La prise en charge et l’accès aux soins pour tous, constituent une problématique sociétale régulièrement évoquée dans le débat public. Le secteur bucco-dentaire est souvent délaissé des politiques de santé des pays en voie de développement, qui ont d’autres priorités sanitaires. L’orthodontie, comme les soins prothétiques, l’implantologie ou encore la parodontologie, est pratiquée avec des rétributions trop élevées non négligeables pour les familles. De fait, dans ces pays, l’accès aux services de santé bucco-dentaire est souvent très limité particulièrement l’orthopédie dento-faciale qui est en grande partie due au coût élevé des soins. Il existe un manque criard de spécialiste et les cabinets sont concentrés dans les villes avec des honoraires trop élevées pour la majorité de la population. Au département d’odontologie de la Faculté de Médecine, Pharmacie et Odontologie de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, la prise en charge des soins orthodontiques se limite à l’interception et concerne le plus souvent les enfants en cours de croissance. Pendant leur croissance, il peut apparaitre des malocclusions qui ne peuvent pas être considérées comme des maladies dans la mesure où les sujets qui en sont porteurs ne se plaignent généralement pas de douleurs. Cependant, des signes fonctionnels directement associés à cette condition peuvent être décrits. En outre, la présence des anomalies orthodontiques n’empêche pas d’avoir une vie convenable dans notre contexte socioéconomique et sanitaire. Des personnes présentant une malocclusion dentaire visible sont souvent victimes d’une baisse d’estime et d’un manque de confiance en soi [10,51], de problèmes sociaux tels que les moqueries chez les enfants et l’insertion dans les milieux professionnels [32,44]. Bien que n’étant pas une maladie, les malocclusions en dehors de cet impact psychosociologique, ont aussi un impact négatif sur la santé des dents, les fonctions oro-faciales en l’occurrence de la nutrition [4,58,73,78].
CROISSANCE CRANIO-FACIALE
La croissance est le développement progressif d’un organisme ou d’un organe, de la naissance jusqu’à la taille adulte. [11]. Selon MEREDITH [62], « la croissance est une série de changements anatomiques et physiologiques de la vie prénatale à la fin de la sénilité ». Ces changements permettent l’augmentation de toutes les structures entre la naissance et l’âge adulte. A l’exemple du cerveau qui triple de volume entre la naissance et l’âge de 20 ans.
La croissance de la voûte et de la base du crâne va avoir une influence considérable sur la croissance de la face. Le complexe crânio-facial est composé de 3 parties distinctes :
– la voûte crânienne au-dessus et autour du cerveau ;
– la base du crâne qui englobe le cerveau ;
– le massif facial qui est appendu en bas et en avant du crâne.
La croissance de la base du crâne, de la voûte crânienne et du massif facial est harmonisée. La croissance passe par des phases d’accélération et de décélération, ce que montre la courbe du taux de croissance staturale, visualisant l’augmentation de taille, par unité de temps.
Rythme de croissance
Le taux de croissance est très élevé de la naissance jusqu’à 6 mois. Il diminue de façon importante au cours de la période infantile (6 mois à 2 ans). Au cours de la période juvénile, de 2 ans jusqu’à l’époque pré pubertaire (10-11 ans, chez les filles et 12-13 ans, chez les garçons), la pente de la courbe est très faible. Puis le taux de croissance augmente de façon considérable jusqu’au pic pubertaire (en moyenne 12 ans chez les filles et 14 ans chez les garçons). Il diminue ensuite progressivement jusqu’à s’annuler totalement vers 15 à 16 ans chez les filles et 18 ans chez les garçons. Cette dernière phase adolescente correspond à l’apparition des caractères sexuels secondaires, à la croissance en longueur et à la maturation musculaire. Après cessation de ces phénomènes, la croissance est terminée, c’est le début de la période adulte. Les variations de la taille de l’individu et des maxillaires sont à peu près synchrones, sauf en fin de croissance [11].
