Corrélation entre dépistage pour les sages-femmes et facteurs de risques de douleur

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Un enjeu de santé publique 

La prise en charge de la douleur est une obligation réglementée pour tout établissement de santé et pour tous les soignants. La loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé du 4 mars 2002 reconnaît le soulagement de la douleur comme un droit fondamental de toute personne : « Toute personne a le droit de recevoir des soins visant à soulager sa douleur. Celle-ci doit être en toute circonstance prévenue, évaluée, prise en compte et traitée » (13). La lutte contre la douleur est également une priorité de santé publique inscrite dans la loi de santé publique de 2004. On retrouve ces lois dans le Code de la Santé publique (Article R6164-3 – alinéa 4 – du Code de la Santé publique) : « La conférence médicale d’établissement contribue à l’élaboration de la politique d’amélioration continue de la qualité et de la sécurité des soins, notamment en ce qui concerne : […] : La prise en charge de la douleur ».
Aussi en 1998, l’Etat français et plus précisément Bernard Kouchner, Secrétaire d’Etat à la Santé, lancent le premier plan de lutte contre la douleur. Pendant 12 ans, 3 plans de lutte contre la douleur avec des objectifs différents se succèdent. (14) (15).

La douleur dans le post-partum

Quels sont les facteurs de risque spécifiques de la douleur dans le cadre d’un accouchement par voie basse ?

La quasi totalité des patientes décrivent des douleurs aiguës en post-partum immédiat (dans les 2 heures qui suivent la naissance) (16). L’étude de cohorte, présentée récemment par Landau et al. sur près de 2000 patientes, a analysé l’incidence des douleurs sévères au cours des 72h suivant l’accouchement. La proportion de patientes présentant des douleurs aiguës sévères, définies par une EVA >7/10, était comparable quel que soit le mode d’accouchement. Elle était de 11% après accouchement par voie basse et de 16% après césarienne (17). Après un accouchement par voie basse, la présence de lésions périnéales ne suffit cependant pas à expliquer l’ensemble des douleurs aiguës. La douleur aiguë concerne en effet toutes les parturientes en post-partum immédiat (75% des patientes en l’absence de lésions périnéales, 95% en cas de déchirure simple ou d’épisiotomie et 100% après déchirure complexes) avec néanmoins une incidence, une intensité d’autant plus élevées et une durée d’autant plus prolongée que les lésions périnéales sont sévères. À six semaines de l’accouchement, environ 15 % des patientes ayant une lésion périnéale décrivent un symptôme douloureux persistant (18).
Des facteurs prédictifs de douleurs aiguës sévères en post-partum immédiat ont été identifiés, en particulier un syndrome douloureux avant ou pendant la grossesse, un score de somatisation élevé, une extraction instrumentale ou une déchirure périnéale complexe (19). Une seconde étude de McArthur et al. en 2004 identifie la gravité des lésions périnéales, la primiparité, une extraction instrumentale, une durée longue de la seconde phase de travail comme des facteurs de risques obstétricaux indépendants et prédictifs de douleurs aiguës en post-partum immédiat (18).

Pourquoi soulager la douleur dans le post-partum ?

Les douleurs survenant en post-partum représentent une véritable gêne à la réhabilitation (20). Les douleurs aiguës sévères, si elles sont insuffisamment traitées constituent le premier facteur de risque pour l’émergence de douleurs chroniques à distance de l’accouchement. En effet, l’étude de cohorte citée plus haut (16), a évalué également l’incidence des douleurs chroniques après l’accouchement. Deux mois après l’accouchement, 10% des patientes se plaignent de douleurs résiduelles qui pour la moitié d’entre elles sont gênantes lors de leurs activités quotidiennes. Les douleurs résiduelles décrites sont le plus souvent des douleurs pelviennes après accouchement par voie basse et des douleurs de cicatrices (périnéales). De plus, les patientes ayant eu une expérience de douleur aiguë sévère dans les 24 premières heures du post-partum présentent à six mois un risque accru de douleurs chroniques multiplié par 2,5 et un risque de syndromes dépressifs multiplié par trois comparés aux patientes ayant présenté des douleurs modérées (21). La douleur peut entrainer une diminution de la mobilité et une gêne notamment lors de la miction (22). La douleur périnéale persistante au-delà de la période précoce du post-partum peut avoir des effets à long terme sur la sexualité, l’étude de Buhling rapporte des douleurs lors des relations sexuelles persistantes au-delà de 18 mois après l’accouchement (23).
Une étude française de N.Séjourné, montre aussi que la douleur de l’accouchement et du post-partum immédiat est corrélée à la symptomatologie dépressive et traumatique (24). De plus, l’équipe de Rajan en 1994 conclut qu’une analgésie efficace sur la douleur périnéale permet d’améliorer le taux de succès de l’allaitement (25).

