Couches minces d’argent
Vitrages à basse émissivité
Pour répondre aux questions de confort des habitations, aux problèmes écologiques et pour entrer dans les nouvelles normes d’économies d’énergie, les vitrages d’aujourd’hui possèdent des surfaces « intelligentes » grâce à des dépôts de couches minces (plusieurs dizaines de nanomètres) ou ultra-minces (quelques nanomètres) qui ajoutent une ou plusieurs fonctionnalité(s) au substrat de verre : il s’agit, par exemple, des vitrages autonettoyants, des vitres anti-reflets, des verres antirayures. Dans notre étude, nous nous sommes restreints au cas des vitrages à haute isolation thermique, et, plus particulièrement, aux vitrages dits à basse émissivité (« low-e »). Les pertes thermiques d’un vitrage sont de trois ordres : transfert thermique par conduction, transfert thermique par convection et transfert thermique par rayonnement (ou radiation). Le double vitrage peut réduire le transfert par conduction grâce à la zone de séparation ou lame de gaz. Le transfert par convection peut être contrôlé par l’épaisseur et la nature de la lame de gaz, souvent il s’agit d’air ou de gaz inerte. Un vitrage à basse émissivité est un double vitrage dont l’un des deux verres possède un dépôt d’argent supplémentaire (Figure 1.1). Cet empilement permet le contrôle du transfert par rayonnement. Un vitrage simple non traité perd une grande partie de ses propriétés d’isolation à cause de sa radiation d’énergie élevée.
Réflexion des rayons infra-rouges (IR) et transmission dans le visible
Si l’aluminium possède d’excellentes propriétés de réflexion de l’UV jusqu’à l’IR, si ces dépôts adhérent bien sur le verre, s’il ne se modifie pas à l’air, grâce à la formation d’une couche passive protectrice d’oxyde d’aluminium, en revanche, de tous les métaux, c’est l’argent qui possède la meilleure réflectivité dans la gamme des longueurs d’onde de 400 nm à l’IR [Chu 2006]. Avec les doubles vitrages à l’argent, les radiations thermiques provenant du chauffage, à l’intérieur du bâtiment sont réfléchies : la chaleur est ainsi conservée à l’intérieur de la pièce. En plus de la propriété de réflexion dans le domaine des IR thermiques, pour des raisons esthétiques, les couches minces à l’argent doivent aussi avoir une faible réflectivité dans le domaine du visible, afin de conserver leur couleur neutre. La radiation solaire contient 5% de rayons UV (< 0,4 µm), 50% de rayonnement dans la gamme du visible (0,4 – 0,8 µm) et 45% de rayonnement provenant du proche IR (0,8 – 3 µm). La radiation thermique est principalement dans le domaine de l’IR lointain (3 – 1000 µm). Un dépôt d’une fine couche d’argent permet d’atteindre les deux critères recherchés : forte réflectivité des rayonnements autour de 10 µm (IR thermiques) et transparence tant que l’épaisseur ne dépasse pas 20 à 50 nm. Dans la pratique, une ou plusieurs couches ultra-minces d’argent (d’environ 10 nm) sont encapsulées par des couches de matériaux diélectriques. Un verre dit bas émissif, comprenant un dépôt d’une fine couche d’argent, possède une bonne transmission dans le visible, et réfléchit la radiation thermique .
Fabrication de l’empilement par pulvérisation magnétron
Une large majorité des empilements sur verre est réalisée par des méthodes de dépôt sous vide de type PVD (Physical Vapor Deposition), dont la pulvérisation cathodique magnétron est l’une des techniques. Le phénomène de pulvérisation cathodique a été observé pour la première fois par Grove W.R. en 1853, se manifestant, lors de l’établissement d’une décharge électrique sous pression réduite de gaz inerte, par la formation sur la surface de l’anode d’une fine couche du matériau constituant la cathode. La pulvérisation cathodique a été développée industriellement au cours des trente dernières années [Billard 2005]. Cette technique possède un grand avantage dans le cadre industriel : elle permet de déposer des matériaux denses (métalliques et céramiques) sur de grandes surfaces. La mise au point de cette technique est aujourd’hui très bien maîtrisée, ce qui permet de déposer des empilements complexes, en contrôlant la composition chimique du dépôt ainsi que son épaisseur et son uniformité. Un empilement à l’argent réalisé par cette méthode présente une bonne homogénéité de chacune de ses couches .
