CRÉATION D’UNE PRATIQUE ENTRE ART/VIE

CRÉATION D’UNE PRATIQUE ENTRE ART/VIE

CREATION D’UNE PRATIQUE ENTRE ART/VIE

Trash social

Je considère qu’un court résumé de ma propre vie démystifiera le fondement de mes préoccupations esthétiques et philosophiques. L’origine de cette pratique découle de ma vie qui a été longtemps et même encore aujourd’hui chaotique. Je crois que la maladie qui m’habite le trouble de bipolarité , m’a apporté à voir la vie d’une façon différente. Cela a influencé de près ma démarche artistique découlant des nombreuses dépressions qui m’ont amenée au sommet de la souffrance. Celles-ci m’ont guidée vers des intérêts dérisoires, tant au niveau de l’utilisation de drogues que dans la pratique d’activités sexuelles excessives.
C’est à force de fréquenter un milieu extrêmement difficile que ma recherche s’est orientée à dévoiler une condition humaine souvent dramatique, pathétique et absurde. Il est important de mentionner que je suis maintenant sous médication et que je suis davantage stable. C’est probablement en lien avec cette transition de vie que ma recherche s’est tranquillement modifiée. Je m’amuse à dire que si je n’ai plus d’idée ou d’inspiration, je n’ai qu’à arrêter ma médication ! Cette démarche de vie artistique a commencé principalement suite à un événement tragique qui a eu lieu en janvier 1993, lorsque ma sœur de sept ans s’est éteinte subitement d’une maladie du cœur. C’est principalement à ce moment que j’ai entamé un processus de guérison autodestructeur où j’ai accumulé les expériences néfastes et négatives qui ont affecté mon existence. Ce qui influença ma production artistique à devenir plus axée sur mon univers marginal affecté d’une sexualité décadente. Tout comme Nietzsche, je considère que : « pour qu’il y ait de l’art, pour qu’il y ait un acte et un regard esthétique, une condition physiologique est indispensable : l’ivresse.» (Nietzsche, 1888)

L’origine

J’exploite dans ce travail cinq principales thématiques : la sexualité, l’amour, la toxicomanie, la prostitution et la mort. Ces sujets sont inspirés de plusieurs récits de vie ou d’expériences antérieures que j’ai pu observer. Il sera question de démystifier l’origine de ces sujets et les raisons qui m’ont poussée à les exploiter par le biais de la création.
Tout d’abord, il est inévitable pour moi de traiter du thème de la sexualité, puisqu’il fut longtemps la motivation principale de ma création passée. J’évoque ce sujet en considérant un féminisme plus libertin que radical. Si l’on revient au combat mené par les femmes au début des années 70 et encore aujourd’hui, je considère que la liberté sexuelle est une bonne chose et que les femmes doivent y avoir accès comme les hommes : « La femme doit avoir la libre disposition de son corps et de son sexe » (M. Iacub, 2002). À l’ère où l’on aborde souvent la condition féminine, je tenais à exprimer mon intérêt face à cette frénésie qui continue d’être mon leitmotiv mais de façon plus réfléchie et soutenue. Je considère que le sujet de la sexualité reste un prolongement de l’œuvre Perversion en ce qui à trait mon émancipation charnelle et libidineuse. C’est-à-dire que cette thématique est davantage axée sur un certain érotisme affirmé et une provocation que d’une préoccupation au mal intérieur.
Ces œuvres m’ont permis en quelque sorte de faire le pont entre l’art que je produisais avant et celui que je crée aujourd’hui. C’est à ce moment de ma création que je commence à prendre en considération les dessous de certaines réalités.

ENTRE BEAUTÉ VISUELLE ET RÉALITÉ CRUELLE

L’attraction

Je suis fortement influencée par l’art classique que réaliseront les artistes grecs vers le XIX siècle. «Ceux ci créaient en réalisant l’accord ou la conciliation harmonieuse du sensible et de l’intelligible, de la nature et de la liberté, de l’extérieur et de l’intérieur.» (J. Lavaud, 1996) Cependant, il n’y a aucune représentation plastique de dieux ou de quelconques présences d’esprits divins dans l’ensemble de ma recherche. Ce qui est important de retenir c’est l’harmonie visuelle que j’utilise pour la conceptualisation des mises en scène.
L’harmonie pour moi se retrouve dans l’agencement des couleurs, dans le décor, mais surtout dans la beauté des personnages. J’utilise des archétypes communs comme des fleurs en plastiques, des déshabillés à dentelles, des croix en bois, des robes en satin, des assiettes victoriennes, des drapés en velours, des colliers de perles, etc. Je trouve particulièrement intéressant la fusion entre les tranches de vie tirée de la brocante et le dispositif muséal et artistique qui le met en scène. Il existe évidemment une certaine tendance kitsch consistant à «utiliser des influences du passé » et des archétypes populaires. Ceux-ci servent à « toucher le consommateur en contribuant à lui donner une sorte de certitude esthétique : c’est une forme de confort intellectuel.» (G. Dorfles, 1978). Ce qui contribue à alimenter et à appuyer ma recherche consistant à utiliser la séduction photogénique pour s’attarder à l’intériorité du sujet.
En travaillant de cette façon je tends à capter et à séduire le spectateur par une méthode basée sur un principe d’idéalisation et de magnification de la réalité. Comme le faisaient les artistes de la Renaissance, je défends un art d’imitation dont le modèle n’est pas la nature définie de manière réaliste. Ce que j’imite, c’est une nature transformée, convertie par la mode et la publicité, je suis moi aussi corrompue par ce que la société actuelle nous montre: les beaux visages, les corps parfaits, musclés et minces tendant par toutes les façons de cacher les imperfections en faisant ressortir le rêve associé à l’impeccabilité. Les artistes de la Renaissance l’avaient bien compris déjà à l’époque : « l’imitation de la nature rendra l’art pauvre, petit, mesquin (…) il faut que cette imitation soit exagérée, soit embellie pour faire sortir le beau et le vrai » (Diderot ,1743). À cette époque, le peintre devait s’efforcer de non seulement imiter la nature, mais aussi de l’embellir. Pour surpasser la nature, les artistes devaient corriger les imperfections pour la rendre plus belle. Les peintres retouchaient et idéalisaient le sujet parallèlement travaillé aujourd’hui par les moyens de l’ordinateur.
En terme d’esthétique classique, je cite un tableau de la Renaissance italienne : L’Amour sacré et V amour prof one de Titien .

L’introspection

Cette méthode d’attraction classique répond à mon besoin de voir la beauté et l’harmonie plastique dans mon travail. Mais je considère qu’il existe une certaine beauté qui n’est pas tangible et qui va à rencontre de l’idéologie du beau : la beauté du mal et de la souffrance.
Je fusionne alors une beauté classique caractérisée par un esprit «rationaliste» et du romantisme qui serait dans l’histoire un moment de rupture avec cette tradition. Ce dernier est un courant « idéologique » défendant l’affirmation des passions et de la puissance naturelle dans la création artistique posant le cœur contre la raison. Mais je considère que raison et passion peuvent cohabiter ensemble pour ce qui est de la réalisation d’œuvre d’art.
Je crois que la raison répond à une certaine préoccupation plastique et harmonieuse et que la représentation et les tourments du cœur peuvent être dirigés après un certain recul de l’ivresse émotionnel. Dans ma recherche la beauté de l’émotion se dévoile dans la capacité de l’artiste à transmettre celle-ci suite à une acceptation et à une paix intérieure reliée à la souffrance vécue.

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Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE I : CRÉATION D’UNE PRATIQUE ENTRE ART/VIE
1.1. Trash social
1.2. L’origine
CHAPITRE II : ENTRE BEAUTÉ VISUELLE ET RÉALITÉ CRUELLE
2.1 L’attraction
2.2 L’introspection
CHAPITRE III : RÉALISATIONS PHOTOGRAPHIQUES
Sexualité
3.1. Les mauvais plis
3.2. Ceci est mon corps livré pour vous
Toxicomanie
3.3. Les Fleurs du mal
3.4 Laisse-moi dormir mon enfant
Prostitution
3.5 Maman est encore avec un client
3.6 Encore un dernier ma fille
Amour
3.7 Aimez-moi
3.8 Les infidèles amoureuses
3.9 La Madone monoparentale
Mort
3.10 Cardiomyopathie hypertrophique
CONCLUSION

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