Quels sont les différents moyens de prendre en charge la douleur dans le post-partum ?

On différencie les mesures préventives et les mesures curatives pour prendre en charge la douleur dans le post-partum (26).
• Mesures préventives
Parmi les mesures pouvant être prises lors du travail nous avons le massage périnéal. Cet acte est pratiqué avec deux doigts gantés et lubrifiés introduits dans le vagin à 3-4 cm de profondeur pendant la seconde phase du travail, afin de détendre le périnée et de prévenir les déchirures périnéales et l’épisiotomie. La sage-femme exerce une pression modérée en direction du rectum avec des mouvements latéraux, doux, lents et réguliers, une seconde dans chaque direction. Leur fréquence est adaptée à la tolérance maternelle, le massage est expliqué par la sage-femme et ce sont les patientes qui le réalisent. A 3 mois on note une diminution globale des douleurs périnéales chez les femmes dans le groupe massage (27). Durant la deuxième phase du travail, il est aussi possible d’appliquer des compresses chaudes sur le périnée. L’étude réalisée conclue que cette technique diminue significativement la douleur ressentie un jour après l’accouchement (28).
Depuis quelques temps, une politique de restriction des épisiotomies voit le jour hormis lorsqu’il existe un risque de déchirures sévères du périnée est important ou lors d’une indication fœtale. Une méta-analyse de la Cochrane a montré que de réduire les épisiotomies entraîne moins de lésions postérieures et plus de lésions antérieures du périnée que lorsqu’elles sont pratiquées de façon systématique (29). Ce large essai randomisé rapportait moins de douleurs à la sortie pour les femmes ayant été recrutées dans le groupe de l’épisiotomie restrictive. De plus, en dehors de l’anesthésie locorégionale, deux autres méthodes anesthésiques sont disponibles avant de pratiquer l’épisiotomie : l’anesthésie locale et l’anesthésie des nerfs pudendaux. Dans l’étude de Arslan et al., (en 2004, en Turquie) il a été montré une diminution significative de la douleur au moment de l’épisiotomie et de sa réfection dans le groupe sous anesthésie homolatérale des nerfs pudendaux versus infiltration périnéale (30). Une autre étude réalisée par Sillou et al. en 2009 (31) a montré l’intérêt de l’infiltration de Ropivacaïne lors de la suture d’une épisiotomie ou d’une déchirure périnéale pour réduire les douleurs durant les 24 premières heures en post-partum.
Il est recommandé de réparer l’épisiotomie par un surjet continu, quand cela est possible, plutôt que par des points séparés (32). Kettle et al. montrent dans leur étude que la réfection de l’épisiotomie par un surjet réduit significativement la douleur, le risque de déhiscence, et apporte une plus grande satisfaction chez les patientes à 3 mois et à 12 mois (33).
• Mesures curatives
En première intention, comme antalgique est indiqué le Paracétamol (faible toxicité chez le nouveau-né le rendant compatible avec l’allaitement (34)) pourtant il semble avoir une efficacité limitée sur les douleurs post-épisiotomie. La patiente peut aussi prendre ponctuellement de l’Ibuprofène (35) ou de l’Acide Acétylsalicylique (36). Un étude rapporte moins de douleurs chez les femmes qui ont reçu des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) dans les 24 à 48 heures après l’accouchement comparés à un placebo (37). Les AINS, administrés par voie orale ou rectale, sont significativement plus efficaces qu’un placebo ou que le Paracétamol pour le traitement des douleurs périnéales dans le post-partum (38)(39) (40). Mais ce sont les analgésiques opiacés oraux qui ont été reconnus comme les meilleurs agents antalgiques sur les douleurs aiguës (41). Concernant les moyens non médicamenteux, il existe le traitement des douleurs périnéales par le froid. Une étude menée en 2012 par East et al. (42) étudie l’application du froid pour soulager les douleurs périnéales. Ils ont comparé l’application de glace ou de gel froid sur le périnée à l’absence de traitement. Le groupe ayant bénéficié de traitement par une application de glace, rapportait une diminution de la douleur à 24 ou 72 heures suivant la naissance. Pour les autres critères, quelle que soit la méthode et la période du post-partum, aucune différence significative n’était observée en terme d’intensité de la douleur affectant la marche, ou associée à un œdème ou à un hématome. De la même manière aucune différence n’était notée quand on s’intéressait à l’allaitement. Une seconde étude plus récente de Derya et al. (2017) confirme que l’application de garnitures glacées sur le périnée permet de soulager la douleur périnéale et augmente le confort des femmes dans le post-partum (43). L’acupuncture est reconnue comme efficace pour traiter les engorgements et mastites (44) mais aussi pour traiter les tranchées utérines (45) et les douleurs périnéales notamment après une épisiotomie (46).
Il existe aussi les massages qui permettent de soulager la douleur au niveau du périnée, de la poitrine, du dos et des épaules mais aussi de lutter contre la constipation (47)(48)(49).

