Correction et prévention de l’anomalie génétique
Données épidémiologiques
La Drépanocytose et les Thalassémies sont les principales pathologies de l’hémoglobine, et elles forment une problématique de santé non négligeable pour 71% des 229 pays du globe. Sachant que ces mêmes pays représentent 89% des naissances mondiales, ce sont donc près de 330000 enfants qui naissent chaque année avec une hémoglobinopathie, dont 17% d’entre eux avec une Thalassémie. Ainsi, d’après les chiffres de l’OMS, 7% des femmes enceintes sont porteuses d’allèles mutés responsable de cette pathologie génétique, et au final, dans la population mondiale, 1 couple sur 100 présente des risques de transmission pour sa descendance. Les Thalassémies figurent donc parmi les maladies génétiques les plus répandues dans le monde.
Répartition
Mondiale [ Le terme Thalassémie provient du grec ‘thalassa’, la mer, et de ‘haema’ le sang, en référence à la localisation des premiers cas. En effet, La β-Thalassémie est à l’origine prévalente dans les pays du pourtour méditerranéen (Sardaigne, Chypre, Grèce), mais est également très présente en Inde (près de 20millions de personnes concernées par les mutations), en Asie centrale, dans le sud de la Chine, au Moyen-Orient. L’incidence moyenne dans le monde, représentative du nombre de nouveaux cas par an, est de 1 personne atteinte sur 100000.A l’instar de la drépanocytose, une autre hémoglobinopathie, la β-Thalassémie est fréquemment rencontrée dans les régions où le paludisme est également endémique. En effet, les modifications érythrocytaires engendrées par ces pathologies attribuent aux porteurs hétérozygotes de la mutation une certaine protection face à l’infection par le Plasmodium falciparum. Une théorie montre une diminution de l’adhérence entre les cellules affectées par le parasite et les cellules endothéliales, ce qui minimise les inflammations micro vasculaires habituellement manifestées dans le paludisme. Une autre hypothèse avance que le cycle de reproduction du parasite est perturbé chez les patients β-Thalassémiques, limitant la prolifération du parasite dans l’organisme. Avec les phénomènes migratoires actuels et la mobilité croissante de la population mondiale, cette pathologie à l’origine endémique voit sa prévalence progressivement augmentée dans d’autres régions. Elle s’est propagée depuis le bassin méditerranéen à tout le territoire européen, américain (nord et sud), australien. Ces pathologies représentent donc un problème de santé publique grandissant, et nécessitent une prise de conscience suivie d’une mise en place de programmes thérapeutiques adaptés dans les pays auparavant non concernés par les β-Thalassémies.En Europe, la β-Thalassémie est la deuxième maladie rare la plus répandue, après la drépanocytose (une maladie rare est définie par une prévalence seuil d’1 personne atteinte sur 2000). Une mutation nouvellement découverte dans une famille française, avec un génotype global plus proche de celui des européens du nord que de celui de la population méditerranéenne, témoigne de l’évolution de la distribution de la maladie.
