Cristallochimie de la ferrihydrite (Fh)

L’arsenic (As) est un métalloïde présent en moyenne à 1-2 mg/kg dans la croûte terrestre (O’Neill et al., 1995), mais le fond géochimique peut atteindre localement des valeurs beaucoup plus élevées (200 mg/kg dans les dépôts calcaires, phosphatés ou dans les schistes). Il est naturellement présent dans les roches et dans plus de 245 minéraux (Mandal et Suzuki., 2002) sous forme élémentaire, arséniures, sulfures, oxydes, arsénites ou arséniates. Les minéraux prédominants sont l’arsénopyrite (FeAsS), le réalgar (AsS) et l’orpiment (As2S3). L’arsenic peut aussi être introduit dans l’environnement par l’activité volcanique avec un rapport d’arsenic estimé entre 2 800 et 8 000 t.an-1 (Loebenstein., 1994). Les feux de forêt et la volatilisation via des micro-organismes constituent également des sources naturelles d’émission de l’arsenic dans l’atmosphère (Molénat et al., 2000). Les principales sources anthropiques d’arsenic sont les industries minières et métallurgiques, les centrales thermiques, certains pesticides agricoles, ou dans l’élevage de volailles où l’arsenic est utilisé comme antibiotique (Leermakers et al., 2006).

L’arsenic est souvent retrouvé dans l’eau, l’air, les sols et les sédiments sous l’effet de l’altération et de l’érosion des matériaux riches en arsenic (Smedley et Kinniburgh., 2002). C’est un métalloïde toxique pour les humains et les animaux : il peut provoquer de nombreux troubles de santé au niveau dermique, respiratoire, pulmonaire, cardio-vasculaire, rénal, et neurologique, et peut causer certains types de cancers. Il possède plusieurs degrés d’oxydation : (-III), (0), (+III), (+V). Les formes méthylées sont généralement moins toxiques que les formes inorganiques (Leermakers et al., 2006). Les formes arsénite (As(III)) et arséniate (As(V)) sont les plus répandues dans l’environnement, où As(III), plus mobile et plus toxique, est susceptible de migrer plus vite vers les nappes phréatiques (Sadiq et al.,1997).

Après plusieurs décennies de recherche sur le comportement de l’arsenic dans l’environnement, certaines questions scientifiques relatives à la géochimie de l’arsenic restent encore d’actualité et concernent notamment la compréhension des mécanismes de piégeage de l’arsenic, permettant la décontamination des eaux et éventuellement leur potabilisation. Dans ce contexte, les oxydes métalliques nanométriques, parfois d’origine microbienne, constituent des substrats de choix pour l’adsorption, et dans certains cas, pour l’oxydation de l’arsenic. Ils sont à ce titre utilisés dans les procédés de traitement des eaux et ont été reconnus comme des acteurs importants dans les processus d’atténuation naturelle des pollutions dans plusieurs études sur les eaux et les sols contaminés.

Au premier rang de ces oxydes métalliques qui jouent un rôle majeur dans la géochimie de l’arsenic et qui sont au cœur des applications écotechnologiques, se situe la ferrihydrite, un oxyhydroxyde de fer(III) très commun de formule approchée 5Fe2O3.8H2O, qui présente la particularité d’être constitué de nanoparticules (2-6 nm) dont la structure à l’échelle atomique n’a été élucidée que récemment. De par leur surface spécifique très grande (200 – 600 m2/g) et leur forte réactivité chimique de surface, ces nanoparticule constituent un sorbant très efficace pour un grand nombre d’ions métalliques et métalloïdes toxiques, en particulier l’arsenic.

Cristallochimie de la ferrihydrite (Fh)

Occurrences 

La ferrihydrite (Fh) est un oxyhydroxyde de fer (III) nanoparticulaire (2 à 6nm), de structure désordonnée, rencontré couramment dans le milieu naturel (eaux, sols, sédiments) (Cornell et Schwertmann., 1996). Elle précipite en milieu aqueux lorsqu’il y a une oxydation rapide de Fe2+ (soluble) en Fe3+ (insoluble) ou par neutralisation rapide d’un milieu acide contenant du Fe3+ dissous, comme c’est le cas dans les environnement impactés par les drainages miniers acides. La Fh a été aussi observée près de l’interface oxique-anoxique de la colonne des lacs (Buffle et al., 1989), à proximité des cheminées hydrothermales sous-marines (Rancourt., 2001b) et dans les zones d’activités volcaniques (Stoffers et al., 1993). Grâce à son abondance dans la nature, sa grande surface spécifique (200 – 600 m2 /g) et sa réactivité de surface, elle joue un rôle important dans l’environnement pour la séquestration des polluants organiques et inorganiques (adsorbés ou coprécipités) comme l’arsenic (Waychunas et al., 1993; Mikutta et al., 2010), en influençant sa mobilité et sa transformation dans le milieu aqueux (Jambor et Dutrizac., 1998; Morin et Calas., 2006). La Fh est considérée comme une phase métastable par rapport à la goethite (α-FeOOH; Gt) et l’hématite (α-Fe2O3; Hm) qui sont plus cristallines. Sa transformation en ces oxyhydroxydes plus stables (Navrotsky et al., 2008 ) est généralement associée à un relargage des éléments toxiques piégés à sa surface (Fuller et al., 1993). Toutefois, dans le milieu naturel l’incorporation d’impuretés, tels que le silicium, l’aluminium, le manganèse ou des molécules organique, durant la précipitation tend à réduire la croissance de nanoparticules de ferrihydrite et à retarder sa conversion en ces oxydes plus cristallins (Zhao et al., 1994 ; Cornell et Schwertmann., 2003; Jones et al., 2009). Ces impuretés peuvent potentiellement affecter la structure et la stabilité de la ferrihydrite, la taille de ses particules, ses propriétés d’agrégation et sa réactivité de surface. Par exemple, Certaines études ont montré un élargissement et la diminution d’intensité des bandes de diffusions observées sur le diagramme de DRX de ferrihydrite synthétiques coprécipitées avec l’aluminium (Schwertmann et al., 1979 ; Cismasu et al., 2011). Dans des environnements comme les drainages miniers acides (AMD), les sources volcaniques et les sources froides, la ferrihydrite naturelle contient 5 à 31,5 wt% de SiO2 ; 1 à 9,6 wt% de Al2O3; 7,2 wt% de PO4 (Chukhrov et al., 1973 ; Henmi et al., 1980), et 0,7 à 28,3 wt % de As(V) (Majzlan et al., 2007; Pichler et al., 1999) l’arsenic etant particulièrement abondant dans les ferrihydrites formées dans les milieux de type drainages miniers acides (Morin et Calas., 2006).

Structure cristalline

Les deux principaux types de ferrihydrites connus dans la littérature (Fh2L et Fh6L) sont nommés selon le nombre de raies de diffraction observé sur leur diffractogramme de rayons X (two-line et six-line, respectivement), la Fh6L possède une structure cristalline ordonnée à plus longue distance que la Fh2L (Cornell et Schwertmann., 2003; Michel et al., 2007). Un continuum existe entre ces deux phases, il est ainsi possible d’obtenir des phases « 3-line », « 4-Line », « 5-Line » (Schwertmann et al., 1999 ; Maillot et al. 2011) (Figure I-1). La structure a été très débattue (Combes et al., 1990 ; Drits et al., 1993 ; Manceau and Drits, 1993; Michel et al., 2007a,b, 2010; Maillot et al., 2011 ; Guyodo et al., 2012). Le manque d’information, contenue dans les diffractogrammes et la largeur des pics de diffraction, empêche sa détermination par des méthodes classiques fondées sur l’indexation des raies de diffraction. Plusieurs modèles structuraux ont été proposés pour la ferrihydrite synthétique en utilisant la diffraction des rayons X (DRX) (Drits et al., 1993), la spectroscopie Mössbauer (Murad and Schwertmann., 1980; Rea et al., 1994), la microscopie électronique en transmission (TEM) (Janney et al., 2000, 2001), la spectroscopie d’absorption de rayons X (XANES-EXAFS) (Zhao et al., 1994; Guyodo et al., 2006).

Plus récemment Michel et al. (2007, 2010), ont proposé un modèle qui est généralement accepté. Ce modèle décrit la Fh comme une seule phase contenant peu de lacunes et environ 20% de fer en coordinence tétraédrique, la différence entre ces deux variétés (Fh2L et Fh6L) étant liée à la taille des particules et à des relaxations locales. Leurs résultats ont été établis par une méthode d’analyse structurale appropriée aux composés très mal cristallisés, la fonction de distribution de paires (PDF) extraite de diffractogrammes de rayons X aux grands angles (WAXS-PDF; Wide angle X-ray scattering – Pair distribution Function). Dans le cas de la ferrihydrite, ils ont ajusté le modèle structural d’un composé isotype d’aluminium, l’akdalite, de formule [Al10O14(OH)2], afin d’obtenir la meilleure correspondance avec les données expérimentales. Ce dernier modèle de Michel et al. (2007) a été confirmé de façon indépendante dans la Fh synthétique en utilisant l’absorption des rayons X (EXAFS) au seuil K de Fe par Maillot et al. (2011).

Quelques impuretés chimiques fréquentes dans la ferrihydrite 

Dans le milieu naturel, la ferrhydrite (Fh) est rarement trouvée pure, où elle contient une importante quantité d’impuretés comme Al, Si, Mg et de la matière organique. L’interaction d’ions autres que Fe3+ avec la ferrihydrite peut être de différentes sortes : incorporation structurale, complexation de surface et/ou précipitation sur la surface à l’échelle du nanomètre. Par exemple, les cations, tel que Cr3+ et Sb5+, peuvent incorporer la structure de la ferrihydrite par une substitution structurale (Tang et al., 2010; Mitsunobu et al., 2010). Les ligands comme l’arséniate ou les silicates sont principalement associés à la surface des particules de la ferrihydrite, ce qui affecte de manière significative la polymérisation des polyèdres ferriques (Doelsch et al., 2003; Pokrovski et al., 2003; Cismasu et al., 2011). L’aluminium est l’un des substituants les plus courants dans les oxydes de fer naturels (Cornell et Schwertmann., 2003). Une importante quantité de Al peut être incorporée dans la structure des oxyhydroxydes de fer(III) naturels et synthétiques tels que la goethite (Gt : !-FeOOH) (~33 mol% Al), l’hématite (Hm : !-Fe2O3) (~18 mol% Al), la maghémite (Mh : !-Fe2O3) (~10 mol% Al), la lépidocrocite (Lp : !-FeOOH) (~10mol% Al) (Cornell et Schwertmann., 2003) et la ferrihydrite synthétique (20 à 30 mol% Al) (Cismasu et al., 2012).

L’augmentation de la teneur en Al associé à la ferrihydrite, entraîne une diminution de la taille des particules et une augmentation du désordre structural (Schwertmann et al., 1979, 2000; Cismasu et al., 2011), affecte les propriétés magnétiques (Murad et Schwertmann.,1986), augmente sa stabilité par rapport à la transformation en phases plus stable (Gt, Hm) (Chadwick et al., 1986; Schwertmann et al., 2000; Masue-Slowey et al., 2011), et modifie la réactivité de surface (Anderson et Benjamin.,1990; Masue et al., 2007 ). Burgos et al. (2011), ont montré que la ferrihydrite est le minéral principal obtenu lors de la neutralisation des eaux du DMA de Pennsylvania (pH 4.4-8.4), avec une petite quantité de schwertmannite et de goethite. La formation de Al(OH)3 amorphe et/ou la coprécipitation avec la ferrihydrite ou la schwertmannite est proposée par les auteurs. En utilisant le MEB EDX, cette étude n’a pas pu conclure si une partie de Al est incorporé à la structure de la ferrihydrite ou de la schwertmannite.

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Table des matières

Introduction générale
I- Rappels bibliographiques
I.1.Cristallochimie de la ferrihydrite (Fh)
I.1.1. Occurrences
I.1.2. Structure cristalline
I.1.3.Quelques impuretés chimiques fréquentes dans les ferrihydrites
I.2. Propriétés de surface de la ferrihydrite
I.2.1. La surface spécifique
I.2.2. Groupes fonctionnels et charge de surface
I.2.3. Adsorption de l’arsenic sur la ferrihydrite
I.2.4. Adsorption de l’arsenic sur les coprécipités de type oxyhydroxydes Al(III)-Fe(III)
I.3. Enjeux environnementaux liés au drainage minier acide (DMA)
I.3.1. Origine du DMA et dissolution des éléments métalliques
I.3.2. Phases minéralogiques contrôlant la solubilité de Fe et Al
I.3.3. Atténuation naturelle des teneurs d’arsenic par les oxyhydroxydes Al(III)-Fe(III) à l’aval du DMA
II- Méthodologie
II.1. Echantillons de ferrihydrites en aval du DMA de Carnoulès
II.1.1 Contexte géologique
II.1.2. Le DMA de Carnoulès
II.1.3 La confluence avec l’Amous en aval du site
II.1.4 Prélèvement et conservation des échantillons de sédiments
II.2. Echantillons de ferrihydrites synthétiques
II.2.1. Ferrihydrite pure
II.2.2. Ferrihydrite avec aluminium
II.2.3. Ferrihydrite avec silicium
II.3. Expériences d’adsorption de As(V) et As(III)
II.3.1. Adsorption de As (V)
II.3.2. Adsorption de As (III)
II.3.3. Isotherme de langmuir
II.4 Outils analytiques
II.4.1 Mesure de la surface spécifique par méthode BET
II.4.2 Microscope électronique en transmission (MET)
II.4.3 Diffraction des rayons X (DRX)
II.4.4 Spectroscopie d’absorption des rayons X (XANES-EXAFS)
III- Arsenic Scavenging by Aluminum-Substituted Ferrihydrites in a Circumneutral pH River Impacted by Acid Mine Drainage. (Papier published, Adra et al., 2013)
III.1. Introduction
III.2. Materials and methods
III.2.1. Field Samples
III.2.2. Synthetic Al-Free and Al-Bearing Coprecipitated Ferrihydrite Samples
III.2.3. Arsenic Sorption Experiments
III.2.4. Analytical Methods
III.2.5. EXAFS Data Collection and Analysis
III.3. Resultats
III.3.1. Mineralogy and Chemistry of the Amous River Sediments
III.3.2. Mineralogy and Chemistry of the Natural and Synthetic Aluminous Ferrihydrite Studied.
III.3.3. Fe K-Edge EXAFS Spectroscopy Analysis
III.3.4. X-ray Absorption Spectroscopy at As K-Edge
III.4. Discussion
III.4.1.Evidence for aluminum substitution in the natural ferrihydrites
III.4.2.Origin of aluminous ferrihydrite in the Amous River
III.4.3.Origin of schwertmannite in the Amous River sediments
III.4.4.Reactivity of aluminous ferrihydrite – Supporting Information
IV- Arsenate and Arsenite Adsorption onto Al-containing ferrihydrites
IV.1. Introduction
IV.2. Materials and methods
IV.2.1. Synthetic Al-free and Al-bearing coprecipitated ferrihydrite samples
IV.2.2. Arsenic sorption experiments
IV.2.3. EXAFS Data Collection and Analysis
IV.3. Results
IV.3.1. Local structure of the Al-bearing ferrihydrites sorbents
IV.3.2. Arsenic Adsorption Isotherms
IV.3.3. X-ray Absorption Spectroscopy at the As K-Edge
IV.4. Discussion
IV.4.1.Comparison of Adsorption Capacities of Arsenic by Al-free And Al-containing Fh
IV.4.2. Comparison with previous studies of arsenic sorption on Al-Fe copricipitates
IV.4.3. Environemental implication
V- Conclusion générale

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