En 2016, 2.6 millions d’enfants dans le monde sont morts durant leur premier mois de vie [25, 26]. Chaque jour, 7000 nouveau-nés décèdent, ce qui représente 46% des décès d’enfants de moins de 5 ans survenant pendant la période néonatale. Au rythme actuel, entre 2017 et 2030, 60 millions d’enfants, dont la moitié de nouveau-nés, mourront avant leur cinquième anniversaire, selon le rapport publié par l’UNICEF, l’Organisation mondiale de la Santé, la Banque mondiale et la Division de la population de la DAES. La plupart des décès néonatals sont survenus dans deux régions : l’Asie du sud (39%) et l’Afrique subsaharienne (38%). [25] En Afrique subsaharienne, selon les estimations, un enfant sur 36 meurt durant le premier mois de vie, contre 1 enfant sur 333 dans les pays du monde à revenu élevé [25]. Au Sénégal, la mortalité néonatale était estimée à 23 pour mille en 2018 représentant ainsi près de la moitié de la mortalité infanto juvénile [ 68]. Les principales causes de décès néonataux à travers le monde sont représentées par le faible poids de naissance (prématurité et retard de croissance intra utérin) suivi de l’infection et l’asphyxie périnatale [25, 26]. Le faible poids de naissance (FPN) contribue pour 60 à 80% à l’ensemble des décès néonatals. [26] Le Faible Poids de Naissance est défini par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), comme toute naissance d’enfant vivant de poids strictement inférieur à 2500g, quel que soit le terme de la grossesse. [75] Cette catégorie regroupe la prématurité et le retard de croissance intra utérin (RCIU). Le RCIU est défini par l’incapacité du fœtus à atteindre son potentiel de croissance génétiquement déterminé en raison de diverses causes. Dans la pratique, il est le plus souvent évalué par un poids inférieur au 10ème percentile pour l’âge gestationnel selon des courbes de référence. [15, 47] De nos jours, grâce aux progrès médicaux et technologiques, la prise en charge et le devenir des enfants nés avec un FPN ont été améliorés dans les pays industrialisés alors que dans les pays en développement (PED), le FPN demeure un important problème de santé publique. La prévalence mondiale de FPN est de 15,5%, ce qui représente environ plus de 20 millions d’enfants pesant moins de 2500 gr à la naissance et plus de 96% d’entre eux naissent dans les pays en développement (PED) [58]. Dans ces pays, la proportion des FPN (16%) est le double de celle des pays développés (7%) [25]. Au sein même des pays en développement, le faible poids de naissance s’observe de façon différente notamment avec des prévalences assez disparates entre l’Afrique (9-17%) et l’Asie (7-35%) mais également au sein même d’un pays [23]. Au Sénégal, la prévalence du FPN était de 12% selon. [68] Le poids de naissance est un important indicateur de l’état de santé et de la situation nutritionnelle de la mère avant et pendant la grossesse. Des nombreuses études soulignent l’importance de l’alimentation pré et post-natale sur le devenir à long terme et le développement des enfants de FPN. Il y a en effet une association étroite à court terme entre le niveau de FPN, la mortalité fœtale et néonatale et la morbidité infantile [19, 64].
Des troubles de la croissance et des troubles du développement psychomoteur ont été décrits chez les enfants nés avec un FPN. Dans l’enfance, on observe également qu’environ 10% de ces enfants hypotrophes ne rattrapent pas une croissance staturo-pondérale normale dans les deux premières années de vie. [9] A plus long terme, il semble également qu’il existe un risque de complications, à l’adolescence ou à l’âge adulte, à type de maladies cardiovasculaires, diabète de type II ou obésité en rapport avec une dysrégulation métabolique initiée en anténatal.
MATERIELS ET METHODES
Matériels
Cadre d’étude
Notre étude a eu pour cadre le service de la pédiatrie du Centre Hospitalier Abass Ndao. Il s’agit d’un établissement public de santé de niveau III sur la pyramide sanitaire du Sénégal ayant une convention avec l’université. Le service de pédiatrie est composé de l’unité de pédiatrie générale, de néonatologie et d’urgences pédiatriques. L’unité de néonatologie reçoit en moyenne 1500 nouveau-nés par an. Elle dispose de:
– une salle d’hospitalisation des nouveau-nés à terme avec 5 tables et 6 berceaux
– une salle d’hospitalisation des prématurés avec 2 tables et 8 couveuses
– une salle de soins maternels kangourou de 3 lits
– un espace d’accueil de 2 tables pour les premiers soins
– une salle de surveillance des nouveau-nés sains nés par césarienne de 15 lits
– trois (3) lampes de photothérapie
– deux (2) appareils respirateurs artificiels
Le personnel du service est composé de pédiatres, de médecins en cours de spécialisation, de sages-femmes d’État, d’infirmières d’État, d’infirmiers brevetés, d’aides infirmières, d’assistantes infirmières.
