Croi ssance des germes d’épinette noire
L’aire d’étude
L’ aire d’étude se situe dans la région de la Baie James au Québec (53 °35′ N, 77°38′ W). Les sites sélectionnés sont situés à la limite Nord de la forêt boréale dans le domaine de la pessière noire à lichen (taïga) qui constitue une bande d’ environ 300 km de largeur entre la pessière à mousse et la toundra forestière. Ce territoire appartient au Bouclier canadien Précambrien (Stockwell et al. 1968) et on y retrouve des dépôts sablonneux-Ioameux sur les collines (till grossier et dépôts fluvioglaciaires) et des dépôts sablonneux-argileux sous les tourbières dans les dépressions. Le couvert forestier est principalement composé par l’ épinette noire, espèce ubiquiste pour un large spectre de conditions stationelles, et par le pin gris (Pinus banksiana Lamb.), espèce associée aux milieux bien drainés caractérisés par des dépôts secs comme les terrasses. La dynamique de régénération forestière dans le nord de la forêt boréale est principalement régie par un cycle de feu d’environ 100 ans (Payette et al, 1989a; Parisien et Sirois, 2003). Le climat de type continental froid est grandement influencé par les baies de James et d’ Hudson.
Pour la période de référence 1961-1990, la période sans gel s’ étend de la mi-juin à la mi-septembre et le nombre moyen de degrés jours 25 °C est de 862. Les températures annuelles moyennes se situent à – 3,5 °C avec un maximum en juillet de 13,7°C et un minimum en janvier de -23 ,2°C. Les précipitations annuelles moyennes enregistrées sur le territoire avoisinent 679 mm, dont 271 mm tombent sous forme de neige (40%) (Environnement Canada 2007). 2.2 Sélection des sites d’étude Une carte de l’historique des feux (Couturier et St-Martin 1990) et une reconnaissance régionale ont permis de localiser des sites incendiés en 1941 , 1973 , 1983, 1989, 1998 ou 200l. La détermination de l’ année du dernier feu pour chacun des sites a été confirmée à l’aide de sections transversales prélevées à la base des arbres cicatrisés par le dernier feu . Dans chacun des sites incendiés nous avons sélectionné un milieu bien drainé et un milieu mal drainé. Les feux plus récents portaient encore les traces permettant d’ inférer la sévérité du feu. Ainsi , une distinction plus nette dans les sites légèrement brûlés versus sévèrement brûlés a été effectuée pour les milieux mal drainés des sites incendiés en 1998 ou 200l.
On retrouve les milieux bien drainés sur des collines rocheuses qui constituent des environnements secs à mésiques et les milieux mal drainés dans des dépressions tourbeuses (tourbières). Dans les aires récemment incendiées en 1998 ou 2001 , nous avons pu distinguer un milieu légèrement brûlé caractérisé par une combustion superficielle de l ‘ horizon organique et un second mil ieu sévèrement brûlé caractérisé par une combustion en profondeur de l’horizon organique. Dans chaque milieu, la fréquence relative des substrats de germination fut évaluée sur un point à tous les 0,5 m sur cinq transects de 20 m espacés de 2 m. L’ épaisseur de la matière organique résiduelle a été mesurée à l’ aide d’ une sonde pédologique à tous les 4 m. 2.3 Dispositif expérimental Un plan d’ expérience à trois facteurs croisés avec réplication (année de feu, drainage et traitement) a permis de déterminer l’ influence relative de chacune de ces variables sur la germination, la survie et la croissance des germes et des semis d’ épinette noire.
Pour simuler une augmentation des précipitations neigeuses, une clôture à neige fut installée dans chacun des milieux bien drainés et des milieux mal drainés des sites incendiés (Neige). Pour simuler une augmentation des précipitations pluviales, des arrosages hebdomadaires de 250 ml par placette ont été effectuées au cours des mois de juin, juillet et août (Pluie). À l’intérieur des clôtures à neige, des arrosages ont également été effectués afin d’induire une augmentation combinée des précipitations neigeuses et pluviales (Neige et Pluie). De plus, un témoin consistait à laisser les graines et les semis aux conditions environnantes (Témoin). Finalement, des placettes vides ont permis de contrôler l’apport des graines provenant de semenciers adjacents aux sites d’ étude. Pour chacun des traitements, nous avons établis cinq réplicats dans les milieux bien drainés et cinq autres réplicats dans les milieux mal drainés de chacun des sites incendiés. Cinq réplicats de 100 graines viables et cinq réplicats de cinq semis furent installées.
Les ensemencements ont été effectués à partir de graines locales et les semis ont été produits à partir de graines locales semées dans des récipients de 126 cavités contenant chacune un volume de 25 cm3 de substrat. La germination, la survie et la croissance des germes et des semis ont été effectué entre 2001 et 2004. Afin de faciliter les recensements, les graines et les semis ont été disposés dans un rayon de 10 cm autour d’une tige d’acier galvanisée. Les recensements étaient réalisés au début et à la fin de la période de croissance. En 2004, les semis ont été récoltés afin de déterminer leurs biomasses sèches racinaire, caulinaire et foliaire. La concentration en azote des semis témoins a été déterminée à partir de sous échantillons de tissus foliaires (3 mg) et fut analysée à l’ aide d’ un Perkin-Elmer 2400 CHN Elemental analyzer.
Influence des traitements
Les résultats suggèrent qu ‘ un accroissement des précipitations, qu ‘ ell es soient neigeuses ou pluviales, a favorisé la germination et l’ établissement de l’ épinette noire dans plusieurs sites. Dans les milieux bien drainés des sites brûlés en 1973 , 1983 ou 1998, les effets combinés des précipitations nei geuses et pluviales ont augmenté significativement le nombre de germes comparativement aux précipitations pluviales seules (P :s 0.0233) et au traitement témoin (P < 0.0001 ). Dans les milieux bien drainés des sites brûlés en 1973 ou 1998, les précipitati ons neigeuses seules sont associées à une augmentation significati ve du nombre de germes comparativement au traitement témoin (P :s 0.0078). De plus, dans le mili eu bien drainé du site brûlé en 1998, l’effet d’ un enneigement accru sur le nombre de germes s’ est avéré signi ficati vement plus prononcé que l’ effet d’ un accroissement des précipitations pluviales seul es (P = 0.0338) (Fig. 1). Nos résultats démontrent une plus grande vari abilité des effets des traitements sur le nombre de germes dans les milieux mal drainés.
Effectivement, dans les milieux mal drainés des sites brûlés en 1983 ou 1998 légèrement brûlé, les précipitati ons neigeuses seules sont associées à une augmentation significative du nombre de germes comparativement à l’ effet combiné des précipitations neigeuses et pluviales (P :S 0.0339), à celui des précipitations pluviales seul es (P :s 0.0094) et du traitement témoin (P < 0.0001 ). Par contre, dans le mili eu mal drainé du site brûlé en 1973 , ce sont les précipitations pluviales seules qui eurent le plus d’effet comparati vement aux préci pitati ons neigeuses seules (P = 0.005), à l’effet combiné des précipitations neigeuses et pluviales (P < 0.0001 ) et au traitement témoin (P = 0.0240). Finalement, dans le milieu mal drainé du site brûlé en 1989 c’ est l’effet combiné des précipitations neigeuses et pluviales qui fût le plus prononcé comparativement aux précipitations neIgeuses seules (P < 0.0001), aux précipitations pluviales seules (P = 0.0026.) et au traitement témoin (P = 0.0496) (Fig. 1). Le milieu mal drainé légèrement brûlé en 2001 a soutenu un plus grand nombre de germes que les autres sites bien drainés et mal drainés de toutes les autres années de la chronoséquence en condition de traitements similaires (P :S 0.0198). Toutefois, l’ effet combiné des précipitations neigeuses et pluviales dans le milieu mal drainé légèrement brûlé en 2001 s’est avéré non significativement différent d’ avec les milieux mal drainés des sites brûlés en 1942, 1973, 1983 ou 1998 (P 2: 0.2259) (Fig. 1).
L’ absence de compétition végétale dans le milieu légèrement brûlé en 2001 a probablement été favorable aux germes qui ont profité davantage de la disponibilité des nutriments suite au feu (Zasada et al. 1983 ; Van Cleve and Viereck 1981; Viereck 1983). Des conditions défavorables à la germination des graines et l’établissement des germes peuvent retarder la régénération des brûlis (Arnott 1973, Sirois et Payette 1991). Les feux de forêt entraînent de profondes modifications des propriétés physiques des substrats qui peuvent être associés à une augmentation du stress hydrique chez les semis (Black et Bliss 1980; Jeglum 1974, 1979, 1981 ; Thomas et Wein 1985a, b; Roberts et Dumbroff 1986; Buxton et al. 1985 ; Bernier 1993 ; Duchesne et Sirois 1995). L’ accumulation supplémentaire de neige induite par les clôtures à neige a vraisemblablement permis de diminuer la vulnérabilité des germes au stress hydrique. Effectivement, lors de printemps tardifs, nous avons observé des accumulations de neige plus importantes au pourtour des clôtures à neige. Les résultats de cette étude corroborent d’ autres études affirmant un effet bénéfique des précipitations sur la germination et la croissance des germes (Gagnon 1966, Jeglum 1979).
