Couplage du δ13C avec le δ18O pour détecter la mobilité altitudinale

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Principaux tissus biologiques étudiés : formation et enregistrement du signal

Les séries chronologiques des variations isotopiques éprouvées au cours de la vie d’un animal peuvent être déduites à partir de l’analyse des tissus à croissance progressive qui ne se remodèlent pas après leur formation, comme les tissus dentaires ou les phanères (tissus kératinisés).

L’émail dentaire

L’émail est le tissu le plus fortement minéralisé chez les mammifères et est constitué presque  essentiellement d’hydroxyapatite – ou bioapatite, un phosphate de calcium (Ca10(PO4)6(OH)2) (Elliott, 2002). Un groupement carbonates (CO32-) peut substituer un groupement phosphate (PO43-) ou un groupement hydroxyle (OH-). Les groupements carbonate de la bioapatite, extraits de l’émail dentaire sont plus couramment analysés pour leurs compositions isotopiques car ils enregistrent à la fois les valeurs de δ13C et δ18O. De plus, le strontium est incorporé en concentrations importantes lors de la formation de la bioapatite en tant que substituant du calcium permettant l’analyse du rapport 87Sr/86Sr.
L’émail dentaire est inerte métaboliquement et une fois formée sa composition isotopique reste inchangée. Dans le cas des ongulés (p. ex mouton, chèvre, cheval) avec des dents à couronne haute (hypsodontie), il est aisé d’échantillonner séquentiellement l’émail le long de la couronne dentaire. Avec un tel prélèvement sérié, il est possible de reconstituer l’histoire isotopique individuelle durant la période de formation de la dent qui peut se réaliser sur une durée de plusieurs mois à plusieurs années selon l’espèce.
Le développement de l’émail (amélogenèse) est un processus progressif et discontinu qui se réalise en deux étapes distinctes. Dans un premier temps, l’émail est déposé – phase d’apposition – sous forme d’une matrice organique faiblement minéralisée ( ~25% de teneur) suivie par une phase prolongée de maturation, pendant laquelle il y a une perte progressive de la fraction organique et acquisition du taux de minéralisation final (Robinson et al., 1995; Suga, 1982) (Figure 1). Durant l’apposition, la minéralisation commence au niveau de la surface occlusale de la dent et progresse vers la racine. La surface d’une nouvelle apposition forme un angle faible par rapport à la jonction émail-dentine (EDJ), de telle sorte que les couches d’apposition séquentielles s’imbriquent (Figure 1). Ainsi, dans l’émail pleinement minéralisé, le front d’apposition est enregistré par des bandes de croissance progressive, appelées stries de Retzius (Hillson, 2005). De même façon que l’apposition, la maturation de l’émail progresse de la surface occlusale vers la racine, mais par le biais de vagues de minéralisation successives dans différentes directions à travers la couche d’émail entre la surface de l’émail et la jonction émail-dentine (Suga, 1982; Suga et al., 1970).
Ce délai et cette géométrie de minéralisation ont des conséquences importantes sur l’interprétation des séquences isotopiques mesurées par prélèvement sérié. Généralement, l’émail est échantillonné séquentiellement avec une fraise, ou par laser, perpendiculairement à l’axe de croissance. L’endroit où un échantillon est prélevé est lié à la croissance physique de la dent et peut être associé à une date calendaire approximative. Cependant, les valeurs isotopiques de l’échantillon ne se rapportent pas à la même période de temps, mais couvrent une période de minéralisation beaucoup plus longue, pendant laquelle l’émail continue d’intégrer les signaux isotopiques environnementaux. Ainsi, chaque échantillon, prélevant partiellement ou entièrement l’épaisseur de l’émail, représente un signal moyenné dans le temps, intégrant des intervalles de minéralisation et d’apposition distincts (Figure 1). Ainsi, les variations enregistrées le long de la couronne dentaire sont atténuées par rapport aux variations isotopiques éprouvées par l’animal durant la minéralisation de la dent (Balasse, 2003; Hoppe et al., 2004; Passey and Cerling, 2002; Podlesak et al., 2008; Zazzo et al., 2012, 2005). Autrement dit, l’échantillonnage classique impliquant le prélèvement de matière perpendiculairement à l’axe de croissance de la dent, amène à mixer des signaux isotopiques temporellement différents. Cette atténuation est inversement proportionnelle au temps d’exposition d’un nouveau signal environnemental ou alimentaire (Passey and Cerling, 2002; Zazzo et al., 2010, 2005).

La kératine des poils

La kératine est la protéine majoritaire du poil et de la corne. Le poil est largement utilisé comme support des analyses isotopiques dans les études portant sur l’écologie des mammifères, car il peut être prélevé de manière non invasive, est métaboliquement inerte une fois formé et est facile à stocker. La fibre capillaire se forme dans le follicule pileux. À mesure que la fibre capillaire continue de croître, les cellules vivantes subissent une différenciation terminale pour former une structure kératinisée dure qui finit par émerger de la peau. La caractéristique importante de la croissance du poil est l’activité cyclique du follicule pileux, pendant laquelle plusieurs phases se succèdent. Pendant la phase anagène, le follicule pileux est en croissance pendant une période continue de plusieurs années. Cette phase est alors suivie d’une courte période de repose appelée catagène qui dure environ quelques semaines, avant que le follicule ne soit progressivement résorbé pendant la phase télogène pendant quelques mois, conduisant finalement à la perte du poil pendant l’exogène (Ebling, 1988; Wilson and Tobin, 2010).
Une fois que le cheveu est kératinisé pendant sa croissance, il ne subit plus aucun changement biogène et présente donc un enregistrement chronologique de la chimie corporelle qui peut être reconstitué par la suite. Étant donné que les poils poussent rapidement et continuellement, l’analyse de la composition isotopique de sections permet d’examiner les variations de court terme enregistrées par ces poils, de restituer un enregistrement chronologique des paramètres environnementaux et alimentaires sur une durée de plusieurs saisons, voir de plusieurs années, et de les interpréter en terme de mobilité, de régiment alimentaire ou de changement environnemental (p.ex. Auerswald et al., 2011; Cerling et al., 2009, 2006; Chau et al., 2017; Männel et al., 2007; Rysava et al., 2016; Schnyder et al., 2006; Wittemyer et al., 2009). En effet, des études d’alimentation contrôlée sur des animaux domestiques ont montré que la composition isotopique du carbone d’un nouveau régime alimentaire est rapidement enregistrée dans le poil et permet de détecter dans l’alimentation des changements dans l’alimentation de court terme, de l’ordre de quelques jours. Cette rapidité d’enregistrement offre une plus haute résolution temporelle que celle d’autres tissus biologiques (Ayliffe et al., 2004; West et al., 2004; Zazzo et al., 2008, 2007).
La rareté de leur préservation en contexte archéologique n’empêche en rien l’intérêt de leur utilité comme une archive haute résolution de l’environnement géochimique pour reconstruire l’environnement, la diète et l’origine des individus. Ainsi, dans certains cas les poils peuvent être utilisés comme une alternative aux dents hypsodontes (p. ex. Cerling et al., 2004; Frei et al., 2009; Iacumin et al., 2006, 2005).

Les isotopes stables : indicateurs de la mobilité

Depuis un peu plus d’une décennie, de plus en plus d’études se penchent sur le potentiel des isotopes stables à identifier la mobilité d’animaux modernes et anciens (p. ex. Arnold et al., 2013; Balasse et al., 2002; Britton et al., 2009; Chau et al., 2017; Copeland et al., 2016; Henton et al., 2017b; Julien et al., 2012; Makarewicz et al., 2017; Tornero et al., 2018; Viner et al., 2010) et notamment dans le cas du pastoralisme en milieu montagnard où cette mobilité est liée à l’altitude (p. ex.. Balasse and Ambrose, 2005; Bentley and Knipper, 2005; Dufour et al., 2014; Fisher and Valentine, 2013; Hermes et al., 2017; Knockaert et al., 2018; Makarewicz, 2017; Makarewicz et al., 2017; Mashkour, 2003; Mashkour et al., 2005; Tornero et al., 2018, 2016).
Les isotopes de l’oxygène, du carbone, de l’azote et du strontium sont les principaux systèmes isotopiques utilisés afin de retracer la mobilité des animaux, car les valeurs de δ18O, δ13C, δ15N et 87Sr/86Sr varient dans les écosystèmes terrestres en fonction de divers paramètres environnementaux et géographiques (p. ex. Amundson et al., 2003; Bentley, 2006; Craine et al., 2009; Diefendorf et al., 2010; Koch et al., 2007; Kohn, 2010; Szpak, 2014; Tieszen, 1991). Les signaux isotopiques enregistrés dans les tissus animaux fournissent un signal spatialement intégré.

Le 87Sr/86Sr et la mobilité

Le 87Sr/86Sr est le système isotopique le plus communément utilisé en archéologie pour mettre en évidence la mobilité d’animaux sauvages ou domestiques (p. ex. Balasse et al., 2002; Bendrey et al., 2009; Britton et al., 2009; Copeland et al., 2016; Glassburn et al., 2018; Meiggs, 2007). La teneur isotopique en strontium trouvé dans un écosystème dépend généralement du substratum rocheux sous-jacent et va varier localement en fonction de l’âge, de la composition chimique de la roche et du taux d’érosion du substrat (Bentley, 2006; Koch et al., 2007). Le strontium se substitute au calcium dans les tissus végétaux et animaux et son intégration n’entraine pas de fractionnement entre la source et le tissue (Flockhart et al., 2015). Par conséquent, le rapport isotopique en strontium mesuré dans les tissus des animaux représente directement celui de la zone géologique où l’animal a pâturé pendant la formation du tissu.
Ainsi, le 87Sr/86Sr mesuré dans les tissus biologiques peut être utilisé pour déterminer la provenance géologique d’origine. En archéologie, les profils de séries temporelles de 87Sr/86Sr de l’émail des dents d’ongulés, échantillonnées séquentiellement par fraisage, ont été souvent utilisées pour enquêter sur l’origine géographique et la mobilité saisonnière du bétail en comparant les variations de 87Sr/86Sr avec les variations spatiales de 87Sr/86Sr au sein de la zone d’étude, permettant ainsi d’estimer l’emplacement du bétail à différents moments de sa vie (p. ex. Bendrey et al., 2009; Chase et al., 2018; Makarewicz et al., 2018; Towers et al., 2010). Cette méthode a également été appliquée sur des animaux sauvages (p. ex. Britton et al., 2009; Copeland et al., 2016; Gigleux et al., 2019). Bien souvent, l’interprétation des valeurs isotopiques se limite à définir si un individu est ‘local’ ou ‘non local’. Bien que ces études aient permis d’éclaircir d’importantes questions archéologiques, la cinétique de l’incorporation du rapport isotopique du Sr de l’environnement dans l’émail dentaire pendant sa minéralisation est encore mal comprise (Montgomery et al., 2010), du fait des rares expérimentations avec une alimentation contrôlée (Anders et al., 2019; Lewis et al., 2017), limitant la précision temporelle des estimations de la mobilité. De plus, l’échantillonnage séquentiel par fraisage collecte l’émail perpendiculairement à l’axe de croissance sur toute l’épaisseur de l’émail, amenant à réaliser une moyenne temporelle (~3-4 mois chez les moutons et chèvres) et à amortir le signal isotopique par rapport aux variations isotopiques de l’environnement éprouvées par l’animal (Balasse, 2002; Blumenthal et al., 2014; Passey and Cerling, 2002; Zazzo et al., 2012, 2010). Cette méthode classique d’échantillonnage peut ne pas convenir pour suivre une mobilité fréquente des troupeaux. De plus, le rapport isotopique du strontium peut s’avérer difficile à interpréter dans les zones montagneuses à cause d’une géologie potentiellement complexe et variée amenant à de fortes ou de faibles variations dans la distribution de strontium biodisponible. Ces fortes ou faibles variations peuvent masquer les mouvements de petite échelle typiques de la mobilité pastorale verticale et être masquées par le processus de minéralisation de l’émail dentaire.
Malheureusement, peu d’études ont évalué la représentativité des profils de variations de 87Sr/86Sr dans l’émail des dents, par rapport au schém de mobilité, en travaillant sur des animaux d’élevage dont la mobilité est connue et les variations de 87Sr/86Sr de leur environnement immédiat déterminées. De rares études réalisées sur des animaux sauvages migrateurs modernes, dont les lieux de reproduction et d’hivernage étaient connus, ont toutefois montré que le strontium peut être un outil fiable pour détecter la migration saisonnière des troupeaux sauvages, et que les valeurs de 87Sr/86Sr des dents correspondent à celles attendues dans les zones d’habitat saisonnier (Britton et al., 2009; Glassburn et al., 2018). Mais, alors que les résultats isotopiques suggèrent des histoires de vie différentes pour les membres des troupeaux, les informations précises sur la mobilité géographique au niveau individuel n’étaient pas disponibles dans ces études (Britton et al., 2009 ; Glassburn et al., 2018). Ceci peut s’expliquer par les coûts relativement plus élevés et plus complexes des méthodes de préparation et d’analyse des isotopes du strontium par rapport aux autres systèmes isotopiques.