Prévalence en France
Chaque année, 5 à 10 nouveaux cas de β-Thalassémies, majeures ou intermédiaires, sont découverts. En 2014, 570 patients étaient répertoriés en France, dont 70% étaient atteints de la forme majeure. La prévalence estimée, correspondant au nombre de cas dans la population française à un instant t, était de 0,5/100000 personnes. Pour comparaison, cette prévalence est similaire à celle de l’Allemagne ou de la Belgique, et est un peu plus faible que celle enregistrée en Angleterre. Un registre national officiel, instauré depuis 2005, permet de suivre l’évolution de la maladie. Un tel registre recueille non seulement les données épidémiologiques mais permet également un suivi de l’évolution des thérapies, évaluant ainsi la qualité de la prise en charge globale et l’amélioration de celle-ci avec les nouvelles stratégies de traitement.Les hémoglobines présentes aux différents stades de développement Les combinaisons possibles des globines du cluster α associées aux globines du cluster β à chaque stade de développement vont alors correspondre aux hémoglobines synthétisées à ces stades. Durant la période embryonnaire correspondante aux 8 premières semaines de développement, trois hémoglobines différentes sont synthétisées : Hb Gower 1 (de combinaison génétique ζ2ε2), Hb Gower 2 (de combinaison génétique ζ2ε2), Hb Portland (de combinaison génétique ζ2γ2). Chez le foetus, (de la 9ème semaine de développement jusqu’à la naissance), l’hémoglobine F(HbF) est prépondérante; son taux à la fin de la grossesse est de 60 à 80%. L’HbF est composée systématiquement de deux chaînes α et deux chaînes variables γ, (g γ ou a γ). Elle est synthétisée au niveau du foie et de la rate. De la naissance jusqu’au 6ème mois de vie, le taux d’HbF diminue par répression (taux inférieur à 0.5% chez l’adulte) : l’hémoglobine A1 (HbA1, de combinaison génétique α2β2) devient donc majoritaire de façon définitive, à un taux de plus de 95% chez l’adulte. L’hémoglobine A2 (HbA2, de combinaison génétique α2δ2) est également synthétisée, avec un taux d’environ 3% chez l’adulte. Elle n’a pas de rôle physiologique.
La surcharge en fer et ses complications [39] [40] [29] Cette surcharge est la conséquence de trois faits : L’érythropoïèse fortement stimulée bien qu’inefficace, couplée à l’hémolyse, ainsi que l’absorption intestinale excessive observée chez les malades. Cependant, l’origine de la surcharge en fer est aggravée par des facteurs différents entre les patients β-TM et les patients β-TI. Concernant les patients β-TI non transfusions dépendant (TD), la surcharge en fer est liée à l’augmentation de l’absorption intestinale due à la forte diminution du taux sérique d’hepcidine. Chez les patients β-TMTD, l’hepcidine ne présente pas de taux particulièrement diminué. Le fer est distribué préférentiellement au système réticulo-endocytaire, stimulant la synthèse de ferritine et sa libération dans la circulation sanguine. La surcharge en fer apparaît beaucoup plus rapidement chez les patients β-TM polytransfusés que chez les patients β-TI. Les patients β-TM transfusés régulièrement reçoivent un taux de fer vingt fois supérieur à l’apport recommandé (jusqu’à 500 mg de fer apporté par litre de sang transfusé). A l’état physiologique normal pour un homme adulte, l’apport alimentaire journalier recommandé est de 15mg, seulement entre 1.5mg et 3mg sont absorbés. Pour les patients β-TI, l’absorption représente environ 0,1mg de fer par kilo par jour, soit 7mg de fer absorbé par jour pour un homme adulte, deux fois plus que la normale. Comme préalablement exposé, le fer en tant qu’élément essentiel joue un rôle central dans de nombreux processus physiologiques, une perturbation de son homéostasie entraine donc de sévères complications.
Complications cardiaques
Responsable du décès de 2 patients sur 3 atteints de β-Thalassémie majeure, les complications cardiaques sont dues essentiellement à la surcharge en fer. En effet, une insuffisance cardiaque congestive ou des troubles du rythme sont fréquemment observés, conduisant parfois à la mort subite. Les dépôts de fer sur les parois cardiaques, en particulier ventriculaires, provoquent leur fragilisation, une dégénérescence et entraîne leur dysfonctionnement, ainsi qu’une perte de ses propriétés élastiques. Le degré d’atteinte cardiaque est directement proportionnel à la quantité de fer déposée dans les cellules myocardiques. Par ailleurs, une hypertrophie du muscle cardiaque est observée, le ventricule gauche étant déformé. D’autre part, l’hémolyse chronique et l’érythropoïèse inefficace conduisent à une hypoxie tissulaire, la fonction cardiaque s’adapte alors pour compenser. Ainsi, les patients atteints de β-Thalassémie ont un débit cardiaque significativement augmenté, qui est lié aussi à l’hypertrophie précédemment citée.
La plus grosse différence entre la β-TM et la β-TI est la sévérité et la précocité de l’atteinte cardiaque. Les symptômes se manifestent en moyenne 10ans plus tôt pour les patients atteints de β-Thalassémie majeure que pour les patients atteints de β-Thalassémie intermédiaire. Autre différence notable, la déformation cardiaque et l’augmentation volumique sont plus prononcées chez les patients β-TI. L’incidence des complications cardiaques a largement diminuée depuis la mise en place des traitements chélateurs et des transfusions régulières. En 1964, 63% des patients âgés de 16ans montraient une insuffisance cardiaque, ce taux a chuté de 30% 30 ans plus tard, et actuellement, une incidence de 9% a été reportée chez les patients mal suivis (avec un âge moyen de 12ans). Après l’âge de 11ans, 50% des patients subissaient des épisodes de péricardites, et la survie des patients sans traitement chélateur était estimée à trois mois après l’installation de l’insuffisance cardiaque. Aujourd’hui, avec un traitement adapté, les insuffisances cardiaques n’apparaissent que très rarement avant l’âge de 25ans.
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Table des matières
Remerciements
Table des matières
Table des figures
Table des tableaux
Table des annexes
Liste des abréviations et acronymes
Introduction
PARTIE 1 : Généralités sur la maladie [1] [2] [3]
I/Données épidémiologiques
I/1) Répartition Mondiale
I/2) Prévalence en France
II/ Quelques notions d’hématologie
II/1) L’hémoglobine
II/1)1) Structure de l’hémoglobine
II/1)2) Les différentes hémoglobines
II/2) Le fer : un minéral essentiel
II/2)1) Rôles du fer
II/2)2) Distribution du fer dans l’organisme
II/2)3) Circuit du fer dans l’organisme
II/3) La production des globules rouges : l’érythropoïèse
II/3)1) Mécanisme général
II/3)2) Régulation de l’érythropoïèse
III/ Aspect génétique des β-Thalassémies
III/1) Anomalies génétiques liées à la pathologie
III/2) Mode de Transmission d’une maladie autosomique récessive
IV/ Corrélation génotype-phénotype
IV/1) La β-Thalassémie Majeure (β-TM) ou Maladie de Cooley
IV/2) La β-Thalassémie Intermédiaire [12]
IV/3) La β-Thalassémie mineure ou ‘Trait β-Thalassémique’
V/ Physiopathologie des différentes β-Thalassémies
V/1) Conséquences primaires de la β-Thalassémie
V/2) Conséquences secondaires de la β-Thalassémie
V/2)1) La surcharge en fer et ses complications
V/2)2) Complication neuropsychologique
VI/ Diagnostic & données biologiques et biochimiques
VI/1) Bilans biologiques
VI/1)1) Bilan de l’anémie
VI/1)2) Autres bilans biologiques perturbés
VI/2) Analyses des hémoglobines
VI/2)1) Techniques courantes
VI/2)2) Analyses complémentaires
VI/3) Diagnostic différentiel
VI/4) Etude des mutations
VI/5) Circonstances du diagnostic
PARTIE 2 : Traitements conventionnels
I/ La transfusion sanguine
I/1) Place de la transfusion dans le traitement des β-Thalassémies
I/1)1) Patients concernés
I/1)2) Intérêt de la transfusion
I/1)3) Régime transfusionnel
I/2) La transfusion en pratique
I/2)1) Bilan pré-transfusions
I/2)2) Déroulement d’une transfusion en France
I/2)3) Suivi post-transfusionnel
I/3) Risques et complications
I/3)1) Accidents immunologiques
1/3)2) Accidents non immunologiques de la transfusion sanguine
II/ Traitement de la surcharge en fer : Les chélateurs
II/1) Place des chélateurs dans le traitement de la β-Thalassémie
II/2) Les molécules disponibles
II/2)1) La Déféroxamine
II/2)2) La Défériprone
II/2)3) Le Déférasirox
II/2)4) La Bithérapie : Une possibilité ?
