (Pee et al., 2018). Ce grand public auquel est accordée une importance prodigieuse est composé de divers individus ayant différentes connaissances qui analysent et résolvent intelligemment un problème de perspectives distinctes. Ainsi, des solutions uniques émergent et souvent répondent parfaitement aux exigences des crowdsourcers. Cette singularité dont se caractérise la foule est appelée dans la littérature « la sagesse de la foule » (i.e., the wisdom of the crowd) (Brabham, 2010 ; Page, 2007 ; Surowiecki, 2004). Le crowdsourcing est désormais considéré comme étant un levier d’une grande ampleur pouvant conduire au succès, à la pérennité et à la survie des firmes, car il leur procure une masse de données précieuses et actualisées dont elles peuvent se servir pour mieux répondre aux besoins de leurs clients et en tirer un maximum de profit ainsi que de trouver de meilleures solutions à des problèmes complexes (Baruch et al., 2016 ; Byun et al., 2015 ; Goodchild et Glennon, 2010 ; Sullivan et al., 2014). Il s’avère, ainsi, judicieux de citer les quatre éléments de base du crowdsourcing (Baruch et al., 2016 ; Brabham, 2008, 2010, 2013 ; Estellés-arolas et González-ladrón-de-guevara, 2012 ; Jian et al., 2019 ; Pee et al., 2018) (Figure 3). Premièrement, le bénéfice mutuel qui renvoie au gain que peuvent tirer les crowdsourcers (i.e., organisateurs) et la foule (ou communauté). Deuxièmement, les crowdsourcers ou les organisateurs des pratiques du crowdsourcing (e.g., entreprises, organisations à but non lucratif, etc.) qui sollicitent des solutions pour des problèmes bien précis. Troisièmement, l’environnement virtuel qui constitue le lieu de rencontre des crowdsourcers et de la foule, où les tâches sont lancées et exécutées par celle-ci et où les interactions entre ces acteurs prennent place. Quatrièmement, la communauté ou la foule qui se sert de sa sagesse et créativité pour exécuter les tâches ou résoudre des problèmes sous-forme d’idées.
En effet, une pratique de crowdsourcing réussie, est celle caractérisée par la co-création, qui nécessite une interaction entre les deux parties prenantes (émetteur et exécuteur de la tâche). Cette interaction repose sur quatre éléments primordiaux, à savoir : Dialogue, Accessibilité, Risques-bénéfices et Transparence (i.e. modèle DART proposé par Prahalad et Ramaswamy, 2004a), ce qui conduit à une génération d’un bénéfice mutuel (Boukouyen et al., 2020b). Dans ce cadre, les plateformes de co-création axées sur cette forme ont des fonctionnalités de la communauté à la fois coopératives (e.g., possibilité d’émettre et de recevoir des feedbacks) et compétitives (e.g., prix, tableau de classement des participants), ce que l’on appelle la coopétition ou la communitition ; néologisme proposé par Hutter et al. (2011) (Boukouyen et al., 2019a, 2019b, 2020a, 2020b, 2020c) et sont souvent des plateformes de compétition à aspect informationnel. Lesdites plateformes sont administrées soit par l’entreprise initiatrice du projet (e.g. Club Makers détenue par Club Med, My Starbucks Ideas gérée par Starbucks) soit par un tiers (e.g. Fanvoice, eYeka, StudyKa, Agorize) (Boukouyen et al., 2019a, 2019b, 2020a, 2020c). Ces plateformes sont efficaces, rentables, pratiques et rapides dans la mesure où elles permettent de résoudre rapidement un problème (i.e., gain du temps) ainsi qu’elles favorisent l’échange et l’interaction entre les membres de la communauté (i.e., les participants) (Bullinger et al., 2010 ; Ramaswamy et Ozcan, 2018 ; Zhao et al., 2016). L’avènement du phénomène du crowdsourcing à caractère de co-création (i.e., crowdsourcing d’activités créatives) a permis aux entreprises d’être plus compétitives et ce en impliquant leurs clients dans différents projets. Pour ces derniers cette délégation de pouvoir par le biais des activités de crowdsourcing leur permet de créer quelque chose par eux et pour eux (Brabham, 2013). Il apparaît, également, que le recours à la créativité des clients est avantageux, dans la mesure où il épargne les entreprises des coûts et leur permet de gagner en termes d’efficacité et d’efficience (Howe, 2006 ; Pee et al., 2018). En plus, la connectivité et la co-création avec les clients via les plateformes de co création aide les entreprises à mieux s’adapter aux préférences de leurs clients et de satisfaire leurs attentes (Boukouyen et al., 2020a). C’est ainsi, que les clients sont, désormais, considérés comme des employés à temps partiels et les faire travailler sur des projets est une opportunité qui s’offre aux entreprises en leur permettant de gagner en termes de coûts et de temps (Hilton et Hughes, 2013 ; Sawhney et al., 2005).