Les suites de naissance au Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Caen

Présentation du service

La durée d’hospitalisation est en moyenne de 72 heures pour un accouchement par voie basse et de 96 heures pour une naissance par césarienne.
Durant leur séjour, les femmes ayant accouchées par voie basse et ne présentant pas de complications sont uniquement suivies par les sages-femmes. Chaque jour la sage-femme réalise une expertise obstétricale. Cet examen consiste à prévenir le risque de complications de l’accouchement. La sage-femme vérifie cliniquement des paramètres tels que la montée laiteuse, la formation de crevasses des seins, le tonus utérin et l’involution utérine, les membres inférieurs, les lochies, le périnée lorsqu’il y a eu une suture, les mictions spontanées, la reprise des gaz et du transit. Elle prend également les constantes de la patiente (pression artérielle, fréquence cardiaque, température) et évalue la douleur. Dans ce cas, elle demande à la patiente de noter sa douleur sur l’échelle numérique. Quotidiennement la sage-femme distribue de façon systématique des antalgiques aux patientes. Elle doit aussi prendre en compte l’état psychique de la patiente et s’assurer de l’installation d’une bonne relation mère-enfant (50).
A la fin du séjour, chaque femme bénéficie d’une visite de sortie personnalisée. C’est l’occasion pour elle de poser et reposer toutes les questions qu’elle désire, de parler du retour à la maison avec l’enfant mais aussi de discuter de la contraception. A l’issue de cet entretien la sage-femme délivre à la patiente des ordonnances personnalisées.

La prescription d’antalgiques

La sage-femme est habilitée à prescrire les antalgiques suivants : Paracétamol, Tramadol, Néfopam, association de Paracétamol et de Codéine, association de Paracétamol et de Tramadol, Nalbuphine ampoules de 20 mg (dans le cadre d’une protocole mis en place avec le médecin anesthésiste-réanimateur, l’usage est limité au début du travail et à une ampoule par patiente), association de Paracétamol et de poudre d’opium (uniquement pour la prise en charge de la douleur dans le cadre d’une interruption volontaire de grossesse (IVG)). Elle peut aussi prescrire des AINS mais uniquement dans deux cas : l’IVG ou la prise en charge de la douleur en post-partum immédiat (51).

Protocole de l’analgésie du post-partum au CHU de Caen

D’après le protocole d’analgésie du post-partum mis en place au CHU de Caen (Annexe 2) : la douleur doit être évaluée systématiquement selon une échelle visuelle analogique. Les antalgiques doivent en priorité être administrés per os.
• Prise systématique pendant 48 heures en association pour une action synergique :
✴ Antalgiques Palier I pour les douleurs faibles à modérées
✴ Paracétamol : 1 gr X 4 par jour, toutes les 6-8 heures
✴ Ibuprofène : 400 mg X 3 par jour, toutes les 8 heures, au moment des repas, à débuter à H2 de l’accouchement en l’absence de contre-indications
• Si insuffisance d’analgésie des antalgiques de palier I ou EN > 5 :
✴ Antalgiques Palier II : Douleurs modérées à intenses
✴ Nefopam : 20 mg par voie sublinguale sur 1 sucre X 4 par jour
✴ Tramadol : 50 à 100 mg par voie orale X 4 par jour (maximum 400 mg/jour)

