COUPES DE JARDINAGE

COUPES DE JARDINAGE

Problématique

Alors que l’écologie de la forêt boréale est bien documentée et que des méthodes d’aménagement écosystémique sont proposées pour cet écosystème (Bergeron, 2000; Bergeron et al., 2007; Bergeron et Harvey, 1997), on ne peut en dire autant de la forêt feuillue, qui est pourtant parmi les plus productives au Québec (Grondin, 1996; Archambault et al., 1998; Archambault et al., 2003; Archambault et al., 2006). En effet, peu d’études proposant des approches d’aménagement permettant de concilier l’économie, les valeurs sociales et la biodiversité y ont été réalisées. Cependant, les régimes de perturbations qui régissent ces forêts sont relativement bien connus (Doyon et Sougavinski, 2002; Brisson et al., 2009; Després et al., 20 14). On compte notamment les trouées (Nolet et al., 1999; Brisson et al., 2009), les chablis (Roy et al. , 2010), les feux (Bouchard et al., 2006; Drever et al., 2006) et les épidémies d’insectes, dont la tordeuse des bourgeons de l’épinette et la livrée des forêts (Nolet et al., 2001). La majorité de ces perturbations résulte en une structure de forêt inéquienne, ce qui pousse l ‘industrie à sélectionner des coupes irrégulières dans une perspective d’aménagement écosystémique. La coupe de jardinage est une intervention qui s’inspire de la dynamique des trouées de la forêt tempérée nordique et permet la création de sites de régénération grâce aux ouvertures dans le couvert forestier (Nyland, 2002; Prévost et al., 2012).

Dans un contexte d’aménagemet forestier durable, les coupes partielles semblent la meilleure option puisqu’elles permettent une récolte de bois tout en laissant un couvert forestier plus ou moins important dépendant du type de coupe partielle (Nyland, 2002; Comité d’expert sur les solutions, 2009). Une étude évaluant l ‘effet d’une coupe à diamètre limite en peuplement mixte dans le domaine de l’érablière à bouleau jaune a montré qu’il y a peu de changements dans la composition et la densité de la régénération à long terme dans les peuplements traités (Archambault et al., 2009). Il a été établi que la coupe de jardinage dans la forêt tempérée feuillue et dans la forêt boréale irrégulière semble être une alternative plus bénéfique pour les espèces d’oiseaux et de petits mammifères étudiés que d’autres coupes généralement appliquées dans ce type d’écosystème (Costello et al. , 2000; Le Blanc, 2009; LeBlanc et al., 2011). À l’opposé, les auteurs d’une étude portant sur l’impact à moyen et long termes de l’éclaircie commerciale sur l’habitat du lièvre d’Amérique en forêt boréale sont parvenus à une conclusion différente concernant l’utilisation des éclaircies commerciales en remplacement des coupes totales (Bois et al. , 2012). Une autre étude a montré que ce type de coupe partielle avait également un impact négatif sur la sélection d’habitats du tétras du Canada (Lycke et al., 2011). Donc, en fonction du domaine bioclimatique, de l’échelle de temps, du type de coupe partielle et des espèces étudiées, les effets des coupes peuvent différer.

État des connaissances

Par définition, une coupe partielle est une intervention visant la récolte d’une proportion d’un peuplement forestier (SCF, 2005). Donc, tout traitement préservant une partie du volume du peuplement peut être considéré comme une coupe partielle, bien que généralement la proportion de la surface terrière qui est récoltée se situe entre 30 et 90 % (Franklin et al., 1997). Cette proportion varie selon le type de coupe, qui est sélectionné en fonction de la structure et de la composition du peuplement (Franklin et al. , 1997; Smith et al., 1997). La coupe de jardinage est une coupe partielle adaptée aux forêts inéquiennes et qui peut se rapprocher des trouées naturellement rencontrées en forêt tempérée nordique (Nyland, 2002; Campbell et al., 2007). Depuis les vingt dernières années, c’est une coupe largement appliquée en forêt feuillue dans l’est de l’Amérique du Nord (Costello et al. 2000; Flaspohler et al. 2002; Gram et al. 2003; Doyon et al. 2005; Simons et al. 2006; Norris et al. 2009; Tozer et al. 2010) et elle est recommandée pour traiter les forêts privées (Nolet et al., 1998).

