Croissance de couches d’oxydes de métaux à la surface d’un substrat monocristallin

Intérêt des couches minces et surfaces d’oxydes

   Les oxydes sont utilisés comme couches minces dans de nombreux dispositifs, car ils présentent des propriétés physiques extrêmement diversifiées et très intéressantes du point de vue technologique. Les dispositifs les plus courants sont les vannes de spin, qui permettent de sélectionner les électrons d’un spin donné lors du passage d’un courant électrique, en fonction du champ magnétique appliqué. On obtient ainsi un effet de magnétorésistance « géante ». Ces systèmes servent à fabriquer des capteurs magnétiques intervenant notamment dans les têtes de lecture des supports d’enregistrement (disques durs, bandes, etc.). En outre, du fait de la dimensionnalité réduite, les propriétés des couches minces sont souvent différentes de celles du volume. Par exemple, une couche de 4 à 6 plans de BaTiO3 n’est pas ferroélectrique, contrairement à l’oxyde en volume [Jun03]. Le terme générique de « couche mince » peut impliquer différentes épaisseurs, allant de quelques microns (couches épaisses) à quelques nanomètres (couches « minces » à proprement parler), voire à quelques angströms (couches dites « ultraminces »). Nous détaillons ici quelques propriétés très exploitées que possèdent les couches minces de certains oxydes. On trouvera de plus amples détails sur les couches minces d’oxydes et leur croissance dans la référence [Cha00].
Barrières isolantes. Dans les dispositifs formés de multicouches, on a souvent besoin d’introduire des barrières isolantes. De nombreux oxydes sont alors susceptibles de remplir ce rôle : MgO, Al2O3, SrTiO3, SiO2 sont parmi les plus utilisés, et on utilise l’un ou l’autre selon la structure cristalline et le paramètre de maille du substrat sur lequel on désire l’épitaxier (par exemple, MgO et SrTiO3 sont cubiques, Al2O3 est hexagonal).
Barrières tunnel. De faibles épaisseurs d’oxydes sont utilisées pour produire des barrières tunnel : ce sont des couches isolantes très minces (pas plus d’une vingtaine d’angströms) à travers lesquelles le courant passe néanmoins par effet tunnel en vertu de leur faible épaisseur. Encore une fois Al2O3, SrTiO3 et MgO sont largement utilisés : Al2O3 est très exploité dans les multicouches qui mettent en jeu des métaux de transition de structure cubique à faces centrées (Co, Au, Pt) car la direction de croissance est une direction <111> qui permet une bonne épitaxie de cet oxyde. SrTiO3 est utilisé dans les dispositifs mettant en jeu des manganites comme matériau ferromagnétique.
Propriétés magnétiques. Les oxydes peuvent présenter une multitude de comportements magnétiques : certains sont ferromagnétiques (manganite : LaxSr1-xMnO3), d’autres antiferromagnétiques (NiO, CoO, FeO), d’autres ferrimagnétiques (Fe2O3, γ- Fe2O3), d’autres enfin diamagnétiques (MgO, SrTiO3, SiO2). Les oxydes ferro et ferrimagnétiques sont utilisés dans les vannes de spin. Les oxydes antiferromagnétiques sont utilisé pour former un couplage d’échange avec une couche ferromagnétique dans le but de la « durcir » (augmenter son champ coercitif) en créant un champ magnétique donné, retourner l’aimantation d’une couche ferromagnétique sans retourner l’aimantation des autres.
Propriétés ferroélectriques. Enfin, certains oxydes ont des propriétés ferroélectriques, notamment certains oxydes de structure pérovskite (par exemple, BaTiO3). On utilise ces propriétés pour la création des mémoires ferroélectriques. Les surfaces d’oxydes présentent elles aussi un grand intérêt : un oxyde peut être utilisé comme substrat dans des dispositifs pour son inertie du point de vue des propriétés de transport. Un dispositif doit bien entendu être « déposé » sur une surface qui lui sert de point de départ. Il est intéressant dès lors d’avoir à sa disposition des substrats « inertes » qui ne perturberont pas les propriétés désirées du dispositif. Les oxydes MgO, Al2O3 sont de bons candidats (ce sont de forts isolants totalement diamagnétiques). En outre, le substrat peut être choisi de façon à ce que la couche déposée ait une bonne qualité cristalline (épitaxie) et soit ou non contrainte d’une certaine façon pour obtenir telle ou telle propriété. Tel substrat peut être également choisi pour ses propriétés d’adhésion avec la couche à déposer, qui font que la croissance sera ou non bidimensionnelle. D’autre part, les surfaces d’oxydes peuvent former des catalyseurs très intéressants pour certaines réactions chimiques cruciales du point de vue industriel ou environnemental. La surface parfaite MgO{001} possède quant à elle une réactivité assez faible, par exemple vis-à-vis de l’adsorption du dioxygène. En revanche, la même surface, sur laquelle on a généré des défauts de stœchiométrie (lacunes d’oxygène, par exemple), devient très réactive vis-à-vis de cette adsorption. Il devient donc intéressant, du point du vue catalytique, de pouvoir étudier et fabriquer des surfaces défectueuses. Certains travaux expérimentaux concernent même l’amélioration des méthodes destinées à produire des surfaces défectueuses, riches en lacunes par exemple [Pet99].

