Côtes sablo-vaseuses sous influence deltaïque de l’Amazone et du Mékong

Le delta de l’Amazone, la côte des Guyanes et le système régional de dispersion des sédiments de l’Amazone

   Le plus vaste système de bancs de vase côtiers se trouve sur la côte Atlantique d’Amérique du Sud entre les états du Pará et de l’Amapá au Brésil, et la péninsule du Paria au Venezuela (Figure 3). Notre référence à ce système prendra l’appellation de Côte Amazone-Orénoque (C-A-O). La C-A-O est l’exutoire de fleuves drainant les Andes, le Llanos, le Brésil et le bouclier Guyanais (Figure 3). Les plus importants fleuves présents sur cette côte sont l’Amazone et l’Orénoque, les autres systèmes fluviaux étant mineurs comparativement. L’Amazone est à la tête du système de dispersion des sédiments fins le long de cette côte et de son développement géologique. Deux phénomènes résultent de cette situation : (1) la croissance d’un delta subaquatique au niveau du plateau continental face aux estuaires de l’Amazone, et (2) la dispersion de vases d’origine amazonienne le long de 1600 km de côtes jusqu’au delta de l’Orénoque, terminaison de ce système de dispersion amazonien (Augustinus, 1978 ; Anthony et al., 2010, 2014a). L’essentiel des sédiments amazoniens injectés dans le système de dispersion transite au sein de bancs de vase dérivants le long de la côte. La taille et les volumes colossaux de ces bancs de vase induisent d’importants bouleversements morphologiques sur la C-A-O, avec des phases de progradation rapide de la côte, suivis de phases d’érosion lorsque le banc se déplace. L’instabilité cyclique de cette côte impacte fortement l’aménagement et l’économie des pays et territoires situés sur la C-A-O, c’est-à-dire le Brésil, la Guyane, le Surinam, le Guyana et le Venezuela. Nous ne prétendons pas dans cette thèse porter notre attention sur ces aspects de fonctionnement à grande échelle du delta qui reste encore peu influencé par les actions anthropiques, mais plutôt à une petite partie qui porte sur le fonctionnement des côtes de Guyane, notamment les dépôts sableux.

Le delta du Mékong

   Si les dynamiques hydro-morpho-sédimentaires de la C-A-O sont peu impactées par l’Homme, il en va tout autrement du delta du Mékong qui, lui, connaît depuis notamment la fin des années 1990’ des modifications très importantes d’origine anthropique qui en font aujourd’hui un delta à forte vulnérabilité, d’après la synthèse de Syvitski et al. (2009). Dans le cas spécifique du Mékong nous nous sommes intéressés à l’édifice deltaïque lui-même en nous focalisant sur le bilan sédimentaire des chenaux sur une décennie et l’impact de ses fluctuations sur le littoral. Le Mékong prend sa source dans la province chinoise du Yunnan, sur la marge orientale du plateau du Tibet. Le fleuve traverse six pays (Chine, Thaïlande, Birmanie, Laos, Cambodge et Vietnam) sur 4 500 km (Figure 6), et se jette au sud de la Mer de Chine. La tectonique active du plateau du Tibet et le très large bassin versant qu’il draine (environ 832 000 km²) placent le Mékong au 10ème rang mondial pour le débit liquide annuel (environ 470×109 m³) (Milliman et Syvitski, 1992; Gupta et al., 2002; Syvtski et al., 2005). Le delta du Mékong héberge une population humaine d’environ 20 millions (MRC, 2010). Cet édifice est crucial pour la sécurité alimentaire en Asie du Sud-Est. En effet, il concentre 90% de la production rizicole du Vietnam, ce qui place ce pays au second rang des exportateurs de riz mondiaux (General Statistics Office of Vietnam, 2015). Par ailleurs, 60% de la production de fruits de mer du pays est assurée par ce delta (General Statistics Office of Vietnam, 2015). Ces activités agricoles génèrent plusieurs milliards de dollars de chiffre d’affaire chaque année. Le delta concentre d’inestimables ressources écosystémiques (WWF, 2012). Il est un espace privilégié pour la reproduction de nombreuses espèces aquatiques. La biodiversité de ce delta est immense et est classée au second rang mondial, après le delta de l’Amazone (WWF, 2012).