Le δ18O et la mobilité

Les approches se basant sur le δ18O pour examiner le mouvement des animaux s’appuient sur les variations géospatiales dans la distribution de la composition isotopique de l’eau météorique. La composition isotopique de l’oxygène des tissus biologiques reflète le δ18O de l’eau ingérée, provenant de l’eau météorique essentiellement, mais également de l’eau des plantes. Les rapports de 18O et 16O de l’eau sont influencés par de nombreux processus environnementaux via des fractionnements isotopiques (c-à-d une séparation des isotopes lourds et légers), donnant pour chaque zone une signature isotopique typique (Figure 2)
Le δ18O de l’eau est influencé par les températures, le niveau d’aridité, la quantité de précipitation, l’altitude et la continentalité (Dansgaard, 1964; Gat, 1996; Pederzani and Britton, 2019; Rozanski et al., 1993), des facteurs qui doivent être pris en compte lors de la construction d’ensembles de référence isotopiques. La latitude et l’altitude sont deux paramètres qui font varier le δ18O des précipitations en lien direct avec la température de surface. L’augmentation de l’altitude tout comme le passage des basses latitudes vers les hautes latitudes s’accompagnent d’une baisse progressive de la température de l’air. Cette baisse de la température entraine une condensation de la vapeur d’eau et provoque des précipitations qui continue au fur et à mesure de la baisse de température et qui sont associées à des valeurs de δ18O de plus en plus négatives. On observe donc une diminution du δ18O en s’éloignant de l’équateur (Fricke and O’Neil, 1999; Rozanski et al., 1993) ou avec l’augmentation de l’altitude (Gat, 1996; Gonfiantini et al., 2001; Poage and Chamberlain, 2001a). Cependant, la relation entre altitude, latitude et le δ18O des précipitations varie selon la géographie, la topographie et les conditions spécifiques de chaque région (Kern et al., 2014; Poage and Chamberlain, 2001b; Rozanski et al., 1993).

Couplage du δ13C avec le δ18O pour détecter la mobilité altitudinale

Récemment, plusieurs auteurs se sont intéressés à l’utilisation conjointe des variations de la composition isotopique de l’oxygène et du carbone dans l’émail dentaire des ongulés, sauvages et domestiques, dans le but d’identifier une mobilité verticale caractérisée par une utilisation des pâtures d’altitude en été et des pâtures de plaine en hiver (Fisher and Valentine, 2013; Knockaert et al., 2018; Makarewicz, 2017; Makarewicz et al., 2017; Tornero et al., 2018, 2016).
Généralement, une covariation entre les profils de δ13C et de δ18O mesurés dans l’émail dentaire est attendue pour des herbivores stationnaires dans des environnements tempérés et semi-arides (Balasse et al., 2009, 2002; Fraser et al., 2008) avec des valeurs élevées durant la saison chaude et des valeurs basses durant la saison froide (Figure 4A). Cependant, une anticovariation (Figure 4B) entre les variations intra-dent des valeurs de δ13C et de δ18O a été observée dans plusieurs cas (Fisher and Valentine, 2013; Makarewicz et al., 2018, 2017; Makarewicz and Pederzani, 2017; Tornero et al., 2018, 2016). Cette anticovariation a été interprétée comme reflétant une mobilité entre des pâtures d’altitude durant l’été, où la proportion de plantes en C4 dans l’alimentation est plus faible, et des pâtures d’hiver en plaine, où il y a une plus forte proportion de plantes en C4 dans le régime alimentaire. Cette explication a été proposée pour décrire des schémas de mobilité aussi bien chez des ongulés sauvages (Fisher and Valentine, 2013; Tornero et al., 2016) que domestiques (Makarewicz, 2017; Makarewicz et al., 2017; Tornero et al., 2018).
Cependant, dans le cas de systèmes pastoraux, une deuxième interprétation a été proposée. Celle-ci suggère une intervention de l’homme dans le régime alimentaire des animaux, par la distribution de fourrage. L’augmentation des valeurs de δ13C pendant l’hiver serait le résultat de la distribution de fourrage riche en C4 récolté pendant l’été. Une étude le documente sur le bétail moderne (Makarewicz and Pederzani, 2017) et cette interprétation a été utilisée pour décrire des pratiques pastorales passées (Makarewicz and Tuross, 2006; Makarewicz, 2017; Makarewicz et al., 2018; Winter-Schuh, 2017).
Ces interprétations conflictuelles sont en partie dues à la rareté des ensembles de données de référence modernes. Seules deux études ont exploré l’influence du fourrage (Makarewicz and Pederzani, 2017) et de la mobilité altitudinale (Tornero et al., 2018) sur des animaux modernes mais n’impliquant que peu d’individus et sans qu’il n’y ait de groupe contrôle (c’est-à-dire non nourri ou sédentaire).

Influence de l’altitude sur le δ15N

Les isotopes de l’azote, qui sont typiquement utilisés pour étudier les changements de niveaux trophiques des régimes alimentaires des mammifères (entre carnivores et herbivores), sont aussi utiles pour étudier les variations du régime alimentaire au sein des herbivores (Balasse and Tresset, 2002; Makarewicz, 2015, 2014; Sponheimer et al., 2003b). Les valeurs de δ15N des tissus des herbivores sont déterminées en partie par la composition en azote des plantes ingérées par l’animal qui, elle, est influencée par les conditions climatiques. Notamment, il existe une corrélation positive entre le δ15N et la température (Amundson et al., 2003; Martinelli et al., 1999), et une corrélation négative entre le δ15N et la disponibilité en eau (dont les précipitations) (Handley et al., 1999; Hartman and Danin, 2010; Murphy and Bowman, 2009). Plusieurs études ont ainsi documenté une diminution des valeurs de δ15N des sols et des plantes en fonction de l’altitude (Amundson et al., 2003; XianZhao Liu et al., 2010; Liu and Wang, 2010; Männel et al., 2007; Szpak et al., 2013). Cette tendance est attribuée à de plus faibles températures et des précipitations plus importantes à haute altitude (Amundson et al., 2003; Garten, 1993; Handley et al., 1999; Liu et al., 2007; Liu and Wang, 2010). En revanche, Yi et al. (2006) et Vitousek et al. (1989) ont obtenu une tendance à l’augmentation avec l’altitude. Mais des tendances plus complexes ont également été observées. Ainsi, dans les Andes, Szpak et al. (2013) précisent que la relation entre δ15N et altitude disparait quand l’altitude est supérieure à 2000 m et que les précipitations annuelles sont supérieures à 400 mm. Et Liu et al. (2010), dans les monts Dongling au nord de Pékin, ont observé en dessous de 1350 une corrélation négative entre le δ15N des plantes et l’altitude, et influencée par les précipitations ; et au-dessus de 1350 une corrélation positive et influencée par les températures.
Ces différentes relations avec l’altitude peuvent varier selon les espèces de plantes, surement en raison de différents processus d’incorporation de l’azote, que l’on ne détaillera pas ici. Cette complexité est expliquée par le fait que l’azote des sols est affecté par les processus physiologiques et biogéochimiques des plantes et pas seulement par le microhabitat local (Craine et al., 2015, 2009). Les mécanismes de variation altitudinale du δ15N restent ainsi incertains. Toutefois, Männel et al. (2007) ont pu montrer que si une relation entre le δ15N des plantes et l’altitude est observée alors celle-ci s’enregistre dans les tissus des animaux (poils du bétail dans leur étude). Cependant, encore peu d’études ont essayé d’utiliser les valeurs de δ15N des tissus des animaux pour retracer leur mobilité altitudinale (p. ex. Dufour et al., 2014; Samec et al., 2018).

Isotopes stables et mobilité : synthèse

Chaque système isotopique (δ13C, δ15N, δ18O, 87Sr/86Sr) a un potentiel pour inférer la mobilité des animaux, quelle soit longitudinale ou altitudinale. Les études utilisant le rapport isotopique du strontium, seul système ne dépendant que de la géographie, sont de plus en plus nombreuses, mais beaucoup sont contraintes par des échelles d’analyses grossières, limitant les interprétations sur les origines ‘locales’ ou ‘non locales’ des individus échantillonnés, sans pouvoir réfléter les schémas de mobilité qui peuvent être complexes, même à une échelle locale. Le δ18O, seul, semble limité pour définir des mobilités pastorales qui ne se déroulent pas nécessairement sur des grandes échelles et avec des mobilités très rapides. Son association avec le δ13C, ou même le δ15N, peut aider à inférer une exploitation des pâtures d’altitude et donc une mobilité altitudinale saisonnière. Cependant, l’interprétation d’une telle mobilité se restreint souvent à deux mouvements dans l’année (été et hiver) sans pouvoir réussir à refléter l’existence de campements intermédiaires ou encore d’autres formes de mobilité plus complexes. De plus, les nombreuses études s’appuient sur les différences du δ13C entre les plantes en C3 et C4 alors que de nombreux environnements pastoraux sont essentiellement composés de plantes en C3 avec une variabilité des valeurs de δ13C plus faible. Pour définir précisément les modes de mobilité des sociétés pastorales anciennes, il est nécessaire de connaître les variations isotopiques spatiales du paysage afin d’utiliser les systèmes isotopiques appropriés. De plus, à ce jour, seul un petit nombre d’études basé sur du matériel des animaux domestiques modernes ont développé et évalué les méthodes isotopiques avant de les appliquer à des échantillons de faune archéologique afin d’explorer leur mobilité. Ces quelques études ne permettent pas de couvir tous les environnements, où la mobilité pastorale a lieu, mais également ne permettent pas de couvir la complexité et la variété des modes de mouvement utilisés dans les nombreuses sociétés pastorales.

Les isotopes stables : indicateurs de la saison d’abattage

Comme nous l’avons mentionné précédemment, le moment et le rythme de l’abattage des animaux domestiques, ou même sauvages, sont des paramètres importants pour comprendre les interactions entre les hommes et leur environnement, la gestion de leurs troupeaux, mais également la saisonnalité d’occupation d’un site. Actuellement, les approches utilisant les restes des animaux pour estimer une saison d’abattage reposent très rarement sur l’analyse des isotopes stables.
Brièvement parlant, les approches communément utilisées analysent les dents et se basent soit sur (i) le stade d’éruption dentaire et les schémas d’usure dentaire, (ii) la cémentochronologie, l’analyse histologique du cément dentaire qui se dépose en couches périodiques (i.e. alternance de bandes claires et sombres) ou (iii) la micro-usure dentaire. Ces méthodes ont leurs avantages, mais également leurs limites, notamment le recours à des hypothèses de base couteuses comme avoir la connaissance de la période de naissance dans le cas de la méthode (i) ou du type de plantes consommé pour la méthode (ii). De plus, toutes ces méthodes ne permettent d’estimer la période de mort souvent que de manière large, de l’ordre de la demi-année ou au mieux de la saison sans pouvoir différencier finement des animaux morts au sein d’une même saison.
L’approche isotopique peut être utilisée pour aborder cette question de temporalité d’abattage en se basant sur les isotopes stables d’émail dentaire échantillonnée séquentiellement, cette méthode se base sur la variabilité saisonnière des compositions isotopiques de l’oxygène (Fricke and O’Neil, 1996; Koch et al., 1989). L’approche a d’abord été utilisée sur les défenses de proboscidiens, des dents à croissance continue poussant tout au long de la vie de l’animal, en s’intéressant à l’allure du profil des variations de δ18O dans la partie de la dent la plus récemment formée (Koch et al., 1989). Ainsi, un profil avec une diminution des valeurs du δ18O correspond à un individu mort en hiver. À l’inverse, une séquence, dont les valeurs à la base de la dent augmentent, est reflète un individu mort en été. Cette méthode a été étendue aux dents hypsodontes des ongulés herbivores, qui sont des dents à croissance prolongée. À cet effet, seules des dents en cours de minéralisation (i.e. phase d’apposition) à la mort de l’animal peuvent être analysées car une fois que la dent a fini de se former, l’émail est inerte et le signal isotopique environnemental ne s’incorpore plus. Quelques études se sont ainsi basées sur les analyses de δ18O de dents immatures, particulièrement l’allule de la fin des profils, pour déterminer si certains d’assemblages archéologiques se sont formés suite à un évènement catastrophique ou par attrition (Julien et al., 2015; Knipper et al., 2008). Toutefois, ces études sont également restées sur une approche qualitative (été vs hiver ; comparaison interindividuelle relative) de la détermination de la saison de mort des animaux sans pouvoir estimer de différences fines dans la saison de mort entre des animaux dont la tendance des profils isotopiques se ressemble.
Une détermination numérique de la période de mort, avec une erreur associée, se basant sur les profils saisonniers des valeurs de δ18O est possible. En effet, Balasse et al. (2017, 2012) ont mis au point une méthode se basant également sur la séquence du cycle saisonnier enregistrée dans les deuxièmes molaires (dent dont la croissance débute à la naissance) afin de déterminer la période de naissance de l’animal avec une précision de l’ordre de quelques mois. L’estimation se fait via une modélisation de la séquence saisonnière sinusoïdale, en calculant le rapport entre la position (en mm) de la valeur optimale du δ18O sur la couronne dentaire et la période du cycle saisonnier. Une méthode similaire pourrait être utilisée pour estimer numériquement, avec une erreur associée, la période de mort des animaux à partir de la séquence saisonnière du δ18O enregistrée dans l’émail dentaire et cela avec une meilleure résolution que les méthodes précédemment citées. Toutefois, la méthode isotopique ne pourrait remplacer complètement les autres méthodes, car celle-ci ne peut s’effectuer que sur des dents en cours de croissance, limitant le nombre d’individus analysables. La mise en place d’une telle méthode requiert la constitution d’un jeu de donnée moderne avec des individus morts à différentes périodes de l’année et dont les dents sont en cours de croissance à la mort de l’animal. pour chaque espèce du fait des variations interspécifiques dans le processus de minéralisation des dents (Green et al., 2017; Hoppe et al., 2004; Zazzo et al., 2005).

