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Les préconisations officielles pour des CDI virtuels
Les CDI ne sont pas épargnés par la concurrence d’Internet. Ainsi, les professeurs-documentalistes critiquent souvent le fait que le premier réflexe des élèves dans une situation de recherche documentaire est de se jeter – littéralement – sur le Net. De par ces pratiques, le CDI n’est plus perçu comme un lieu de référence pour l’accès aux informations, la connexion à Internet étant possible dans les salles informatiques de l’établissement ou au domicile des élèves. Dès lors, l’exploitation des autres ressources du CDI (papier et numérique) tend à décroître par manque de visibilité.
Face à la similarité du constat, les CDI s’inspirent des solutions proposées par les bibliothèques. Historiquement, les CDI ont suivi les évolutions des bibliothèques publiques, notamment en termes d’organisation et de gestion, bien qu’un retard soit marqué au détriment des CDI. Ainsi, la mise en place de la politique documentaire telle que promue par Bertrand Calenge30 en 1994 ne fait l’objet pour les CDI d’une préconisation ministérielle qu’à partir de 2001 et du rapport de l’inspecteur général Etablissement Vie Scolaire Guy Pouzard. Pour ce dernier, « mettre en place une politique documentaire, c’est d’abord définir les besoins des usagers en matière de ressources documentaires, […] penser les politiques d’acquisition en termes d’adéquation de l’offre à la demande […]. C’est aus si définir l’accès aux ressources, réelles et virtuelles » .
Avec la mise en place de la politique documentaire, les CDI opèrent à leur tour un changement de paradigmes, privilégiant l’approche usager. Dans cette optique, la dissémination est partie intégrante de la politiquedocumentaire qui établit une stratégie d’organisation et de gestion du système d’information32 dans le but de favoriser la circulation des informations. Dès lors, la pertinence même de la dénomination de Centre de documentation et d’information est remise en question. Jean-Louis Durpaire33 propose un nouveau sigle au sens double : SID, désignant à la fois Service d’information et de documentation et Système d’information et de documentation. Le terme service renvoie à la médiation tandis que celui de système renvoie plus directement à la dissémination et à l’hybridation d es fonds.
La vision du CDI s’en trouve modifiée. Pour Guy Pouzard, « le CDI devra nécessairement conjuguer demain ressources présente sur les étagères (aussi bien d’ailleurs les documents traditionnels que des documents électroniques) et ressources distantes. Dans tous les cas le repérage et l’utilisation des sources doivent pouvoir se faire à distance » 34. Il préconise alors la mise en place d’une « politique de portails »35. Jean-Louis Durpaire et Daniel Renoult36, quant à eux, recommandent « d’utiliser pleinement les médias sociaux » et regrettent la faiblesse du nombre de portails documentaires spécifiques aux élèves où l’on trouverait « un guide de formation à la recherche, des conseils et des adresses pour son orientation universitaire et professionnelles, des invitations à se cultiver », « un vrai CDI sur le net […] qui pourr[ait] être le fer de lance de l’installation des établissements dans une société numérique ». Enfin l’une des soixante-dix mesures de Jean-Michel Fourgous pour Réussir l’école numériqueprévoit de faire évoluer les CDI en « ECDI (espace de culture, de documentation et d’information) avec des accès numériques « ouverts » favorisant les pratiques collaboratives »37.
Hybridation, dissémination et médiation numérique’intègrents dans les missions des professeurs-documentalistes en faisant directement appel à ses activités de gestion et de communication. Dans le premier cas, il s’agit au sein du système d’information de définir les modalités d’accès aux ressources locales et distantes, notamment en termes techniques. Dans le second cas, « il met en place un dispositif de diffusion de l’information dans et hors de l’établissement scolaire en élaborant des supports de communication adaptés au public visé » et en « appréhend[ant] la diversité des supports, des techniques d’animation, des partenaires possibles », « choisiss[ant] les mieux adaptés en fonction des situations » .
Sur le terrain, les préconisations officielles se concrétisent de différentes façons, comme nous le dévoile notre enquête menée dans leadrec de ce travail.