Les corps sableux de la C-A-O

   Les corps sableux de la C-A-O sont de trois types : (1) les cheniers qui constituent d’étroits et discontinus cordons de plage formés dans des zones inter-bancs en érosion et à proximité relative d’une source de sable, (2) les plages d’estuaire, ou cheniers larges et relativement pérennes, qui se forment au droit des estuaires des fleuves pourvoyeurs de sables, (3) plus rares, des plages de baies enserrées dans des caps rocheux, en Guyane exclusivement. Ces dépôts sableux, influencés par les houles comme toute plage de sables en général, sont larges de 10 à 100 m, bien qu’il soit possible d’observer localement des engraissements ou pertes temporaires de sables comme lors d’un phénomène de rotation de plage sous l’influence d’un banc de vase. Les plages de baies seront discutées plus en détail plus loin lorsque nous aborderons le site de la plage de Montjoly. Les sources de sédiments pour les cheniers relatifs sont les petits cours d’eau côtiers ou les larges chenaux de marée qui remanient les cordons de sables plus anciens à l’intérieur des terres et réexportent les sables à la côte (Anthony et al., 2014a). Au Surinam et au Guyana, les cheniers sont constitués de sables mais aussi de débris de coquillés. A des échelles de temps décennales et multi-décennales, la succession de phases de banc et d’inter-bancs impliquent d’importants changements morphologiques liés aux déplacements des estuaires de fleuves secondaires qui peuvent faire varier les points de réinjection des sables sur la côte. Les cheniers se forment le long des littoraux où la vase prédomine. Sur la C-A-O, ils apparaissent lorsque deux bancs de vase sont séparés par un espace inter-bancs (Figure 9) (Anthony et al., 2014a). Généralement, la formation des cheniers sur les autres grandes côtes à cheniers du monde (essentiellement les grands deltas comme le Mississippi, l’Orénoque, le Chao Phraya, le Yangtse), est liée aux alternances entre des conditions de faible agitation côtière induisant la formation de dépôts vaseux et une forte agitation créant une resuspension et le dépôt des sables en cordons par-dessus ces dépôts vaseux. La situation est différente sur la C-A-O, où les cheniers se forment uniquement dans les espaces inter-bancs sur des dépôts vaseux en érosion. Les cheniers sont communément sujets à une migration active vers l’intérieur impliquant des débordements par les vagues lors de la pleine mer lorsqu’ils se forment sur des espaces de marais littoraux très ouverts. Lorsque les cheniers se forment audevant de forêts de mangrove en érosion, ils migrent peu vers l’arrière. Les formes éoliennes sont peu marquées. Lorsque les cheniers ne sont pas sujets aux débordements, la partie subaérienne de la plage est rapidement colonisée par la végétation (notamment Canavalia maritima, Ipomocea imperati et Ipomeapes-caprae) qui constitue un frein à la dynamique éolienne, de surcroît dans le contexte très humide des Guyanes. De plus, ces dépôts sont constitués de grains fins à grossiers incluant des débris de coquilles, gênant la déflation éolienne. Nous nous sommes intéressés à l’évolution d’un chenier actif situé sur un polder rizicole en érosion dans l’Ouest Guyanais. Ce site sera présenté plus loin.

