L’imitation a toujours été au cœur de la passion des enfants et un vecteur d’apprentissage. L’écrivain Stefan Zweig rapporte qu’à son époque, les enfants ressentaient ainsi l’envie de recréer des formes d’arts qui ne leur étaient pas accessibles.
Il n’était donc pas indispensable de parvenir à la perfection accomplie dès le lycée, comme Hofmannsthal ; on pouvait, comme Rilke, tâtonner, essayer, se former, progresser. Il ne fallait pas renoncer aussitôt si l’on produisait pour l’instant des pages insuffisantes, manquant de maturité et dont on ne pouvait répondre ; on pouvait peut-être espérer renouveler en soi, à défaut du miracle de Hofmannsthal, l’ascension plus paisible, plus normale, de Rilke. Car il allait de soi que nous avions commencé depuis longtemps à écrire et à versifier, à pratiquer la musique ou à réciter ; une disposition purement passive et réceptive n’est pas naturelle à la jeunesse, car il est de son caractère, non seulement d’absorber les impressions, mais d’y répondre par des productions. Pour des jeunes, aimer le théâtre signifie au moins espérer et rêver de paraître sur la scène ou de composer pour elle. Admirer dans l’extase toutes les formes du talent les conduit irrésistiblement à rechercher en eux-mêmes s’ils ne découvriront pas quelque trace ou quelque possibilité de cette essence précieuse entre toutes dans leur propre corps encore inexploré ou dans leur âme encore à demi plongée dans l’obscurité. (Zweig, 1987) .
Dans l’extrait ci-dessus, Zweig mentionne la musique, mais ceci est vrai pour tous les médias. Les enfants sont encouragés à reproduire les médias qu’ils aiment que ce soit le dessin, le film, le théâtre, l’écriture ou autre. Cependant, quand il est question de jeux vidéo, il est difficile pour l’enfant de le recréer dans le même contexte et il est souvent limité à imiter les jeux qu’il aime via un autre média tel que le dessin par exemple. En revanche, les technologies évoluent constamment et deviennent de plus en plus accessibles et simplifiées pour leur public. Nous pouvons donc envisager de l’enseigner aux enfants. De plus, engager ce groupe d’âge qui s’intéresse aux jeux vidéo dans l’apprentissage de la création de jeux peut avoir plusieurs répercussions positives. Une de nos préoccupations étant la persévérance scolaire, l’apprentissage des jeux vidéo pourrait être un moyen d’épanouir les jeunes dans leur développement académique. Nous verrons ainsi comment le changement du loisir en tant que joueur vers un créateur peut changer la motivation du jeune pour le meilleur .
En ce sens, nous proposons de formuler un outil didactique sous forme d’atelier afin d’aider les élèves ainsi que les futurs enseignants pour les enfants de 11 à 15 ans. Celui-ci fera usage de références connues du grand public et particulièrement populaires chez les adolescents pour servir d’ancrage pour le développement d’exercices pédagogiques. Cet outil didactique expliquera les notions liées à la création de jeu vidéo et les enseignera d’une manière linéaire afin de garder l’intérêt du jeune tout au long des cours ainsi que de donner des résultats immédiats de jeu au jeune. Ceci a pour but de croître la motivation extrinsèque du jeune, grâce à la gratification avec les résultats immédiats et jouables de son travail. En réponse à ceci, le jeune est encouragé à approfondir ses notions de base afin d’enrichir ses connaissances de jeu. Nous chercherons ainsi comment l’enseignement du jeu vidéo, par le biais de la création de jeu, peut, dans une perspective d’apprentissage visible (Hattie, 2009), motiver les élèves à participer à leurs apprentissages dans le but de progresser vers la motivation intrinsèque selon la charte de Ryan et Deci (2000) .
En 2018, « le Québec présente la pire performance au niveau canadien avec un taux de diplomation au secondaire en cinq ans de 64 % pour le réseau public » (Homsy, Mia, & Savard, 2018, p. 3). Le manque de soutien et d’encouragement parental, le fait de devenir parent, le taux d’absentéisme élevé, les mauvais résultats, les difficultés d’apprentissage, le désintérêt face au contenu académique ainsi que les handicaps intellectuels constituent les principales causes de décrochage scolaire (Théberge, 2008).
Les conséquences du décrochage ne sont pas négligeables. « Le niveau de scolarité d’une personne est l’un des principaux facteurs qui définiront ses chances dans la vie pour ce qui est de son emploi, son revenu, son état de santé, son logement et de bien d’autres de ses commodités » (Belfield & Levin, 2003). Ces résultats occasionnent des coûts importants (tant au niveau social qu’académique) pour le soutien des individus décrocheurs scolaires. Les coûts reliés à la santé, à l’assistance sociale et à la criminalité dues à la pauvreté étaient estimés entre 15,7 et 17 milliards de dollars au Québec en 2008 (Barayandema & Fréchet, 2011, p. 16).
LA CRITIQUE DE L’ENSEIGNEMENT PAR KEN ROBINSON
Ken Robinson, auteur, expert en éducation, reconnu internationalement pour ses interventions en faveur du développement de la créativité et de l’innovation, propose, lors d’un de ses discours à « TED Talks » (2006), de repenser à la manière dont on enseigne. Il affirme que les principes sur lesquels est fondé notre système d’éducation demeurent les mêmes que ceux au XIXe siècle (Robinson & Aronica, 2009). Il établit un parallèle entre les chaînes de production et notre système éducatif. Le modèle actuel procède par des lots établis par l’âge sur lesquels on les fait passer par des étapes réparties : les matières. Ces systèmes ont bien joué leur rôle pour satisfaire les besoins de l’industrialisation (Robinson, 2011, pp. 49-62). Cependant, aujourd’hui, selon Ken Robinson la créativité est aussi importante dans l’éducation que les autres matières.En Finlande, le taux de décrochage scolaire est quasi inexistant : 99,8 % des jeunes de 17 ans ont complété le programme obligatoire du primaire et du secondaire, ce qui fait de cette nation une de celles où le taux de décrochage est le plus bas au monde (Sahlberg, 2011, pp. 27-32). L’enseignement qui s’y donne comme au Québec est personnalisé pour l’étudiant. Les professeurs ont aussi le privilège de pouvoir choisir eux-mêmes les manuels et les méthodes qu’ils souhaitent pour leurs étudiants. Au primaire, il n’y a pas d’évaluation sommative, ce qui contribue à développer le goût d’apprendre pour le plaisir personnel, soit la motivation intrinsèque. Selon Ken Robinson (2013), les enfants sont tous différents, mais l’éducation nord-américaine est basée sur la conformité et non la diversité de ses élèves. Il argumente la notion que les enfants s’épanouissent sous un curriculum très varié, leur permettant d’identifier leurs talents dans plusieurs matières, ce qui est impossible dans un curriculum moins diversifié.
LA PLACE DU JEU VIDÉO DANS L’APPRENTISSAGE DU JEUNE ADOLESCENT
Le taux de dépendance des jeux vidéo chez les adolescents est nettement plus élevé chez les garçons que chez les filles. Une étude menée en 2003 a montré que parmi les élèves dépendants, 80% étaient des garçons et 20% étaient des filles (Hauge & Gentile, 2003). Statistiquement, les adolescents dépendants des jeux vidéo ont un taux d’échec scolaire beaucoup plus élevé que les adolescents n’ayant pas cette dépendance (Hauge & Gentile, 2003). De plus, selon une autre étude, plus un enfant passe du temps à jouer à des jeux, à l’exception des jeux éducatifs, et plus sa performance scolaire baisse (Hastings et al., 2009). Par contre, plusieurs études nous démontrent que de jouer à des jeux vidéo améliore les fonctions cognitives telles que l’attention visuelle, le contrôle cognitif, la mémoire à court terme visuelle et la vitesse de traitement générale (Dobrowolski, Hanusz, Sobczyk, Skorko, & Wiatrow, 2015).
LES TECHNOLOGIES ET LES ÉCOLES
Au niveau des établissements scolaires, il y a un grand intérêt pour les nouvelles technologies afin de promouvoir la persévérance scolaire (Betcher & Lee, 2009), mais aussi pour former les élèves à travailler dans un marché du travail qui ne cesse d’évoluer avec les nouvelles technologies. (Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, 2019) Ainsi, certaines nouvelles technologies sont déjà présentes dans les salles de classe, par exemple la réalité virtuelle (Boudreau, 2018) ou l’impression 3D (Girard, 2016). On parle beaucoup des problèmes liés aux jeux vidéo, mais leur usage académique apporte aussi beaucoup de potentiel cognitif. Ils offrent beaucoup d’opportunités dans les médias éducatifs (Squire, 2003). De plus, certains jeux vidéo plus « sérieux » sont intégrés dans les salles de classe afin d’aider à enseigner. (Maharg & Freitas, 2011) Par exemple, pour un cours d’histoire, pouvoir naviguer dans un jeu qui se déroule dans la Grèce antique permet à l’élève de mieux s’immerger et ainsi de mieux comprendre les enjeux de cette époque (Clare, 2018). Le jeu vidéo de construction Minecraft se manifeste dans les salles de classe pour enrichir plusieurs matières telles que les mathématiques ou même les sciences humaines. (Gallagher, Asselstine, Bloom, Elford, & York, 2015) Les concepts de gamification commencent à se développer dans les salles de classe (Dicheva, Dichev, Agre, & Angelova, 2015). Un bon exemple de ceci est l’usage de Classcraft , un système de jeu basé sur les jeux de rôles, qui crée un système de punition et de récompense inspiré des mécaniques de jeu liées aux jeux de rôle traditionnels. Par exemple, une mauvaise action entraine une perte de points de vie. Dans les cours d’arts plastiques, les technologies sont de plus en plus présentes. (Ministère de l’Éducation, 2006) Pour répondre au « plan d’action numérique » en éducation, des laboratoires créatifs offrent des ressources pour les enseignants. (« Parcours de formation / Laboratoire créatif, » 2018) Nous réalisons ainsi que l’apprentissage de la création des jeux vidéo en soi pourrait être considéré comme une suite logique de la tendance actuelle de l’implémentation des nouvelles technologies pour promouvoir l’enseignement et la persévérance scolaire ainsi que la « littératie médiatique multimodale » (Lebrun, Lacelle, & Boutin, 2012). Lorsqu’on enseigne en travaillant sur des projets pour ainsi promouvoir la créativité, l’esprit critique, la collaboration et l’apprentissage, ceci contribue à nourrir la motivation intrinsèque de l’élève.
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Table des matières
RÉSUMÉ
TABLE DES MATIÈRES
LISTE DES FIGURES
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 – CONTEXTUALISATION
1.1 CONTEXTUALISATION
1.2 LA CRITIQUE DE L’ENSEIGNEMENT PAR KEN ROBINSON
1.3 LA PLACE DU JEU VIDEO DANS L’APPRENTISSAGE DU JEUNE ADOLESCENT
1.4 LES TECHNOLOGIES ET LES ECOLES
1.5 LES RETOMBÉES DE L’APPRENTISSAGE DE LA CREATION DES JEUX VIDEO PAR LES ADOLESCENTS
1.6 QUESTION DE RECHERCHE SPECIFIQUE
1.7 OBJECTIFS
1.8 L’Échelle de Motivation selon Ryan et Deci
1.9 CADRE THEORIQUE DE LA REUSSITE A PARTIR DE L’APPRENTISSAGE VISIBLE
1.10 PRATIQUE REFLEXIVE (EXPERIENCE D’ENSEIGNEMENT)
CHAPITRE 2 – MÉTHODE
2.1 TERRAIN ET LIEU DE RECHERCHE
2.2 DONNEES DE LA RECHERCHE – Apprentissage Visible
2.2.1 CONTRIBUTIONS DE LA MAISON, DE L’ECOLE ET DU CURRICULUM
2.2.2 CONTRIBUTIONS DU PROGRAMME D’ETUDES
2.2.3 CONTRIBUTIONS DE L’APPROCHE D’ENSEIGNEMENT
2.3 DEVELOPPEMENT D’UN ATELIER « TEN STEPS FOR COMPLEX LEARNING»
– OBJECTIF 1
2.3.1 TACHES D’APPRENTISSAGE
2.3.2 INFORMATION DE SUPPORT
2.3.3 INFORMATION PROCEDURALE
2.3.4 PRATIQUE DES TACHES PARTIELLES
2.3.5 CONCLUSION SUR « TEN STEPS TO COMPLEX LEARNING »
CHAPITRE 3 – ATELIER DE CRÉATION DE JEU VIDÉO
3.1 CONCEPTION DE L’ATELIER
3.2 LIMITES DE L’ATELIER
3.2 DEVELOPPEMENT DE L’ATELIER – OBJECTIF 2
3.2.1 COURS 1
3.2.2 COURS 2
3.2.3 COURS 3
3.2.4 COURS 4
3.2.5 COURS 5
3.2.6 COURS 6 A 8
3.3 RETOUR SUR LE SECOND OBJECTIF
CHAPITRE 4 – RETOUR SUR L’ATELEIR
4.1 RETOUR SUR LE TERRAIN ET LES DONNEES
4.1.1 PREMIER CONCEPT
4.1.2 ATELIER ANNEE 1
4.1.3 ATELIER ANNEE 2
4.1.4 ATELIER ANNEE 3
4.2 RETOUR SUR LES CONTRIBUTIONS DE LA MAISON, DE L’ETUDIANT ET DE L’ECOLE
4.3 RETOUR SUR LES CONTRIBUTIONS DE L’APPROCHE D’ENSEIGNEMENT
4.4 RETOUR SUR LA MOTIVATION
4.5 REPONSE AUX OBJECTIFS
4.6 LIMITES DE L’ATELIER
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXE
ANNEE 1
ANNEE 2
ANNEE 3
LETTRE D’AUTORISATION DES DROITS AUX CAPTURES D’ECRAN DU CAMP DE JOUR.
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