Type et période d’étude
Il s’agit d’une étude prospective a visé descriptive et analytique menée du 01 août 2019 au 31 mai 2020 soit une durée de 10 mois .
DISCUSSION
Caractéristiques sociodémographiques
La prévalence de FPN dans notre population d’étude était de 39,32%, comparable à celle de Mukulu C K [52] qui avait trouvé 36,18%. La prévalence du FPN dans notre population d’étude était plus importante que celles rapportées par l’UNICEF dans le monde (15,5%), en Afrique (14,3%) et particulièrement en Afrique de l’ouest (15,4%. Toujours selon ce rapport, la prévalence au Sénégal était de 18% [76]. La prévalence du FPN au plan national au Sénégal était de 12%. [68] Les perdus de vue représentent plus 50% de la population initiale. Le nombre élevé des perdus de vue pourrait s’expliquer par l’éloignement du domicile de ces enfants, le niveau socioéconomique bas et le contexte sanitaire lié à la pandémie de Covid-19. Dans notre étude nous constatons que la fréquence de FPN était plus importante dans la tranche d’âge de 18-34 ans soit 72,8% et l’âge moyen des mères était de 27,53 ans. Nos résultats sont comparables à ceux de Charpak N et al [4], de Kabore et al [31] et de Luhete P K et al [44] soit respectivement 27,3ans, 29,7ans et 26.6 ans. A Niamey, l’étude de KAMAYE et al [35] avait retrouvé un âge moyen des mères de 25,2 ans et 73,16 % appartiennent à la tranche d’âge 20 à 34 ans et l’étude de P M Faye [17] à Dakar, avait retrouvé un âge moyen de 27 ans et près de 85% appartiennent à la tranche d’âge 18 à 35 ans. Elles provenaient d’une zone urbaine dans plus de la moitié des cas (52%). L’accès était donc facile et peu couteux. Diouf avait eu des résultats similaires avec 51,4% à Ziguinchor [14]. Par contre dans l’étude de Faye et al [26] la majorité des femmes (66,6%) provenaient de la banlieue défavorisée de Dakar. Le taux de scolarisation des mères était de 89%, près d’un quart n’avait pas dépassé le primaire. Dans d’autres cohortes, les mères avaient une meilleure instruction comme en Ethiopie [77] et au Viêt-Nam [46] avec respectivement 87% et 92% de scolarisation. Contrairement à celles menées au Togo en 2002 par Balaka et al [2] et au Burkina en 2007 par Kabore et al [31] avec respectivement 38,7% et 77,7% des mères non scolarisées. Plusieurs études ont montré une relation entre analphabétisme, précarité et FPN [60]. Il ressortait de notre étude que 90% des mères de FPN étaient mariées. Ce résultat est proche de celui trouvé par Diakité N [12] avec 84,3%. De même Charpak et al [6] avaient trouvé que 62,3% des mamans étaient en couple. Par contre les auteurs des études faites au Burkina et au Nigeria avaient montré que les femmes célibataires avaient plus tendance à faire des FPN [62, 16]. Notre taux pourrait s’expliquer par le fait que chez ces femmes en couple les grossesses sont fréquentes et plus rapprochées. Les mères étaient des femmes au foyer dans près de 40% des cas. D’autres travaux réalisés à Yaoundé, Miaffo et al [51] en 2008 observent que le petits poids de naissance était retrouvé aussi bien chez femmes ayant une activité rémunératrice que chez celles n’ayant aucun emploi avec une différence non significative. Par contre au Mali Diakité N [12] en 2008, et Diarra. I [27] en 2010 ont abouti à des taux très élevés que les nôtres avec respectivement 89,1%, et 65,78%. Il est classiquement rapporté que la primiparité, l’âge des mères, l’absence emploi, le faible niveau d’étude augmentent de manière accrue la naissance de prématurés ou de FPN. [2, 22, 56, 57]
Caractéristiques obstétricales
La parité moyenne était de 2.4, similaire aux résultats de Luhete P K faite à Lubumbashi (2,8) [44]. Tout comme les études de Diarra A (40,8%) [13] et de Faye P. M [17], notre étude met en évidence un pourcentage élevé de FPN chez les primipares avec 45,6%. La majorité des mères (90%) avait fait un suivi prénatal et un peu moins d’un quart (22%) avaient bénéficié d’au moins 4 CPN. L’OMS recommande à chaque femme enceinte de faire au moins quatre visites prénatales et au Sénégal plus de la moitié (59%) respecte cette recommandation selon [68].
Le nombre de CPN généralement faible dans nos régions multiplie par deux ou trois le risque de faire un nouveau-né de FPN [31, 13] comme l’ont aussi constaté Ndiaye O et al [55] dans leur travail réalisé au centre hospitalier régional de Ziguinchor. Dans notre étude, 66% des femmes ont effectués au moins 3 CPN. Un nombre de CPN inférieur à 3 semble associé au risque de FPN [62, 5]. Par contre selon Letaief et al, c’est la qualité des CPN plus que leur nombre qui était déterminant par rapport au risque de FPN. [42] L’hypertension artérielle et la pré-éclampsie étaient retrouvées chez 17% et 21,32% des mères. Ce chiffre se rapproche des études faites au Congo par Ilunga P.M (18,2%) [28], au Mali par Diarra A (11.5%) [13] et Diakite N (22,45%) [12]. Par contre il était supérieur à celui retrouvé à Abass Ndao par Gueye M et al (9,7%) [22], et à Ouagadougou par Ouedraogo (4,6%) [60]. La rupture prématurée des membranes a été retrouvée chez 38,23% de nos patientes. Nos résultats étaient proches de celui rapporté par Kangulu I B et al (31,49%) [36] en RD Congo mais inférieurs aux chiffres rapportés par Charpak N (41,9%) [6]. Dans notre série, les grossesses multiples représentaient 22,06% des grossesses. Nos résultats étaient similaires à ceux de Charpak N [6] et Letaief M [42] qui avaient rapporté 22% de grossesses multiples contre celui de Diakité [12] au Mali et Balaka [2] au Togo avec respectivement 16,3% et 17,7%. Dans notre étude nous avons constaté que la plupart des naissances ont été faites dans des structures sanitaires. Près de 3% seulement d’accouchements avaient eu lieu à domicile, ce chiffre est plus bas que la moyenne nationale (18%) de naissance à domicile selon [68]. Près de 40% de nos patientes ont subi une césarienne. Nos résultats sont proches de ceux de Kamaye [35] (36,37 %). Charpak N [5] avait trouvé au contraire que 68% des bébés sont nés par césarienne.
Caractéristiques des nouveau-nés
Nous avions noté une prédominance masculine avec un sex-ratio H/F de 1,1. Ce différentiel de croissance associé au sexe masculin que nous avons objectivé a d’ores et déjà été décrit par d’autres auteurs ayant travaillé dans des populations africaines au Burkina Faso [33], au Malawi [34], et en Ouganda [74]. La même observation a été également faite en Ethiopie [49] et confirmée par une méta analyse dans 16 pays en Afrique sub-saharienne [73]. A noter toutefois que des résultats contradictoires ont été objectivés par l’étude menée par P.M FAYE au Sénégal [17] et par M.KAMAYE à Niamey [35]. Dans notre série l’âge gestationnel moyen de nos enfants était de 32,07 SA similaire de celui retrouvé à Addis-Abeba dans la cohorte de Worku B [77], au Brésil par Menezes [50] et à Niamey par Kamaye [35] contre 33 SA dans l’étude de Faye [17] et celle de Ndiaye [54]. Le poids de naissance moyen de notre cohorte était de 1487g. Il était similaire à ce qui a été trouvé dans d’autres études au Sénégal par Ndiaye O [54] et Faye P M [17] et en Ethiopie par Worku B [77]. Mais le poids moyen de naissance était légèrement plus bas au Brésil (1365g) [50], au Niger (1371 g) [35] et plus élevé en Algérie (1632 g) [40]. Les nouveau-nés pesant moins de 1000 g représentaient 9,56% dans notre série contre 5,9% dans l’étude Faye [17] et 1,5% dans celle de Charpak [4] et Lebane [40]. La taille moyenne de naissance était de 41,52 cm et le périmètre crânien moyen de naissance était de 30,47 cm. Ces chiffres étaient comparables à ceux retrouvés dans l’étude de Charpak N [4] en Colombie avec une taille moyenne de naissance de 41 cm et un périmètre crânien des nouveau-nés à la naissance de 30,5 cm. L’étude de Faye PM [17] faite à Dakar avait trouvé une taille moyenne à la naissance similaire (41,1 cm) mais avec un périmètre crânien moyen légèrement inférieur (28,5 cm) .