Le système fluvial deltaïque du Mékong

   Le delta commence quand le fleuve devient un système à sédimentation dominante, c’est-à-dire à partir de la diffluence au Sud de Phnom-Penh au Cambodge. A ce point-là, le fleuve se sépare en deux bras principaux: le Mékong et le Bassac (Figure 6). Le Bassac est le bras le plus au sud ; il est orienté Nord-Ouest / Sud-Est et est reconnaissable par son tracé très rectiligne. Le Mékong, passant au nord, est appelé Song Tien Giang au Vietnam. Il est marqué par un style alternant entre anastomosant (bifurcation du chenal autours de grandes îles) et à chenal unique. A partir de la ville de Sa Dèc, le Song Tien Giang prend un cours globalement ouest / est et se sépare en trois bras qui se jettent en Mer de Chine. Ces trois bras sont dans l’ordre sud / nord : le Song Cô Chien, le Song Han Luong et le Song My Tho. Ils sont globalement d’orientation nord-ouest / sud-est. La morphologie du chenal (Figure 6), large en moyenne de 800 m, est composée de grandes îles mesurant de 1 à plusieurs kilomètres, les plus grandes étant surtout présentes sur la partie centrale du delta. . Le chenal est profond en moyenne de 20 m à l’étiage, pour une largeur moyenne de 800 m. Son plancher comprend une alternance de seuils (10 m de profondeur en moyenne) et de mouilles (30 m de profondeur en moyenne), certaines pouvant descendre jusqu’à -40 m de profondeur dans des secteurs de confluence en aval des grandes îles, où dans certains méandres très prononcés comme près de la ville de Sa Dèc. Les berges des chenaux sont caractérisées par des levées larges de 1 km en moyenne, saillies de brèches en période d’inondation. La plaine deltaïque est très plane, située de 3 à 8 m au-dessus du niveau marin (M.R.C., 2010). Elle présente des bras morts et des marécages (Figure 7). Ces plaines sont des espaces extrêmement aménagés (Hoa et al, 2007). Ils sont maillés d’un dense réseau de canaux d’irrigation et de navigation, de digues et de routes. Les canaux permettent de contrôler les inondations pendant la saison des pluies et de favoriser la distribution de l’eau afin d’inonder de vastes zones de rizières et de répandre une partie de la charge en suspension du fleuve sur les parcelles. A la fin de la saison des pluies, les canaux drainent également les surfaces inondées. Il est à noter que la partie vietnamienne du delta est plus densément aménagée que la partie cambodgienne. Par ailleurs ce système de canaux interconnecte le bras principal du Mékong avec celui du Bassac, notamment par le biais du bras de Vam Nao près de la frontière vietnamienne. Il est à noter par ailleurs que les chenaux du Mékong sont très mobiles et que les problèmes liés à l’érosion des berges sont très nombreux sur ce fleuve. Les extractions de granulats sur le fleuve se chiffrent à plusieurs dizaines de millions de tonnes par an de sédiments, localisées en particulier sur le delta lui-même. A ce titre, le travail de Bravard et al. (2013) est très pédagogique et présente un recensement non-exhaustif des activités de dragage et des estimations des volumes prélevés sur le fleuve. Notre étude, réalisée dans le même temps que celle de Bravard et al. (2013), s’attache à décrire l’évolution morpho-sédimentaire des chenaux majeurs du Bassac et du Mékong avec sa prolongation sur le bras de My Tho. Ne disposant pas de données sur les autre bras du Mékong dans le delta, comme le Co Chien ou le Ham Luong, nous ne pourrons pas fournir une vision exhaustive de l’approfondissement des chenaux fluviaux sur l’ensemble du delta lié à ces activités de dragage et de prélèvements d’agrégats

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Table des matières

Partie I Introduction
Chapitre 1 : Introduction générale
1 Le delta de l’Amazone, la côte des Guyanes et le système régional de dispersion des sédiments de l’Amazone
1.1 Contexte
1.2 Le système de dispersion des sédiments de l’Amazone
2 Le delta du Mékong
3 Problématiques de la thèse
4 Plan de la thèse
Chapitre 2 : Présentation et état des connaissances sur les sites d’étude
1 Les plages de sables en Guyane : notions générales, la plage de baie de Montjoly et les cheniers de l’Ouest guyanais
1.1 Les corps sableux de la C-A-O
1.2 La plage de Montjoly
 Phase dite de transition inter-bancs→ banc : approche d’un banc de vase par l’Est de la plage
 Phase dite de banc : envasement de la baie et fixation des morphologies de plage
 Phase dite de transition banc → inter-bancs : départ du banc de vase, nettoyage de la baie et libération progressive des sédiments
 Phase dite d’inter-bancs : plage exposées aux houles et retour de l’hydrodynamisme normal
1.3 Le polder rizicole de Mana et les côtes à cheniers de l’ouest guyanais
2 Le système fluvial deltaïque du Mékong
Partie II Méthodologie
Chapitre 1 : Choix des protocoles 
Chapitre 2 : Morphodynamique littorale à moyen terme : apport de l’interprétation d’images aériennes et satellitaires
1 Base de données géospatiales
2 Géoréférencement, rectification et géodésie
3 Digitalisation du trait de côte
4 Analyse diachronique de la variation du trait de côte
Chapitre 3 : Suivi morphométrique à très haute résolution (THR) de la plage de Montjoly : apport novateur de la photogrammétrie aéroportée
1 Introduction à la méthode
2 Protocole de chantier
2.1 Segment vol
2.2 Segment sol
3 Protocole de traitement
3.1 Constitution des modèles THR de la plage à l’aide du logiciel Photoscan d’Agisoft
3.2 Validation des modèles à l’aide des relevés de terrain
4 Suivi morphométrique : comparaison des MNS sous SIG
4.1 Nettoyage du sursol
4.2 Bilan sédimentaire : différentiel entre modèles
Chapitre 4 : Suivi topo-bathymétrique d’un site d’étude
1…… Relevés topographiques au GPS RTK et constitution de modèles numériques de terrain (MNT)
1.1 Principes généraux du positionnement à l’aide d’un système GPS
1.2 Instrumentation utilisée
1.3 Géodésie
1.4 Protocoles de déploiement, de levé et de post-traitement
1.4.1 Déploiement de l’instrument et post-traitement des données topométriques
1.4.2 Levé topométrique : modes d’acquisition et objectifs expérimentaux
1.5 Réalisation de MNT sous SIG
2 Cartographie de la bathymétrie des baies de Cayenne
2.1 Principe des levés bathymétriques à l’aide de GPS RTK
2.2 Préparation de l’expérience et acquisition des données
2.2.1 Grille d’échantillonnage
2.2.2 Etat de mer
2.2.3 Instrumentation et vecteur
2.3 Post-traitement des données
Chapitre 5 : Mesures hydrodynamiques côtières
1 Mesure des conditions d’agitation
1.1 Instrumentation
1.2 Déploiement
1.3 Analyse des mesures
2 Données issues de modèles
Chapitre 6 : Modélisation de l’action des houles en contexte d’envasement : utilisation dans la baie de Montjoly
1 Le modèle REF/DIF
2 Données d’entrées et résultats attendus
Chapitre 7 : Comparaison bathymétrique des chenaux du Mékong et du Bassac 
1 Base de données géospatiales
2 Caractérisation de la géométrie des chenaux du Mékong et du Bassac
2.1 Construction des images bathymétriques
2.2 Acquisition de la ligne de talweg
2.3 Classification morphologique du fond et calcul des gains/pertes de volumes
2.4 Calcul des paramètres hydrauliques
Partie III Résultats
Chapitre 1 : La plage de Montjoly, Cayenne : suivi morphodynamique de la rotation de la plage sous l’influence d’un banc de vase
1 Photogrammétrie aéroportée SfM : validation qualitative et quantitative
1.1 MNS de la plage de Montjoly
1.2 Evaluation de la qualité de restitution des MNS
2 Morphodynamique de la plage en rotation
2.1 Evolution de la plage d’octobre 2013 à mars 2014
2.1.1 Hydrodynamique
2.1.2 Morphologie de la plage et bilan sédimentaire
2.2 Evolution de la plage entre mars et octobre 2014
2.2.1 Hydrodynamique
2.2.2 Morphologie de la plage et bilan sédimentaire
2.2.3 Morphologie subtidale de la baie
2.2.4 Projection hydrodynamique de l’envasement de la baie
3 Synthèse
Chapitre 2 : Dynamique érosive et comportement morphodynamique des cheniers dans l’Ouest guyanais, polder de Mana
1 Morphodynamique côtière de l’Ouest guyanais : une approche multi-décennale
1.1 Période 1976 – 1987
1.2 Période 1987 – 1999
1.3 Période 1999 – 2006
1.4 Période 2006 – 2014
2..Dynamique érosive en période « inter-bancs » d’un secteur fortement aménagé : le polder rizicole de Mana
2.1 Morphologie et hydrodynamique d’une parcelle du polder en érosion et du chenier attenant : état initial
2.2 Suivi du démantèlement du polder
2.2.1 Période octobre 2013 – mars 2014 : transition saison sèche – saison des pluies, forte agitation au large
2.2.2 Période mars – juillet 2014 : saison des pluies et agitation modérée au large
2.2.3 Période juillet – octobre 2014 : transition saison des pluies – saison sèche, faible agitation au large
3 Synthèse
Chapitre 3 : Evolution récente de la morphologie des chenaux deltaïques du Mékong et du Bassac : l’impact marqué des extractions de sables
1 Evolution du talweg
2 Exemples d’évolution morphologique du lit mineur
2.1 Île fluviale de Cu Lao Tay
2.2 Bras de My Tho en aval de la diffluence entre le Mékong et le Co Chien
2.3 Le Bassac près de la ville de Can Thô
3 Bilan sédimentaire sur la période 1998 – 2008
4 Relations entre évolution du lit et paramètres hydrauliques
5 Synthèse
Partie IV Discussion
Chapitre 1: Développement et apports de la photogrammétrie aéroportée SfM
Chapitre 2: Le modèle de rotation de plage sous l’influence externe des bancs de vases : de nouvelles perspectives
Chapitre 3: Processus érosifs « inter-banc » d’une côte vaseuse
Chapitre 4. : Anthropisation croissante et déstabilisation de la structure du delta du Mékong
1 Evolution non-naturelle de la géométrie des chenaux deltaïques
(1) L’impact des barrages
(2) Les extractions de granulats
2 Erosion côtière et pérennité de l’édifice deltaïque : les mécanismes de déstabilisation de la dynamique morpho-sédimentaire
3 Mobilité du trait de côte du delta : arrêt de la progradation et érosion côtière
4 Phénomènes déstabilisant le delta
Conclusion et Perspectives
Bibliographie

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