D’après une étude antérieure réalisée chez Saint-Gobain [Veniere 2008], la croissance de la couche d’argent sur verre commence par la formation d’îlots dès le dépôt des premiers atomes jusqu’à environ 3 nm d’épaisseur déposée, puis la coalescence apparaît et à 8 nm, la couche devient continue et conductrice. Ce mode de croissance est connu sous le nom de mode Volmer-Weber .
Il a été observé, chez Saint-Gobain [Philipp 2011], que la taille des grains d’argent évoluait avec l’épaisseur du dépôt d’argent. En effet, à partir de 4 échantillons correspondant à 4 épaisseurs de couches d’argent (dAg =12, 20, 50 et 200 nm), encapsulées dans des empilements ZnO:Al, l’analyse d’images de MET a montré qu’il était possible de mettre en évidence les joints de grain dans la couche et d’estimer une taille moyenne latérale des grains .
Revue bibliographique
Dégradation de l’argent dans un empilement multicouche
La corrosion de matériaux multicouches implique de nombreux phénomènes : les propriétés chimiques des couches, de leurs interfaces, les interactions mécaniques entre les couches et les interactions chimiques du matériau avec son environnement. De plus, l’argent a tendance à démouiller. La perte d’adhérence des couches peut conduire à la perte des propriétés chimique et physique de la couche mince. À notre connaissance, il n’y a que peu d’études qui ont porté sur la dégradation d’un empilement basse émissivité à l’argent [Nadel 1987, Ross 1990, Chu 2006]. Les systèmes les plus étudiés sont : ZnO/Ag/ZnO et ZnO/Ag/Sn/ZnO, empilements modèles représentatifs de systèmes réels. Les essais conventionnels de corrosion concernent des expositions à haute humidité, à l’atmosphère extérieure, à un brouillard salin (BSN), et des essais de résistance aux acides. On peut trouver en outre des essais mécaniques. La Figure 1.7 illustre typiquement la corrosion d’un empilement ZnO/Ag/ZnO, à température ambiante, en présence d’une humidité relative de 95%, placé au-dessus d’une solution saturée en KCl. Les premières étapes de formation des défauts commencent par la détection d’une tache de quelques micromètres jusqu’à 1 mm de diamètre [Ross 1990], dont la propagation se fait sous forme de dendrites ou de cercles concentriques. Des formes de pointes, dendrites, clusters sphériques, nodules ont été aussi observées dans le cas de la corrosion de l’argent par Graedel et al. [Graedel 1992].
Lorsque l’on recherche la trace d’agents corrosifs tels que Cl et S, les analyses EDS [Ross 1990] indiquent que les particules placées au centre des cercles dendritiques sont constituées de 5 à 15% de S et Cl, et, selon les expériences, il y a des particules riches en Na, Mg et K (pour un total de 40%). Sur la base de leurs observations, un premier mécanisme en 3 étapes de dégradation des couches minces d’argent est proposé [Park 1986], dans lequel la première étape serait la mise à nu du verre (ou de la couche sous l’argent), due à l’agrégation de l’argent. Comme cela a été observé lors d’opérations de dépôt en température ou de recuits après dépôts (multicouches ITO (oxyde d’indium dopé à l’étain)/Ag/ITO, s’il y a agglomération de l’argent, les propriétés optiques sont fortement influencées [Choi 1999] : la conductivité et la transmittance diminuent avec l’augmentation de la rugosité en surface de la couche d’argent. Les étapes suivantes du mécanisme [Ross 1990] seraient l’interdiffusion de l’argent dans le verre, et l’hydratation du verre qui se dégrade par sa surface.
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Table des matières
Introduction
Chapitre 1 Couches minces d’argent : contexte industriel et corrosion
1.1 Couches minces d’argent
1.1.1 Vitrages à basse émissivité
1.1.2 Réflexion des rayons infra-rouges (IR) et transmission dans le visible
1.1.3 Fabrication de l’empilement par pulvérisation magnétron
1.1.4 Processus et problématique industrielle
1.2 Revue bibliographique
1.2.1 Dégradation de l’argent dans un empilement multicouche
1.2.2 Corrosion de l’argent atmosphérique
1.2.3 Réactivité électrochimique de l’Ag
1.3 Identification des mécanismes de corrosion de couches minces d’argent dans un empilement à basse émissivité
1.4 Mesures actuelles contre la corrosion
1.5 Stratégie de l’étude
Chapitre 2 Elaboration et caractérisation des systèmes d’étude par pulvérisation cathodique magnétron
2.1 Elaboration des systèmes d’étude par pulvérisation cathodique magnétron
2.1.1 Couches d’argent de 10 nm à 1 µm d’épaisseur
2.1.2 Traitement thermique
2.2 Caractérisation des couches
2.2.1 Structure des couches par Diffraction de Rayons X (DRX) et Microscopie Électronique en Transmission (MET)
2.2.2 Caractérisations chimiques des surfaces (XPS) et interfaces (ToF-SIMS)
2.2.2.1 Caractérisation chimique des surfaces par spectroscopie de photoélectrons induits par rayons X (XPS)
2.2.2.2 Caractérisation chimique des surfaces et interfaces par ToF-SIMS
2.2.3 Caractérisation du comportement électrochimique en solution aqueuse à pH 13 (CV)
2.2.3.1 Système Ag-360
2.2.3.2 Système Ag-100
2.2.4 Caractérisation du comportement électrochimique en solution chlorurée à pH 13 (CV)
2.3 Bilan
Chapitre 3 Modifications structurales superficielles induites par l’adsorption du soufre
3.1 Techniques et protocole expérimental
3.2 Comportement électrochimique en solution sulfurée Na2S 1 mM + NaOH 0,1 M dans le domaine d’adsorption du soufre
3.3 Etude EC-STM des modifications structurales d’une surface monocristalline Ag(111) – Evolution morphologique et structures superficielles adsorbées
3.3.1 Surface métallique à -1,100 V
3.3.2 Modifications structurales induites par adsorption à -1,000 V
3.3.3 Modifications structurales induites par adsorption à -0,640 V
3.3.3.1 Modifications induites par saut de potentiel de -1,100 à -0,640 V
3.3.3.2 Modifications structurales induites par balayage de potentiel de -1,100 à -0,640 V
3.3.3.3 Structure adsorbée à -0,640 V
3.3.4 Modifications structurales induites par désorption à -1,100 V
3.3.5 Modifications structurales induites par cyclage de potentiel entre -1,100 et -0,640 V
3.3.6 Bilan
3.4 Etude EC-STM des modifications structurales d’une couche polycristalline d’Ag de 1 µm d’épaisseur
3.4.1 Surface des couches d’Ag polycristallines
3.4.2 Surface métallique à -1,100 V
3.4.3 Modifications structurales induites par adsorption à -0 ,910 et -0,640 V
3.4.4 Modifications structurale induites par désorption à -1,100 V
3.4.5 Bilan
3.5 Discussion : Mécanisme d’adsorption du S
3.5.1 Structures adsorbées et modifications morphologiques superficielles
3.5.2 Réaction d’adsorption du soufre
3.5.3 Implications des observations sur Ag(111) pour les couches texturées (111)
3.6 Conclusion
Conclusion
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