Le paludisme est une maladie parasitaire faisant 1.5 à 2.7 millions de morts chaque année. Des cinq espèces de parasites qui causent le paludisme humain, Plasmodium falciparum entraîne le plus sévère des symptômes et le plus grand nombre de décès (Eda et Shermann, 2002). Quant à la drépanocytose, c’est une maladie génétique de l’hémoglobine, de transmission autosomique récessive. Elle est due à une mutation* unique, ponctuelle, du gène* β-globine situé sur le chromosome 11. La mutation du sixième codon entraîne le remplacement de l’acide glutamique 6 par de la valine. Les hématies sont normalement discoïdes ; celles qui contiennent l’hémoglobine S s’incurvent, se déforment en forme de faucille ébréchée, lorsqu’elles sont désoxygénées.
Les efforts déployés pour traiter le paludisme ont été largement focalisés sur l’approvisionnement en antipaludiques des centres de santé, le contrôle des systèmes sanitaires et l’emploi d’insecticides. Mais l’augmentation de la résistance* des parasites vis à vis des médicaments rend l’impossibilité de combattre le paludisme par ces méthodes traditionnelles. Plusieurs organisations ont commencé à faire des recherches sur des médicaments qui auront plus de probabilité de guérir les malades du paludisme.
Les mécanismes de l’éryptose semblent être un bon moyen de combattre le paludisme. En effet, les hématies défectueuses sont éliminées de l’organisme par éryptose, une forme de suicide cellulaire induit par le stress et caractérisé par une déformation de la membrane et un rétrécissement de la cellule (Lang et al., 2008). Contrairement à l’éryptose due à la sénescence de l’hématie, qui se produit approximativement après 120 jours, l’éryptose des globules rouges infectés se manifeste après 1h jusqu’à 48h (Lang et al., 2003) déclenchée par l’entrée de l’ion calcium par les canaux perméables aux cations*(Lang et al., 2003; Foller et al., 2008). Puisque, l’éryptose affecte principalement les hématies infectées, elle devrait diminuer la parasitémie* et ainsi influencer sur le cours de la maladie (Foller et al., 2009).
CORRÉLATION ENTRE PALUDISME ET DRÉPANOCYTOSE
Paludisme
Le paludisme est dû à un parasite de genre Plasmodium dont quatre espèces sont responsables de maladies chez l’Homme : P. vivax, P. ovale, P. malariae et P.falciparum. P. vivax, P. ovale et P. malariae appartiennent au genre Plasmodium tandis que P. falciparum appartient au genre Laverania (Esposito et al,. 1991).Cette espèce est la plus pathogène et responsable de complications sévères, souvent fatales. Elle est présente dans les zones tropicales d’Afrique, d’Amérique Latine et d’Asie, et dominante en Afrique (Hay et al., 2010). Occasionnellement, l’Homme peut être infecté par des parasites simiennes telles que P. cynomolgi et P. knowlesi (Kissinger et al., 1998) Le paludisme est transmis à l’homme par la piqûre d’un moustique femelle, du genre Anopheles, elle-même infectée après avoir piqué un homme impaludé. La femelle, en prenant le repas sanguin nécessaire à sa ponte, injecte le parasite à son hôte. La durée de vie de A. gambiae vecteur du P.falciparum est de 30 jours minimum. Par conséquent, après avoir piqué un sujet paludéen, la femelle de A. gambiae, peut transmettre le paludisme à des centaines de personnes saines (Pierce et al., 2009). Le cycle de vie du Plasmodium est complexe (Figure 1) et comprend deux étapes majeures: la première est une phase sexuée ou sporogonie chez le moustique femelle. La deuxième étape qui est une phase asexuée chez l’Homme, se divise en deux cycles, l’un à l’intérieur et l’autre à l’extérieur des globules rouges nommés respectivement intra et exoérythrocytaire.
Cycle évolutif chez l’anophèle : phase sexuée = sporogonie
La femelle du moustique appartenant au genre Anopheles est le vecteur prédominant qui peut transmettre les parasites aux mammifères ainsi qu’à lui-même lors d’un repas sanguin. Sur les deux hôtes, les humains sont l’hôte intermédiaire et le Moustique anophèle l’hôte définitif, car en lui se déroule la phase sexuée (Fujioka et al., 2002). Lors du repas sanguin sur un paludéen, l’anophèle femelle absorbe des trophozoïtes, des schizontes, et potentiellement des gamétocytes. Les éléments asexués sont digérés tandis que les gamétocytes restent dans l’estomac pour initier la fécondation. Après la fécondation, on obtient un oeuf mobile appelé «ookinète». Ce dernier subit une méiose et des séries de mitoses donnant l’oocyste à l’intérieur duquel s’individualise les sporozoïtes. Libérés par éclatement de l’oocyste, les sporozoïtes migrent dans les glandes salivaires de l’anophèle. Ce sont les formes infectantes prêtes à être injectées à l’homme lors d’un prochain repas sanguin. La durée du cycle sporogonique est de 12 jours pour P. falciparum en Afrique tropicale et le cycle s’arrête lorsque la température moyenne est inférieure à 18° C.