Protocole institutionnel sur l’administration médicamenteuse (Annexe 3)

D’après ce protocole institutionnel, la sage-femme se doit de préparer les médicaments per os dans la salle de soin pour la durée de son poste de travail (12 heures). Elle prépare donc les prises du matin, du midi et du soir.
Cette préparation s’effectue après vérification de la prescription informatisée s’il y a lieu et grâce aux piluliers journaliers qui doivent être identifiés de manière univoque. Le pilulier journalier doit être distribué à la patiente dans sa chambre après contrôle de son identité. La première prise de médicament doit être effective. La traçabilité doit être immédiate dans le dossier Crossway de la patiente.

Traçabilité et responsabilité médico-légale

Tout médicament distribué par la sage-femme doit être prescrit, soit par elle-même s’il fait partie de la liste qu’elle peut prescrire, soit par un médecin. Lorsqu’elle prescrit, la sage-femme engage sa responsabilité professionnelle tant d’un point de vue déontologique que légal.
Dans le code de la santé publique il est stipulé que le personnel soignant doit, avant toute administration de médicaments, vérifier l’identité du malade et la prescription médicale. Pour chaque médicament, la dose administrée et l’heure d’administration doivent être enregistrées sur un document conservé dans le dossier médical. (52) La traçabilité des antalgiques dans le dossier des patientes est donc une étape impérative qui engage la responsabilité de la sage-femme.
Suite à cette revue de la littérature, nous avons voulu nous interroger sur la prise en charge de la douleur dans un service de suites de naissance d’une maternité de niveau 3. Nous avons donc décidé de répondre à cette question en menant une étude quantitative prospective auprès de 100 femmes à la maternité du CHU de Caen.

Matériel et méthode

Problématique

Les douleurs chez les femmes ayant accouché par voie basse au CHU de Caen sont-elles correctement prises en charge par les sages-femmes ?

Objectifs

L’objectif principal était d’évaluer la prise en charge thérapeutique de la douleur durant le séjour du post-partum après un accouchement par voie basse au CHU de Caen.
Les objectifs secondaires étaient d’évaluer le dépistage des douleurs en post-partum par les sages-femmes et de rechercher les facteurs associés au dépistage, puis d’apprécier la traçabilité dans les dossiers de l’évaluation de la douleur et des antalgiques donnés.

Hypothèses

Nous avions trois hypothèses. L’hypothèse principale était que les douleurs sont bien prises en charge durant le séjour en post-partum après un accouchement par voie basse au CHU de Caen et que les patientes en sont satisfaites. Les hypothèses secondaires étaient que les douleurs sont systématiquement dépistées par les sages-femmes mais que la traçabilité dans les dossiers n’est pas optimale.

Type d’étude

Nous avons réalisé au CHU de Caen une étude quantitative prospective monocentrique à l’aide de questionnaires d’auto-évaluation par les patientes et ensuite une étude retrospective par analyse des dossiers médicaux des patientes.

Critères d’inclusion et de non-inclusion

Les critères d’inclusion des patientes étaient :
– patiente ayant accouché par voie basse d’un enfant vivant, au CHU de Caen, entre le 16 juillet et le 24 septembre 2018,
– patiente primipare ou multipare,
– patiente majeure.
Les critères d’exclusion étaient :
– patiente ayant accouché par césarienne,
– patiente ayant accouché d’un enfant né sans vie,
– patiente ayant son nouveau-né hospitalisé en néonatalogie,
– patiente ne parlant pas le français,
– refus de la patiente de participer à l’étude.

