Courbe S-N – Caractérisation de la durée de vie en fatigue
Les trois régimes
La durée de vie en fatigue est souvent représentée par la courbe de Wöhler ou encore appelée courbe S-N. Elle définit une relation entre l’amplitude de contrainte appliquée σ (sigma parfois notée S) et le nombre de cycles à la rupture NR. La figure I.2.1 est une courbe S-N typique, qui représente la durée de vie en fatigue caractérisée par trois ou quatre régimes [Nishijiama 99] ; [Murakami 98] ; [Mugrhabi, 99] ; [Mughrabi 01] ; [Mughrabi 02]. On y distingue :
I. Le régime de la fatigue oligo-cyclique ou à faible nombre de cycles (Low Cycle Fatigue – LCF) pour lequel la rupture de l’éprouvette a lieu à un nombre de cycles inférieur à 10⁴ -10⁵ cycles. Les amplitudes de contrainte sont autour de la limite d’élasticité macroscopique du matériau.
II. Le régime de la fatigue à grand nombre de cycles (High Cycle Fatigue – HCF) pour lequel la rupture de l’éprouvette a lieu à un nombre de cycles compris entre à 10⁵ et 10⁷ . Les amplitudes de contrainte sont environ deux fois inférieures à la limite d’élasticité macroscopique du matériau. La courbe S-N tend vers une asymptote horizontale représentant la limite d’endurance du matériau. Cette asymptote est plus ou bien marquée selon les matériaux et on définit également une limite de fatigue conventionnelle qui correspond à la résistance à la fatigue du matériau à 10⁷ cycles. En dessous de la limite d’endurance ou de la limite de fatigue conventionnelle, la durée de vie du matériau est supposée être infinie. Ces limites servent donc pour dimensionner en fatigue les pièces mécaniques.
III. Le régime de la fatigue à très grand nombre de cycles (Very High Cycle Fatigue – VHCF ou Ultra High Cycle Fatigue), encore appelé fatigue gigacyclique. Les amplitudes de contrainte sont inférieures à la limite de fatigue conventionnelle. Néanmoins, le matériau se rompt après un nombre de cycles supérieur à 10⁷ cycles.
IV. La question de l’existence d’une limite de fatigue reste aujourd’hui une question ouverte.
Dans les régimes I et II, les résultats du cuivre à grains grossiers ont été obtenus à l’aide d’une machine servo-hydraulique conventionnelle travaillant à une fréquence de sollicitation de 100 Hz. Dans le régime VHCF, ils ont été obtenus à l’aide d’une machine ultrasonique engendrant des vibrations résonnantes à la fréquence de 20 kHz. L’utilisation de deux machines différentes rend difficile la superposition des résultats dans le domaine commun. Il peut aussi illustrer un effet de fréquence. Cette question, bien que fondamentale, ne sera pas étudiée dans ce travail de thèse. Elle est l’objet de la thèse de Nicolas Marti. La manifestation d’un effet de fréquence dépend des matériaux mais aussi des conditions thermiques des essais (refroidis ou non).
Amorçage de la fissure
Comme déjà indiqué, pour les matériaux ductiles, l’amorçage de fissures résulte de déformations plastiques localisées en surface de l’éprouvette. Plus précisément, il peut se produire :
• au niveau de bandes de glissement intenses qui émergent à la surface des éprouvettes, encore appelées bandes de glissement persistantes (Persistent Slip Bands – PSB) . Cela donne lieu à de la fissuration intra ou trans-granulaire .
• au niveau de joints de grains donnant lieu à de la fissuration inter-granulaire .
• dans les joints de macles .
Amorçage de la fissure le long des PSB
Dans la littérature, l’attention s’est portée majoritairement sur la formation de fissures amorcées sur des PSB pour deux raisons (1) ce mode de rupture est fréquent et d’autant plus fréquent que les contraintes sont suffisantes pour activer la plasticité dans les grains et (2) beaucoup d’études concernent les monocristaux donc sans joint de grain.
A l’aide d’observations à haute résolution sous microscope électronique à transmission (MET), Katagari et al [Katagiri 77] ont observé en même temps la structure de dislocations en échelle, typique des PSB et l’amorçage et la propagation d’une fissure le long de l’interface PSBmatrice dans un polycristal de cuivre . La formation de la fissure n’a pas modifié la structure de dislocation.
Amorçage de la fissure aux joints de grain (de macle)
L’interaction entre les PSB et le joint de grain est à l’origine de l’amorçage de la fissure aux joints de grain (macles) [Laird 76] ; [Liu 92] ; [Huang 00] ; [Figueroa 83] ; [Mughrabi 83]. Dans une mesure interférométrique optique des hauteurs des marches de glissement à la facette du grain en fatigue du cuivre, Kim & Laird [Kim 78] ont noté que la fissure en fatigue peut se produire aux joints de grain (de macle) si : (i) la désorientation entre les 2 grains séparés par le joint est élevée, (ii) le plan de glissement activé dans au moins un des 2 grains fait une trace en surface perpendiculaire à la trace du joint de grain (iii) l’angle entre l’axe de sollicitation et le joint de grain est dans la gamme de 30-90°. Dans les matériaux c.f.c., le joint de macle est parallèle avec un des plans de glissement, la formation des PSB sur le joint de macle est ainsi favorisée bien que cela n’ait été que peu étudié. De plus, le joint de macle est une interface de faible d’énergie. Son rôle à l’initiation de la fissure est constaté depuis longtemps [Thomson, N. 56], [Neumann, P. 88].
En résumé, quelque soit le site d’amorçage de la fissure, la formation des PSB est le mécanisme précurseur de l’amorçage de la fissure. Ainsi, la limite de fatigue conventionnelle est associée à la contrainte (déformation plastique) nécessaire pour former des PSB. Dans le cuivre polycristallin, aux amplitudes de déformation fortes, la fissure s’amorce au joint de grain. A une amplitude de déformation faible, la fissure peut s’amorcer sur les PSB mais le joint de grain reste toujours un site privilégié pour l’amorçage de la fissure. [Huang 00] ; [Cretegny 01] .
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
Chapitre I Etude bibliographique et positionnement du travail de thèse
I.1 Matériaux de type I et Matériaux de type II
I.2 Courbe S-N – Caractérisation de la durée de vie en fatigue
I.2.1 Les trois régimes
I.2.2 Cas des matériaux de type I
I.2.2.1 Durée de vie en fatigue
I.2.2.2 Amorçage de fissure
I.3 Bandes persistantes de glissement (PSB) et « irréversibilité » du glissement
I.3.1 Mécanismes de plasticité monotone
I.3.1.1 Description de la courbe de traction monotone d’un polycristal métallique ductile
I.3.1.2 Les origines de la déformation plastique
I.3.1.3 Traces de glissement sur la surface des éprouvettes
I.3.2 Déformation recouvrable et déformation irréversible
I.3.3 Mécanismes de déformation en plasticité cyclique dans le régime HCF
I.3.3.1 Glissement « réversible » et glissement « irréversible » au cours d’un cycle
I.3.3.2 Structures de dislocations en fatigue
I.4 Fatigue à très grand nombre de cycles VHCF
I.4.1 Machines d’essais de fatigue
I.4.2 Microplasticité dans le régime VHCF en fatigue ultrasonique
I.5 Conclusions
Chapitre II Matériaux etudiés
II.1 Etude de la microstructure
II.1.1 Cuivre étiré (Goodfellow)
II.1.2 Cuivre pur commercial CuOF laminé à chaud (Griset)
II.2 Préparation des éprouvettes
II.2.1 Usinage
II.2.2 Traitement thermique
II.2.3 Polissage
II.3 Comportement en traction monotone uniaxiale à différentes vitesses de déformation
II.3.1 Technique expérimentale
II.3.2 Comportement en traction uniaxiale du cuivre étiré
II.3.3 Comportement en traction uniaxiale du cuivre laminé
II.3.4 Comparaison des comportements en traction des 2 cuivres étudiés
II.4 Bilan
Chapitre III Dispositifs Expérimentaux
III.1 Essai de fatigue ultrasonique
III.1.1 Présentation de la machine de fatigue ultrasonique
III.1.2 Principe de dimensionnement des éprouvettes
III.1.2.1 Introduction
III.1.2.2 Mise en équation du problème
III.1.2.3 Cas particulier d’une barre cylindrique de section constante
III.1.2.4 Dimensionnement des éprouvettes à section variable
III.1.3 Dimensionnement et calcul de distribution de contrainte dans les éprouvettes de fatigue ultrasonique
III.1.3.1 Eprouvette cylindrique
III.1.3.2 Eprouvette plate
III.1.4 Etalonnage de la machine et mesure de la déformation dans l’éprouvette
III.2 Techniques d’observations et d’analyses
III.2.1. Microscope optique
III.2.2. Microscopie électronique à balayage
III.2.3. Technique EBSD
III.2.4. Microscopie à force atomique
III.2.5. La caméra infrarouge (IR)
Chapitre IV Caractérisation de la durée de vie du cuivre pur polycristallin dans le domaine VHCF
IV.1 Courbe S – N
IV.2 Distribution des bandes de glissement sur la surface de l’éprouvette
IV.3 Faciès de rupture et Amorçage de fissure – Observations et discussions
IV.4 Conclusions
Chapitre V Observation des traces de plasticité sur la surface d’éprouvettes sollicitées en fatigue
V.1. Description des bandes de glissement
V.1.1 Bandes de glissement de type I
V.1.2 Bandes de glissement de type II
V.1.3 Bandes de glissement de type III
V.2. Constatations générales pour tous les types de bandes
V.3 Effet de l’amplitude de contrainte ∆σ/2 et du nombre de cycles N sur l’évolution des bandes de glissement
V.3.1/ Evolution des bandes de glissement en fonction du nombre de cycles
V.3.1.1 Bandes de glissement de type I
V.3.1.2 Bandes de glissement de type II
V.3.1.3 Bandes de glissement de type III
V.3.2 Apparition des premières bandes et effet de l’amplitude de contrainte
V.4 Discussion
V.4.1 Les bandes de type I
V.4.2 Coexistence des bandes de types III, II et I
V.5 Conclusions
CONCLUSION GENERALE
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