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Mécanisme de la respiration : Respiration, Pression partielle gazeuse et pH sanguin
La respiration anatomique
La respiration est un mécanisme impliquant différents acteurs, et se décompose en 2 parties distinctes.
Dans un premier temps, l’inspiration. Lorsque l’on inspire, plusieurs muscles se contractent afin de créer une dépression intra-thoracique permettant l’entrée de l’air dans les poumons. Des muscles permettent d’effectuer ce mouvement, on compte notamment le diaphragme qui permet d’abaisser le plancher pulmonaire et les muscles intercostaux externes qui permettent d’étendre la cage thoracique latéralement. Lorsque ces mouvements sont insuffisants, d’autres muscles dits accessoires peuvent aider à augmenter l’amplitude inspiratoire comme les muscles scalènes et sterno-cléido-mastoïdiens (cou) ou encore le trapèze (épaule) pour étirer la cage thoracique vers le haut. L’utilisation intempestive de ces muscles peut être signe d’une insuffisance respiratoire. L’expiration quant à elle, n’utilise que les muscles de l’abdomen et les intercostaux internes afin de réduire le volume thoracique et chasser l’air hors des poumons.
Ainsi, une inspiration et une expiration constituent un cycle respiratoire. Le nombre de cycle peut varier selon l’effort, on compte en moyenne chez l’adulte 20 cycles par minute au repos contre 50 cycles par minute à l’effort. L’amplitude respiratoire est également mesurable. Au repos, l’amplitude est plus importante mais avec une fréquence plus faible, alors qu’à l’effort l’amplitude est plus faible mais avec une fréquence élevée, permettant ainsi un apport en dioxygène plus rapide au niveau des organes, permis par l’accélération du rythme cardiaque.
Pression partielle gazeuse
Les échanges gazeux s’effectuant au niveau alvéolaire se font selon le principe de diffusion passive. Considérons deux compartiments séparés par une membrane, avec un compartiment 1 plus concentré en élément X que le compartiment 2. Tout système biologique et chimique tend à s’équilibrer pour des éléments gazeux et liquides. Ainsi, Un équilibre naturel viendra se créer et un flux d’élément X se mettra en place du compartiment 1 vers le compartiment 2. Pour les gaz, le mouvement d’air se déplace toujours d’un compartiment de forte pression vers un compartiment de basse pression. On parle alors de pressions partielles en gaz (Figure 10).
Pour le cas du dioxygène, on constate que la pression partielle en O2 dans l’atmosphère est de 160mmHg. Entre les deux cycles respiratoires, « au repos », la pression partielle alvéolaire en dioxygène (ppAO2) et équivalente à la pression partielle en dioxygène atmosphérique grâce au volume réduit des alvéoles (augmentant ainsi la quantité d’O2 par unité de volume). Lors de l’inspiration, le volume alvéolaire augmente, ce qui entraîne la diminution de la quantité d’O2 par unité de volume, et donc la ppAO2, faisant rentrer le dioxygène dans les poumons. Au niveau des alvéoles, on atteint alors des ppAO2 d’environ 100mmHg. L’air s’humidifiant dans les poumons, l’O2 peut alors passer dans le circuit sanguin. Ce passage s’effectue également par diffusion passive, puisque la ppO2 dans le sang au niveau des alvéoles est de 40mmHg. Une fois dans le sang, le dioxygène pénètre les hématies également par diffusion passive, puis se fixe à l’hème (4 molécules de dioxygène pour un hème) pour le transport de l’oxygène à travers le corps. La ppO2 peut alors atteindre 75 à 100mmHg dans les artères.
Dans le cas du dioxyde de carbone, les mouvements moléculaires se font également selon le principe de diffusion. La ppCO2 dans les artères se situe entre 35 et 45mmHg, ainsi la forte pression du dioxygène permet une fixation prioritaire de l’O2 sur l’hème des hématies. La ppCO2 atteignant le sang alvéolaire est d’environ 45mmHg, alors que la ppACO2 (pression partielle CO2 alvéolaire) est de l’ordre de 40mmHg, la diffusion s’effectue du sang vers les alvéoles. Son expulsion hors des poumons est ensuite facilitée par l’expiration, et également des mouvements passifs de gaz car la pression atmosphérique en dioxyde de carbone est de l’ordre de 0.3mmHg.