Cycle évolutif chez l’homme : phase asexuée (schizogonie)
Plasmodium subit une évolution en deux phases chez l’homme:
Stade hépatique ou exoerythrocytaire:
Les parasites sont transmis à l’homme via la piqûre de l’anophèle femelle infesté qui prend son repas sanguin. Le moustique injecte de la salive contenant des centaines de sporozoïtes dans le torrent circulatoire. Ces sporozoïtes gagnent rapidement le foie (30 minutes après inoculation) pour effectuer le cycle pré-érythrocytaire. Pour Plasmodium falciparum, en une semaine environ, les parasites sont au stade de schizontes matures dont l’intérieur contient quelques milliers de noyaux qui déforment l’hépatocyte de l’hôte et repoussent son noyau en périphérie. L’éclatement des schizontes libère de nombreux mérozoïtes, qui vont continuer leur développement dans le milieu sanguin.
Stade sanguin ou intraérythrocytaire:
Le mérozoïte entre par endocytose dans une hématie et s’y transforme en stade annulaire ou ring. Dans le globule rouge s’effectue dès lors la phase symptomatique de schizogonie érythrocytaire qui consiste en :
– Une évolution progressive du stade annulaire en trophozoïte (possède une volumineuse vacuole nutritive) ;
– Un grossissement du trophozoïte, le noyau se divise ensuite pour donner un schizonte contenant des pigments malariques ou hemozoïne;
– Une individualisation de chaque noyau contenu dans le schizonte. Ainsi se forme un schizonte mature ou un corps en rosace.
– L’éclatement des schizontes matures libèrent des mérozoïtes qui vont parasiter d’autres hématies pour effectuer un nouveau cycle érythrocytaire. Au cours de cette phase survient la crise de paludisme ou accès palustre dû à la libération de l’hemozoïne ou pigment malarique.
– Après plusieurs cycles érythrocytaires schizogoniques, s’amorce le cycle sexué ou sporogonique. Dans les hématies apparaissent des éléments à potentiel sexuel: les gamétocytes mâles (microgamétocytes) et femelles (macrogamétocytes).
– Après avoir piqué une personne infectée par le paludisme, l’anophèle femelle récupère les gamétocytes du sang périphérique. Le cycle parasitaire recommence au sein d’un autre hôte lors du prochain repas du moustique.
Drépanocytose
La drépanocytose ou anémie falciforme est une maladie génétique, héréditaire récessive autosomique du sang. Elle est dite récessive car la présence de deux gènes anormaux est requise pour que la maladie s’exprime. Elle est caractérisée par la falciformation des érythrocytes. Cette falciformation est due à une mutation au niveau du gène de l’h émoglobine. En effet, l’hémoglobine S anormale diffère de l’hémoglobine A par le sixième acide aminé de sa chaîne ß : une valine qui est un résidu hydrophobe remplace un acide aminé hydrophile, l’acide glutamique. Cette substitution est sous la dépendance d’une mutation portant sur le gène de structure de la chaîne ß située sur le chromosome 11.
A la différence des hématies normales, les hématies falciformes sont moins élastiques. Elles obstruent les petits vaisseaux sanguins et bloquent la circulation sanguine.
Les hématies falciformes vivent moins longtemps, ce qui entraîne une anémie dite anémie falciforme. La drépanocytose homozygote se présente comme une anémie hémolytique chronique entrecoupée de crises hématologiques et de crises vaso-occlusives, souvent compliquées par des infections bactériennes sévères. La maladie est majoritairement rencontrée en Afrique Noire mais aussi en Amérique du Nord et du Sud, aux Antilles, dans les pays du Maghreb, en Sicile, en Grèce, dans tout le Moyen Orient et aux Indes (Driss, 2008). Les plus hautes fréquences de l’HbS se trouvent dans une zone géographique comprise entre le 10ème parallèle Nord et le 15ème parallèle Sud, une zone baptisée « ceinture sicklémique » par Lehmann s’étendant du sud du Sahara à la rivière Zambèze (Allison, 1964). La prévalence de cette hémoglobinopathie est de 8.6% chez les enfants Malagasy (Razakandrainibe et al., 2009). Cette aire géographique à haute fréquence drépanocytaire correspond à la zone d’endémie palustre en Afrique. La superposition des cartes de distribution de l’HbS et du paludisme (Figure 3 et 4) est à l’origine de plusieurs théories sur les relations entre drépanocytose et paludisme.