Enquête par questionnaires

Cette étude a reçu l’approbation du Comité Local d’Ethique pour la Recherche en Santé (CLERS) le 18 mars 2019. (Annexe 4)
L’enquête par questionnaires d’auto-évaluation par la patiente correspond au premier temps de l’étude. Cette étude est une étude quantitative prospective monocentrique.
Ce questionnaire a été rédigé en mai 2018, validé par la directrice de ce mémoire ainsi que par la sage-femme cadre supérieure du CHU de Caen puis testé sur 5 personnes avant sa diffusion.
Il était rempli de façon anonyme et comportait 28 questions, dont deux échelles numériques de douleurs (à J1 de l’accouchement et à la sortie) et un ensemble de 11 affirmations où les patientes devaient se dire « tout à fait d’accord », « plutôt d’accord », « plutôt pas d’accord », « pas d’accord du tout ». (Annexe 5)
Après vérification du respect de tous les critères d’inclusion et d’exclusion, chaque patiente recevait en mains propres le questionnaire le matin du jour de la sortie du service de suites de naissance et disposait de la matinée pour y répondre.
Cent questionnaires ont été récupérés, ils étaient tous exploitables.

Enquête par étude de dossiers Crossway

L’enquête par étude de dossier correspond au second temps de l’étude. Les données ont été recueillies à partir des dossiers informatisés sur le logiciel Crossway du CHU de Caen. Nous avons étudié les dossiers des patientes afin de mettre en relation ce qui est inscrit concernant l’EN et les réponses des patientes afin d’évaluer le dépistage de la douleur et d’apprécier la traçabilité dans les dossiers.
Les critères d’évaluation étaient :
– l’échelle numérique de douleur,
– les antalgiques prescrits,
– les antalgiques remis à la patiente.

Recueil et exploitation des données

Les réponses ont été retranscrites sur le logiciel Excel. Le calcul des caractères significatifs a été réalisé à partir du logiciel statistique biostaTGV.
Les tests appliqués ont été les tests de Chi2 et Fischer lorsque l’effectif était inférieur à 5. Les différences ont été considérées comme significatives quand la p-value était inférieure à 0,05.
Les critères jugements étaient :
• pour l’hypothèse 1 (Les douleurs sont bien prises en charge durant le séjour en post-partum après un accouchement par voie basse au CHU de Caen) : nous avons calculé la différence entre l’EN le lendemain et l’EN à la sortie, si cette dernière était significative alors les douleurs étaient correctement prises en charge.
• pour l’hypothèse 2 (les douleurs sont systématiquement dépistées par les sages-femmes) : nous sommes partis du principe que si l’EN était demandée une fois par jour par patiente alors le dépistage était réalisé. De plus, nous avons cherché à savoir si les sages-femmes dépistaient davantage les femmes avec des facteurs de risques de douleurs à l’aide de test de Chi2 et Fischer.
• pour l’hypothèse 3 (la traçabilité des antalgiques donnés dans les dossiers n’est pas optimale) : nous avons effectué des statistiques descriptives.

Analyse critique de la méthodologie de l’étude

Points forts de l’étude

Les principaux points forts de l’étude sont, dans un premier temps, son caractère prospectif et, dans un second temps, le fait qu’il n’y ait eu qu’un unique enquêteur pour distribuer et récupérer les questionnaires en mains propres avec les patientes. Ceci a permis que 100% des questionnaires soient récupérés et exploitables. Les explications et instructions données ont donc toujours étaient semblables. Les questionnaires étaient remplis de façon anonyme juste avant la sortie du service et les patientes savaient qu’ils n’étaient pas lus par les sages-femmes, leur permettant probablement de se livrer sans crainte de jugement dans ce questionnaire.
Un état des lieux sur la prise en charge de la douleur après un accouchement par voie basse par les sages-femmes dans le service de suites de naissance du CHU de Caen n’avait jamais été réalisé. Les études sur la douleur après un accouchement par voie basse ne sont pas nombreuses. Ce travail de recherche est donc original et peut être exploitable par le service.

Limites de l’étude

Cette étude comporte deux limites principales.
Premièrement, l’étude a été réalisée sur une courte durée de trois mois avec par conséquent les mêmes roulements de sages-femmes. Cela n’est pas représentatif des pratiques de l’ensemble des sages-femmes du CHU mais seulement d’une partie de l’effectif global, présent en suites de naissance au moment du recueil de données.
La seconde limite de cette étude est un biais de mémorisation des patientes, lié au recours à des questionnaires. En effet, le questionnaire a été distribué le matin de la sortie de maternité de la patiente et les questions portaient sur l’ensemble du séjour en suites de naissance. Les patientes sont très occupées, avec leur nouveau-né notamment, il est possible qu’elles omettent certaines données.