Les professeurs-documentalistes, les fers de lance des CDI virtuels
La dissémination des CDI est la conséquence de la ogiquel de marketing documentaire centré usager née dans les bibliothèques publiques et adaptée du monde de l’entreprise, ainsi que de l’hybridation des res sources, qui nécessitent toutes deux de repenser la médiation à partir de nouveaux outils. Une enquête électronique a été réalisée pour analyser les modalités de mise en œuvre de cette dissémination et identifier le degré d’influence de différents critères d’une part propres à l’établissement, et d’autre part propres au personnel en poste dans les CDI considérés.
Une enquête sur les espaces virtuels des CDI
Anne Dujol39 distingue trois étapes dans l’évolution des sites Web des bibliothèques publiques. Dans un premier temps, ces derniers se sont contentés de n’être qu’une « vitrine de l’organisation administrative d e la bibliothèque physique », sans valeur ajoutée, purement informative. Puis, ces sites se sont transformés en « catalogue de services documentaires » : à l’accès au catalogu e s’ajoute des contenus enrichis sur les collections et les activités des bibliothèques . Enfin, les sites Web deviennent progressivement des « portails documentaires » qui fédèrent les recherches entre de multiples sources internes et externes à la bibliot hèque.
Dans le cas des sites Web des CDI, il n’y a pas d’études retraçant leur évolution dans le temps. J’ai donc choisi de faire une enquêt (Annexe) pour connaître à quelle étape se situent les espaces virtuels de ces lieux éducatifs. Cette enquête, menée de façon électronique via deux listes de diffusion professionnelles de professeurs-documentalistes (E-doc et cdi-doc) a été conduite ntre le 1er et le 22 février 2011. Deux cent soixante-deux réponses, représentant autant d’établissements scolaires du secondaire, ont été récoltées dans cet intervalle.
Le questionnaire s’articule en quatre parties. Les deux premières s’intéressent au contexte : il s’agit de dresser le profil de l’établissement d’une part, du personnel de l’autre. La troisième partie interroge les modalités de mise en place d’espaces virtuels : leur nature, leurs objectifs, leur activité. Enfin la dernière partie s’adresse aux futurs utilisateurs d’E-sidoc. Il s’agit de mesurer la val eur ajoutée du programme par rapport aux autres espaces virtuels.
A partir d’une première lecture des résultats, il est possible de dresser les caractéristiques générales des enquêtés. Quatre quièmescin des réponses relèvent d’établissements publics (83%), un cinquième d’établissement privé sous-contrat (17%). Deux cinquièmes de ces établissements ont moins de cinq-cents élèves (44%), deux autres cinquièmes ont entre cinq-cents et mille élèves (38%), le dernier cinquième comporte des établissements de plus de mille élèves(18%). Dans trois cinquièmes des établissements, le documentaliste est seul (63%). Dans les deux cinquièmes restants (38%), deux personnes exercent dans le CDI : deux documentalistes, ou un documentaliste et un assistant.
Une première lecture des caractéristiques généralesdes espaces virtuels des CDI selon l’enquête révèle que 97% des établissementsntoau moins un espace en réflexion, c’est-à-dire qu’ils s’interrogent sur l’intérêt de cet espace mais que la décision de le réaliser n’est pas encore prise. 94% des établissements ont au moins un espace en cours de réalisation, c’est-à-dire que ces espaces ne sont pas entièrement opérationnels mais que le stade de la simple réflexion est dépassée. ependant,C nombreux sont les établissements ayant plusieurs espaces virtuels, certains étant en réflexion, d’autres en cours de réalisation ou encore actifs. La Figure 1 qui recense l’ensemble des interfaces des espaces virtuels selon leur opérativité suggèreune évolution des interfaces de références. Ainsi, en associant les interfaces lesplus actives aux interfaces les plus anciennes et les interfaces en réflexion aux intentions nouvelles, il semble qu’il y ait eu un glissement récemment : des pages Web réservées uxa CDI sur le site de l’établissement, de l’univers Netvibes et de BCDI-Web (ou PMB-Web) qui sont présents et actifs dans plus de 40% des établissements, on est passé au module CDI intégré à l’ENT (Espace numérique de travail) qui otalise le plus d’intention (26% en cours de réflexion). Cette évolution traduit la volonté ministérielle de généraliser les ENT40. E-sidoc, le portail documentaire nouvelle génération est également très représenté dans les intentions (15%). Il est emblématique de la transformation de l’orientation usager dans les CDI, comme nous le verrons dans la quatrième partie de ce travail. On notera cependant la faiblesse de représentation des réseaux sociaux, pourtant outil privilégié dans l’optique de dissémination (aller là où sont les utilisateurs, et notamment sur Facebook dans le cas des élèves).
Critères d’influence liés aux professeurs-documentalistes
L’âme du CDI, c’est avant tout le professeur-docume ntaliste. Il lui insuffle la vie, le CDI devenant ce que le documentaliste perçoit du li eu et de sa fonction. Dès lors son influence sur la mise en place d’espaces virtuels se fait également sentir. Ainsi, peut-on dire que l’intérêt personnel des documentalistes dans les TIC (technologies de l’information et de la communication) est un facteur favorisant leur présence. En effet, la part des documentalistes ayant un intérêt personnel, c’est-à-dire animant à titre privé un espace virtuel public ou collaboratif, est plus importante au sein des sites actifs que pour les sites non actifs (de douze à vingt-deux po ints d’écart d’après la Figure 8). Cette influence trouve son explication dans le fait que le manque de formation professionnelle initiale dans ce domaine constitue une contrainte technique. Cette dernière est ainsi la deuxième cause (41%) évoquée comme raison de l’absence de CDI virtuels (Figure 6, page 19). Considérant que les sites actifs (opérationnels) sont souvent des espaces virtuels anciens, on peut supposer que ces derniers sont des sites pionniers mis en place par des documentalistes ayant contourné les contraintes techniques par leur intérêt personnel.
On remarque également que le statut professionnel des documentalistes influe sur l’activité des espaces virtuels (Figure 9). Ainsi, parmi les espaces les plus actifs, la part de certifiés en documentation est plus importante que le reste des profils professionnels (89%), surveillants exceptés. Viennent ensuite les certifiés détachés des autres disciplines avec un écart de sept points, puis les contractuels et vacataires avec un écart de douze points. On peut penser que ces résultats sont dus au fait que les certifiés en documentation ont la garantie de rester plus longtemps sur un même poste, contrairement aux profils plus précaires, et donc peuvent s’investir plus facilement sur des projets à long terme, tels que la création et la mise à jour des CDI virtuels. De plus, le fait d’être assisté par un surveillant permet depalier en partie la contrainte de temps.
Des positionnements différents en fonction des enjeux
Dans le cadre des espaces virtuels des CDI, la dissémination rencontre deux objectifs majeurs : l’enjeu pédagogique s’accompagnant d’un enjeu identitaire au profit du professeur-documentaliste et de ses missions. Ces enjeux influent sur la nature et la mise en scène du contenu des espaces virtuels. Il est alors possible de distinguer des profils différents.
Enjeux pédagogiques et identitaires de la dissémination
Selon Etienne Cavalié , la dissémination en bibliothèque publique s’appuie sur six axes qui sont autant d’objectifs : il s’agit de « faciliter l’accès aux documents », « aider les lecteurs », « créer de nouveaux service », « valoriser ses contenus [ceux de la bibliothèque] », « communiquer sur ses services », « communiquer sur ses problèmes ». Il est possible de classer ces objectifs en deux types d’enjeux : les enjeux de médiation d’une part (les trois premiers objectifs), les enjeux de communication d’autre part (les trois objectifs restants). Ces deux enjeux s’inscrivent dans la logique usager des bibliothèques en recentrant les accès etles contenus par rapport aux besoins et attentes des usagers et en promouvant l’action de la bibliothèque dans cette mission.
Dans le cas des CDI, ces enjeux sont de type pédagogique d’une part, une dimension éducative étant ajoutée à la médiation, t e identitaire de l’autre, la communication ne faisant pas que promouvoir un service, elle participe à sa (re)définition. Ainsi, selon l’enquête électronique(Figure 11), pour plus de quatre cinquièmes des sondés, un espace CDI virtuel améliore l’accès et la visibilité des ressources. Par exemple, BCDI-Web permettrait 30% de consultation supplémentaire que la consultation du catalogue en local43. Autre enjeu pédagogique, pour trois documentalistes sur cinq, l’espace virtuel participe à la formation des élèves en information-documentation. Il accompagne les élèvesdans leurs recherches, mettant à leur disposition des outils variés. Il contribue ainsi au développement de leur autonomie. De plus, en décloisonnant l’accès à l’information de sa dimension géographique (au-delà des murs du CDI) et temporelle (en dehors des horaires d’ouverture du CDI), l’espace virtuel du CDI partic ipe à favoriser l’égalité des chances, d’après Anne Salitot et Marie-Laure Compant-la-Fontaine44.
Typologie des positionnements des espaces virtuels des CDI
Silvère Mercier, bibliothécaire de la BPI (Bibliothèque publique d’information, Paris) chargé de médiation numérique, également acteur essentiel de la bibliogosphère, est le premier à s’intéresser à l’identité numérique des bibliothèques46. Pour lui, il existe quatre types de positionnements. Le profil « institutionnel » caractérise une bibliothèque qui « communique sur elle-même au lieu de pratiquerune médiation de son offre pour des communautés d’intérêts ». Il s’agit d’une communication sur l’institution globale. L’espace virtuel peut également être l’occasion d’un positionnement « de service » qui « porte sa propre marque et possède son propre nom de domaine sur Internet », l’institution n’apparaissant qu’en arrière plan, dans la rubrique « à propos » pour re-contextualiser l’origine du service. Le profil « média-thématique » quant à lui, agit comme un média social en nourrissant activement unethématique précise sur la toile, tout en valorisant les collections spécialisées de la bibliothèque. Enfin le profil « personnes ressources » s’organise autour de membres de l’institution qui se pensent plus comme des « animateurs de communauté » spécialisés dans un domaine particulier que comme des bibliothécaires.
Bertrand Calenge47 critique cette typologie. Pour lui les profils « de service » et « média-thématique » sont confondus, car il considère que dans les deux cas ce sont les compétences de la bibliothèque qui sont mis en avant. Bertrand Calenge48 propose alors une autre typologie, distinguant la « modalité présentielle » de la « modalité servuctive ». La première définit un espace virtuelqui tend à « faciliter via le web l’usage des services rendus dans les lieux » (catalogue en ligne, possibilité de réserver, agenda des animations…). Le but est de rendre la bi bliothèque présente sur la toile, de faire de la communication institutionnelle. Dans le cas du second positionnement, il s’agit de « construire […] des espaces spécifiques de service d’information essentiellement accessibles en ligne », les usagers n’étant pas contraints de se déplacer pour bénéficier de ces services. C’est une valeur joutéea spécifiquement numérique qui est alors proposée. Plus que sur la communication,l’accent est mis sur la médiation.
Silvère Mercier49 reprend à son tour cette typologie. D’après lui, l a « modalité présentielle » assimilable au profil « institutionnel » représente 95% des espaces virtuels des bibliothèques publiques. Il s’agit de promouvoir l’institution et ses équipements. La « modalité servuctive » axée sur les compétences etreprenant les trois autres profils de sa première typologie, vise à « diffuser des contenus, interagir avec les gens ». Elle comprend les 5% restant des espaces virtuels. Dans le cas des CDI, la question de la simple transposition virtuelle du CDI ou de la création d’un espace enrichi « proposant une offre complémentaire à celle des CDI et tenant compte des possibilités offertes par le support numérique » se pose également . L’enquête électronique a permis de dégager troistypes de positionnements pour les espaces virtuels des CDI en fonction des contenus mis en ligne (Figure 14). Le profil institutionnel rassemble les données de type informations administratives, telles que les horaires d’ouverture ou le règlement du CDI. Ce profil concerne plus de neuf espaces sur dix. Le profil médiateur est le profil le plus représenté : il est incarné par la quasi-totalité des sondés. Il comprend l’ensemble des missions du professeur-documentaliste, à savoir la gestion du système d’in formation (actualité du CDI, sélection de ressources en libre accès ou en accèsrestreint, catalogue en ligne), l’ouverture sur l’extérieur (actualités culturelles, veille informationnelle) et la formation à la recherche (fiches méthodologiques). Enfin, le profil dit communautaire concerne moins de deux espaces sur trois. Il s’agit de mettre en avant les interactions individuelles entre les élèves et les CDI d’une part et d’autre part les communautés constituées comme telles (notamment sous forme de club) en lien avec le CDI.
E-sidoc : témoin et acteur d’un CDI en transformation
Le portail E-sidoc est une double révolution : d’une part il est construit à partir de la logique centrée usager , d’autre part les outils qu’il propose font bascul er le CDI dans l’ère du 2.054. De par ces caractéristiques il me semble qu’il joue le rôle d’emblème pour une conception plus moderne du CDI, au point de constituer un élément majeur dans la construction de l’identitéumériquen de celle-ci.
Vers un CDI 2.0
E-sidoc et BCDI-Web sont deux OPAC (online public access catalog : catalogue accessible en ligne) qui complètent le SIGB (système informatique de gestion des bibliothèques) BCDI. De même que BCDI est édité parle CRDP (centre régional de documentation pédagogique) de Poitou-Charentes, BCDIWeb et E-sidoc le sont également. Cependant, contrairement à BCDI-Web, E-sidoc est plus qu’un simple catalogue en ligne : c’est aussi un portail documentaire allié à un CMS (content management system : système de gestion de contenu). En tant qu’OPAC, E-sidoc fait partie des nouvelles générations appelées « à facette ». La recherche est basée sur le bruit documentaire et non sur le silence55 – ce qui est le cas pour BCDI-Web. A partir de l’affichage des résultats, il est possible d’affiner sa recherche en sélectionnant des catégories thématiques (constituées via les descripteurs et mots-clés) ou indicatives (auteurs, dates, supports…) appelées « facettes ». En tant que portail documentaire, E-sidoc donne accès à partir d’une entrée unique à plusieurs sources d’information. Il est ainsi possible de faire des recherches fédérées (avec le catalogue de la bibliothèque municipale, les archives en ligne des abonnements par exemple), de mettre en valeur des sitothèques et d’inclure des flux RSS56. En tant que CMS, E-sidoc propose des rubriques pré-structurées à personnaliser (par exemple : chercher au CDI, apprendre à, s’informer sur, informations pratiques…).
E-sidoc est pensé dans la logique centrée usager. L’OPAC à facette permet de rendre la recherche plus intuitive et plus proche de la méthode de recherche via les moteurs de recherche généralistes tels que Google.Il n’est plus nécessaire pour les usagers de maîtriser le thésaurus Motbis et son vocabulaire pour obtenir les informations pertinentes. De plus, E-sidoc permet la DSI (diffusion sélective d’information) : des onglets définissent des profils personnalisés et mettent en valeur l’information jugée pertinente pour chacun d’entre eux. Il est ainsi possible de créer jusqu’à cinq onglets différents, sachant que par défaut un onglet « élèves » et un onglet « équipe éducative » sont proposés. Dans une logique de dissémination, il est possible pour les usagers de transmettre les références bibliographiques obtenues lors d’une recherche avec E-sidoc par mail ou via des réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Myspace…). L’ajout des biographies d’auteur via Wik ipédia aux notices est également à considérer sous l’angle de la dissémination et de l’approche usager. Enfin, la possibilité d’afficher l’avis des lecteurs sur chacun des résultats de la recherche illustre la volonté de rendre les usagers acteurs du systèmed’information.
Selon Christine Fleury57, un site de bibliothèque 2.0 se caractérise par un catalogue plus visuel avec des requêtes plus intuitives qui aboutissent à des notices enrichies permettant le rebond vers l’extérieur. La bibliothèque 2.0 est ubiquiste et intégrée aux réseaux sociaux : elle favorise le partage des données en étant un lieu d’échange et de contribution dans lequel les usagers peuvent commenter les ouvrages et mettre en commun leurs recherches. Les caractéristiques d’E-sidoc correspondent à cette description. Sa mise en place permet donc de qualifier le CDI de 2.0.
La mise en place du portail E-sidoc conserve la répartition des positionnements par rapport aux autres espaces virtuels des CDI : comme nous le montre les résultats de l’enquête électronique (Figure 15), les trois profils obtiennent une représentation similaire à la précédente typologie à trois points près. Ainsi, le profil institutionnel, par le biais des informations pratiques, se manifesterait dans un peu plus de neuf E-sidoc sur dix. Le portail permet d’accroître et de divers ifier les formes de médiations : dans le domaine de la recherche (avec des méthodologies, des accès pluri-sources et l’institutionnalisation de la sérendipité ) et dans celui de la communication (diffusion sélective de l’information selon des profils usagers particuliers, mise en scène de certaines ressources et informations…). Cet éventai l de possibilités permet à chacun des documentalistes de trouver un outil adapté à ses besoins, ce qui explique le fait que l’ensemble des espaces E-sidoc possède un profil médiateur. Quant au profil communautaire, il concerne trois des utilisateurs potentiels d’E-sidoc sur cinq. Ces derniers proposeront à terme des outils axés sur la communauté du CDI et basés sur les interactions entre usagers, ce qui fait partie intégrante de la dimension 2.0 d’E-sidoc.
Il est à noter que cette enquête sur les fonctionnalités d’E-sidoc s’est déroulée avant que le portail ne soit opérationnel. Et bien qu’une version de démonstration soit en ligne, l’ensemble des possibilités du portail ne pouvait être parcouru. Les résultats ci-dessus font donc référence aux informations accessibles au moment de l’enquête et il se peut que les documentalistes sondés aient rencontrédes difficultés à répondre au questionnaire.
De la présence disséminée à l’identité numérique
D’après Olivier Ertzscheid59, la question de l’identité numérique est très récente. Elle est d’abord abordée en France sous l’angle de l’identifiant numérique et de la sécurisation des données personnelles au travers d’un rapport intitulé « Administration électronique et protection des données personnelles»60 publié par le Ministère de la fonction publique en 2002. C’est à partir de 2005 e t à la suite du développement des réseaux sociaux, de la massification et de la diversification de leurs usages que la problématique de l’identité numérique devient sociale. Dès lors, selon le chercheur et la définition traditionnelle, « l’identité numérique eutp-être définie comme la collection des traces (écrits, contenus audio ou vidéo, messag sur des forums, identifiants de connexion…) que nous laissons derrière nous, consci emment ou inconsciemment, au fil de nos navigations sur le réseau et le reflet de cet ensemble de traces, tel qu’il apparaît «remixé» par les moteurs de recherche » . A cette définition, je préfère associer l’expression de « présence numérique » formulée par Louise Merzeau : la présence numérique étant la somme des données disponibles pour laquelle une interprétation reste nécessaire afin de la transformer en identité numérique, un tout ayant un sens. L’identéi numérique n’existe donc pas en de sa communauté. Il s’agirait de l’acmé des enjeuxidentitaires des espaces virtuels des CDI précédemment analysés. E-sidoc comme image de arquem des CDI 2.0 serait également l’aboutissement de la démarche de marketing documentaire inspirée du monde marchand.
Cependant, et malgré les débuts prometteurs d’E-sidoc66, le chemin vers une identité numérique commune aux CDI n’est pas sans obstacles. Le portail est en effet un complément payant de BCDI. Les politiques de restriction budgétaire peuvent freiner son déploiement. Ainsi, seulement 20% des utilisateurs de BCDI ont souscrit à E-sidoc à l’heure actuelle. Ce stade n’est pas suffis ant pour que l’uniformisation puisse être ressentie. De plus, le portail n’est pas compatible avec PMB, un autre SIGB utilisé par près de 8%68 des établissements du secondaire. De ce fait, l’identité numérique des CDI via E-sidoc ne pourra concerner l’ensemble des CDI et sera marquée géographiquement. En effet, le déploiement des deux SIGB ne connait pas de répartition égale sur le territoire national. Par xemple, l’ensemble de l’académie de Rennes est sous PMB tandis qu’aucun établissement ne s’en sert dans l’académie de Paris69.
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Table des matières
INTRODUCTION
I. Approche usager et dissémination : de la bibliothèque au CDI
I.1 Bibliothèques et logique marketing
I.2 Les préconisations officielles pour des CDI virtuels
II. Les professeurs-documentalistes, les fers de lance des CDI virtuels
II.1 Une enquête sur les espaces virtuels des CDI
II.2 Critères d’influence liés à l’établissement
II.3 Critères d’influence liés aux professeurs-documentalistes
III. Des positionnements différents en fonction des enjeux
III.1 Enjeux pédagogiques et identitaires de la dissémination
III.2 Typologie des positionnements des espaces virtuels des CDI
IV. E-sidoc : témoin et acteur d’un CDI en transformation
IV.1 Vers un CDI 2.0
IV.2 De la présence disséminée à l’identité numérique
CONCLUSION
ANNEXE : Questionnaire électronique sur l’identité numérique des CDI
BIBLIOGRAPHIE
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