II/2)5) Recommandations officielles
II/3) Suivi de la surcharge en fer
II/3)2) Biopsie hépatique
II/3)3) Méthode SQUID (Biomagnétométrie)
II/3)4) IRM
III/ La splénectomie
III/1) Place de la splénectomie dans le traitement de la β-Thalassémie
III/2) Conséquence de la splénectomie
III/3) Suivi des patients splénectomisés
III/3)1. Les vaccinations
III/3)2. L’Antibiothérapie préventive
IV/ Hydroxycarbamide
IV/1) Place des inducteurs de l’HbF dans le traitement de la β-Thalassémie
IV/2) Données pharmacologiques
IV/3) Posologie et mode d’administration
IV/4) Effets secondaires de l’Hydroxycarbamide
IV/5) Surveillance du traitement [106]
V/ La Greffe de Cellules Souches Hématopoïétiques (CSH
V/1) Place de la greffe de CSH dans le traitement de la β-Thalassémie
V/2) Modalités de la greffe de cellules souches hématopoïétiques
V/2)1) Avant la Greffe : la préparation du receveur
V/2)2) Quel donneur
V/2)3) Quelles cellules pour le greffon?
V/2)4) La transplantation
V/3) Suivi post-greffe
V/3)1) Suivi immédiat
V/3)2) Prévention de la Maladie du Greffon Versus Hôte (MGVH)
V/3)3) Rejet du greffon
V/3)4) Réduction de la surcharge martiale
V/4)5) Maladie veino-occlusive
VI/ Conclusion sur les recommandations officielles
VI/1) Les limites des traitements symptomatiques
VI/2) Les limites du traitement curatif par la greffe de CSH
PARTIE 3 : Nouvelles pistes thérapeutiques
I/ Amélioration de la prise en charge de la surcharge en fer
I/1) Prévenir la surcharge en fer : induire l’hepcidine
I/1)1) Présentation de l’hepcidine
I/1)2) Les agonistes de l’hepcidine, outils thérapeutiques
I/1)3) Une potentielle cible thérapeutique: l’érythroferrone
I/2) Améliorer la chélation : développer de nouvelles molécules
I/3)1) La Deferitrine : un premier échec
I/3)2)Le Deferitazole (FBS0701 ou SPD602)
I/3)3) SP-420 [136] [139]
I/3) Autres stratégies de régulation de la surcharge en fer
I/3)1) L’apotransferrine
I/3)2) Les inhibiteurs de HIF2α
II/Correction de l’anémie
II/1) Les inhibiteur de Jak2 : INC424
II/1)1) Jak2, son rôle dans la β-Thalassémie
II/1)2) INC424 (ruxolitinib)
II)2) Les pièges à ligands
II)2)1) GDF-11, son rôle dans la β-Thalassémie
II/2)2) Les molécules
II/3) HSP70 (Heat Shock Protein70)
II/3)1) HSP70, son rôle dans la β-Thalassémie
II/3)2) HSP70, son utilisation thérapeutique
III/ Correction et prévention de l’anomalie génétique
III/1) La thérapie génique
III/1)1) Principe et challenge de la thérapie génique ex vivo
III/1)2) Vectorisation
III/1)3) Etapes cliniques de la thérapie génique
III/1)4) Les essais cliniques
III/1)5) La thérapie génique: de multiples possibilités thérapeutiques
III/1)6) Conclusion sur les thérapies géniques
III/2) L’espoir thérapeutique d’un diagnostic particulier
III/2)1) Les deux types de diagnostics anténataux
III/2)2) Le double diagnostic préimplantatoire
III/2)3) Le double DPI : entre éthique et législation
Conclusion
Bibliographie
ANNEXES
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