Le fait le plus marquant dans le monde depuis la révolution industrielle est la transformation des villes. De villes faiblement habitées, on est passé à des villes millionnaires. Cette situation ne s’est pas estompée jusqu’à aboutir de nos jours à des proportions inquiétantes. De nombreux sommets se sont tenus pour parler du devenir des villes et de leur durabilité depuis la publication du rapport de Brundtland. En effet la population mondiale en 2006 était de 6,6 milliards, dont la moitié vivait en ville. L’augmentation du nombre des citadins s’explique par l’opportunité que les villes offrent à ces derniers.
La présence des villes n’est pas un phénomène récent, seulement elles ont beaucoup évolué au cours des siècles, apportant de nouvelles fonctions par rapport à celles qui leurs étaient jadis destinées. Durant l’antiquité, les villes avaient des fonctions militaires, commerciales. Mais c’est par la suite que d’autres fonctions de la ville ont vu le jour, telles que les fonctions administrative, économique, juridique, industrielle etc. En effet le développement industriel a été le moteur de ce changement.
Au XIXe siècle, l’essor de la révolution industrielle en Europe a donné un autre sens, un tournant nouveau à la vocation de la ville. Pendant longtemps les gens y venaient simplement pour des échanges commerciaux. Au cours de ces derniers siècles, la situation s’est renversée. Maintenant c’est plus pour des raisons économiques que les gens viennent en ville. C’est dans cette logique que s’inscrivent les villes d’Afrique. Contrairement à ce qui s’est passé en Europe, cette urbanisation se fait sans développement industriel. Le phénomène urbain qui a gagné les villes africaines résulte de l’héritage qu’ils ont reçu des colonisateurs. « S’il est vrai que l’existence de villes est un phénomène très ancien en Afrique c’est néanmoins la colonisation qui lui a imprimé le caractère qu’elle connaît encore de nos jours. Les grandes villes actuelles ont été fondées dans des sites choisis en fonction de considérations liées aux besoins de la colonisation ».
Au Sénégal toute l’économie du pays est concentrée dans la seule ville de Dakar qui est la capitale, c’est également le centre de distribution de tous les biens et services. La croissance urbaine notée à Dakar (la ville primatiale) est la conséquence du fait qu’elle accumule la richesse nationale, elle attire tous les investissements. Le centre de la ville n’ayant plus de place, les nouveaux arrivants se sont installés dans les zones périphériques de la capitale.
L’extension des villes africaines s’est faite selon Pierre Merlin (2000) «de façon spontanée et précaire avec le développement de bidonvilles sur des terrains appartenant à l’Etat ou achetés à des lotisseurs privés et vers les périphéries et autres espaces qui naguère étaient plus ou moins naturels ou à vocation agricole».L’on se demande pourquoi compte tenu des difficultés rencontrées dans la zone périphérique les migrants préfèrent y habiter ? Pour répondre à cette question, notons que les conséquences de la crise agricole des années 1970 continuent à se manifester jusqu’à nos jours. En effet, le monde rural dépourvu d’activités génératrices de revenu ne laisse aucune chance à ses populations. Rappelons que la majeure partie des migrants sont des jeunes. Ces derniers ambitieux sont à la quête de meilleures conditions de vie. La sécheresse qui a frappé le monde rural, le manque d’infrastructures de bases dans les campagnes, l’oisiveté qui sévit dans ces zones sont entre autres les principales causes de la ruée vers les villes.
Problématique
Contexte
La répartition de la population entre le milieu rural et le milieu urbain connait un accroissement irréversible en faveur de ce dernier. L’inégale répartition de la population au Sénégal est le résultat d’un vaste mouvement d’urbanisation noté pendant la période coloniale et qui s’est multiplié après l’indépendance dans les années 1960. En effet, l’évolution de la croissance spatiale de Dakar est liée à la concentration des activités, mais aussi à l’augmentation de sa population. La révolution des transports a été le moteur de la croissance démographique et l’expansion spatiale constatées dans les villes. Car avec les moyens de transports la notion de distance a été vaincue avec les avions, les trains, les automobiles, les métros, les TGV etc. Même si le transport n’est pas responsable de l’extension des villes jusqu’à aboutir à des zones de centre et à des zones périphériques. Néanmoins, il a permis l’étalement urbain, la dispersion de l’habitat et des activités.