La coïncidence géographique entre la prévalence élevée de certaines anomalies génétiques et l’endémie du paludisme a suggéré un rôle protecteur de ces traits contre le paludisme sévère. Cette hypothèse a été confirmée pour la drépanocytose (Hill et al., 1991). Les propriétés biochimiques et physiques des globules rouges hétérozygotes (HbAS) ne favorisent pas la croissance intraglobulaire des plasmodies, diminuent les invasions des autres hématies et augmentent la falciformation des érythrocytes infectées (Williams et al., 2005). Néanmoins, le paludisme à Plasmodium falciparum est une des causes majeures de décès chez les enfants nés atteints de la drépanocytose en Afrique sub-saharienne (McAuley et al., 2010). Des études épidémiologiques démontrent que des mutations sur l’hémoglobine humaine, tel le cas de la drépanocytose (Jallow et al., 2009; Williams et al., 2005) lui confèrent un effet protecteur contre les infections dues à Plasmodium (Williams, 2006).
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : ETUDES BIBLIOGRAPHIQUES
I. Corrélation entre paludisme et drépanocytose
I.1. Paludisme
I.1.1.Cycle évolutif chez l’anophèle : phase sexuée = sporogonie
I.1.2.Cycle évolutif chez l’homme : phase asexuée = schizogonie
I.2. Drépanocytose
II. Apoptose et éryptose
II.1. Apoptose
II.2. Éryptose
II.3. Rôles des ions calcium et de l’exposition de la phosphatidylsérine durant l’éryptose
II.4. Rôles physiologiques de l’éryptose durant le paludisme
III. Artésunate
DEUXIEME PARTIE : MATERIELS ET METHODES
I. Culture in vitro de Plasmodium falciparum
I.1. Matériels
I.1.1. Souche parasitaire
I.1.2.Hôte des parasites
I.1.3. Milieu de culture
I.2. Mode opératoire
II. Technique de purification et de concentration sur colonne magnétique des globules rouges infectes par les stades matures
II.1. Matériels
II.2. Mode opératoire
III. Coculture des hématies normales et drépanocytaires parasitées avec différentes doses d’artésunate
III.1. Matériels
III.2. Mode opératoire
III.2.1. Prélèvements de sang des drépanocytaires
III.2.2. Dilution de l’artésunate
III.2.3. Coculture sur des plaques à 6 puits
IV. Cytométrie en flux
IV.1. Principe
IV.2.Description du cytomètre en flux
IV.3. Les fluorochromes
IV.3.1. Annexin V- FITC (BD PharmingenTM)
IV. 3.2. Hydroéthidine (Invitrogen)
IV.3.3. Fluo-4 AM (Invitrogen)
IV.4. Présentation des données et compensation
V. Etude de l’effet de l’artésunate sur les cocultures de globules rouges normaux et drépanocytaires parasités et traités avec de l’artésunate
V.1.Matériels
V.2. Mode opératoire
VI. Evaluation du retard de croissance des parasites dans les globules rouges drépanocytaires
VI.1.Matériels
VI.2. Mode opératoire
VII. Etude de l’éryptose sur des cocultures avec de l’artésunate
VII.1.Matériels
VII.2. Mode opératoire
VIII. Evaluation de l’hétérogénéité du calcium chez les globules rouges drépanocytaires
VIII.1.Matériels
VIII.2. Mode opératoire
IX. Etude de la modulation calcique sur les cocultures avec de l’artésunate
IX.1.Matériels
IX.2. Mode opératoire
TROISIEME PARTIE : RESULTATS, DISCUSSIONS, CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES
RESULTATS
I. Effet de l’artésunate sur le cycle de Plasmodium falciparum
II. Evaluation du retard de croissance dans les globules rouges drépanocytaires
III. Etude de l’éryptose sur des cultures traitées avec de l’artésunate
III.1. Mise au point des marquages avec l’Annexin V-FITC et l’Hydroéthidine
III.2. Etude de l’éryptose sur des cocultures d’hématies drépanocytaires parasitées avec différentes doses d’artésunate
IV. Evaluation de l’hétérogénéité du calcium chez les globules rouges drépanocytaires
IV.1. Mise au point des marquages avec Fluo-4 AM et l’Hydroéthidine
IV.2. Evaluation de l’hétérogénéité du calcium chez les globules rouges drépanocytaires
V. Modulation calcique sur les cocultures avec de l’artésunate
DISCUSSION
CONCLUSION