L’oxyde de magnésium et sa croissance expérimentale

   L’oxyde de magnésium a été étudié en tant que couche mince, déposée par MBE et d’autres techniques expérimentales sur des substrats de métaux élémentaires, de semiconducteurs, d’oxydes magnétiques etc. Il a aussi été largement utilisé comme substrat. Historiquement, MgO est la première couche mince d’oxydes que l’on a fait croitre sur un substrat métallique [Cha00], il sert aussi de substrat pour les couches métalliques. MgO a une structure cubique, centrosymétrique, et son paramètre de maille est égal à 4.21 Å à la température ambiante. L’oxyde de magnésium possède la particularité d’être un très bon isolant avec un gap d’environ 8 eV, et c’est un matériau totalement diamagnétique. La croissance de MgO sur un substrat conducteur est donc intéressante [Cor94, Pet99, Wol99, Wol01, Kim02, Fer05, Min07, Kim09]. Parmi les métaux élémentaires, Ag et Au ont les paramètres de maille les plus proches de celui de MgO (4.07 Å et 4.08 Å, désaccord paramétrique à MgO de 3.4% et 3.2%) et ils ont également le même type de structure. De nombreuses études expérimentales ont été effectuées sur des substrats d’argent{100} [Pet99, Wol99, Wol01, Fer05]. Des couches de MgO ont été élaborées dans l’intervalle de températures de 300–470 K par évaporation de Mg dans une atmosphère d’O2 suffisamment riche pour assurer une oxydation complète du magnésium. La croissance est bidimensionnelle (Frank-Van der Merve). Dans les cas de l’hétéroépitaxie de Au, Au est déposé sur un substrat d’oxyde de magnésium [Ste07, Sim08]. Le métal élémentaire suivant qui convient comme substrat pour MgO est le molybdène [Cor94, Gal95, Kim02, Min07]. Le paramètre de maille de Mo est égal à 3.14 Å, le désaccord paramétrique est plus important. Malgré cela, la croissance se fait encore couche par couche. Les couches minces ont été élaborées dans les mêmes conditions expérimentales que celles décrites précédemment sur substrat Ag{001}. Les références donnent des températures très variées pour le dépôt : de 100 K à 1100 K. Un sujet également courant est la croissance des multicouches de MgO et des métaux élémentaires aux propriétés magnétiques et de conduction tels que Fe, Pt, Pd, Cu, Co, Ni ou leurs alliages [Kat00, Kla01, Cho06, Wei06, Bus07, Ito07, Kad08, Kim09, Nar09]. La croissance observée est aussi bidimensionnelle. L’élaboration des couches de MgO a été obtenue par évaporation de MgO ou par évaporation de Mg dans une atmosphère d’O2 à des températures comprises entre 300 K et 700 K. Les semi-conducteurs ont une structure différente de celle de MgO et le désaccord paramétrique est important. Néanmoins, un grand nombre de dispositifs contiennent des structures hétéroépitaxiales de semi-conducteurs et de MgO [Put99, Yoo99, Put00, Che05, Bak07, Kim07, Mak08]. Les conditions de température de la croissance des couches de MgO sur un substrat semi-conducteur varient de 400 K à 1100 K. La croissance hétéroépitaxiale entre MgO et d’autres oxydes binaires de structure NaCl ou d’oxydes de structure pérovskite a également été étudiée [Agu98, Tak99, War01, Lan03,Li07]. Parmi eux, les oxydes de nickel et de cobalt (cubique à faces centrées) ont les  paramètres de maille les plus proches de celui de MgO (4.18 Å et 4.26 Å, désaccord paramétrique à MgO de 0.9 et 2.2%). NiO est antiferromagnétique tandis que CoO est ferromagnétique. Des hétérostructures CoO-NiO-MgO peuvent être utilisées dans les vannes de spin [War01].

Méthode de Monte Carlo : principe général

   De nos jours, on associe la méthode de MC aux ordinateurs, mais les idées d’utilisation du tirage de nombres aléatoires pour des calculs approchés sont apparues à la fin du XVIIIème siècle. Il s’agit de l’expérience du Comte de Buffon [Buf77] qui permet d’estimer la valeur du nombre π par les jets aléatoires d’une aiguille sur un parquet de lattes de bois dont les fentes sont équidistantes. Il est intéressant de remarquer que les idées du MC ne se sont réellement développées qu’après l’année 1944 dans le cadre du travail sur la bombe atomique. John von Neumann avait proposé d’utiliser les ordinateurs et la théorie des probabilités pour la résolution de problèmes appliqués. Le premier travail réalisé à l’aide de cette approche revient à Metropolis et Ulam [Met49]. Les problèmes traités par les méthodes de Monte Carlo concernent de nombreux domaines numériques. Ces méthodes sont efficaces pour l’estimation numérique des intégrales multidimensionnelles [Ren93] qui ne peuvent pas, en général, être calculées analytiquement, et sont hors de portée des méthodes numériques traditionnelles. La deuxième application est la simulation des processus de diffusion en mécanique statistique et en physique de la matière condensée [Kan02]. La détection et l’émission de particules (neutrons, photons, particules chargées) pendant leur déplacement dans les systèmes hors équilibre sont un autre domaine important d’applications [Gou88, Her90, Bin88, Lew93]. La modélisation de la croissance cristalline, de l’implantation ionique, des effets d’irradiation et d’autres systèmes hors équilibre repose souvent sur la génération de nombres aléatoires. Par exemple, dans les modèles de diffusion de surface, comme la croissance cristalline, c’est un nombre aléatoire qui détermine la direction de migration d’une particule.

Algorithmes pour la croissance des couches minces

   L’étape suivante est l’application des algorithmes de MCCRR à la croissance des couches minces. La croissance épitaxiale [Zha98] implique le dépôt aléatoire des adatomes et leur diffusion ultérieure. La diffusion des adatomes conduit à la formation d’îlots. Il y a plusieurs variantes pour incorporer ces événements dans une simulation basée sur les algorithmes de MCCRR. Les modèles sur mesure. On focalise sur les événements atomiques essentiels qui sont décrits par quelques paramètres-clefs. Par exemple, on adoptera un modèle simple pour la croissance homoépitaxiale sur une surface {100} d’un métal avec formation irréversible des îlots [Cas02]. La fréquence du dépôt est F, la fréquence des sauts atomiques est h. Les adatomes diffusent et forment de nouveaux îlots et agrandissent les îlots existants. Les atomes qui sont déposés sur les îlots diffusent jusqu’à la formation de nouveaux îlots ou jusqu’au bord de l’îlot. Dans le dernier cas, les atomes sautent vers le bas avec la fréquence h’. On n’a ainsi que trois événements dans ce modèle avec les fréquences h, h’ et F. On pense naturellement à l’algorithme de type BKL avec une liste de tous les atomes sautant sur toutes les couches. Néanmoins, à la place de la mise à jour d’une liste séparée pour les atomes sautant vers le bas avec la fréquence h’, on peut choisir de les inclure dans une seule liste d’atomes sautant et appliquer à cet événement la probabilité pbas qui vient de la relation entre h’ et h. Ainsi, on transforme l’algorithme selon la situation, le modèle est donc sur mesure. Les modèles exacts. On décrit exactement la diffusion des adatomes en tenant compte des variations possibles de leur environnement local pendant et après la croissance. La barrière d’activation de diffusion dépend alors de l’occupation des sites voisins de l’atome. Dans le cas des surfaces d’adsorption métalliques de type {100} du réseau cubique, l’environnement local est constitué d’une dizaine de sites atomiques. Alors, on a 210=1024 environnements locaux possibles [Vot86, Meh99]. Il n’est pas faisable de déterminer autant de barrières d’activations. Mais la morphologie des couches minces n’est pas sensible à une telle précision sur les énergies d’activation. En effet, la plupart des différences entre les barrières avec l’environnement local sont si faibles qu’il est impossible de les calculer. On obtient alors un nombre raisonnable d’environnements locaux possibles. De plus, on n’a pas besoin d’inclure les barrières qui ont une hauteur très élevée, car de tels événements ont un temps d’attente très long et ne pourront pas se produire pendant la simulation. Mentionnons, que dans ces exemples, les barrières d’activation [Vot86, Meh99] ont été déterminées par une méthode ab initio. Les modèles d’auto-apprentissage. Il existe beaucoup de configurations locales pour les adatomes qui diffusent, alors, on restreint la modélisation aux événements dominants. On commence donc avec un tableau de ces événements-clefs et, pendant la simulation quand on trouve un nouvel environnement local, on arrête la simulation. On calcule alors la nouvelle énergie d’activation dont on a besoin, on l’ajoute au tableau et on continue la simulation [Hen01, Tru05]. Les modèles hybrides. Dans ces modèles, l’attention se porte sur la densité des adatomes qui détermine la nucléation [Bar98, Rat02]. Cette approche, dans laquelle on ne suit pas tous les mouvements de toutes les particules, priviligie la formation réversible des îlots à haute densité d’adatomes qui diffusent. Néanmoins, les formes des îlots sont très sensibles au « bruit » du processus d’agrégation. On combine donc une description continue du dépôt, de la diffusion et de l’agrégation à une description atomique de l’évolution des formes des îlots [Rus04]. Nous avons parlé des modèles usuels et typiques de la croissance des couches minces, mais il existe, bien sûr, d’autres algorithmes qui reposent généralement sur les modèles de base présentés ci-dessus [Bar98, Mat99, Li03].