Les causes de l’urbanisation sont différentes d’un continent à un autre. Si en Europe l’industrialisation est le principal facteur de la croissance urbaine, elle n’était pas aussi intense par rapport à Afrique. Dans les pays africains, les causes de la croissance urbaine sont multiples et variées, on peut citer entre autres les faits historiques, économiques pour ne citer que ceux-là. La colonisation et la crise en milieu rural due à la sécheresse des années 70 sont un des traits majeurs de l’urbanisation en Afrique. Pour Catherine Coquery Vidrovitch(1988), « le XXe siècle est celui de la croissance urbaine du continent africain avec des rythmes relativement comparable pour tous les pays ». Les villes s’y accroissent à un rythme exponentiel. Selon, ONU/Habitat , la population du Sénégal en 2008 était de 12,7 millions d’habitants, alors que la population urbaine totale englobait 42% de cette population soit 5,3 millions d’urbains. La population de Dakar est estimée en 2008 à 2 482 294 habitants qui représentent près du quart de la population nationale soit 21%. Cette forte croissance urbaine dans une seule ville, qui est la capitale, au Sénégal s’explique par le fait que pendant la colonisation, Dakar servait de relais entre l’intérieur du pays et la métropole européenne. Selon Cheikh Mbacké Sène« la présence coloniale en Afrique a été motivée par la recherche de matière première qui devaient servir à alimenter les industries de la métropole ». Comme, Dakar se trouve dans la zone côtière toutes les industries, les réseaux routiers, les hôpitaux, etc. étaient concentrées dans cette ville.
Cette ségrégation spatiale avait suscité des déplacements de la campagne vers la ville. C’est pourquoi Vidrovitch(1988) disait que : « avant 1914, la volonté de la colonisation était de fixer la ville, en y attirant une population africaine et en y abritant une population européenne présente » . Avec la diffusion de la peste en Afrique, en particulier au Sénégal, les européens étaient obligés de déplacer la population noire pour des raisons de salubrité et d’hygiène. On assiste ainsi à la création de nouveaux quartiers dans des zones périphériques, tels que la Médina. Après les indépendances, le phénomène n’a fait qu’augmenter, « dans l’intervalle 1961-1988, si la population a doublé de 3% par an, le taux d’accroissement annuel des effectifs urbains a représenté 5% » .
La sécheresse des années 1970, qui a touché une grande partie des pays du Sahel, s’est soldée par un départ massif de la population rurale vers le milieu urbain. En outre, les différentes politiques de développement du port de Dakar ont permis l’essor de plusieurs types d’activités liées aux services, avec notamment l’érection de Dakar en capitale. Ces changements ont favorisé l’installation et la concentration au niveau du centre-ville de bâtiments administratifs, de sociétés industrielles et d’unités commerciales attirant de plus en plus la population rurale. Selon Christel Alvergne, la capitale sénégalaise concentre, sur 0,3% du territoire national, 24% de la population, 75% des salariés, 50% des artisans, 95 % des entreprises industrielles et commerciales. A cela s’ajoute, l’essor du secteur informel déclenché par l’ajustement structurel qui est au cœur de la croissance urbaine. En centralisant toutes les fonctions essentielles et tous les équipements socio – économiques d’envergure, Dakar mettait ainsi en place tous les facteurs pour la conquête de l’ensemble de la presqu’île du Cap Vert et inaugurait, comme mode d’occupation de l’espace, l’étalement urbain qui rejetait de plus en plus loin les plus pauvres. Ces nouveaux arrivants, pour pouvoir rallier le centre-ville où est concentrée l’économie nationale, se sont installés dans la périphérie. En effet, le centre ne pouvant plus contenir ces migrants, ils se sont déversés dans les zones périphériques, l’essentiel étant de trouver un emploi en ville. « Ainsi, dès 1960, des essaims de quartiers spontanés ont été enregistrés dans la périphérie de l’agglomération de Pikine ». En effet, la ville de Pikine Dagoudane a été créée en 1952 dans le but de désengorger la capitale. Suite à l’arrivée massive des migrants vers la capitale, aux déguerpissements et à la vente des terres par les propriétaires coutumiers, la ville de Pikine s’est rapidement étendue jusqu’à gagner le village traditionnel de Yeumbeul. Ce dernier a connu une extension anarchique dû à l’exode rural lié à la sécheresse des années 1960-1970.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
PREMIERE PARTIE : CADRE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE
CHAPITRE I : CADRE THEORIQUE
CHAPITRE II : CADRE METHODOLOGIQUE
DEUXIEME PARTIE : APERCU DE L’ESPACE PERIURBAIN ET FACTEURS D’URBANISATION
CHAPITRE I : APERCU DE L’ESPACE PERIURBAIN
CHAPITRE II : LES FACTEURS DE L’EXTENSION DANS L’ESPACE PERIPHERIQUE
TROISIEME PARTIE : LES CONSEQUENCES DE LA CROISSANCE URBAINE
CHAPITRE I : LES DISPARITES D’ACCES AUX RESEAUX DE DISTRIBUTION
CHAPITRE II : LES PROBLEMES LIEES A L’ASSANISSEMENT ET A LA MOBILITE
CONCLUSION GENERALE
BIBLIOGRAPHIE
TABLE DES MATIERES