On compte quatre types de coupes de jardinage : la coupe de jardinage, la coupe de préjardinage, la coupe de jardinage par pied d’arbre ou groupe d’arbres et la coupe de jardinage par pied d’arbre ou par groupes d’arbres avec assainissement (Info forêt, 2008). De manière générale, ces coupes sont similaires. Cependant, quelques différences existent quant au nombre de tiges récoltées, à la surface terrière résiduelle, à la période de révolution et à la répartition des coupes dans le paysage. Par exemple, pour la coupe de jardinage par pied d’arbre ou groupes d’arbres, les tiges sélectionnées sont en bouquets plutôt que d’être dispersées dans le peuplement. Pour la coupe de jardinage par pied d’arbre ou groupes d’arbres avec assainissement, la qualité initiale des tiges du peuplement est moindre et les tiges malades ou qui ont une plus faible valeur économique sont coupées en priorité (Info forêt, 2008). Lors de la coupe de jardinage, l’intervention cible une récolte dispersée dans le peuplement d’un petit nombre d’arbres et d’une variété d’espèces et de tailles (DHP = 10 à 40 cm) (Desrochers, 2009; MRNF, 2003). En tout, de 25 à 35% de la surface terrière initiale du peuplement est récoltée (MRNF, 2003; Angers et al. , 2005).

La coupe de jardinage assure une régénération constante du peuplement en créant des trouées qui bénéficient rapidement à la régénération et augmentent le brout disponible pour les herbivores (Desrochers, 2009). De plus, elles maintiennent une structure complexe dans les peuplements en permettant aux strates herbacées et arbustives de se développer. Ces coupes ont pour but de favoriser la croissance des tiges d’avenir afin de les récolter après 20 à 25 ans (MRNF, 2003; Angers et al., 2005). Malgré les effets bénéfiques des coupes de jardinage sur les peuplements forestiers, ce type de traitement peut avoir des effets néfastes sur la faune. En effet, les arbres morts ou malades sont récoltés en priorité, ce qui réduit l’apport potentiel de bois mort sur pied et au sol (Thompson et al., 1995; Desrochers, 2009; MRNF, 2003). De plus, puisque les interventions dans un même peuplement ne sont séparées que de 20 ans (MRNF, 2003), les espèces sensibles aux perturbations anthropiques risquent d’abandonner complètement ces peuplements, faute d’avoir le temps de s’y ré-installer avant la prochaine intervention (Angers et al., 2005; Campbell et al., 2007; Holmes et al., 2012). Une étude portant sur la composition des populations d’oiseaux forestiers à moyen et long terme suggère que les oiseaux qu’on retrouve généralement dans les vieilles forêts n’auraient pas le temps de venir recoloniser les peuplements traités par coupe de jardinage avant la prochaine récolte laissant ainsi la place aux oiseaux qui préfèrent les peuplement en régénération (Hohnes et al., 20 12). Finalement, les coupes de jardinage diminuent le couvert latéral à court terme (Desrochers 2009), ce qui est défavorable aux espèces subissant un taux de prédation élevé (Guay, 1994; Potvin, 2006).

Dynamique des populations

L’aire de répartition du lièvre d’Amérique s’étend des forêts de l’Alaska jusqu’à Terre-Neuve. On retrouve l’espèce jusqu’au sud des États-Unis, dans les états de la Californie, du Nouveau Mexique et de la Caroline du Nord (Banfield, 1977; Chapman et Feldhamer, 1982). Il est présent au Québec jusqu’à la limite nordique des forêts (Alain, 1986; Ferron et al., 1996). Ce lagomorphe est reconnu pour être une espèce clé des forêts nord-américaines (Ferron et al., 1996) puisque la cyclicité de l’abondance de ses populations affecte un grand nombre de prédateurs, notamment le lynx du Canada (Lynx canadensis) (Brand et Keith, 1976; O’Donoghue et al., 1997; Ward et Krebs, 1985), la martre d’Amérique (Martes americana), le coyote (Canis latrans), le renard roux (Vulpes vulpes), l’autour des palombes (Accipiter gentilis) et le grand-duc d’Amérique (Bubo virginianus) (Boutin et al., 1995; O’Donoghue et al., 1997; O’Donoghue et al., 1998). Cependant, malgré son importance écologique, le lièvre a longtemps été négligé dans les plans d’aménagement à cause de sa vaste aire de répartition (Potvin et al., 2001). Or, la protection des espèces clés est essentielle à la survie des écosystèmes puisque leurs populations influencent un large spectre d’espèces dépendantes (Blanchette et al., 2003).

La dynamique des populations de lièvre suit un cycle d’environ 10 ans pendant lesquels les densités connaissent de grandes fluctuations (Dodds, 1960; Cary et Keith, 1979; Wolff, 1980; Vaughan et Keith, 1981). Ces cycles seraient causés par l’interaction de plusieurs facteurs, dont la disponibilité et la qualité de la nourriture, l’épaisseur de neige, la santé des individus et le taux de prédation (Hodges et al., 1999; Krebs et al., 2001; Etcheverry et al., 2005). Au Canada, les cycles de populations de lièvres fluctuent en amplitude et dans le temps selon un gradient longitudinal étant plus important près du centre de l’aire de répartition, mais également selon un gradient latitudinal (Keith, 1990). Bien que le manque de données pour l’Abitibi-Témiscamingue ne permettait pas à Godbout ( 1999) d’infirmer ou de confirmer la présence d’un cycle pour la région, des fluctuations dans la densité de la population auraient été observées et notées dans des carnets d’arpentage, suggérant qu’il y aurait un cycle de 7 ans (Vincent, 1995). Des données recueillies depuis 1998 par le secteur Faune du :Ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP) laissent croire que le lièvre aurait été au sommet de son cycle lors de la saison de piégeage des animaux à fourrure 2001-2002 en AbitibiTémiscamingue (FAPAQ, 2003; MRNF, 2005). Toujours selon les données recueillies lors suivis du lièvre du MFFP, il semble y avoir eu un sommet en 2006-2007, bien que ce ne soit pas conforme aux cycles de 8 à 10 ans habituels. Ces données ainsi que certains indicateurs comme la proportion de jeunes dans la récolte de lynx, suggèrent que la densité du lièvre était faible à l’hiver 2012.

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Table des matières

AVANT-PROPOS
TABLES DES MATIERES
LISTE DES FIGURES
LISTE DES TABLE AUX.
RÉSU1v1É
CHAPITRE! INTRODUCTION GÉNÉRALE
1.1 Problématique
1.2 État des connaissances
1.2.1 Coupe de jardinage
1.2.2 Le lièvre d’Amérique
1.3 Objectifs de l’étude et hypothèses de travail
CHAPITRE II IMPACTS À MOYEN ET LONG TERMES DES COUPES DE JARDINAGE SUR L’HABITAT D’HIVER DU LIÈVRE D’AMÉRIQUE (LEP US AMERICANUS) EN FORÊT TEMPÉRÉE NORDIQUE
2.1 Résumé
2.2 Introduction
2.3 Matériel et méthode
2.3.1 Aire d’étude
2.3.2 Sites d’échantillonnage
2.3.3 Utilisation de l’habitat..
2.3.4 Analyses statistiques
2.4 Résultats
2.4.1 Paramètres d’habitat..
2.4.2 Pistes de lièvre
2.4.3 Crottins de lièvre
2.4.4 Effet du temps depuis la coupe de jardinage
2.5 Discussion
2.5.1 Paramètres d’habitat affectant l’utilisation de l’habitat par le lièvre d’Amérique
2.5.2 Paramètres affectant la détection des pistes
2.5.3 Effet de la coupe de jardinage
2.6 Conclusion
CHAPITRE III CONCLUSION GÉNÉRALE
BIBLIOGRAPHIE POUR L’INTRODUCTION ET LA CONCLUSION GÉNÉRALES

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