Réfrigération secondaire et fluides frigoporteurs
La réfrigération secondaire utilisant des fluides frigoporteurs apparaît comme une technologie alternative aux systèmes à détente directe. Le froid y est produit dans un circuit primaire classique (compresseur, condenseur, détendeur, évaporateur) et il est distribué au moyen d’un second circuit contenant un fluide frigoporteur (voir la Figure 1)Ce système présente l’avantage de réduire sensiblement (-90%) la quantité de fluide frigorigène, le circuit de distribution secondaire ne contenant pas ce fluide. Par ailleurs, le circuit primaire est de plus petite taille, ce qui permet de le confiner et de mieux le contrôler pour éviter les fuites. Cette option permet d’envisager l’utilisation de fluides frigorigènes différents des HFC tel le NH3 ou le propane. Cependant, l’utilisation de deux circuits augmente les pertes exergétiques au niveau des échangeurs et de la pompe de circulation additionnelle. La sélection d’un fluide frigoporteur doit reposer sur différents critères :
– Présenter un impact environnemental faible
– Présenter une densité énergétique élevée
– Avoir de bonnes aptitudes à échanger la chaleur véhiculée
– Posséder une viscosité suffisamment faible pour assurer sa bonne circulation
Les fluides frigoporteurs employés dans le circuit de réfrigération secondaire peuvent être classés selon deux catégories :
– Fluides frigoporteurs monophasiques, les plus répandus, qui refroidissent par augmentation de la chaleur sensible massique, qs (avec qs = Cp ΔT). Il s’agit de fluides comme les saumures, et les mélanges d’eau et d’alcool (eau glycolée).
– Fluides frigoporteurs diphasiques, qui refroidissent le milieu principalement par changement d’état liquide-vapeur ou solide-liquide (chaleur latente, ql, de vaporisation ou de fusion, ql= ΔH) et, dans une moindre mesure, par augmentation de la chaleur sensible massique). Dans le cas des frigoporteurs diphasiques liquide-solide auxquels on s’intéresse, le frigoporteur est composé d’un matériau à changement de phase (MCP) en phase solide, en suspension dans une phase liquide de transport. On parle de « coulis de glace » lorsqu’on est en présence d’une suspension diphasique formée de particules solides de glace dans une phase liquide composée d’eau à laquelle on ajoute par exemple de l’alcool, du chlorure de sodium ou de l’ammoniac. La phase solide peut également être constituée d’autres composés tels que les hydrates : il s’agit alors de « coulis d’hydrates ». L’intérêt d’utiliser des fluides frigoporteurs diphasiques dans les installations de réfrigération secondaire réside dans leur grande capacité de transport d’énergie sous forme de chaleur latente. Par exemple, la fusion d’un gramme de glace échange 333 J, soit presque 80 fois plus qu’un gramme d’eau liquide dont la température s’élèverait de 1 K, soit 4,18 J. Ainsi, les pertes exergétiques liées à la seconde boucle peuvent être en grande partie compensées grâce au changement de phase au sein du fluide frigoporteur diphasique. D’autre part, la température reste quasi-constante pendant le changement de phase, ce qui peut être intéressant pour l’application.
Méthodes de fabrication : exemple du coulis de glace
Le coulis de glace (défini dans la partie précédente) fait aujourd’hui l’objet de nombreuses études portant sur ses caractéristiques thermohydrauliques et commence à être appliqué au niveau industriel dans le domaine de la réfrigération alimentaire . Dans ces applications, le fluide frigoporteur est une solution aqueuse mélangée à un alcool, au chlorure de sodium ou à l’ammoniac dans laquelle les cristaux de glace se trouvent en suspension. La production du coulis de glace peut se faire par des méthodes à contact direct (en phase de recherche) ou mécaniques (mises en œ uvre industriellement) :
– Contact direct : l’évaporation dans la solution aqueuse d’un fluide frigorigène non miscible avec l’eau produit le froid nécessaire pour former la glace. Ce type d’installation est en phase de recherche . La génération sous vide est un cas particulier de contact direct : en effet, une solution aqueuse est placée dans des conditions proches du point triple de l’eau ce qui entraîne une évaporation partielle de l’eau et, ainsi, le refroidissement de la solution aqueuse jusqu’à la production de cristaux de glace. La génération sous vide est un procédé répandu à l’échelle industrielle.
– Rupture de surfusion : une fois que la solution aqueuse est sous refroidie, la cristallisation de la glace est provoquée par l’action d’une perturbation (de type mécanique, acoustique… ). Ce type d’installation fonctionne au niveau industriel mais ne concerne que le stockage de froid.
– Surface raclée : l’échangeur entre le circuit primaire et secondaire est un cristalliseur formé par deux cylindres coaxiaux. Le fluide frigorigène circule dans la double enveloppe formée par les deux cylindres et la solution aqueuse coule sur la surface du cylindre interne, qui est refroidie par le frigorigène favorisant la cristallisation de la glace. Les cristaux de glace formés sur la surface sont enlevés par un racleur ou une brosse qui les mélange à la phase liquide du frigoporteur. Ce générateur permet de produire un coulis de cristaux de taille comprise entre 100 et 200 μm. Ce dernier type d’installation, qui fonctionne au niveau industriel, est actuellement répandu pour la distribution de froid par coulis de glace, mais ces générateurs ne sont pas fiables pour de très hautes puissances (problèmes mécaniques, usure, casse, baisse de performance… ). Si le domaine d’application des coulis de glace en réfrigération est approprié au froid alimentaire, leur utilisation est pénalisante du point de vue énergétique pour des conditions d’application en climatisation. La recherche de fluides frigoporteurs diphasiques, FFD, adaptés à ces conditions (entre 273,15 et 288,15 K) s’avère donc nécessaire.
Influence des caractéristiques de la molécule hôte sur les propriétés thermodynamiques de l’hydrate
L’un des critères de valorisation évoqués précédemment (cf. I – 1.4) concerne les conditions d’équilibre des hydrates adaptées à l’application de réfrigération secondaire. Concrètement, les hydrates envisagés doivent présenter des pressions d’équilibre relativement faibles (< 1 MPa) dans la gamme de température envisagée (273,15 K-283,15 K). Or, les conditions d’équilibres des hydrates sont intrinsèquement liées à leur structure moléculaire et, par conséquent, à leur composition. Par exemple, Deaton et Frost 26 indiquent que l’addition de 1% de C3H8 à un mélange de CH4 et de H2O induit un abaissement de la pression de formation de l’hydrate à 280 K, de 5,35 MPa à 3,12 MPa. Ce changement peut être expliqué par une différence de structure de l’hydrate avant et après l’addition du C3H8. Initialement, la structure de l’hydrate de méthane est de type I, le CH4 occupant principalement les petites cavités (rapport diamètre CH4/cavité = 0,855) et quelques grandes cavités (rapport diamètre CH4/cavité = 0,744, en dessous de 0,76). L’addition de propane implique la formation de la structure II, le C3H8 occupant alors les grandes cavités (rapport diamètre C3H8/cavité : 0,943) et CH4 les petites cavités (rapport diamètre CH4/cavité = 0,868). Le rapport de diamètres, dans le deuxième cas, indique que les cavités sont mieux stabilisées. Le changement vers une structure plus stable implique un changement des conditions d’équilibre : à 280 K la pression de dissociation de l’hydrate change de 5,35 MPa sans C3H8 à 3,12 MPa avec C3H8. Ce même comportement a été observé avec le tetrahydrofurane et des gaz tels que N2, H2 ou le CO2 atmosphérique (température de dissociation de 277,55K). Ceci est également le cas pour d’autres éthers cycliques liquides tels que l’oxyde d’éthylène ou le 1,4-dioxane. Le THF est appelé stabilisant d’hydrates parce qu’il forme des hydrates mixtes avec d’autres molécules hôtes à des pressions plus basses que les hydrates simples correspondants. Plusieurs chercheurs ont étudié cet effet avec différentes molécules hôtes, comme Seo et al. 28 pour la séparation de CO2 du gaz de combustion des centrales énergétiques (hydrate de N2+CO2), Hashimoto et al. 29 pour le stockage de H2 (hydrate de H2+CO2) ou Delahaye et al. 30 pour l’utilisation des coulis d’hydrates de gaz comme réfrigérants secondaires (hydrate de CO2). Dans ces exemples, l’hydrate mixte est de type II. Le THF est alors logé dans les grandes cavités et les autres molécules invitées sont logées dans les petites cavités 29, 31. L’effet de réduction de la pression de formation de l’hydrate se traduit par une variation dans le diagramme P-T de la ligne d’équilibre thermodynamique Liquide aqueux – Hydrate – Vapeur, Lw-H-V.
ANALYSE CALORIMETRIQUE DIFFERENTIELLE (DSC)
Les conditions de formation des hydrates peuvent être déterminées par des méthodes optiques ou par des méthodes P-V-T. Dans la méthode optique, l’échantillon est maintenu à température et pression constante et on détecte le changement de phase par simple observation directe, ou par mesure de turbidimétrie. Dans les méthodes P-V-T, pour détecter le changement de phase, on peut enregistrer la variation de pression d’un échantillon de volume constant quand il est soumis à un changement de température ou la variation de la température avec la pression à volume constant. La comparaison de ce qui se passe dans la cellule de l’échantillon avec une autre cellule inerte permet d’obtenir la variation des conditions de T et P due au changement de phase 125. Récemment, la méthode d’analyse calorimétrique différentielle DSC a été appliquée de façon efficace pour la détermination de l’équilibre d’hydrates de gaz. Cette méthode, dérivée de l’analyse thermique différentielle (ATD), détecte le point de changement de phase à partir de la mesure du flux de chaleur libéré lors de la transformation et permet aussi la détermination de la variation d’enthalpie lors de la dissociation et de la cinétique de formation des hydrates de gaz 126, 127, 128. L’utilisation des techniques de calorimétrie pour l’étude des propriétés des hydrates commence dans les années 80. Handa 129,130 modifie un calorimètre Setaram (calorimètre BT Tian-Calvet) pour travailler sous pression et de cette façon étudier la capacité calorifique et la chaleur de dissociation de différents hydrates de type I et II, (méthane, éthane, propane, isobutane,… ). Koh 131 utilise l’analyse calorimétrique différentielle (Differential Scaning Calorimetry, ou DSC), pour l‘étude des inhibiteurs des hydrates à pression atmosphérique, et Fouconnier 132 utilise cette même technique pour l’étude de la formation d’hydrates modèle de CCl3Fdans les émulsions eau dans huile. La μ DSC à haute pression a été utilisée de façon efficace pour l’étude des équilibres L-H-V. Son principal avantage est la grande sensibilité de la mesure de flux thermique par rapport aux mesures de variations de pression ou de température. Cela permet de travailler sur des échantillons de très faible masse et d’obtenir ainsi des mesures de propriétés d’équilibre avec une grande rapidité.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE I : LES HYDRATES DE GAZ POUR LA REFRIGERATION SECONDAIRE -BIBLIOGRAPHIE
I – 1. Réfrigération Secondaire
I – 1.1. Réfrigération secondaire et fluides frigoporteurs
I – 1.2. Méthodes de fabrication : exemple du coulis de glace
I – 1.3. Typologie des FFD appliqués à la climatisation
I – 1.4. Conclusion : critères de valorisation des coulis d’hydrates de gaz en réfrigération secondaire
I – 2. Hydrates de gaz : « Clathrates » hydrates
I – 2.1. Structures cristallines des hydrates
I – 2.2. Molécules hôtes
I – 2.2.1. Taux de remplissage
I – 2.2.2. Influence des caractéristiques de la molécule hôte sur les propriétés thermodynamiques de l’hydrate
I – 3. Thermodynamique appliquée à l’équilibre de phases avec hydrates
I – 3.1. Thermodynamique des équilibres de phases
I – 3.1.1. Approches utilisés pour l’expression de l’équilibre
I – 3.1.2. Formalisme des équilibres mettant en jeu une phase hydrate
I – 3.1.3. Modèles d’équations d’état
I – 3.1.4. Modèles de gex
I – 3.1.5. Utilisation pour les EOS de règles de mélange utilisant un modèle de gex
I – 4. Rhéologie des coulis d’hydrates
I – 4.1. Introduction à la rhéologie
I – 4.1.1. Mesure des propriétés rhéologiques
I – 4.2. Comportement rhéologique d’une suspension
I – 4.2.1. Introduction
I – 4.2.2. Définitions et relations utiles
I – 4.2.3. Rhéologie des coulis de glace
I – 4.2.4. Rhéologie des coulis d’hydrates
I – 4.2.5. Régimes d’écoulement des coulis d’hydrates
I – 4.3. Additifs : surfactants et antiagglomérants
I – 4.3.1. Additifs et glace
I – 4.3.2. Additifs et hydrates
I – 4.3.3. Additifs employés sur le système eau-CO2
CHAPITRE II : MATERIEL ET METHODES
II – 1. Analyse Calorimétrique Différentielle (DSC)
II – 1.1. Principe de la DSC
II – 1.1.1. Mesure de la température d’une transformation
II – 1.1.2. Mesure de la variation d’enthalpie d’un échantillon
II – 1.1.3. Mesure de la capacité calorifique d’un échantillon
II – 1.2. Dispositif expérimental
II – 1.2.1. Etalonnage
II – 1.3. Protocole expérimental
II – 1.3.1. Matériaux utilisés
II – 1.3.2. Comportement des phases solides en présence
II – 1.3.3. Protocole de mesure de la température d’équilibre
II – 1.3.4. Protocole de mesure de la variation d’enthalpie
II – 1.3.5. Protocole de mesure de la capacité calorifique de l’hydrate mixte
II – 2. Boucle de formation et de circulation d’hydrates
II – 2.1. Dispositif expérimental de caractérisation des coulis d’hydrates
II – 2.1.1. Eléments constitutifs de la boucle
II – 2.1.2. Système d’injection de gaz
II – 2.1.3. Instrumentation et étalonnage
II – 2.2. Protocole expérimental
II – 2.2.1. Matériaux à utiliser
II – 2.2.2. Conditions opératoires
II – 2.2.3. Protocole d’injection de CO2 pour la formation d’un coulis d’hydrates
II – 2.2.4. Modèle de fraction solide
II – 2.2.5. Détermination du rhéogramme
CHAPITRE III : RESULTATS EXPERIMENTAUX
III – 1. Conditions de formation de l’hydrate mixte
III – 1.1. Température d’équilibre Hydrate mixte + L + V
III – 1.1.1. Résultats
III – 1.2. Variation d’enthalpie lors de la dissociation de l’hydrate mixte en J.molH2O-1 (DSC)
III – 1.2.1. Détermination expérimentale de la variation d’enthalpie
III – 1.2.2. Discussion des résultats
III – 1.3. Variation d’enthalpie lors de la dissociation de l’hydrate mixte en J.molCO2-1 (Clausius –Clapeyron)
III – 1.3.1. Quantité de CO2 dans l’hydrate mixte
III – 1.3.2. Discussion des résultats
III – 1.4. Variation d’enthalpie lors de la dissociation de l’hydrate mixte en kJ.kghydrate-1
III – 1.5. Capacité calorifique
III – 1.5.1. Capacité calorifique de l’hydrate mixte THF+CO2
III – 1.5.2. Variation de la capacité calorifique lors de la dissociation de l’hydrate mixte THF+CO2
III – 2. Résultats hydrodynamiques
III – 2.1. Phénoménologie de la formation et de l’écoulement de coulis d’hydrates de CO2 en l’absence d’additifs
III – 2.1.1. Evolution de la pression, de la température et de la fraction d’hydrates
III – 2.1.2. Evolution du débit et de la perte de charge
III – 2.1.3. Synthèse des résultats obtenus sans additifs
III – 2.2. Phénoménologie de la formation et de l’écoulement du coulis d’hydrates de CO2 en présence d’additifs
III – 2.2.1. Evolution de la pression, de la température et de la fraction d’hydrates
III – 2.2.2. Evolution du débit et de la perte de charge
III – 2.2.3. Synthèse des résultats obtenus avec additifs
III – 2.3. Synthèse des résultats obtenus avec et sans additifs
III – 2.3.1. Analyse des résultats
CHAPITRE IV : MODELISATION. COMPARAISON DES RESULTATS EXPERIMENTAUX ET MODELISES
IV – 1. Modélisation des équilibres mettant en jeu une phase hydrate
IV – 1.1. Ecriture des conditions d’équilibre
IV – 1.1.1. Développement du terme D mw0-b
IV – 1.1.2. Développement du terme D mwH-b: van der Waals et Platteeuw (1959)
IV – 1.1.3. Expression finale pour le calcul des conditions d’équilibre de l’hydrate
IV – 1.2. Modèle pour la prédiction de aw et fi dans un système avec hydrates
IV – 1.3. Modèle pour la prédiction de la variation d’enthalpie lors de la dissociation des hydrates de gaz
IV – 1.4. Modèle pour la prédiction de la variation du Cp lors de la dissociation des hydrates de gaz
IV – 1.5. Comparaison des résultats expérimentaux avec la prédiction du modèle thermodynamique
IV – 1.5.1. Température d’équilibre Hydrate mixte + L + V
IV – 1.5.2. Variation d’enthalpie lors de la dissociation de l’hydrate mixte en J.molH2O-1
IV – 1.5.3. Modélisation de la capacité calorifique
IV – 1.5.4. Conclusions
IV – 2. Modélisation rhéologique
IV – 2.1. Comportement rhéologique en l’absence d’additifs
IV – 2.2. Comportement rhéologique en présence d’additif
IV – 2.2.1. Obtention des paramètres rhéologiques
IV – 2.2.2. Rhéogramme en présence de Caflon
IV – 2.3. Comparaison de la perte de charge avec et sans additif
IV – 2.4. Comparaison de la viscosité apparente avec et sans additifs
IV – 2.5. Conclusions
CHAPITRE V : CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES
VALORISATION DU TRAVAIL
Article de revue scientifique à comité de lecture
Communications à des congrès
BIBLIOGRAPHIE
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