La répartition des FPN selon le mécanisme montrait que la grande majorité des nouveau-nés de notre cohorte avaient vécus un RCIU (60,29%) comparable à celle de la cohorte brésilienne (73,8%) [50] et sénégalaise (76,3%) [17]. Par contre le RCIU est plus bas dans l’étude de Katz J et al (24,1%) [38] et celle De Onis M et al (23,8%) [11] qui concernent des pays en développement. Dans les PED, le FPN survient essentiellement par le fait d’une mauvaise croissance fœtale [10], comme cela a encore été confirmé par Sania et al en Tanzanie [65]. Les nouveau-nés atteints de FPN sont à risque d’hypothermie en raison de la faible masse de tissu adipeux et en particulier du tissu adipeux brun qui participe à la thermogenèse. Dans notre étude 68,38% des cas ont présenté une hypothermie. Dans notre série 74,26% % des enfants avaient présenté une détresse respiratoire. Salle B et al [66] ont trouvé une incidence de détresse respiratoire de 20% sur l’ensemble de leur population contre 52% dans l’étude de Stevenson D K et al [70]. Dans l’étude de Faye P M et al [17] la détresse respiratoire était la complication la plus fréquente avec 46,2%. La quasi-totalité des enfants (92%) de notre cohorte étaient allaités au lait maternel. Cependant, seulement 33,82 % des enfants de moins de six mois de notre série étaient exclusivement allaités au sein. Le taux d’allaitement maternel exclusif que nous avons relevé est très en deçà des chiffres nationaux (46%) [68]. Dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire, seuls 37% des enfants de moins de 6 mois sont exclusivement allaités. À quelques exceptions près, la durée de l’allaitement est plus courte dans les pays à revenu élevé que dans ceux qui manquent de ressources [72].
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Table des matières
INTRODUCTION
I. MATERIELS ET METHODES
1. Matériels
1.1. Cadre d’étude
1.2. Type et période d’étude
1.3. Population étudiée
1.4. Collecte des données
2. Paramètres d’étudies
2.1. Les données maternelles
2.2. les données néonatales
2.3. Les données du suivi ambulatoire
3. Analyse des données
RESULTATS
I. RESULTATS DESCRIPTIFS
1. Données épidémiologiques et sociodémographiques
1.1. Répartition selon la fréquence
1.2. Répartition selon l’origine géographique de la famille
1.3. Répartition selon le niveau d’étude des mères
1.4. Répartition selon la situation matrimoniale des mères
1.5. Répartition selon l’activité professionnelle des mères
2. Données maternelles et obstétricales
2.1. Répartition selon l’âge des mères
2.2.Répartition selon les antécédents
2.3. Répartition selon le suivi de la grossesse et de l’accouchement
2.3.1. Répartition selon le nombre de CPN
2.3.2. Répartition selon le nombre d’échographie et du type de grossesse
2.3.3. Répartition selon les complications obstétricales
2.3.4. Répartition selon le lieu de naissance
4. Données néonatales
4.1. Répartition selon le sexe
4.2. Répartition selon l’âge gestationnel
4.3. Répartition selon le poids de naissance
4.4. Répartition selon les paramètres anthropométriques moyens à la naissance
4.5. Répartition selon la trophicité
4.6. Répartition selon les complications néonatales
4.7. Répartition selon le type d’alimentation
4.8. Répartition selon la durée d’hospitalisation
5. Données anthropométriques concernant la sortie et le suivi
5.1. Répartition selon l’évolution du poids
5.2. Répartition selon l’évolution de la taille
5.3. Répartition selon l’évolution du périmètre crânien
5.4. Résumé de la croissance somatique de la naissance à 9 mois d’AC
6. Données concernant les acquisitions psychomotrices et le suivi médical
6.1. Données concernant l’évaluation de la posture et la coordination
6.2. Données concernant l’évaluation du langage et la sociabilité
6.3. Données concernant les pathologies durant le suivi
DISCUSSION
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES