Les composantes du climat ouest africain
D’un point de vue synoptique, le continent africain constitue, de par sa position géographique, une source importante de chaleur entrant dans le transport méridien d’énergie des basses latitudes vers les moyennes latitudes. Ce moteur de la circulation méridienne a donc un impact direct sur le climat planétaire. Un exemple de cet impact mettant en jeu des énergies colossales (relatif au transport d’énergie sur la planète) est la corrélation établie entre la variabilité interannuelle des précipitations ouest sahéliennes et celle des cyclones tropicaux intenses de l’Atlantique Nord (Landsea et Grey, 1992). Plusieurs régimes climatiques caractérisent le continent africain mais depuis les années 70, c’est surtout l’Afrique de l’Ouest qui semble être l’une des plus touchées par les périodes de sécheresse . Cette figure ainsi que les récents travaux de Le Barbé et al. (2002) – illustrent également le fait que ce phénomène ne se limite pas aux régions les plus arides (Sahel) mais touche aussi les zones climatiques plus humides du sud de l’Afrique de l’ouest.
Ces sécheresses à répétition et ses impacts sur l’agriculture et les populations humaines ont entraîné un nombre important d’études scientifiques concernant l’Afrique de l’ouest et son régime de précipitation directement relié à un régime de mousson. La dénomination Mousson d’Afrique de l’Ouest (MAO) s’est donc imposée pour caractériser la saisonnalité des précipitations sur cette partie du continent et nous verrons par la suite qu’il ne s’agit pas d’un abus de langage.
La variabilité spatio-temporelle des précipitations semble donc être importante tandis que la répartition zonale des cumuls annuels de pluie reste remarquable . Entre le cœur du Sahara et la région Guinéenne côtière, la différence des hauteurs de précipitation peut atteindre 4000mm. Plus localement, en zone Sahélienne, les isohyètes moyennes des pluies annuelles cumulées sont approximativement parallèles aux latitudes et sont organisées de manière croissante du nord au sud avec un gradient méridien approximatif de 1mm/km. Considérant l’importance de ces gradients, une faible variation de la limite septentrionale des plus faibles pluies peut avoir un impact direct sur la limite entre la zone désertique et la zone semi-aride (zone Sahélienne). Cette dernière apparaît donc comme un indicateur sensible à la variabilité des conditions climatiques.
Le vecteur de cette variabilité spatio-temporelle des précipitations semblerait être lié à une modulation de la MAO. Mais avant d’entrer plus en détail dans les causes possibles de cette modulation, nous nous devons de justifier l’utilisation du terme mousson et d’en rappeler les principales caractéristiques.
La mousson d’Afrique de l’Ouest (MAO)
D’une manière très générale, le terme mousson de l’arabe mauism qui signifie saison, désigne un phénomène saisonnier de régime de vent se développant au dessus des régions intertropicales, de l’océan vers le continent durant l’été boréal (mousson d’été) et du continent vers l’océan durant l’hiver boréal (mousson d’hiver). Ce phénomène possède une périodicité d’un an environ et la régularité de ces deux modes successifs se retrouve aux échelles interannuelles, décennales et centennales, et est l’une des particularités remarquables de la mousson. Cette dynamique des vents est associée, durant la mousson d’été, à des précipitations abondantes alors que durant la mousson d’hiver, un air sec est généralement advecté en provenance de régions septentrionales. Ceci représente une autre particularité remarquable de la mousson, à savoir un été très humide (l’ensemble des cumuls annuels de précipitation est réalisé pendant cette période) et un hiver sec avec de faibles précipitations.
La zone de convergence intertropicale (ZCIT) constitue un bon indicateur des variations saisonnières du régime des vents de mousson. En effet, cette zone est, comme son nom l’indique, la zone où convergent les alizés des deux hémisphères (alizés venant du nord-est dans l’hémisphère nord et venant du sud-est dans l’hémisphère sud). Les vents de sud (dans l’hémisphère nord) transportant souvent des masses d’air très humides et chaudes forment, par convection, la branche ascendante des cellules de Hadley. Comme indiqué précédemment, la ZCIT évolue en même temps que la mousson et subit des oscillations saisonnières de position (vers le nord en été et vers le sud en hiver). Ainsi, la zone de convergence des alizés ne se positionnant pas forcément sur l’équateur, les vents de sud-est qui traversent l’équateur en été se transforment sous l’action de la force de Coriolis en vents portant au nord-est et, inversement en hiver, les vents de nord-est finissent par porter au sud-est après le passage de l’équateur. La surface océanique joue par ailleurs un rôle primordial du fait du gradient thermique saisonnier entre continent et océan. L’océan étant une composante climatique lente par rapport à l’atmosphère et au continent, ces deux derniers se réchauffent (en été boréal) ou se refroidissent (en hiver boréal) rapidement, entraînant ainsi des gradients thermiques importants entre le continent et l’océan. Ces gradients influencent largement les alizés dans les zones continentales en imposant des circulations des zones les plus froides vers les zones les plus chaudes. La mousson est un phénomène propre aux régions intertropicales telles l’Asie du Sud, l’Asie du Sud-est, la Nouvelle Guinée, l’Australie et bien sûr l’Afrique de l’Ouest qui rassemble toutes les caractéristiques décrites ci-dessus :
– oscillation saisonnière de la ZCIT
– déviation des vents après passage de l’équateur et renforcement de ceux-ci par les gradients thermiques continent/océan
– régime bimodal des précipitations : forte précipitation en été, hiver sec Le terme de mousson d’Afrique de l’Ouest (MAO) caractérisant le régime climatique de cette région ne semble donc pas usurpé.
La MAO et ses composantes
Particularités de la MAO
La configuration de la partie ouest du continent Africain est unique car orientée parallèlement à l’équateur et donc approximativement perpendiculairement au flux nord-sud de mousson. La MAO est localisée aux basses latitudes de l’hémisphère nord (jusqu’à 15°N). Elle est saisonnière (approximativement entre mars et septembre) et est caractérisée par un régime pluviométrique qui présente une importante variabilité spatio-temporelle (Lebel et al., 2000). La variabilité spatiale est majoritairement associée à la nature convective des pluies alors que la variabilité temporelle peut être reliée au cycle saisonnier et aux perturbations d’échelles synoptiques.
La saison des pluies se compose de trois phases distinctes (Le Barbé et al., 2002): (i) la phase dite d’installation, en mai et juin, qui est caractérisée par une extension de la zone pluvieuse de la côte vers l’intérieur du continent, (ii) la pleine période de précipitation (juillet à septembre) débutant par un « saut abrupt » du centre de la bande de maximum de précipitation de 5°N à 10°N (Sultan et Janicot, 2000), (iii) la phase de retrait durant laquelle les pluies diminuent et la bande comprenant les précipitations maximales se retire progressivement vers le sud entre les mois de septembre et novembre. La dynamique associée à ce régime de la MAO peut se décomposer en quatre régimes de vents : (i) le flux de sud-ouest dans la basse troposphère ; (ii) le jet d’est africain (JEA) de la troposphère moyenne pouvant être relié à un vent thermique associé à un gradient thermique continental (Cook, 1999), se développant entre juin et septembre ; (iii) le jet d’est tropical (JET) localisé entre 5°N et 10°N associé à la puissante mousson asiatique ; (iv) le jet d’ouest subtropical (JOST) de juin à septembre localisé entre 30°N to 35°N. Comme il a été suggéré au paragraphe 1-1, la MAO comme les autres moussons appartient à un système comprenant trois composantes climatiques :
– les surfaces océaniques
– les surfaces continentales
– l’atmosphère
Ces 20 dernières années, de nombreuses études ont été réalisées pour améliorer la compréhension de l’influence de ces trois composantes sur la variabilité de la MAO et plus particulièrement sur le régime pluviométrique qui lui est associé. Ainsi des études fondées sur des observations ou des résultats de modélisation (ou les deux) ont pour certaines montré que la Température de Surface Océanique (TSO) de l’océan global (Folland et al., 1986; Janicot et al., 1996), les conditions de surface continentale (Nicholson, 1989; Cook, 1994) et la circulation générale ont une influence sur la MAO. Ainsi, un changement du couvert végétal, de l’évapotranspiration, de l’albédo, de l’humidité du sol ou de la TSO peut entraîner des modifications de flux entre les différentes composantes climatiques qui peuvent à leur tour influencer les précipitations.
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Table des matières
RÉSUMÉ
PREAMBULE
CHAPITRE I INTRODUCTION
1 Les composantes du climat ouest africain
1.1 La mousson d’Afrique de l’Ouest (MAO)
1.2 La MAO et ses composantes
1.2.1 Particularités de la MAO
1.2.2 Vers un couplage
1.2.3 La zone de couplage
1.2.4 La période d’étude : l’année 1984
2 Enjeux et problématique scientifiques
2.1 Proposition d’un cahier des charges
2.2 Problématique technique : le pari technologique
CHAPITRE II INFLUENCE DE LA COMPOSANTE OCEANIQUE
Préambule
Precipitation sensitivity to regional SST in a regional climate simulation during the
West African monsoon for two dry years. Climate Dynamics (2004) 22: 249-266
Abstract
1 Introduction
2 Model descriptions
2.1 The RCM
2.2 Simulation domain and periods
2.3 SST data set
2.4 Experimental protocol
3 Validation of the control experiments
3.1 Seasonal cycle
3.1.1 Year 1983
3.1.2 Year 1984
3.2 Spatial distribution of rainfall
3.3 Atmosphere water content and dynamics
4 Y83SST84 experiment
5 Conclusions
6 Conclusions du Chapitre II
CHAPITRE III COUPLAGE DES COMPOSANTES ATMOSPHERIQUE ET CONTINENTALE
Préambule
PARTIE III-1 : Expériences forcées de référence. Validation des modèles
atmosphérique et hydrologique sur la zone de couplage : bassin de la Sirba, BurkinaFaso/Niger
A Regional modelling of the interactions between atmosphere and land surface
applied to the West African monsoon. Part I: Atmospheric forcing of the hydrologic
model of the Sirba basin, Burkina Faso/Niger. Climate Dynamics. Soumis
Abstract
1 Introduction
2 The coupling components
2-1 The atmospheric component – Use of a Regional Climate Model
2.2 The vegetation component – Use of a SVAT model: SISVAT
2.3 The hydrologic model ABC
3 Period, atmospheric and hydrologic domains
3.1 Period of the study
3.2 Atmospheric domain
3.3 Hydrologic domain
3.4 Data for validation
4 The forced atmospheric experiment
4.1 Spatial distribution of annual rainfall over the entire West Africa
4.2 Seasonal cycle
4.3 Simulated monsoon dynamics
4.4 Water balance
5 The forced hydrologic experiment
5.1 Geometrical parameters
5.2 Soil hydrodynamic parameters
5.3 Simulated discharge using the observed precipitation
5.3.1 Modelling the temporal disaggregation of precipitation
5.3.2 Validation of the rainfall temporal disaggregation scheme
5.3.3 Impact of the spatial representation of precipitation
5.4 Simulated discharge using the RCM-MAR precipitation
6 Conclusions
PARTIE III-2 : Echange d’informations au travers des différents maillages associés
aux modèles
1 Introduction
2 Les maillages
3 Géodésie, coordonnées et cartographie
3.1 Le datum géodésique
3.2 Le système de coordonnées et la cartographie
4 Système de projection et positionnement
4.1 Nature de la surface Si
4.2 Système de coordonnées et métrique du plan Si
4.2.1 Le quadrillage et la projection universelle transverse de Mercator
4.2.2 Un dérivé de la projection UTM : UTM à centre de projection variable
5 Calcul de recouvrement de surface entre les mailles atmosphériques et les mailles
hydrologiques
6 Le logiciel IMETHY_PP
PARTIE III-3 : Couplage des composantes atmosphérique et continentale
A Regional modelling of the interactions between atmosphere and land surface
applied to the West African monsoon. Part II: Sensitivity analyses of a fully coupled
approach applied to the Sirba basin, Burkina Faso/Niger. Climate Dynamics
Soumis
Abstract
1 Introduction
2 How to couple legacy models
3 The coupling architecture components
4 Simulation domain and numerical experiments
5 Effects of the local SVAT-H module (E1 experiment)
6 The fully coupled experiment (E2) including the hydrologic model
7 A coupled experiment (E3) with a tuning of the hydrologic model
8 Discussion and conclusions
9 Conclusions du Chapitre III
CHAPITRE IV Conclusion
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