L’étude de la croissance staturale permet de suivre la croissance faciale. Toutefois, cette courbe ne tient compte que de l’âge civil. Or, suivant les individus, des variations très importantes existent qui ne permettent pas de situer un sujet en particulier sur cette courbe, de façon fiable, uniquement en fonction de l’âge civil. Il faudra donc déterminer l’âge osseux d’un sujet, correspondant à un stade de développement osseux précis. Il est nécessaire en effet pour l’établissement d’un plan de traitement, en orthodontie, de préciser le stade de maturation du sujet. Ceci afin de pouvoir profiter d’une forte poussée de croissance ou bien de débuter le traitement bien avant le taux maximum de croissance ou encore de pouvoir apprécier si la croissance est virtuellement terminée, afin d’en éviter les effets.
Ostéogenèse cranio-faciale
Les différentes pièces osseuses constituant le squelette cranio-facial peuvent naître :
– soit directement au sein du tissu conjonctif, c’est l’ossification membraneuse ;
– soit aux dépens d’une maquette cartilagineuse ; c’est l’ossification enchondrale ;
– ou, enfin, bénéficier des 2 processus d’ossification : membraneuse et enchondrale ; c’est le cas du temporal, du sphénoïde, de l’occipital et de la mandibule. On observe alors une ossification mixte de ces os.
➤ L’os enchondral
Cet os est précédé d’une maquette cartilagineuse. Entre deux os enchondraux persiste une bande de cartilage ou synchondrose ou suture cartilagineuse. Au niveau du complexe cranio-facial, les différents os enchondraux sont le sphénoïde, l’occipitale et l’ethmoïde. Pour DELAIRE « cette notion de prolifération active, primaire, des synchondroses de la base du crâne, et ceci pendant des années, est fondamentale pour comprendre la céphalogénèse normale» [29].
➤ L’os de membrane
Au sein de la membrane conjonctive, constituée de cellules mésenchymateuses, apparaissent un ou plusieurs « centres » ou « points » d’ossification où ces cellules mésenchymateuses se différencient en ostéoblastes et élaborent une matrice ostéoïde qui se calcifie. Ces noyaux d’ossification représentent les ébauches des différents os de la face et du crâne, qui resteront séparés les uns des autres pendant un plus ou moins grand nombre d’années. Les lignes de séparation de ces os représentent les reliquats de la lame conjonctive primitive. Ces reliquats fibreux sont appelés « sutures membraneuses ». Chaque pièce osseuse est entourée d’une condensation conjonctive qui réalise une véritable gaine fibreuse : le périoste qui est en continuité avec les sutures membraneuses.
Les os de membrane sont représentés au niveau du squelette cranio-facial par le frontal, le pariétal, le maxillaire supérieur, le vomer, le palatin, le nasal, le lacrymal et le malaire.
Croissance de la voûte crânienne
La voûte crânienne est constituée à partir d’éléments que sont : le frontal, les deux pariétaux, les deux écailles des temporaux et les grandes ailes du sphénoïde et l’occipital [13]. Ces différents os ont une ossification membraneuse. Les différentes pièces osseuses sont séparées les unes des autres par des syndesmoses à savoir la suture métopique, sagittale, coronale, lambdoïde, les sutures sphénotemporale, sphénofrontale, sphénopariétale, la suture temporopariétale et la suture occipitotemporale qui sont des centres de croissance .
Les sutures membraneuses se présentent ainsi comme « de merveilleux joints de dilatation à rattrapage automatique par prolifération conjonctive adaptative et ossification marginale » [29]. Elles jouent également un rôle de joints amortisseurs, de rupteurs de forces. Les os du crâne avant de se souder restent longtemps séparés par des bandes de tissus conjonctifs appelés fontanelles. Elles sont au nombre de six : le bregma (fontanelle antérieure) et les deux astérions (fontanelle mastoïdienne ou latérale postérieure) se soudent à 2 ans, la lambda (fontanelle postérieure) qui se soude à 2 mois, les deux ptéryons (fontanelle sphénoïdale ou latérale antérieure) se soudent entre 2-3 mois [5](Figure 5). C’est grâce aux fontanelles et aux sutures que la boite crânienne se développe parallèlement à la croissance du cerveau qui est très importante pendant les premières années de la vie [5].
L’ossification des pièces osseuses s’effectue en « tâche d’huile ». Chaque pièce osseuse est recouverte d’une membrane fibreuse, conjonctive : le périoste [5]. C’est au niveau de ce périoste que se déroule le remodelage phénomène au cours duquel on a une apposition d’os prédominant sur la face externe et une résorption interne qui explique le changement de forme, de taille et de position des pièces osseuses [35, 36].
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Table des matières
INTRODUCTION
I. CROISSANCE CRANIO-FACIALE
I.1 Rythme de croissance
I.2 Ostéogenèse cranio-faciale
I.3 Croissance de la voûte crânienne
I.4 Croissance de la base du crâne
I.4.1 Croissance en longueur
I.4.2 Sens transversale
I.4.3 Sens verticale
I.5 Croissance du complexe naso-maxillaire
I.5.1 Croissance suturale
I.5.2 Croissance par remodelage
I.6 Croissance de la mandibule
I.6.1 Croissance condylienne
I.6.2 Croissance de la mandibule, condyle excepté
II. FACTEURS INFLUENÇANT LA CROISSANCE
II.1 Facteurs génétiques intrinsèques : expression intracellulaire
II.2 Facteurs épigénétiques : expression extracellulaire
II.2.1 Généraux
II.2.2 Locaux
II.3 Facteurs environnementaux : environnement externe
II.3.1 Généraux
II.3.2 Locaux
III. DYSMORPHOSES ORTHODONTIQUES
III.1 Les anomalies dentaires
III.1.1 Anomalies de forme
III.1.2 Anomalie de nombre
III.1.3 Anomalies d’éruption
III.1.4 Anomalie de situation
III.1.5 Anomalie de position
III.2 Dysharmonie dento‐dentaire (ou D.D.D)
III.3 Dysharmonie dento-maxillaire (ou D. D. M.)
III.4 Anomalies alvéolaires
III.4.1 Anomalies du sens sagittal
III.4.2 Anomalies du sens vertical
III.4.3 Anomalies du sens transversal
III.5 Anomalies squelettiques
III.5.1 Anomalies du sens sagittal
III.5.2 Anomalies du sens transversal
III.5.3 Anomalies du sens vertical
IV. TRAITEMENT
IV.1 Objectifs du traitement
IV.2 Prévention / prophylaxie
IV.2.1 Mode d’allaitement
IV.2.2 Mode d’alimentation
IV.2.3 Mode de ventilation
IV.3 Traitement interceptif
IV.3.1 Déverrouillage fonctionnel
IV.3.2 Déverrouillage mécanique occlusal
IV.4 Traitement orthopédique
IV.4.1 Orthopédie fonctionnelle
IV.4.2 Orthopédie mécanique
IV.5 Le traitement orthodontique multi-bague
IV.6 Traitement des agénésies
IV.7 Traitement des dents incluses
IV.8 Traitement de la dysharmonie dento-maxillaire
IV.9 Anomalies du sens transversal
IV.10 Anomalie du sens vertical
IV.10.1 Infraclusion
IV.10.2 Supraclusion
IV.11 Anomalie du sens antéro‐postérieur
IV.11.1 Classe II
IV.11.2 Classe III
V. PROFIL EPIDEMIOLOGIQUE DES PATIENTS PRIS EN CHARGE DANS LE SERVICE D’ORTHODONTIE DU DEPARTEMENT D’ODONTOLOGIE DE L’UCAD DE 2010 A 2014
V.1 Matériel et méthode
V.1.1 Type d’étude
V.1.2 Critères d’inclusion
V.1.3 Critères d’exclusion
V.1.4 Variables d’étude
V.1.5 Collecte des données
V.1.6 Analyse des données
V.2 Résultats
V.2.1 Données sociodémographiques des patients
V.2.2 Données sociodémographiques des parents
V.2.3 Données socioéconomiques des parents
V.2.4 Données cliniques
VI. DISCUSSION
VI.1 Limite de l’étude
VI.2 Données sociodémographiques des patients
VI.2.1 Sexe
VI.2.2 Age
VI.3 Données sociodémographiques des parents
VI.3.1 Lieu de résidence
VI.3.2 Etat matrimonial des parents
VI.3.3 Niveau d’étude
VI.4 Données socioéconomiques des parents
VI.4.1 Classe socioprofessionnelle
VI.4.2 Paiement des soins
VI.4.3 Moyens de transport
VI.4.4 Revenu du couple
VI.5 Données cliniques
VI.5.1 Diagnostic
VI.5.2 Traitement
VI.6 Recommandations
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXE