Centres de compétence et de référence à l’origine de ces critères
Vocations des Centres de référence
Les centres de compétence et centres de référence sur les maladies bulleuses auto-immunes ont un rôle important à jouer afin de mieux faire connaître la pemphigoïde bulleuse, notamment auprès des médecins généralistes, des gériatres et d’autres soignants (infirmiers…). Les familles des malades sont aussi visées, car elles peuvent être en première ligne dans le diagnostic et la prise en charge thérapeutique de la maladie [2,48]. Ces centres de références ont permis la description de nouvelles entités cliniques et immunhistologiques, et de faire le lien entre les maladies bulleuses auto-immunes et d’autres pathologies.
La raison de la création des critères cliniques
Jusqu’en 1995, il n’existait pas une évaluation clinique, basée sur des preuves scientifiques, des patients atteints de PB. Dès lors, des termes communs validés par les experts étaient nécessaires afin que l’étendue de cette pathologie, sa gravité et l’efficacité des traitements puissent être évaluées avec précision. De ce fait, ces travaux permettraient d’aboutir sur des recommandations permettant à la communauté scientifique de parler le même langage sur la BP [34]. En 2004 et 2005, dans le cadre du Plan national maladies rares, les experts français s’occupant des maladies bulleuses ont mis en place deux Centres de référence sur les pemphigus et les pemphigoïdes bulleuses [76]. L’objectif de ces centres était de promouvoir la prise en charge de ces maladies bulleuses auto-immunes rares [47,70]. Ainsi, ils améliorent le pronostic de ces pathologies potentiellement graves et invalidantes, d’évolution chronique, volontiers récidivantes, et souvent méconnues des médecins traitants (retards diagnostiques fréquents).
Les critères proprement dits
Les connaissances scientifiques sur la pemphigoïde bulleuse ont considérablement progressées ces dernières années avec la création d’un comité international de définitions de la BP et la mise en place de certaines recommandations. Ces avancées ont pu être réalisées grâce aux différentes études menées dans les centres de référence [27]. Des efforts de collaboration, durant une période de 2 ans, ont permis au Comité International Pemphigoïde de mettre, à la disposition du monde scientifique, des définitions cliniques consensuelles sur la BP [34]. C’est l’étude prospective multicentrique de Vaillant et al, effectuée en 1998, qui a permis de valider 4 critères cliniques de diagnostic de la pemphigoïde bulleuse [101]. Ces critères ont été confirmés en 2004 par Joly et al. [62]. Ces critères sont :
1. L’âge supérieur à 70 ans ;
2. L’absence d’atteinte préférentielle de la tête et du cou ;
3. L’absence d’atteinte muqueuse ;
4. L’absence de cicatrices atrophiques.
Le diagnostic clinique de la pemphigoïde bulleuse peut être affirmé avec une sensibilité de 83%, une spécificité de 90% et une valeur prédictive positive de 95% si au moins 3 de ces 4 critères sont présents. Parfois, le tableau est beaucoup plus atypique, justifiant des examens paracliniques plus complexes et nécessitant une confrontation anatomoclinique.
RAPPEL SUR LA PEMPHIGOÏDE BULLEUSE
Epidémiologie
Dans le monde
Elle représente 70 % des dermatoses bulleuses auto-immunes sous-épidermiques avec une incidence annuelle de plus de 1000 nouveaux cas par an en France, d’après les estimations récentes [26, 27]. Elle touche avec prédilection le sujet âgé (âge moyen en France autour de 80 ans). Son incidence, qui a quadruplé ces dix dernières années, a récemment été évaluée à 29 cas par million d’habitants et par an en 2007 dans deux régions françaises. Elle est de 43 cas par million d’habitants et par an en Angleterre [5, 69]. Dans ce pays, il a été rapporté, en 2007, une augmentation de 17 % par an. En Guadeloupe, elle est estimée à 23,3 cas par million d’habitants et par an [30]. En Suisse, l’étude de Marazza G et al, réalisée en 2009, avait montré qu’il existe 12,1 nouveaux cas par million d’habitants par an [78].Cette incidence est estimée à 7,6 cas par million d’habitants par an en Singapour [106].
En Afrique
En Afrique peu de données épidémiologiques sont disponibles. A notre connaissance, c’est seulement en Tunisie que l’incidence a été estimée à 3,84 nouveaux cas par an [109].
Au Sénégal
Une étude réalisée dans le Service de Dermatologie de l’HALD durant la période allant de 1987 à 2007, rapportait une fréquence de 2,75 cas par an, soit une fréquence hospitalière de 1% [84]. Entre 2011 et 2012, elle représentait 2,24% des hospitalisations [37]. Cette augmentation s’explique en grande partie par une meilleure connaissance de la maladie, notamment dans ses formes cliniques précoces ou atypiques.
Cela grâce à l’amélioration des outils diagnostiques de routine et à l’allongement de l’espérance de vie. Au Sénégal, l’âge moyen est de 69,2 ans avec des extrêmes de 44 et 85 ans [37]. De très rares cas familiaux ont été rapportés. Dans ces études, quelques cas de PB ont été décrits chez l’enfant sans que l’on puisse en estimer l’incidence.
Structures biochimiques de la jonction dermo-épidermique et pathogénie de la pemphigoïde bulleuse
La jonction dermo-épidermique est une région composée du pôle basal des kératinocytes basaux, de la membrane basale et de la zone sous-basale intra dermique. Elle est constituée de structures macromoléculaires formant une unité fonctionnelle qui joue un rôle important, non seulement dans l’adhérence entre l’épiderme et le derme, mais aussi dans leurs échanges physico-chimiques .
L’ultra-structure de cette jonction dermo-épidermique est constituée par :
– Les hemidesmosomes;
– Les filaments d’ancrage;
– Les fibrilles d’ancrage.
Ces différentes parties sont constituées de protéines qui peuvent être la cible d’anticorps au cours des maladies bulleuses auto-immunes. Parmi ces protéines, celles qui sont impliquées dans la PB sont :
– L’antigène BPAGl;
– L’antigène BPAG2;
La pemphigoïde bulleuse est due à la production d’auto- anticorps d’isotype IgGl ou IgG4, dirigés contre les protéines BPAGI (230kDa), et BPAG2 (180kDa) [50, 94]. La fixation de ces auto-anticorps aux antigènes cibles des hémidesmosomes entraine une réaction inflammatoire avec activation du complément, une libération des médiateurs de l’inflammation et un recrutement de polynucléaires éosinophiles et neutrophiles .
❖ L’antigène BPAG1 (bullous pemphigoid antigen 1) ou BP230 (de poids moléculaire de 230 KDa) est reconnu, en immunotransfert, par près de 84% des sérums de malades atteints de pemphigoïde bulleuse [13, 44].
❖ L’antigène BPAG2 (bullous pemphigoid antigen 2) ou BP180 (de poids moléculaire de 180 KDa) est reconnu, en immun transfert, par 51% des sérums de malades atteints de pemphigoïde bulleuse, souvent en association avec l’antigène BPAG1 [44].
Les auto-anticorps dirigés contre ces antigènes sont synthétisés par des lymphocytes B. Leur fixation sur les antigènes, induit une cascade immunologique et inflammatoire entraînant le clivage sous-épidermique. Ce dernier peut être amplifié par la synthèse de protéines cationiques et toxiques par les polynucléaires éosinophiles [38]. Les kératinocytes jouent un rôle important dans cette inflammation. Ils agissent en sécrétant l’Interleukine-5, l’IL-6, l’IL-8 et le TNF-α (Tumor necrosis factorα). Ils interviennent aussi sur l’augmentation de la perméabilité vasculaire par la synthèse du facteur de croissance endothélial vasculaire (VEGF) .
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : REVUE DE LA LITTERATURE
I. CRITERES DE DIAGNOSTIC DE LA PEMPHIGOÏDE BULLEUSE SELON LA CONFERENCE DE CONSENSUS FRANÇAISE
I.1. Centres de compétence et de référence à l’origine de ces critères
I.1.1. Vocations des Centres de référence
I.1.2. La raison de la création des critères cliniques
I.2. Les critères proprement dits
II. RAPPEL SUR LA PEMPHIGOÏDE BULLEUSE
II.1. Epidémiologie
II.1.1. Dans le monde
II.1.2. En Afrique
II.1.3. Au Sénégal
II.2. Structures biochimiques de la jonction dermo-épidermique et pathogénie de la pemphigoïde bulleuse
II.3. Les manifestations cliniques de la pemphigoïde bulleuse
II.3.1. La forme classique
II.3.2. Les formes cliniques
II.3.2.1. Les formes selon le terrain
II.3.2.2. Formes symptomatiques
II.3.2.3. Formes topographiques
II.4. Les manifestations paracliniques de la pemphigoïde bulleuse
II.4.1. Biologie
II.4.2. Immunologie
II.4.3. Histopathologie
II.5. Diagnostic
II.5.1. Le diagnostic positif
II.5.2. Diagnostic différentiel
II.5.3. Affections pouvant être associées à la PB
II.6. Facteurs étiologiques
II.7. Evolution et pronostic
II.8. Traitement
II.8.1. Les buts du traitement
II.8.2. Les moyens du traitement
II.8.3. Indications thérapeutiques
II.8.4. Surveillance et complications du traitement
DEUXIEME PARTIE : NOTRE ETUDE
I. METHODOLOGIE
I.1. Cadre d’étude
I.2. Type et période d’étude
I.3. Population d’étude
I.4. Critères d’inclusion
I.5. Critères de non inclusion
I.6. Collecte des variables étudiées
I.7. Analyse statistique
II. RESULTATS
II.1. Les aspects épidémiologiques
II.1.1. Répartition selon l’âge
II.1.2. Répartition selon le sexe
II.2. Les aspects cliniques
II.2.1. Répartition selon l’absence d’atteinte de l’extrémité cervicocéphalique
II.2.2. La répartition selon l’absence d’atteinte muqueuse
II.2.3. La répartition selon l’absence de cicatrices atrophiques
II.2.4. Répartition des patients selon le nombre de critères cliniques
II.3. Répartition du nombre de critères cliniques en fonction des données paracliniques
II.3.1. Selon l’existence d’une hyperéosinophilie
II.3.2. Selon les résultats de l’Immunofluorescence indirecte
II.3.3. Selon les résultats de l’histopathologie
III. DISCUSSION
III.1. Limites et difficultés rencontrées
III.2. Analyse descriptive
III.3. Analyse suivant les paramètres d’étude
III.3.1. Répartition selon l’âge
III.3.2. L’absence d’atteinte cervico-céphalique
III.3.3. Absence d’atteinte muqueuse
III.3.4. L’absence de cicatrice atrophique
III.3.5. L’ensemble des critères cliniques
III.3.6. Selon les données paracliniques
III.3.6.1. Hyper éosinophilie
III.3.6.2. Immunologie
III.3.6.3. Histopathologie
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXE