Les oxydes sont des matériaux auxquels on s’intéresse beaucoup pour leurs très nombreuses propriétés physiques (électriques, magnétiques, etc.) et en raison de leurs nombreuses applications (catalyse, dispositifs métal-oxyde-semiconducteur, vannes de spin, etc.). Malgré cette richesse de comportements, la maîtrise de leur croissance est encore largement pilotée par des considérations empiriques. Etre à même de simuler de manière réaliste cette croissance représente un défi aux implications technologiques évidentes en termes de contrôle de la fabrication de ces nouveaux dispositifs. Si de nombreux travaux expérimentaux ont été publiés sur la croissance des oxydes, des métaux et des semiconducteurs, relativement peu de résultats existent concernant la modélisation de la croissance des couches minces. Pourtant, de nos jours les couches minces sont utilisées dans de nombreux dispositifs et ont beaucoup d’applications technologiques, notamment dans les domaines de la micro-électronique, des capteurs et de la catalyse. De plus, la plupart des travaux de modélisation portent sur les semi-conducteurs et les métaux, tandis que les oxydes sont parmi eux les moins étudiés.
Croissance épitaxiale des oxydes
Les couches minces et leur croissance sont des sujets très actuels. De nombreuses études traitent des couches minces d’une grande variété de matériaux: semi-conducteurs, métaux, oxydes, métaux/oxydes, etc. [Pim99]. Nous nous sommes intéressés exclusivement aux couches minces d’oxydes et aux processus de leur croissance, en choisissant MgO comme matériau modèle. Nous présenterons donc, dans ce chapitre, les couches minces d’oxydes et montrerons leur intérêt technologique actuel. Puis, on abordera les méthodes expérimentales les plus utilisées de la croissance épitaxiale. Nous passerons plus spécifiquement en revue les données expérimentales de la croissance de MgO en tant que substrat et/ou espèce déposée. Enfin, nous présenterons les modélisations et simulations existantes des couches minces d’oxydes.
Intérêt des couches minces et surfaces d’oxydes
Les oxydes sont utilisés comme couches minces dans de nombreux dispositifs, car ils présentent des propriétés physiques extrêmement diversifiées et très intéressantes du point de vue technologique. Les dispositifs les plus courants sont les vannes de spin, qui permettent de sélectionner les électrons d’un spin donné lors du passage d’un courant électrique, en fonction du champ magnétique appliqué. On obtient ainsi un effet de magnétorésistance « géante ». Ces systèmes servent à fabriquer des capteurs magnétiques intervenant notamment dans les têtes de lecture des supports d’enregistrement (disques durs, bandes, etc.). En outre, du fait de la dimensionnalité réduite, les propriétés des couches minces sont souvent différentes de celles du volume. Par exemple, une couche de 4 à 6 plans de BaTiO3 n’est pas ferroélectrique, contrairement à l’oxyde en volume [Jun03]. Le terme générique de « couche mince » peut impliquer différentes épaisseurs, allant de quelques microns (couches épaisses) à quelques nanomètres (couches « minces » à proprement parler), voire à quelques angströms (couches dites « ultraminces »). Nous détaillons ici quelques propriétés très exploitées que possèdent les couches minces de certains oxydes. On trouvera de plus amples détails sur les couches minces d’oxydes et leur croissance dans la référence [Cha00].
Barrières isolantes. Dans les dispositifs formés de multicouches, on a souvent besoin d’introduire des barrières isolantes. De nombreux oxydes sont alors susceptibles de remplir ce rôle : MgO, Al2O3, SrTiO3, SiO2 sont parmi les plus utilisés, et on utilise l’un ou l’autre selon la structure cristalline et le paramètre de maille du substrat sur lequel on désire l’épitaxier (par exemple, MgO et SrTiO3 sont cubiques, Al2O3 est hexagonal).
Barrières tunnel. De faibles épaisseurs d’oxydes sont utilisées pour produire des barrières tunnel : ce sont des couches isolantes très minces (pas plus d’une vingtaine d’angströms) à travers lesquelles le courant passe néanmoins par effet tunnel en vertu de leur faible épaisseur. Encore une fois Al2O3, SrTiO3 et MgO sont largement utilisés : Al2O3 est très exploité dans les multicouches qui mettent en jeu des métaux de transition de structure cubique à faces centrées (Co, Au, Pt) car la direction de croissance est une direction <111> qui permet une bonne épitaxie de cet oxyde. SrTiO3 est utilisé dans les dispositifs mettant en jeu des manganites comme matériau ferromagnétique.
Propriétés magnétiques. Les oxydes peuvent présenter une multitude de comportements magnétiques : certains sont ferromagnétiques (manganite : LaxSr1-xMnO3), d’autres antiferromagnétiques (NiO, CoO, FeO), d’autres ferrimagnétiques (Fe2O3, γ- Fe2O3), d’autres enfin diamagnétiques (MgO, SrTiO3, SiO2). Les oxydes ferro et ferrimagnétiques sont utilisés dans les vannes de spin. Les oxydes antiferromagnétiques sont utilisé pour former un couplage d’échange avec une couche ferromagnétique dans le but de la « durcir » (augmenter son champ coercitif) en créant un champ magnétique donné, retourner l’aimantation d’une couche ferromagnétique sans retourner l’aimantation des autres.