Croissance initiale des germes
Dans les milieux bien drainés, aucun traitement n’a entraîné d’ effet significatif sur la biomasse totale moyenne des germes, quoiqu ‘ une certaine tendance en ce sens soit suggérée par les milieux bien drainés des sites brûlés en 1973, 1983, 1989 ou 1998 dans lesquels l’effet d’un accroissement des précipitations semble être associé à une biomasse plus élevée des germes (Fig. 3). Il est possible que cet apport supplémentaire d’ humidité induit par la fonte des neiges au printemps a probablement eu un effet bénéfique sur la croissance des germes d’épinette noire qui sont vulnérables au stress hydrique (Gagnon 1966, Black et Bliss 1980; Thomas et Wein 1985a, b; Roberts et Dumbroff 1986; Buxton et al. 1985 ; Bernier 1993 ; Duchesne et Sirois 1995). Dans le milieu mal drainé légèrement brûlé en 2001, la biomasse totale moyenne des germes est significativement supérieure aux milieux mal drainés des sites brûlés en 1941 (P .::; 0.032) ou 1973 (P < 0.001) pour tous les traitements (Fig. 3).
Dans le milieu mal drainé sévèrement brûlé en 2001, les effets des précipitations neigeuses et de la combinaison des précipitations neigeuses et pluviales ont significativement augmenté la biomasse des germes comparativement aux mêmes traitements dans les milieux mal drainés des sites brûlés en 1941 , 1973 , 1983, 1989 ou 1998 (P .::; 0.027) (Fig. 3). Les sphaignes du milieu mal drainé sévèrement brûlé en 2001 ont vraisemblablement perdu leurs propriétés à conserver l’ eau de sorte que les germes de ce site ont davantage répondu aux effets de ces traitements. Dans tous les autres sites mal drainés de la chronoséquence, le taux de croissance en hauteur de la sphaigne étant parfois supérieur à celui des germes, nous avons retrouvé des germes demeurés emprisonnés dans la sphaigne (Hornberg et al. 1997).
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Table des matières
AVANT-PROPOS
REMERCIEMENTS
RÉSUMÉS
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES FIGURES
1.0 Introduction générale
1.1 La fo rêt boréale
1.2 La forêt boréale et les fe ux de forêts
1.3 Origine de l’ouverture des peuplements d’épinette noire au Québec
1.4 Influence du tapis de lichens sur la régénération de l’épinette noire
1.6 Objectifs
CHAPITRE 1 ÉT ABLISSEMENT ET CROISSANCE DE PICEA MARIANA LE LONG D’UNE CHRONOSÉQUENCE APRÈS FEU DANS LA FORÊT BORÉALE NORDIQUE
Résumé
1.0 Introduction
2.0 Matériel et méthodes
2.1 L’aire d’étude
2.2 Sélection des sites d’étude
2.3 Dispositif expérimental
2.4 Analyses statistiques
3.0 Résultats et discussion
3. 1 Description des sites
3.2 Germination des graines et établissement initial des germes
3.2.1 Influence du drainage et des substrats
3.2.2 Influence des traitelnents
3.2.3 Influence de la sévérité du feu
3.3 Cro issance initiale des germes et des semis d’épinette noire
3.3.1 Azote fo li aire des semis
3.3.2 Croissance initiale des germes
3.3.3 Croissance des semis
4.0 Conclusion
5.0 Remerciements
6.0 Références
CHAPITRE 2 EFFET PHYSIQUE DU TAPIS DE LICHENS SUR LA GERMINATION, L’ÉTABLISSEMENT ET LA CROISSANCE DE PICEA MARIANA
Résumé
1.0 Introduction
2.0 Matériel et méthode
2.1 L’ aire d’étude
2.2 Sélection du site d’étude
2.3 Dispositif expéri mental
2.4 Cond itions environnementales des substrats de germination
2.5 Ouverture des fentes de dessiccation
2.6 Perco lation des graines
2.7 Anal yses stati stiques
3.0 Résultats
3.1 Infl uence des substrats sur la germination des graines, l’établissement et la croissance des
germes d’épinette noire
3.2 Infl uence des conditions environnementales sur la germi nation des graines et
l’établissement des germes d’épinette noire
3.3 Ouverture des fe ntes de dessiccation
3.4 Percolation des grai nes
4.0 Discussion
4.1 Influence des substrats sur la germination des graines et l’établissement des germes
d’épinette noire
4.2 Croi ssance des germes d’épinette noire
4.3 Influence des conditions climatiques sur la germination des graines et l’établissement des
germes d’épinette noire
4.4 Influence des conditi ons climatiques sur les fentes de dessiccation
5.0 Conclusion
6.0 Remerciements
7.0 Références
2.0 Conclusion générale
2.1 Influence du drai nage et des substrats sur la germination, l’ établissement et la croissance de
l’épinette noire
2.2 Influence du feu sur la germination, l’établissement et la croissance de l’ épinette noire
2.3 Infl uence du changement climatique sur la germinati on, l’ établissement et la croissance de
l’ épi nette noire
3.0 Références
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