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Table des matières

PARTIE I – INTRODUCTION GÉNÉRALE
Chapitre 1 – Généralités sur le pastoralisme extensif et la gestion des troupeaux
Chapitre 2 – L’apport des isotopes stables pour comprendre la gestion des troupeaux passés
2.1. Introduction aux isotopes stables et généralités
2.2 Principaux tissus biologiques étudiés : formation et enregistrement du signal
2.2.1 L’émail dentaire
2.2.2 La kératine des poils
2.3 Les isotopes stables : indicateurs de la mobilité
2.3.1 Le 87Sr/86Sr et la mobilité
2.3.2 Le δ18O et la mobilité
2.3.3 Influence de l’altitude sur le δ13C
2.3.4 Couplage du δ13C avec le δ18O pour détecter la mobilité altitudinale
2.3.5 Influence de l’altitude sur le δ15N
2.3.6 Isotopes stables et mobilité : synthèse
2.4 Les isotopes stables : indicateurs de la saison d’abattage
Chapitre 3 – Objectifs et cadre d’étude
PARTIE II – RETRACER LA MOBILITÉ DU BÉTAIL
Chapitre 4 – Suivi de la mobilité altitudinale par l’analyse isotopique (δ13C et δ15N)
des crins de chevaux
4.1 Résumé de l’étude
4.2 Introduction
4.3 Experimental
4.3.1 Study area and sample collection
4.3.2 Hair sample preparation and stable isotope ratio analysis
4.3.3 Data Analysis
4.3.3.1 GPS-based inference mobility
4.3.3.2 Isotopically-based inference of mobility
4.3.3.3 Testing the effects of mobility and the environment on isotopic values.
4.4 Results
4.4.1 Altitudinal mobility inferred by GPS
2.4.2 Tail hair carbon and nitrogen isotope ratios
4.4.3 Correlation between isotopic shifts and altitudinal mobility
4.4.4 Factors influencing carbon and nitrogen stable isotopes
4.5 Discussion
4.5.1 Time assignment and resolution of the isotopic record
4.5.2 Environmental control on variations in δ13C hair values
4.5.3 Environmental control on seasonal variation in hair δ15N values
4.6 Conclusion
Chapitre 5 – Identifier la mobilité et l’exploitation altitudinale par l’analyse isotopique (δ13C et δ18O) de l’émail des dents
5.1 Résumé de l’étude
5.2 Introduction
5.3 Materials
5.3.1 Burgast: topography, climate and vegetation
5.3.2 Plant materials
5.3.3 Geolocalised animal reference set
5.3.4 Non-geolocalised horse specimens
5.4 Methods
5.4.1 Estimation of tooth formation period and tooth selection
5.4.2 GPS-based inference of mobility
5.4.3 Isotopic analysis of plant material
5.4.4 Tooth sample preparation and isotopic measures
5.4.5 Isotopic data treatment and statistical methods
5.5 Results
5.5.1 The GPS record of caprines’ mobility
5.5.2 Plant δ13C values
5.5.3 δ18O values of tooth enamel
5.5.4 δ13C values of horses and caprines
5.5.5 Co-variations between δ13C and δ18O values
5.6 Discussion
5.6.1 Influence of altitudinal mobility / residency on δ18O values of livestock
5.6.2 Influence of altitudinal mobility / residency on δ13C values of livestock
5.6.3 Relationship between δ13C, δ18O and altitudinal mobility
5.7 Conclusion
Chapitre 6 – Identifier une mobilité haute-fréquence via l’analyse du 87Sr/86Sr dans l’émail des dents de caprinés
6.1 Résumé de l’étude
6.2 Introduction
6.3 Materials
6.3.1 Climate and environment
6.3.2 Caprine GPS tracking and tooth specimens
6.3.3 Plant sampling to model bioavailable strontium isoscape