Prise en charge de la douleur par les sages-femmes après un accouchement par voie basse

La première de nos trois hypothèses était que la douleur en post-partum était bien prise en charge par les sages-femmes, donc qu’elle diminuait au cours du séjour.
Pour la majorité des patientes de notre étude, la douleur ressentie lors du séjour en suites de naissance ne semble pas les avoir importunées. Cependant il ressort malgré tout que pour 17% d’entre-elles la douleur les a empêchées de dormir et que pour 28% d’entre-elles la douleur les a empêchées de marcher. De plus, 24% des patientes déclarent que la douleur ressentie pendant leur séjour en suites de naissance les a empêchées de prendre soin d’elles comme elles l’auraient voulu et 19% des patientes déclarent avoir aussi été gênées par la douleur pour prendre soin de leur enfant. Ces chiffres ne sont pas à négliger et montrent qu’il y a une réelle demande de la part des femmes d’être soulagées de leurs douleurs.
L’EN à la sortie est significativement différente de l’EN à J1, avec, en moyenne, une diminution de 2.34 points entre J1 et la sortie. La douleur des femmes diminue donc de façon significative durant leur séjour. Cependant l’interprétation de cette diminution de l’EN ne peut se faire sans prendre en compte l’existence d’un biais de confusion majeur qu’est le facteur temps. Ce dernier interfère évidemment avec la prise d’antalgiques dans la diminution progressive de l’EN. Il n’existe néanmoins pas d’études sur le seul sujet de l’évolution de la douleur dans le temps en post-partum immédiat, puisque cela présupposerait de ne pas avoir recours aux antalgiques, ce qui ne serait pas éthique.
Lorsque l’on demande aux femmes si elles sont satisfaites de la façon dont leur douleur a été prise en charge dans le service de suites de naissance, elles répondent de façon positive dans 99% des cas. Cette proportion de satisfaction est excellente.
Les femmes disent avoir reçu des médicaments antalgiques pour 86% d’entres elles et des dispositifs non médicamenteux pour diminuer leur douleur pour 59% d’entre elles. D’après le protocole mis en place dans le service (Annexe 2), toutes les patientes (n’ayant pas de contre-indication) doivent recevoir en alternance Paracétamol et Ibuprofène pendant 48 heures minimum. Toutes les femmes interrogées dans notre étude déclarent avoir reçu un pilulier journalier contenant ces antalgiques : 85% l’ont eu tous les jours du séjour tandis que 15% l’ont eue au moins pour une journée. Pour que le protocole soit convenablement appliqué il faudrait que toutes les patientes aient tous les jours ce pilulier contenant les antalgiques. De plus, le protocole thérapeutique ne se retrouve pas respecté à la lettre également par les patientes puisqu’elles gèrent en autonomie leurs prises de médicaments. A l’affirmation « J’ai pris systématiquement les médicaments donnés dans la barquette même quand je n’avais pas de douleurs. », 82% des patientes répondent « Non ». Pourtant, 100% des patientes jugent « claires » les explications données par la sage-femme sur la prise de médicaments.
Nous pouvons donc valider l’hypothèse que les sages-femmes prennent correctement en charge les douleurs des femmes ayant accouché par voie basse lors de leur séjour en suites de naissance au CHU de Caen et que les patientes sont satisfaites de cette prise en charge. Cependant, nous remarquons une mauvaise application du protocole antalgique par défaut d’observance des patientes. De plus, l’application de la règle institutionnelle à propos de l’utilisation quotidienne d’un pilulier pour chaque patiente contenant ses médicaments doit encore être améliorée.

Dépistage de la douleur par les sages-femmes

La seconde hypothèse était que les sages-femmes dépistent systématiquement les douleurs après un accouchement par voie basse en post-partum. Nous avons trouvé, d’après la traçabilité dans les dossiers, que seulement 34% des patientes étaient suffisamment dépistées, c’est à dire que l’EN avait été évaluée au moins une fois par jour auprès d’elles pendant toute la durée du séjour. Ce pourcentage n’est pas assez satisfaisant. En effet, comme dit précédemment, le dépistage de la douleur est primordial dans le domaine de la santé et fait partie des recommandations de l’HAS (12). Cependant, nous pouvons penser que le manque de traçabilité dans les dossiers des antalgiques donnés et du nombre de fois où la de la douleur a été évaluée ne peut suffire pour conclure ou non à un défaut de prise en charge. L’interprétation de nos données statistiques ne peut pas se faire indépendamment de cette constatation à travers laquelle nous objectivons clairement le défaut de traçabilité.
Nous avons pu constater que seule l’échelle numérique était utilisée par les sages-femmes pour évaluer l’intensité de la douleur. En effet, aucune échelle visuelle analogique (EVA) n’est utilisée. C’est cependant l’EVA qui est recommandée par le protocole sur l’analgésie dans le post-partum au CHU de Caen (Annexe 2).
Malgré ce faible pourcentage de dépistage retrouvé dans les dossiers, 97% des patientes jugent que l’équipe soignante s’est intéressée à leurs douleurs, ce chiffre étant très satisfaisant.
Il est important de noter aussi que 10% des patientes de notre étude déclarent ne pas avoir osé se plaindre de leur douleur. Il est pourtant nécessaire que les femmes puissent s’exprimer et ne pas se sentir jugées. Les justifications données par les patientes de notre étude quand on les questionne sur la raison de cette non plainte est « à quoi bon » et « ce sont des douleurs habituelles ». Ces deux remarques semblent témoigner d’un fatalisme face à la douleur chez ces femmes mais aussi d’une habitude à se renfermer sur soi et de ne pas être écoutées.
Aussi, les test de Fischer et de Chi2 réalisés mettant en relation les facteurs de risques de douleurs physiques dans le post-partum et le dépistage par les sages-femmes n’a pas montré que ces dernières dépistent davantage les femmes ayant des facteurs de risques de douleurs. Cela signifie donc que le dépistage se fait de façon homogène quelque que soient les facteurs de risques. Aucune patiente n’est négligée dans le dépistage de la douleur.
Il en ressort donc, lorsque l’on s’en tient à ce qui est tracé dans les dossiers, que les sages-femmes ne dépistent pas de façon systématique les douleurs dans le post-partum. D’autre part, elles ne ciblent pas davantage lors de leur dépistage les femmes ayant des facteurs de risques de douleurs. En revanche, les patientes de notre étude déclarent de façon quasi unanime que l’équipe soignante s’est intéressée à leurs douleurs : ceci est un point fort de la prise en charge des sages-femmes. En effet, l’intérêt du dépistage est le même pour l’ensemble des patientes.
 Une progression concernant la traçabilité de l’EN dans les dossiers est possible, ainsi les déclarations des patientes et le taux de dépistage retrouvé dans les dossiers seraient concordants.

Traçabilité des antalgiques donnés en suites de naissance par les sages-femmes

La dernière hypothèse était que la traçabilité des antalgiques distribués en suites de naissance  n’est pas optimale. Sur les 100 patientes incluses dans l’étude, 14 dossiers ne comportaient pas de prescriptions. Ce taux de 14% n’est pas satisfaisant. Pourtant la totalité des patientes de notre étude déclare avoir eu un pilulier journalier avec Paracétamol et/ou Ibuprofène dans leur chambre.
Au total, il n’a été tracé par l’intermédiaire des dossiers que très peu de prises de médicaments : 187 prises de 1g de Paracétamol, ce qui fait une moyenne de 1,87g par patiente. Il a été tracé 117 prises de 400 mg d’Ibuprofène (46,8g) , ce qui fait une moyenne de 1,17 prise par patiente (468 mg). Il a aussi été tracé 9 prises de 20 mg de Néfopam, 3 prises de 50 mg de Tramadol, 1 prise de 160 mg de Phloroglucinol.
Dans l’hypothèse où le protocole du service (Annexe 2) était respecté, il aurait du être tracé 800 prises de 1 g de Paracétamol (77% de plus que ce qui a été tracé), 600 prises de 400 mg d’Ibuprofène (80,5% de plus que ce qui a été tracé) au minimum mais aussi plusieurs prises de 20 mg de Néfopam (au minimum 27, car on note 27 patientes avec une EN > 5 le lendemain de l’accouchement et 2 patientes avec une EN > 5 le jour de leur sortie) et de 50 mg de Tramadol si l’on se fie à l’EN décrite par les patientes le lendemain de leur accouchement et à leur sortie.
Les résultats des antalgiques tracés comparés à ceux qui auraient du l’être dans l’idée où le protocole avait été respecté paraissent vraiment moindres.
De plus, lorsque l’on demande aux patientes de notre étude ce qu’elles ont reçu comme antalgiques, 11% déclarent avoir pris uniquement du Paracétamol, 1% n’avoir pris que de l’Ibuprofène et 74% avoir pris à la fois Paracétamol et Ibuprofène. Si l’on se fie aux résultats du questionnaire, 86% des patientes ont donc pris des antalgiques. L’interprétation de nos données statistiques ne peut pas se faire indépendamment de cette constatation à travers laquelle nous objectivons clairement le défaut de traçabilité et non le défaut du respect protocolaire.
Ces chiffres vérifient notre hypothèse, la traçabilité des antalgiques prescrits n’est pas optimale.

Analyse comparative des résultats avec une autre étude

Un mémoire de sage-femme réalisé en 2014 par Julie Pelletier (53) dresse un état des lieux de la prise en charge par les sages-femmes des douleurs du post-partum après un accouchement par voie basse au CHU de Grenoble. La différence majeure avec notre étude est la durée : en effet, nous avons considéré le séjour entier de nos patientes en suites de naissance alors que Madame Pelletier a évalué la prise en charge de la douleur de l’accouchement à J1. De plus, sa population était de 30 patientes alors que la notre est de 100 patientes. La méthodologie utilisée diffère aussi de celle de notre étude. Elle a cherché à estimer par le biais d’observations si la douleur était dépistée et évaluée selon les bonnes pratiques mais aussi si la prise en charge antalgique des patientes était conforme aux recommandations, notamment en terme de traçabilité et de mise en place de traitement adaptée.
Il en ressort que chez 80% des patientes la douleur était correctement dépistée, soit 46% de plus qu’au CHU de Caen. Cependant, Madame Pelletier était présente aux cotés des sages-femmes lors des examens d’accouchées, elle a donc une valeur sure de la pratique réalisée alors que le chiffre de notre étude se base sur ce qui a été tracé dans les dossiers des patientes, nos données sont donc plus difficilement exploitables.

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Table des matières

Introduction
I. La douleur
1. Définir la douleur
2. Evaluer la douleur chez l’adulte
2.1. Outils d’auto-évaluation
2.2. Outils d’hétéro-évaluation
3. Un enjeu de santé publique
II. La douleur dans le post-partum
1. Quels sont les facteurs de risque spécifiques de la douleur dans le cadre d’un accouchement par voie basse ?
2. Pourquoi soulager la douleur dans le post-partum ?
3. Quels sont les différents moyens de prendre en charge la douleur dans le post-partum ?
III.Les suites de naissance au Centre Hospitalier Universitaire de Caen
1. Présentation du service
2. La prescription d’antalgiques
3. Protocole de l’analgésie du post-partum au CHU de Caen
4. Protocole institutionnel sur l’administration médicamenteuse
5. Traçabilité et responsabilité médico-légale
Matériels et méthode
1. Problématique
2. Objectifs
3. Hypothèses
4. Type d’étude
5. Critères d’inclusion et de non-inclusion
6. Enquête par questionnaires
7. Enquête par étude de dossiers Crossway
8. Recueil et exploitation des données
Résultats
1. Description de la population
2. Les femmes et la douleur après un accouchement par voie basse .
2.1. Echelle numérique de la douleur
2.2. Localisation de la douleur
2.3. Facteurs déclenchants une douleur
2.4. Facteurs soulageants une douleur
3. Réponses aux affirmations du questionnaire
4. Traçabilité
5. Corrélation entre dépistage pour les sages-femmes et facteurs de risques de douleur
Discussion
1. Analyse critique de la méthodologie de l’étude
1.1. Points forts de l’étude
1.2. Limites de l’étude
2. Prise en charge de la douleur par les sages-femmes après un accouchement par voie basse
3. Dépistage de la douleur par les sages-femmes
4. Traçabilité des antalgiques donnés en suites de naissances par les sagesfemmes
5. Analyse comparative des résultats avec une autre étude
6. Moyens mis en oeuvre pour soulager la douleur des femmes ..
6.1. Antalgiques
6.2. Moyens non médicamenteux
7. Propositions d’amélioration
Conclusion
Bibliographie
Annexes

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