Propriétés ferroélectriques. Enfin, certains oxydes ont des propriétés ferroélectriques, notamment certains oxydes de structure pérovskite (par exemple, BaTiO3). On utilise ces propriétés pour la création des mémoires ferroélectriques.
Les surfaces d’oxydes présentent elles aussi un grand intérêt : un oxyde peut être utilisé comme substrat dans des dispositifs pour son inertie du point de vue des propriétés de transport. Un dispositif doit bien entendu être « déposé » sur une surface qui lui sert de point de départ. Il est intéressant dès lors d’avoir à sa disposition des substrats « inertes » qui ne perturberont pas les propriétés désirées du dispositif. Les oxydes MgO, Al2O3 sont de bons candidats (ce sont de forts isolants totalement diamagnétiques). En outre, le substrat peut être choisi de façon à ce que la couche déposée ait une bonne qualité cristalline (épitaxie) et soit ou non contrainte d’une certaine façon pour obtenir telle ou telle propriété. Tel substrat peut être également choisi pour ses propriétés d’adhésion avec la couche à déposer, qui font que la croissance sera ou non bidimensionnelle.
D’autre part, les surfaces d’oxydes peuvent former des catalyseurs très intéressants pour certaines réactions chimiques cruciales du point de vue industriel ou environnemental. La surface parfaite MgO{001} possède quant à elle une réactivité assez faible, par exemple vis-à-vis de l’adsorption du dioxygène. En revanche, la même surface, sur laquelle on a généré des défauts de stœchiométrie (lacunes d’oxygène, par exemple), devient très réactive vis-à-vis de cette adsorption. Il devient donc intéressant, du point du vue catalytique, de pouvoir étudier et fabriquer des surfaces défectueuses. Certains travaux expérimentaux concernent même l’amélioration des méthodes destinées à produire des surfaces défectueuses, riches en lacunes par exemple [Pet99].
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Table des matières
Introduction générale
Chapitre 1. Croissance épitaxiale des oxydes
1.1. Introduction
1.2. Intérêt des couches minces et surfaces d’oxydes
1.3. Processus élémentaires de la croissance épitaxiale
1.4. Méthodes de croissance des couches minces d’oxydes
1.5. L’oxyde de magnésium et sa croissance expérimentale
1.6. Modélisation de la croissances des couches minces d’oxydes
Chapitre 2. Méthodes de simulation
2.1. Introduction
2.2. Monte Carlo Cinétique
2.2.1 Méthode de Monte Carlo : principe général
2.2.2 Monte Carlo Metropolis
2.2.3 Interprétation cinétique du MC
2.2.4 Les algorithmes du MCC sur réseau rigide
2.2.5 Algorithmes pour la croissance des couches minces
2.2.6 Rétrospective des simulations MCC des couches minces
2.3. Dynamique Moléculaire
2.3.1 Dynamique Moléculaire classique
2.3.2 Choix du modèle d’interactions
2.3.3 Dynamique Moléculaire pour la migration des lacunes
2.4. Calculs « ab initio » DFT
2.4.1 Théorie de la fonctionnelle de la densité et ses approximations
2.4.2 L’approche pour les surfaces de MgO
Chapitre 3. Les lacunes du défaut de Schottky
3.1. Introduction
3.2. Définition des configuration de Schottky
3.3. Thermodynamique du défaut de Schottky
3.4. Analyse des trajectoires atomiques
3.5. Le mécanisme de migration
3.6. Enthalpies d’activation
3.7. Temps de vol
3.8. Conclusion
Chapitre 4. Développement du code de Monte Carlo Cinétique
4.1. Introduction
4.2. Le réseau rigide
4.3. Le substrat
4.4. Incorporation de P, de T et du temps (théorie cinétique des gaz)
4.5. Incorporation des énergies d’activation
4.6. Le dépôt et l’évaporation
4.7. La « downward diffusion »
4.8. Les mécanismes de diffusion
4.9. Les règles de diffusion
4.10. Les événements possibles
4.11. Choix de l’événement
4.12. Gestion de la liste des événements
4.13. Algorithme complet
4.14. Conclusion
Chapitre 5. Simulation de la croissance homoépitaxiale de MgO{100}
5.1. Introduction
5.2. Dépôt aléatoire
5.3. Prise en compte de la « downward diffusion »
5.4. Dépôt avec diffusion des molécules
5.5. Prise en compte de l’environnement local
5.6. Taux de remplissage
5.7. Influence des mécanismes de diffusion de la molécule
5.8. Prise en compte de la diffusion des lacunes
5.9. Influence de la pression
5.10. Influence de la température
5.11. Probabilités des événements de diffusion
5.12. Conclusion
Conclusion