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Table des matières

Introduction générale
Chapitre 1. Croissance épitaxiale des oxydes
1.1. Introduction
1.2. Intérêt des couches minces et surfaces d’oxydes
1.3. Processus élémentaires de la croissance épitaxiale
1.4. Méthodes de croissance des couches minces d’oxydes
1.5. L’oxyde de magnésium et sa croissance expérimentale
1.6. Modélisation de la croissances des couches minces d’oxydes
Chapitre 2. Méthodes de simulation
2.1. Introduction
2.2. Monte Carlo Cinétique
2.2.1 Méthode de Monte Carlo : principe général
2.2.2 Monte Carlo Metropolis
2.2.3 Interprétation cinétique du MC
2.2.4 Les algorithmes du MCC sur réseau rigide
2.2.5 Algorithmes pour la croissance des couches minces
2.2.6 Rétrospective des simulations MCC des couches minces
2.3. Dynamique Moléculaire
2.3.1 Dynamique Moléculaire classique
2.3.2 Choix du modèle d’interactions
2.3.3 Dynamique Moléculaire pour la migration des lacunes
2.4. Calculs « ab initio » DFT
2.4.1 Théorie de la fonctionnelle de la densité et ses approximations
2.4.2 L’approche pour les surfaces de MgO
Chapitre 3. Les lacunes du défaut de Schottky
3.1. Introduction
3.2. Définition des configuration de Schottky
3.3. Thermodynamique du défaut de Schottky
3.4. Analyse des trajectoires atomiques
3.5. Le mécanisme de migration
3.6. Enthalpies d’activation
3.7. Temps de vol
3.8. Conclusion
Chapitre 4. Développement du code de Monte Carlo Cinétique
4.1. Introduction
4.2. Le réseau rigide
4.3. Le substrat
4.4. Incorporation de P, de T et du temps (théorie cinétique des gaz)
4.5. Incorporation des énergies d’activation
4.6. Le dépôt et l’évaporation
4.7. La « downward diffusion »
4.8. Les mécanismes de diffusion
4.9. Les règles de diffusion
4.10. Les événements possibles
4.11. Choix de l’événement
4.12. Gestion de la liste des événements
4.13. Algorithme complet
4.14. Conclusion
Chapitre 5. Simulation de la croissance homoépitaxiale de MgO{100}
5.1. Introduction
5.2. Dépôt aléatoire
5.3. Prise en compte de la « downward diffusion »
5.4. Dépôt avec diffusion des molécules
5.5. Prise en compte de l’environnement local
5.6. Taux de remplissage
5.7. Influence des mécanismes de diffusion de la molécule
5.8. Prise en compte de la diffusion des lacunes
5.9. Influence de la pression
5.10. Influence de la température
5.11. Probabilités des événements de diffusion
5.12. Conclusion
Conclusion et perspectives
Bibliographie

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