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE I CADRE THEORIQUE ET GRILLES DE LECTURE
INTRODUCTION AU CHAPITRE I
SECTION I
Crowdsourcing : Conceptualisation, origines, typologie et distinctions
I. Définition du crowdsourcing
II. Distinction entre le crowdsourcing et les concepts voisins
III. Typologie du crowdsourcing et lien avec la co-création
SECTION II
Co-création : Définition, fondements théoriques et composition
I. Origines de la Co-création
II. Définition de la co-création
III. Distinction de la co-création des concepts voisins
IV. Concepts de base de la co-création
1. Expérience
2. Valeur
3. Engagement
SECTION III
Plateformes de co-création : Définition, typologie et caractéristiques
I. Définition des plateformes de co-création
II. Caractéristiques des plateformes de co-création
SECTION IV
Dynamiques relationnelles : Traduction aux niveaux inter-firmes et inter-individuel
I. Conceptualisation des dynamiques relationnelles
1. Coopération
2. Compétition
3. Coopétition
II. Comparaison des trois dynamiques relationnelles entre les niveaux inter-firmes et interindividuel
1. Comportements identifiés chez les organisations
2. Comportements des individus et traits de personnalité
SECTION V
Opportunisme : Définitions et fondements théoriques
I. Dilemme du prisonnier et définition de l’opportunisme
II. Positionnement des chercheurs à l’égard de l’opportunisme
III. Les apports de la psychologie au niveau de l’opportunisme
SECTION VI
Nouvelle classification des motivations et lien entre la culture et l’opportunisme dans la littérature
I. Motivations et bénéfices : définitions et typologies
1. Motivations intrinsèques
2. Motivations extrinsèques internalisées
3. Motivations extrinsèques
II. Proposition d’une nouvelle classification des motivations
III. Motivations et bénéfices dans la littérature du crowdsourcing
IV. Lien entre la culture et l’opportunisme dans la littérature
CONCLUSION DU CHAPITRE I
CHAPITRE II NETNOGRAPHIE : THEORIE ET APPLICATION
INTRODUCTION AU CHAPITRE II
SECTION I
Définition et fondements théoriques de la Netnographie
SECTION II
Etapes de la Netnographie
I. Planning et entrée
II. Collecte des données
III. Analyse et interprétation
IV. Ethique de la recherche
V. Rédaction et publication des résultats
SECTION III
Mise en œuvre de la Netnographie sur deux plateformes de co-création et un forum de discussion
I. Planning et entrée
1. Plateforme de co-création principale
2. Plateforme de co-création secondaire
3. Forum de discussion
II. Collecte des données
1. Plateforme de co-création principale
2. Plateforme de co-création secondaire
3. Forum de discussion
III. Analyse des données
1. Préparation des données
2. Condensation des données
3. Interprétation des résultats
IV. Ethique de la recherche
CONCLUSION DU CHAPITRE II
CHAPITRE III PRESENTATION DES PRINCIPAUX RESULTATS
INTRODUCTION AU CHAPITRE III
SECTION I
Quelles sont les formes du comportement opportuniste ? Comment les individus réagissent-ils à l’égard des formes de l’opportunisme ? Quels sont les différents profils des participants sur les
plateformes de co-création ?
I. Plateforme de co-création principale
1. Formes de l’opportunisme et réactions des individus
2. Identification des sentiments négatifs
3. Nouvelle catégorisation des profils des participants
II. Plateforme de co-création secondaire
1. Formes de l’opportunisme des participants
2. Réactions des Community Managers
3. Profils des participants
4. Sentiments négatifs
SECTION II
Quel est l’impact des motivations des participants sur leur comportement opportuniste ?
I. Identification des Motivations sur la plateforme de co-création principale en appliquant notre nouvelle classification
II. Impact des motivations des participants sur leur comportement opportuniste
SECTION III
CONCLUSION GENERALE