6.4 Methods
6.4.1 GPS-based inference of mobility
6.4.2 Plant 87Sr/86Sr ratio analysis: dissolution method ICP-MS
6.4.3 Geospatial modelling of the strontium isoscape
6.4.4 Enamel 87Sr/86Sr ratio analysis: laser ablation method ICP-MS
6.4.5 Intra-tooth modelling of 87Sr/86Sr ratios based on bioavailable signal
6.4.6 Time calibration of measured intra-tooth 87Sr/86Sr profiles
6.5 Results
6.5.1 Mobility patterns of caprines inferred by GPS monitoring
6.5.2 Bioavailable 87Sr/86Sr and geospatial modelling of strontium isoscape
6.5.3 Strontium isotope variations in tooth enamel
6.5.4 Modelled vs measured intra-tooth 87Sr/86Sr ratios
6.6 Discussion
6.6.1 Accuracy of LA-MC-ICP-MS measurements
6.6.2 Bioavailable strontium isoscape
6.6.3 Implications of intra and inter-individual variability of 87Sr/86Sr ratio for the distinction between local and non-local individuals
6.6.4 Modelled vs measured intra-tooth 87Sr/86Sr ratio
6.7 Conclusion
Chapitre 7 – Origine et mobilité des chevaux de l’âge du Bronze et de la période Türk du site de Burgast (Altaï, Mongolie) par une approche multi-isotopique (C, O, Sr)
7.1 Résumé de l’étude
7.2 Introduction
7.3 Materials
7.3.1 The archaeological site of Burgast and the horse specimens
7.3.1.1 The khirgisuur and the Bronze Age horses
7.3.1.2 The horse from the Turkic period
7.3.2 The ‘local’ isotopic baseline
7.4 Methods
7.4.1 Carbon and oxygen isotopic analysis
7.4.2 Enamel 87Sr/86Sr ratio analysis: LA-MC-ICP-MS
7.4.3 Estimation of highland occupation and altitudinal mobility
7.5 Results
7.5.1 Oxygen isotopes
7.5.2 Carbon isotopes
7.5.3 Correlation between δ18O and δ13C variations
7.5.4 Strontium isotopes
7.6 Discussion
7.6.1 Deciphering the geographical origin of the horses
7.6.2 Landscape use since the Bronze Age
7.7 Conclusion
PARTIE III – DETERMINER LA SAISON D’ABATTAGE
Chapitre 8 – Mise en place d’un référentiel moderne pour estimer la saison d’abattage par l’analyse du δ18O de l’émail dentaire
8.1 Résumé de l’étude
8.2 Introduction
8.3 Materials
8.3.1 Modern reference set
8.3.2 Archaeological samples
8.4 Methods
8.4.1 Tooth enamel sampling and isotope analysis
8.4.2 Modelling sequential δ18O series and inferences of the slaughter date
8.4.3 Age estimation of the archaeological goats
8.5 Results and Discussion
8.5.1 Inter- and intra-individual variability in the δ18O sequences of the modern reference set
8.5.2 Accuracy of the modelled DOD
8.5.3 Archaeological application
8.5.3.1 Estimation of the date of death
8.5.3.2 Seasonality of birth
8.5.4 Physiological, ecological and environmental limits of the method
8.6 Conclusion
Chapitre 9 – Estimation de la période de mort des chevaux de l’âge du Bronze retrouvés en contexte funéraire et rituel
9.1 Résumé de l’étude
9.2 Introduction
9.3 Materials
9.3.1 The archaeological site of Burgast and the Bronze Age horses
9.3.2 The modern horses
9.4 Methods
9.5 Results
9.5.1 The modern horses
9.5.2 The Bronze Age horses
9.6 Discussion
9.6.1 The oxygen isotope record of the season of death of the modern horses
9.6.2 Season of death of the Bronze Age horses
9.7 Conclusion
PARTIE IV – CONCLUSION GÉNÉRALE
RÉFÉRENCES

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