O2, CO2 et pH sanguin
Le pH sanguin se situe entre 7.38 et 7.42. Si celui-ci descend sous la valeur seuil de 7.38, on parle alors d’acidose sanguine, pouvant être d’origine métabolique mais également respiratoire. Lors d’une hypoventilation par exemple, un individu va inspirer moins de dioxygène et ainsi accumuler davantage de dioxyde de carbone dans le sang. Il s’opère alors la réaction suivante : CO2 + H2O -> H+ + HCO3-. Cette formation d’ions H+ (hydrogène) diminue ainsi le pH sanguin, ce qui peut être délétère pour l’individu, provoquant une dépression du système nerveux. Si le pH n’est pas régulé, il peut provoquer un coma et la mort de l’individu par défaut de fonctionnement enzymatique. L’hypoventilation peut être morbide notamment chez des patients obèses, pouvant présenter des gênes respiratoires et ainsi des acidoses sanguines. Il se peut que la valeur de pH sanguin dépasse 7.42, on parle d’alcalose sanguine, qui elle aussi peut-être d’origine respiratoire. On l’observe notamment pendant une activité physique. L’hyperventilation permet une pénétration plus rapide de dioxygène dans l’organisme et ainsi son accumulation. Lorsque le dioxygène pénètre le sang, on observe alors la réaction inverse à celle provoquée par le dioxyde de carbone. La consommation d’ions H+ fait augmenter le pH sanguin. Celle-ci compense alors l’acidose sanguine. Ces deux mécanismes respiratoires permettent de maintenir un pH sanguin stable, et ainsi un fonctionnement correct de l’organisme.
Pathologies pulmonaires et enjeux
Les pathologies pulmonaires peuvent être de diverses origines. On distingue dans un premier temps les infections, comme la tuberculose, qui affecte les bronches. Cette pathologie est l’une des 10 plus mortelles dans le monde, ayant tué 1.8 millions d’individus en 2015 selon l’OMS. Une bactérie en est responsable, Myobacterium tuberculosis ou bacille de Koch, infecte les poumons, dont le déclenchement de la pathologie peut être différé par la dormance du pathogène. En association avec le VIH (Virus de l’Immunodéficience Humaine), le bacille de Koch devient alors davantage mortel, responsable d’un tiers des décès de personnes atteintes du VIH. Le BCG (vaccin) est utile pour prévenir les formes graves chez les enfants, cependant chez l’adulte un vaccin est activement en recherche. Il est possible de traiter cette bactérie par des antibiotiques sur 6 à 9 mois, cependant ce pathogène est très résistant à ceux-ci.
On compte ensuite des pathologies de type environnemental. En effet, le tabagisme est l’un des principaux déclencheurs de pathologies pulmonaires. On y trouve entre-autre les Bronchopneumopathies chroniques obstructives (BPCO), maladie inflammatoire des bronches caractérisée par un rétrécissement progressif des bronches, entrainant leur obstruction et une gêne respiratoire. Cette inflammation provoque une atrophie des muscles lisses et également une hypersécrétion réactionnelle de mucus. L’inflammation touche aussi les poumons, entraînant une destruction des alvéoles (emphysème). 80% des BPCO sont provoquées par le tabagisme (2015) et concerne 1.7 millions de personnes en France, et représente environ 16 000 décès en moyenne par an (selon l’Inserm). La BPCO ne peut être guérie, cependant elle peut être aisément prévenue compte tenu de l’hygiène de vie mise en jeu dans le déclenchement de la pathologie. Une fois déclarée, elle peut être prise en charge pour ralentir son évolution, notamment par l’arrêt du tabac, un traitement médicamenteux (utilisation de bronchodilatateurs et corticoïdes, oxygénothérapie) et de l’exercice physique.
Parmi ces pathologies environnementales ou idiopathiques, plus rares, on trouve également le cancer du poumon. Celui-ci compte 49109 nouveaux cas par an en France (2017) et présente un faible pronostic vital (30 991 décès par an en 2017), dont 80% serait dû au tabagisme (selon la Ligue contre le cancer), tant sur une consommation active que passive. On distingue ainsi deux types de cancers pulmonaires : cancer bronchique à petites cellules (tumeur agressive, d’emblée disséminée, 20% des cas) et non à petites cellules (carcinomes épidermoïdes, adénocarcinomes et carcinomes indifférenciés, 80% des cas), caractérisé lors de la biopsie. Ainsi, la prévention est de mise dans cette pathologie afin d’éviter tout développement de cancer pulmonaire (arrêt du tabac). Des traitements existent tout de même, comme la radiothérapie ou la chimiothérapie. La chirurgie est également possible dans les cancers non à petites cellules, afin d’exciser la tumeur ou parfois effectuer une lobectomie, voire pneumectomie dans certains cas. Cependant, en fonction de l’étape du cancer lors du diagnostic et de la continuation ou non tu tabagisme, une récidive peut arriver.
Il existe ensuite des pathologies génétiques affectant les poumons. On y trouve par exemple l’asthme, inflammation chronique des bronches (semblable aux BPCO) due à la fois à des prédispositions génétiques et déclenchée par des facteurs environnementaux (une prédisposition ne provoque pas nécessairement l’asthme si l’environnement n’est pas favorable au déclenchement de la pathologie). Chez les patients, l’inflammation des bronches peut être provoquée par des allergènes, le tabac, l’inhalation de produits irritants ou encore la pollution de l’air. Une activité physique peut également déclencher une crise d’asthme. Semblable aux BPCO, on constate une réduction du diamètre des bronches par contraction des muscles lisses bronchiques et une hypersécrétion de mucus, parfois conduisant à une hyper prolifération des cellules de muscles lisses et leur remodelage dans les asthmes sévères. Ainsi, 4 millions de français sont concernés par cette pathologie, néanmoins 95% des cas sont bien contrôlés (les pires cas pouvant aller jusqu’à l’hospitalisation, selon l’Inserm). L’asthme ne se guérit pas, et les traitements se basent alors sur le contrôle de la maladie. Il existe des traitements de fond afin de limiter la fréquence des crises, en utilisant des anti-inflammatoires comme les corticostéroïdes ou anti-leucotriènes, associés à des bronchodilatateurs. Il y a ensuite les traitements de crises, comme les bronchodilatateurs rapides (Salbutamol) pour traiter comme le nom l’indique les crises d’asthme.
Dans les pathologies génétiques, on compte également la Mucoviscidose. Celle-ci est due à la mutation du gène CFTR, codant une protéine canal permettant l’échange d’ions chlorures hors des cellules endothéliales pulmonaires permettant la fluidification du mucus. Dans la pathologie, on constate alors une inflammation et un épaississement du mucus dans les bronches (BPCO) provoquant une insuffisance respiratoire. Ce mucus peut également provoquer la prolifération de bactéries comme Staphylococcus aureus (staphylocoque doré), Haemophilus influenzae ou encore Pseudomonas aeruginosa qui déclenchent des infections pulmonaires. Cette pathologie est rare, comptant 6000 cas en France avec 200 naissances d’enfants atteints chaque année (Selon l’inserm, 2014). La prise en charge de cette maladie a permis une augmentation de l’espérance de vie, passant de 5 ans dans les années 60 à 40 ans aujourd’hui. Les centres de compétences cherchent à réduire les manifestations de la maladie, en utilisant des mucolytiques et fluidifiants bronchiques, et parfois un traitement antibiotique préventif. L’insuffisance respiratoire est traitée par oxygénothérapie, et parfois allant jusqu’à la greffe pulmonaire.
Famille des Bone Morphogenetic Proteins (BMP)
Découverte des BMPs
Travaux préliminaires
La présence de facteurs morphogénétiques osseux a été décrite en 1889 par Senn, qui démontra qu’un os décalcifié pouvait être utilisé pour le traitement de l’ostéomyélite, maladie infectieuse provoquant des cavités osseuses (Senn, 1889). Puis, en 1938, Levander put observer qu’un extrait d’os pouvait induire une formation d’os et de cartilage hétérotopique si injecté en intramusculaire chez le lapin. Il put ainsi en conclure que la régénération osseuse apparaissait comme résultante de l’effet d’une substance spécifique permettant la formation osseuse, activant un tissu mésenchymateux non-spécifique (Levanger, 1938). En 1945, Lacroix émit l’hypothèse de l’existence d’un inducteur osseux présent dans l’os, qu’il appelle « Ostéogénine » (Lacroix, 1945). Ces travaux ont permis l’identification à proprement parlé des BMPs (Protéines Morphogénétiques Osseuses) par Urist en 1965 grâce à une seule expérience, qu’il qualifiera comme « une seule expérience qui traça la route des BMPs » (Urist, 1965).
Travaux de Marshall R. Urist
Marshall R. Urist, né en 1914 et décédé en 2001, était un chirurgien orthopédique américain travaillant à l’Université de Californie, à Los Angeles. Son travail expérimental incluait une transplantation d’une diaphyse osseuse décalcifiée à l’acide chlorhydrique (HCl), excisé depuis un lapin adulte ou humain dans différents sites intramusculaires chez des lapins, rats, souris et cochons, et également des transplantations dans des défauts osseux chez des lapins et chiens, mais aussi chez des humains présentant plusieurs désordres squelettiques. Il observe ainsi les résultats suivants : quelques semaines après transplantation, du cartilage et de l’os se sont formés à l’intérieur ou autour de la matrice osseuse donneuse. Les premiers dépôts osseux apparurent au bout de 4 à 6 semaines dans des chambres d’excavation très vascularisées. Entre 8 et 16 semaines, l’os est enfin formé par la voie classique d’ossification enchondrale. Urist put alors caractériser ses observations comme de la néo-synthèse osseuse, semblable à l’ostéogénèse post-fœtale, par auto-induction, dans laquelle les cellules inductrices et cellules induites dérivaient d’un lit de cellules en croissance (Urist, 1965). Ceci fut alors attribué à la présence d’une substance dans la matrice osseuse, qu’il nomma « Bone Morphogenetic Protein » (BMP).
Identification des BMPs
Suite aux travaux d’Urist, les BMPs sont devenues un point clef de la recherche, montrant qu’il ne s’agissait pas que d’une substance mais d’un groupe de protéines. Les BMPs furent alors classifiées comme une sous-famille de la super-famille des Transforming Growth Factors-beta (TGF-β), large famille moléculaire comprenant des facteurs de croissance et de différenciation incluant les BMPs, TGF-βs, Growth Differenciation Factors (GDFs) Activines, Inhibines et l’hormone anti-Müllerienne. Comme les BMPs ont été démontrées comme inductrices de formation osseuse et cartilagineuse, des groupes de recherche ont étudié leur implication dans le processus normal de formation osseuse dans la genèse squelettique (Hall, 1987; Rosen, 1989), la régénération osseuse et la guérison de fracture osseuse (Urist, 1986 ; Luyften, 1992 ; Bostrom, 1995). Wang et al. furent les pionniers de la purification des BMPs, extraites d’os bovin et isolées après migration sur gel d’agarose, dont ils découpèrent la bande correspondante puis la digérèrent à la trypsine pour en établir la séquence peptidique (Wang, 1988). Ils purent ainsi différencier 4 BMPs, de BMP1 à BMP4, dont les cDNAs (ADN complémentaires) furent clonés par Wozney et al. pour comprendre leur fonctionnement (Wozney, 1988). Ainsi, BMP1 était déjà caractérisée comme métalloprotéinase. BMP2, 3 et 4 furent identifiées, nouveaux membres de la famille TGF-β, capables tout comme BMP1 d’induire la néo-formation d’os et de cartilage. D’autres BMPs purent ainsi être identifiées grâce aux homologies de séquences en acides aminés connues des précédentes BMPs (Celeste, 1990 ; Özkaynak, 1990 ; Sampath, 1990).
De nouveaux rôles potentiels pour les BMPs dans d’autres processus physiologiques lors de l’embryogénèse ont été montrés, en montrant la présence de BMPs dans le cerveau, le cœur, les poumons, les reins, la rate et le foie.
Présentation de la famille des BMPs
Classification et structure des BMPs
Les BMPs ont une structure hautement conservée que l’on retrouve chez les membres de la famille TGF-β. Elles possèdent divers noms, notamment dus aux découvertes extemporanées ainsi qu’aux différents rôles qu’elles possèdent. Ainsi, on distingue les protéines morphogénétiques dérivées de cartilage (CDMPs), les GDFs mentionnées plus tôt, les protéines ostéogéniques (OPs), ostéogénines et Vg-related (Vgr). Cependant, la nomenclature actuelle les a renommées selon le terme de BMP. Selon leur homologie structurale, on peut établir des sous-groupes de BMPs, comprenant le groupe BMP2-4, le groupe BMP5-6-7-8, Le groupe BMP9-10 et le groupe BMP12-13-14. On constate que BMP1 n’est pas inclus dans les groupes, puisqu’il s’agit en fait d’une métalloprotéinase, ainsi que BMP3 puisque faisant partie de la voie de signalisation Smad2-3 propre à TGF-β (Smads que je détaillerai ultérieurement).
Tout comme les membres de la famille TGF-β, les BMPs sont synthétisées comme pré-pro-peptides inactifs, comprenant un signal peptidique en N-terminal et le peptide mature en C-terminal, séparés par un pro-domaine (Xiao, 2007). Les BMPs précurseurs se dimérisent ensuite par le biais d’un pont disulfure, formant ainsi une protéine homodimérique d’environ 100kDa. Le précurseur BMP sera ensuite clivé par une furine, une pro-protéine convertase permettant de former une BMP mature et biologiquement active d’environ 25kDa (Nelsen & Christiane, 2009) (Figure 12). Ainsi les BMPs fonctionnent en tant qu’homodimères, cependant des recherches ont prouvé l’existence d’hétérodimères ayant des rôles importants comme BMP2/7 révélant une implication dans l’induction du mésoderme (Suzuki, 1997) et BMP4/7 (Yuan, 2011) pour la différenciation des cellules de la moelle osseuse, et plus récemment BMP9/10 comme forme active principale dans le plasma (Tillet, 2018).
Signalisation intracellulaire
Il existe chez les mammifères 8 Smads différentes, de Smad1 à Smad8 (Smad8 est dorénavant appelée Smad9). On distingue alors différentes Smads. Tout d’abord, on distingue les Smads dont l’activité est régulée par les récepteurs, c’est-à-dire Smad1, Smad5 et Smad8, spécifiques à la voie canonique des BMPs (R-Smads), phosphorylés par les récepteurs de type I sur leur domaine C-terminal comprenant un motif S-S-X-S composés de Sérines, spécifique aux R-Smads. On compte également les Smad2 et Smad3 comme R-Smad, mais spécifiques à la voie TGF-β (non détaillés ici). 2 R-Smads vont ensuite se coupler à une Smad partenaire, ou co-Smad, à savoir Smad4. On constatera alors la formation d’un trimère, qui sera transloqué au noyau pour réguler l’expression de leurs gènes cibles en se liant à un SBE (Smad Binding Element), en présence de co-activateurs (p300, CBP, Runx2, GCN5) et de répresseurs (c-Ski, SnoN, Tob ou SIP1). Viennent ensuite les Smads inhibitrices, Smad6 et Smad7, effectuant un rétrocontrôle négatif sur la voie en empêchant la formation du trimère (R-Smads)2 – Smad4 et son transit vers le noyau. Toutes les Smads ont en commun des séquences conservées. On observe alors une séquence MH2 (Mad Homology 2), ubiquitaire aux Smads en C-terminal, permettant l’interaction aux récepteurs et la formation d’oligomères ; et une séquence MH1 en N-terminal uniquement conservée chez les R-Smads et co-Smads, nécessaire à la translocation nucléaire ainsi qu’à la liaison de protéines liant l’ADN, et à l’ADN directement (Miyazono, 2010) (Figure 14).
Les BMPs peuvent également activer des voies non canoniques, c’est-à-dire non Smad dépendantes comme les mitogen-activated protéines kinases (MAPKs), c-Jun amino-terminal kinase (JNK), Phosphoinositol-3-kinase (PI3K), Akt, et de petites GTPases (Derynck & Zhang, 2003), permettant de réguler de multiples réponses cellulaires.
Gènes cibles de la voie
Les progrès technologiques dans le séquençage de séquences d’ADN associées aux protéines comme la Chromatin-Immunoprecipitation (ChiP), puis les analyses promoter array (ChIP-chip) ainsi que les séquençages associés (ChIP-seq) ont pu mettre en évidence les sites de liaisons des Smads, variables selon les tissus (Morikawa, 2013). Ainsi, différents travaux ont pu mettre en évidence que les BMPs régulaient différents gènes cibles selon le tissu étudié, montrant ainsi la spécificité cellulaire quant aux gènes régulés par une même voie de signalisation. Par exemple, durant la différenciation ostéoblastique (effectuée sur des C2C12, cellules myoblastiques murines), de nombreux gènes impliqués dans la transduction signalétique et transcription sont modulés de manière précoce suite à une stimulation de BMP (2hrs). Parmi ceux-ci, on trouve notamment les protéines inhibitrices de différenciation Id1, Id2 et Id3, également les I-Smads Smad6 et Smad7, ou encore OASIS, Prx2, TIEG et Snail, dont l’expression est induite par les BMPs (de Jong, 2004). On constate également des réponses intermédiaires (6hrs de stimulations BMP2) et tardives (24hrs) de gènes de la différenciation osseuse tels que Hey1 (médiant la voie Notch) et Tcf7 (médiant la voie Wnt). Pendant l’angiogenèse, BMP4 induit l’expression d’Id1, gène considéré comme cible type de la voie BMP, en concomitance avec une induction de VEGFR2 (Vascular Endothelial Growth Factor Receptor 2) et Tie2, récepteurs pour VEGF et les angiopoiétines pour réguler la prolifération des cellules endothéliales (Suzuki, 2008).
Id1 est donc une cible de choix afin d’étudier l’activité des BMPs, plus particulièrement les Smad1, Smad5 et Smad8. Dans le promoteur du gène Id1, il existe une région GC-riche située à 1kb en amont du site d’initiation de transcription, identifiée comme le BMP-Response Element (BRE) (Katagiri, 2002 ; Korchynskyi & ten Dijke, 2002 ; Lopez-Rovira, 2002). Ainsi, Smad1 et Smad4 se lient au BRE pour induire la transcription d’Id1. Ces travaux ont permis de mettre en évidence que les BMPs induisaient de manière précoce et spécifique la protéine Id1 et ce dans différents tissus.
Parmi les autres gènes régulés par les BMPs, on y trouve également Smad6 qui est induit de manière précoce, semblable à Id1 (Takase, 1998). Le BRE décrit dans le promoteur du gène codant la protéine Smad6 contient 28 paires de bases GC-riches, comptant également 4 séquences chevauchantes de motifs GCCGnCGC reconnues par Smad1 et Smad5 (Ishida, 2000). Smad6 étant une Smad inhibitrice, la voie BMP interfère elle-même sur sa transduction en mettant en place un rétrocontrôle négatif. On constate que l’expression de Smad8 est également induite par la voie des BMPs, mais pas par la voie TGF-β, et ce en 1hr de stimulation (Tsukamoto, 2014).
Régulation de la voie
Répression de la voie
La voie de signalisation des BMPs est régulée de multiples façons, de la partie extracellulaire jusqu’au noyau. A l’extérieur des cellules, les antagonistes des BMPs viennent empêcher la liaison des BMPs sur leurs récepteurs en se liant directement aux BMPs (Brazil, 2015). On compte de nombreux antagonistes, comme par exemple noggin, chordin, chordin like-1, chrodin like-2, Gremlin, Cerberus, follistatin, ectodin/uterin sensitization-associated gene-1 (USAG-1), et les membres de la famille DAN (Figure 15). Certains des antagonistes tels que noggin et Gremlin sont induits par les BMPs, suggérant un effet de rétrocontrôle négatif induit par les BMPs (Kameda, 1999 ; Pereira, 2000). On constate que chordin inhibe principalement l’activité de BMP2, BMP4 et BMP7, et noggin surtout BMP5, BMP6, BMP13 et BMP14 (Bragdon, 2011).
On constate ensuite une régulation de la voie au niveau membranaire par BAMBI (BMP and activin membrane-bound inhibitor), un pseudo-récepteur de la famille des TGF-β. Néanmoins, BAMBI ne présente pas de domaine sérine-thréonine kinase intracellulaire. Il agit en inhibant la formation des complexes de récepteurs et donc la transduction du signal des BMPs (Onichtchouk, 1999) en remplaçant les récepteurs de type I dans le complexe hétérotétramérique (Sieber, 2009). L’expression de BAMBI est induite par les BMPs et TGF-β, montrant à nouveau un effet de rétrocontrôle négatif (Onichtchouk, 1999).
La régulation intracellulaire s’effectue principalement par les I-smads, comprenant les Smad6 et Smad7 comme décrit précédemment. Celles-ci vont interagir à différents endroits de la cascade signalétique. Au niveau des récepteurs, les I-Smads peuvent lier les récepteurs empêchant alors la phosphorylation des R-Smads. Les I-Smads peuvent également recruter des E3 ubiquitine ligases (Smurf1, Smurf2 et NEDD4-2) qui vont ubiquitiner les récepteurs et les dégrader via le protéasome (Miyazono, 2010). Les I-Smads exercent aussi un rôle sur les R-Smads, empêchant la formation du complexe R-Smad + co-Smad. Il est également possible d’observer une déphosphorylation et ubiquitination des R-Smads, comme une ubiquitination de Smad4 (par Smurf1 et Smurf2), rendant ce trimère inactif. L’expression de Smad6 et Smad7 est induite par l’activation de la voie des BMPs, notamment Smad6 qui est induite de manière précoce (2hrs) (Jong, 2004) effectuant alors un rétrocontrôle négatif précoce sur la voie Smad1/5/8. On constate également la présence de répresseurs transcriptionnels au niveau nucléaire, comme c-Ski, SnoN et Tob qui conjointement aux I-Smads peuvent interagir sur les promoteurs des gènes cibles de la voie pour réprimer leur expression (Miyazawa & Miyazono, 2017).
Potentialisation de la voie
Parmi les régulateurs de la voie des BMPs, on trouve également des molécules capables de potentialiser celle-ci. Comme expliqué plus haut, BMP1 est une métalloprotéase capable de cliver le pro-collagène (Kessler, 1996). Ainsi, BMP1 est capable de cliver le complexe BMP-Chordine afin de libérer les BMPs de leur inhibiteur en clivant directement la chordine, permettant ainsi d’activer la voie BMP (Marques, 1997 ; Piccolo, 1997). Kielin/Chordin like protein (KCP) a été identifiée comme possédant une séquence cystéine-riche de 18 répétitions de cystéines et un domaine de von Willebrand (Lin, 2006). Ainsi, puisque les antagonistes présentent fréquemment ces séquences répétées, KCP peut se lier aux BMPs mais cette fois-ci pour potentialiser l’activité BMP et ce de manière paracrine. On compte également Crossveinless-2 (BMPER, BMP Binding Endothelial Regulator) semblable structuralement à la chordine mais agissant à la fois comme potentialisateur et inhibiteur du signal produit par les BMPs, de manière tissu dépendant puisque déplété dans les cellules endothéliales (Moser, 2003 ; Heinke, 2008).
Il existe des co-récepteurs capables de potentialiser une réponse BMP. On y trouve la famille des repulsive guidance molecule (RGM), comprenant RGMa, RGMb (ou DRAGON) et RGMc (ou hemojuvelin / HFE2). Les RGMs sont capables de se complexer avec les récepteurs de type I et se lient spécifiquement avec BMP2 et BMP4 mais pas BMP7 ou TGF-β1 dans le but de potentialiser une réponse BMP (Nili, 2010 ; Babitt, 2005 ; Samad, 2005). On trouve également l’endogline, dont l’expression est principalement localisée dans les cellules endothéliales, potentialise BMP2 et BMP9, et également le betaglycan, ubiquitaire, potentialise BMP2 et BMP4 (Lowery & Caestecker, 2010 ; Nolan-Stevaux, 2012)
L’activité des BMPs est aussi positivement régulée dans le noyau, dans lequel on y trouve des co-activateurs transcriptionnels comme p300 et CBP (Creb Binding Protein), pouvant se complexer avec les R-Smads phosphorylés pour permettre la transcription des gènes cibles. Runx2 est capable d’interagir directement avec Smad1 et Smad5 pour participer à la transcription directe des gènes cibles des BMPs (Katagiri & Watabe, 2016).
Lieux d’expression des BMPs
La plupart des BMPs sont exprimés ubiquitairement lors du développement embryonnaire, cependant après la naissance l’expression de certaines BMPs se restreint à certains tissus. On constate alors que les BMP3, BMP4, BMP5 et BMP6 sont très exprimées dans les poumons, et BMP7 abondamment exprimée dans les reins (Özkaynak, 1992). Les ostéocytes et ostéoblastes sont une source importante de BMPs dans la matrice osseuse, où l’expression en ARNm de BMPs y est induite pendant l’ostéogenèse, notamment BMP3 (Kokabu, 2012). On constate aussi l’induction de l’expression de BMP4 lors de la réparation de fracture osseuse dans les « callus-forming cells » (Nakase, 1994). L’expression de BMP4 est induite elle-même par les BMPs, et est plus forte dans les cellules lymphoblastoïdes établies chez les patients atteints de fibrodysplasie ossifiante progressive (FOP) ou maladie de l’homme de pierre, pathologie due à une mutation gain de fonction sur ACVLR1 codant pour ALK2 (Shafritz, 1996). BMP6 est très exprimée dans les chondrocytes hypertrophiques, cellules possédant des caractéristiques cartilagineuses et osseuses pendant l’ossification endochondrale (Lyons, 1989). BMP9 est produite par les cellules stéllaires hépatiques, et circule dans le plasma à la fois sous forme non processée et inactive (40%) et sous forme mature et active (60%) (Bidart, 2012). Le niveau circulant de BMP9 dans le corps humain adulte se situe aux alentours de 6.2ng/mL variant de 2 à 12ng/mL selon les individus, et est suffisant pour induire une signalisation constitutive Smad 1/5/8 dans les cellules endothéliales (David, 2008). BMP10 est produite dans le cœur, dans son intégralité pendant le développement puis plus particulièrement par l’oreillette droite après la naissance, et est nécessaire au développement cardiaque. Son inactivation au stade précoce chez des embryons de souris provoque fatalement leur mort (Chen, 2004 ; Huang, 2012). Plus récemment, BMP10 a été montrée comme également exprimée dans le foie dans les cellules stellaires hépatiques, permettant ainsi la formation de l’hétérodimère BMP9-BMP10, responsable de la majorité de l’activité BMP dans le plasma (Tillet, 2018).
Dans la suite de cette introduction, nous allons nous focaliser sur l’implication de la voie de BMP9 dans ses fonctions physiologiques, et plus particulièrement dans les cellules endothéliales vasculaires, dont le rôle est crucial au maintien de l’homéostasie vasculaire et dont le dérèglement peut conduire à de sévères pathologies comme la Maladie de Rendu Osler ou l’Hypertension Artérielle Pulmonaire. Ce sont ces deux pathologies que j’ai étudié au cours de ma thèse.
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Table des matières
Remerciements
Introduction
1. Systèmes Cardiovasculaire et Pulmonaire
1.1 Introduction au système cardiovasculaire
1.1.1 Historique de la physiologie cardiovasculaire
1.1.2 Anatomie et physiologie cardio-vasculaire
1.1.3 Anatomie cardiaque et fonctionnement
1.1.4 Pathologies cardio-vasculaires et enjeux
1.1.5 Malformations veineuses et artério-veineuses (MAV)
1.2 Introduction au système pulmonaire et respiratoire
1.2.1 Historique de la respiration : travaux de Lavoisier et Laplace
1.2.2 Anatomie pulmonaire et fonctionnement
1.2.3 Mécanisme de la respiration : Respiration, Pression partielle gazeuse et pH sanguin
2 Famille des Bone Morphogenetic Proteins (BMP)
2.1 Découverte des BMPs
2.1.5 Travaux préliminaires
2.1.6 Travaux de Marshall R. Urist
2.1.7 Identification des BMPs
2.2 Présentation de la famille des BMPs
2.2.5 Classification et structure des BMPs
2.2.6 Récepteurs aux BMPs
2.2.7 Signalisation intracellulaire
2.2.8 Gènes cibles de la voie
2.3 Régulation de la voie
2.3.5 Répression de la voie
2.3.6 Potentialisation de la voie
2.4 Lieux d’expression des BMPs
2.5 La voie de signalisation BMP9
2.6 Rôle vasculaire de la voie BMP9
3 La voie BMP9 dans HTAP et HHT
3.1 Télangiectasies Hémorragiques Héréditaires
3.1.1 Présentation de la pathologie
3.1.2 Traitements actuels
3.1.3 Modèles animaux HHT
3.2 Hypertension Artérielle Pulmonaire
3.2.5 Présentation de la pathologie
3.2.6 Traitements actuels
3.2.7 Modèle animaux HTAP
4 Criblage de chimiothèques en vue d’un traitement d’HHT et HTAP
4.1 Introduction au Criblage à Haut Débit et au repositionnement thérapeutique
4.2 Criblage à Haut Débit dans HTAP et HHT
4.2.5 Criblage sur C2C12BRA
4.2.6 Cellules endothéliales dérivées de cellules souches embryonnaires humaine (hESC derived ECs)
4.2.7 Criblage phénotypique
Objectifs
Résultats
1. Développement d’un test cellulaire rapportant la voie de signalisation BMP9-ALK1- SMAD1/5
1.1 Choix du modèle cellulaire
1.2 Choix du mode de lecture
1.3 Mise au point du test de criblage en 96 puits au robot
1.3.1 Sous Clonage BRE
1.3.2 Etablissement de la lignée stable HMEC BRE MetLuc
1.3.3 Validation de la réponse BMP9 chez les cellules HMEC – MetLuc
1.3.4 Robustesse du Test
1.3.5 Protocole de criblage pour HMEC-MetLuc
1.3.6 Choix de la chimiothèque Prestwick
2. Criblage de la chimiothèque Prestwick
2.1 Présentation du Criblage
2.2 Résultats du criblage de Prestwick : Bacitracine
3. Développement d’un deuxième test de criblage : HMEC-1 FR Luc
3.1 Choix de la chimiothèque : TargetMol
3.2 Protocole de criblage
4. Résultats du criblage de TargetMol : Epinéphrine et Norépinéphrine
5. Criblage de la chimiothèque de Prestwick sur le modèle HMEC FR Luc
5.1 Protocole de Criblage
5.2 Résultats du criblage : Alprostadil et Dinoprost
6. Criblage manuel de Prestwick sur C2C12 BRA
6.1 Présentation des C2C12 BRA
6.2 Résultats du criblage manuel : molécules X. et Y
Matériels et Méthodes
Discussions & Perspectives
Annexes
Références bibliographiques
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