Les principales dimensions de l’étude : objets et échelles spatiales
Ce travail se veut une contribution à la connaissance et à la gestion durable du principal système de villes sénégalais. Promouvoir le développement socio économique des établissements humains dans ce contexte consiste à repenser les dynamiques urbaines et régionales en cours et nécessite une bonne connaissance des facteurs qui l’animent et le façonnent. Si le développement – au sens large du terme – est habituellement analysé en termes économiques, il n’en demeure pas moins que les aspects géographiques y ont une place fondamentale. En Afrique comme ailleurs, les rapports entre les processus spatiaux – l’urbanisation surtout – et les logiques de fonctionnement des systèmes socio-économiques sont bien établis. Cette étude est ainsi centrée sur la ville dans son environnement à la fois local et régional et est abordée à deux échelles.
L’échelle régionale conduit à considérer la croissance des villes de l’intérieur du Sénégal comme un élément moteur d’une dynamique plus large qui constituerait une alternative viable de développement à la macrocéphalie dakaroise et à ses problèmes. Il s’agit de montrer que, bien que Dakar constitue depuis la période coloniale le principal pôle de concentration des richesses nationales, la dynamique de la capitale tend de plus en plus à être complétée par celles des villes de l’intérieur. L’intérêt de travailler à cette échelle est de saisir ces dynamiques émergentes qui s’inscrivent sur trois axes : l’axe Dakar-St-Louis, l’axe Dakar-Kaolack et surtout l’axe Dakar-Thiès-Touba qui pourrait être fortement renforcé pour constituer une véritable épine dorsale du pays.
L’échelle urbaine/périurbaine nous a permis d’examiner les enjeux liés au développement des villes et de leurs hinterlands « ruraux » immédiats (enjeux fonciers et socio-économiques, organisation des déplacements…). L’objectif n’est donc pas d’envisager la ville comme un objet prédateur vis-à-vis des espaces qui l’entourent, mais comme un instrument catalyseur de dynamiques aussi bien pour elle que pour sa périphérie.
L’examen de ces enjeux a permis d’identifier les dynamiques locales et les obstacles humains et spatiaux qui désormais doivent être considérés dans une perspective de structuration de cet axe, en évaluant notamment la pertinence d’un renforcement des infrastructures par une politique d’aménagement du territoire.
Problématique générale : pourquoi s’intéresser aux dynamiques récentes de l’urbanisation ?
Observer et interpréter la dynamique des espaces urbains peut avoir une importance considérable en géographie. L’objectif de ce travail peut être ainsi formulé du point de vue de la discipline : déterminer et analyser à une échelle géographique plus grande qu’habituellement les nouveaux enjeux du développement urbain et régional au Sénégal en général et autour (périurbanisation) des villes de l’axe Dakar-Touba en particulier.
Croissance urbaine et étalement des villes
Comme en Europe occidentale ou en Amérique du Nord jusque vers 1950, les villes africaines ont connu une croissance urbaine spectaculaire ces quarante dernières années. Durant cette période, l’exode rural et son corollaire l’explosion des effectifs démographiques urbains ont déterminé la mise en place de gigantesques ensembles urbains. Depuis plus d’une vingtaine d’années cependant, la dynamique urbaine a pris une nouvelle tournure et s’apprécie désormais à deux échelles. Alors qu’elle se traduit à l’échelle régionale par la montée des villes jadis qualifiées de secondaires et par la multiplication des petites villes, elle se manifeste à l’échelle locale par un éparpillement effréné des organismes urbains rendant de plus en plus floues les limites entre villes et campagnes environnantes. Ces nouvelles modalités de la dynamique urbaine dans les pays africains tendent progressivement, en termes de questionnements scientifiques surtout, à ravir la vedette aux anciennes interrogations relatives à la macrocéphalie et aux rapports villes-campagnes au sens classique de l’expression. A propos de la seconde modalité en particulier, l’extension diffuse des villes se solde par une transformation rapide et relativement forte des zones rurales proches, ce qui se traduit par l’apparition d’espaces à cheval sur le rural et l’urbain : c’est la périurbanisation.
Lieux de recompositions et d’interactions de toutes sortes, les espaces périurbains sont au cœur des problématiques auxquelles s’intéressent les géographes. Durant la seconde moitié du XXe siècle surtout, les mutations intervenues aux marges des grandes villes ont suscité un enthousiasme particulier chez ces derniers. Démarrées dans les pays développés à partir notamment des années 1950 suite au déploiement massif des villes dicté, d’une part par des processus de déconcentration industrielle et la motorisation automobile et d’autre part par les amples vagues migratoires encouragées par l’économie industrielle, les recherches sur le périurbain suscitent de nos jours de nouvelles interrogations. En effet, alors que les formes prises par le phénomène (sous l’effet notamment des nouvelles logiques d’organisation spatiale des systèmes de production des villes) se complexifient davantage, l’éparpillement effréné des organismes urbains rend de plus en plus floues leurs dimensions spatiales, et complexe leur étude.
L’intérêt du périurbain pour les géographes réside ainsi dans le fait qu’il est non seulement « matière à des études de processus et d’acteurs, à des recherches sur les consommations d’espace et sur le mitage de l’espace rural, à des analyses sociodémographiques des néo-ruraux, à l’examen des incidences de la périurbanisation sur les finances communales et la gestion des collectivités locales, à la détection de nouvelles formes de ségrégations socio-spatiales corrélées avec les conditions de la production de nouvelles résidences » (Verger et George, 2004), mais aussi dans le fait que sa prise en compte oblige à remettre en cause notre conception traditionnelle des espaces dits de marge des villes et à les reconsidérer comme des endroits désormais générateurs de dynamiques qui, autant que celles impulsées par les lieux centraux, méritent d’être prises en considération sur tous les plans : planification territoriale, gouvernance, recherche, etc.
D’une problématique périurbaine à celle d’un nouvel espace urbain régional en émergence
De la macrocéphalie dakaroise à l’émergence d’un corridor urbain et régional structurant au Sénégal ou un autre modèle de croissance urbaine
Le Sénégal constitue l’un des pays d’Afrique occidentale où l’on enregistre les plus forts taux de croissance urbaine. Ici, la population urbaine est évaluée à environ 45%. Depuis 40 ans, on note une nette accélération de la proportion de citadins par accroissement naturel des populations urbaines et par immigration rurale. Elle est ainsi passée, pour les estimations les plus fortes, de 30 en 1970 à 40 % en 1990 pour plafonner à environ 45 % actuellement.
Depuis une dizaine d’années cependant, cette dynamique qui reposait auparavant essentiellement sur la croissance de la capitale dakaroise, tend à toucher certaines villes de l’intérieur. Ainsi, voit-on émerger de nouveaux systèmes urbains régionaux dont le plus dynamique serait celui de l’axe Dakar-Touba.
La région centre-ouest du Sénégal : des villes aux « espaces urbains »
Parler d’espace urbain et d’espace périurbain en particulier, en milieu africain, revient à s’interroger sur l’une des plus importantes mutations intervenues dans le processus de croissance urbaine ces quatre dernières décennies. Le thème de la ville est, d’une manière générale, très présent dans les différentes études menées, en Afrique, par les géographes ces dernières décennies. Cependant, la question relative aux nouvelles modalités d’expansion des villes à laquelle nous nous intéressons reste encore peu abordée.
Dans le cas du Sénégal, les quelques études menées sur la question ont concerné essentiellement la ville de Dakar. Pourtant, il s’opère depuis presque deux décennies des mutations très grandes dans les villes secondaires en général et celles de l’axe Dakar Touba en particulier. A Touba par exemple (où le territoire aggloméré est passé de 575 ha en 1976 pour une population de 29634 hab à plus de 15000 ha pour une population de plus de 500 000 hab en 2002), la construction périurbaine a pris une ampleur démesurée à partir notamment du début des années 1980. En effet, les « appels au peuplement » lancés par les différents khalifes qui se sont succédé ont suscité d’importantes migrations vers cette ville. Ainsi, contrairement à la ville de Dakar qui peine de plus en plus à se déployer sur son site (presqu’île), Touba (ville continentale) voit sa couronne périurbaine s’étendre constamment. Et ceci, comme à Dakar, est à l’origine de nouveaux et nombreux enjeux : fonciers, économiques, etc.
Entre ces deux pôles, se déploie un sous-ensemble, Thiès-Diourbel, dont la dynamique urbaine et périurbaine, quoique moins forte, tend à renforcer l’hypothèse de l’émergence d’un système urbain et régional entre Dakar et Touba.
Le projet de mener une étude d’envergure sur cet espace procède d’une volonté d’élargir, non seulement l’échelle géographique d’appréhension (qui s’est jusqu’ici limitée à l’unique ville de Dakar) du fait urbain au Sénégal, mais aussi de mettre en évidence une dynamique qui se développe depuis quelques années à partir des villes de cet axe et qui tend à remettre en cause la configuration du système urbain sénégalais fortement marquée jusqu’alors par la macrocéphalie dakaroise.
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Table des matières
INTRODUCTION
Partie 1. Territoires et urbanisation en Afrique occidentale et au Sénégal : approche spatio-temporelle, analyses statistique et cartographique
INTRODUCTION PARTIE I
CHAPITRE I. Eléments de méthodologie
CHAPITRE II. La ville africaine : des formes historiques aux nouvelles tendances de la croissance urbaine
CONCLUSION CHAPITRE II
CHAPITRE III. Démographie, peuplement et urbanisation des territoires au Sénégal : une approche spatio-temporelle
CONCLUSION CHAPITRE III
CONCLUSION PARTIE I
Partie 2. L’axe Dakar-Touba : villes, urbanisation et dynamiques territoriales émergentes
INTRODUCTION PARTIE II
CHAPITRE IV. Le réseau urbain sénégalais : de la macrocéphalie dakaroise à l’émergence de nouvelles configurations spatiales
CONCLUSION CHAPITRE IV
CHAPITRE V. L’urbanisation sénégalaise : du système urbain post-indépendance à la question de l’émergence d’un axe urbain Dakar-Touba
CONCLUSION CHAPITRE V
CHAPITRE VI. L’axe Dakar-Touba : projets actuels et perspectives d’aménagement du territoire
CONCLUSION CHAPITRE VI
CONCLUSION PARTIE II
CONCLUSION GENERALE
Annexes
Bibliographie
Table des cartes
Table des figures
Table des tableaux
Table des matières
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