Effets du méthane sur le climat
Le méthane et les autres gaz à effet de serre participent à l’effet de serre naturel qui a permis, lors de la formation de la Terre, d’amener la température du sol à 15 ◦ C, rendant possible l’existence de l’eau sous ses trois états ainsi que la vie sur Terre [Delmas et al., 2005]. Toutefois, les activités anthropiques génèrent un effet de serre additionnel perturbant le cycle naturel ainsi que la couche d’ozone. Dans le cadre du protocole de Kyoto, il a été convenu de limiter les émissions anthropiques en particulier du CO2, du CH 4 , de l’oxyde nitreux(N 2O) et de trois substituts des hydrofluorocarbures (HFC).
Le CH4 est responsable de plus de 20% du forçage radiatif causé par les activités anthropiques. [Shindell et al., 2005] ont quantifié le forçage radiatif du méthane et des précurseurs d’ozone en se basant sur une approche par les émissions permettant de séparer les contributions des différents gaz à effet de serre depuis l’ère préindustrielle. Ils ont mis en évidence que les précurseurs d’ozone ont permis de limiter l’augmentation du CH 4 dans l’atmosphère,impliquant qu’une élimination des émissions anthropiques du CH 4 aurait le plus grand impact pour enrayer le réchauffement climatique, soit l’équivalent de 54% du forçage causé par le CO 2 . La limitation des effets du CH4 sur le réchauffement climatique passe d’abord par une bonne compréhension des processus sous-jacents, puis par l’élaboration et la mise en place de nouvelles techniques à l’échelle mondiale qui permettraient de réduire ses émissions.
Sources
Le méthane est émis dans l’atmosphère par différents processus (voir table 1.1) qui peuvent être regroupés en trois catégories : les sources biogéniques, thermogéniques et pyrogéniques. Si les différentes sources du méthane sont relativement bien connues, leur étendue spatiale et leur variabilité le sont beaucoup moins, surtout en ce qui concerne les sources à dominante biogénique. Toutefois, depuis peu, quelques études tentent de quantifier de nouvelles sources anthropiques de CH4 jugées de plus en plus préoccupantes (voir table 1.2).
Sources biogéniques
Processus
Dans les zones humides, deux types de bactéries sont responsables de la formation du méthane : les bactéries anaérobies et les méthanogènes. Les bactéries anaérobies agissent en profondeur dans des conditions de faible teneur en oxygène (voir figure 1.1). Elles sont responsables de la fermentationde sucres ou d’acides aminés pour former des substrats utilisables par les bactéries méthanogènes pour produire du méthane. Dans les couches moins profondes, un troisième type de bactéries est responsable de la dégradation aérobie du méthane, ce sont les méthanotrophes (voir figure 1.1). C’est le bilan de l’activité de ces trois bactéries qui détermine le flux net de méthane réellement émis vers l’atmosphère. Par ailleurs, comme les bactéries méthanogènes sont plus sensibles aux variations de température que les bactéries méthanotrophes, une augmentation de la température entraîne généralement une augmentation des émissions de méthane sous l’hypothèse que les autres paramètres physico-chimiques du milieu restent stables. Toutefois, dans certains cas, le sol peut également se comporter comme un puits de méthane.
Lacs de barrage
Les lacs de barrage servent à réguler l’écoulement des rivières, à constituer une réserve en eau potable, à irriguer les terres pour l’agriculture et également à produire de l’énergie hydroélectrique. Des mécanismes d’effervescence et de diffusion naturelssimilaires à ceux des zones marécageuses (voir figure 1.1) sont responsables d’émissions de CH 4 dans ces lacs. Toutefois, il se produit également un dégazage important de CH 4 par effet de pression lors du passage de l’eau saturée en CH 4 dans les turbines du barrage. Ce processus accentue les émissions de CH 4 qui s’élèvent à 104 Tg/an [Lima et al., 2008] dans les lacs de barrage à travers le monde.
Végétation
Les plantes peuvent émettre du méthane en présence d’oxygène. Ces émissions proviennent de pectine présente dans les feuilles et dépendent de l’exposition ultra-violet [Vigano et al., 2008] mais aussi de la température.
De nombreuses expériences ont été menées en laboratoire à partir de feuilles détachées et de plantations sous différentes conditions de température et d’éclairement [Keppler et al., 2006, Bruhn et al., 2009, McLeod et al., 2008].
Toutefois, les plantes peuvent également transmettre du méthane produit en profondeur vers l’atmosphère, ce qui complique l’estimation des émissions effectivement produites par la végétation en entraînant une surestimation de ces émissions. S’étant affranchis de la composante des émissions transmise par les plantes, [Kirschbaum et al., 2007] évaluent les émissions provenant de la végétation à 15-60 Tg/an dont la moitié provient des régions tropicales, ce qui coïncide avec l’étude de [Butenhoff and Khalil, 2007] (20-69 Tg/an).
Riziculture
Les sols saturés en eau tels que les rizières possèdent des conditions propices à la méthanogenèse (absence oxygène, richesse en carbone). La majorité des rizières (90%) sont localisées en Asie, dans des régions où la mousson est importante. La plupart des rizières sont immergées un tiers du temps et les pratiques de culture varient beaucoup sur tout le globe. Les rizières continuellement irriguées sont responsables de taux d’émissions très importants alors que celles qui sont irriguées de façon naturelle suivant le cycle des pluies émettent très peu voire pas du tout. Par ailleurs, 80 % du méthane produit dans le sol par les bactéries méthanogènes peut être oxydé avant son entrée dans l’atmosphère [Sass et al., 1991, Tyler et al., 1997]. Cependant, l’utilisation d’engrais chimiques enrichis en matière organique inhibe cette oxydation et seul 50% du méthane produit est oxydé, ce qui a pour conséquence d’augmenter les émissions.
Ruminants
Les ruminants émettent également du CH4 car leur estomac possède des propriétés physico-chimiques semblables à celles rencontrées dans les zones humides. Dans la catégorie des ruminants, on compte les bovins, les moutons, les chèvres et les chevreuils. Ceux-ci disposent d’un estomac à quatre compartiments dont trois sont des pré-estomacs et un constitue l’estomac au sens strict. Le rumen, le plus volumineux des quatre, est une chambre où fermentent les aliments par deux fois avant d’être digérés. Environ 80% du méthane émis par les ruminants est produit dans le rumen [Immig, 1996]. Les conditions y sont idéales à sa formation car la température avoisine les 40 ◦ et l’environnement y est humide et dépourvu d’oxygène. On estime les émissions de CH 4 provenant de cette source à 70 Tg/an.
Termites
De la même façon que pour les ruminants, du méthane est produit dans la panse des termites. Celle-ci contient une microflore bactérienne abondante dont des méthanogènes. La quantité de méthane produit par les termites dépend de leur famille ainsi que de la taille de la colonie [Watt, 1997]. De nombreuses études ont été menées en laboratoire sur différentes familles de termites afin d’estimer leur impact mondial sur les émissions de méthane. Si les termites sont restées longtemps une source surestimée et mal comprise, on considère aujourd’hui qu’elles constituent une source mineure de méthane. [Sugimoto et al., 1998] estiment entre 1,47 et 7,41 Tg/an les émissions de méthane dues aux termites.
Sources thermogéniques
Exploitation de combustibles fossiles
Les énergies fossiles constituent une source importante du méthane avec environ 75 Tg/an émis dans l’atmosphère lors de l’extraction, du stockage, du traitement et du transport des combustibles. Du méthane peut également être émis lors de combustion incomplète. Historiquement, la source anthropique de CH4 la plus importante était l’exploitation du charbon, formé lors de processus géologiques très longs. Lorsque sa concentration atteint 5 à 15%, le CH 4 est facilement inflammable. Pour pallier ce risque, les mines sont généralement ventilées. Cependant, ces ouvertures entraînent des échappements continus de méthane et contribuent à augmenter les émissions provenant des énergies fossiles. Par ailleurs, des études récentes ont mis en évidence le fait que l’exploitation de gaz de schiste aurait un impact écologique encore plus important que le charbon [Tollefson, 2012, Tollefson, 2013]. Par exemple, selon une étude de [Allen et al., 2013], la production de gaz de schiste aux États-Unis émettait 2,3 Tg/an de méthane au début de la décennie. De plus, l’utilisation de véhicules fonctionnant au gaz naturel contribuerait également à augmenter les émissions de CH4 . En effet, l’utilisation de tels véhicules a été multipliée par 44 en Chine entre 2002 et 2012 et on estime ces émissions à 0.037 Gg/an en 2010 à partir de campagnes de terrains [Pan et al.,2014]. Par ailleurs, cette étude estime également ces émissions à 207 Gg/an à l’horizon 2020. , l’importance relative de ces émissions est passée de 2 à 28% du budget mondial de méthane [Pan et al.,2014].
Sources géologiques
Le méthane géologique est la source naturelle du méthane fossile. Il constitue la deuxième source naturelle la plus importante après les zones humides.
D’une part, il est produit par une activité géologique ancienne dans les roches sédimentaires peu profondes et sous des conditions de faible température.
D’autre part, il est produit par des processus thermogéniques dans des roches plus profondes et sous des conditions de haute température. Il est relâché dans l’atmosphère par des failles actives et des roches fracturées après migration menée par des gradients de pression ou de densité. Cette remontée d’eau et de gaz forme en surface des cônes sédimentaires et est reponsable de 5 à 10 Tg/an d’émissions mondiales de méthane [Etiope and Milkov, 2004]. On estime les émissions mondiales provenant de l’ensemble des sources géologiques entre 33 et 75 Tg/an [Kirschke et al., 2013].
Sources pyrogéniques
Les feux de biomasse englobent les feux initiés par l’action de l’homme mais également ceux initiés par le rayonnement solaire en cas de forte sécheresse.
Ces derniers ne représentent toutefois que 10% des feux mondiaux.
Puits
Le méthane est produit par différentes sources mais il est également détruit par les sols et par réaction chimique dans l’atmosphère. La perte de CH4 par oxydation dans les sols avec les bactéries méthanotrophes est estimée à 30 Tg/an. Cependant, le méthane reste majoritairement détruit dans l’atmosphère notamment par réaction chimique avec le radical hydroxyle (OH). Par ailleurs, l’oxydation du méthane limite en elle-même la capacité oxydante de l’atmosphère. La perte de méthane par réaction avec OH dans la troposphère est estimée entre 429 et 507 Tg/an à laquelle s’ajoute une perte de l’ordre de 40 Tg/an par réaction avec OH dans la stratosphère. On compte également des puits mineurs du méthane par réaction avec les ions chlorure et oxygène dans la stratosphère ainsi que par réaction avec les ions chlorure dans la couche limite marine.
Concentration atmosphérique du méthane
Observations
La concentration atmosphérique du CH4 reflète le bilan entre les sources et les puits. Elle est aujourd’hui observée à partir de divers systèmes d’observation. D’une part, elle est mesurée de façon directe par des stations de surface, des avions, des ballons. D’autre part, on peut également retrouver la concentration atmosphérique du CH 4 à partir de carottes de glaces et à partir d’observations satellitaires depuis 2002.
Des estimations de la fraction molaire du CH4 réalisées à partir de carottes de glace ont mis en évidence une augmentation exponentielle du CH 4 entre 1850 et 1970 [Petit et al., 1999]. Depuis 1970, sa fraction molaire est mesurée directement et précisément (0,2%) par les stations de surface. Celle-ci a atteint 1794±2 ppb en 2010, soit une augmentation de +150% depuis le début de l’ère industrielle [Dlugokencky et al., 2011.
Diagnostics
Dans un contexte statistique, la caractérisation des erreurs est une problématique récurrente. En effet, une mauvaise représentation des erreurs peut conduire le système à converger vers une solution n’appartenant pas à l’ensemble des solutions (voir figure 2.2). Cependant, l’information disponible pour la construction des matrices de covariances B et R est relativement faible et repose le plus souvent sur un jugement expert, c’est-à-dire déduite de tests de sensibilité et de la littérature.
Toutefois, des diagnostics ont été développés par [Desroziers et al., 2005] afin d’extraire de l’information relative aux statistiques des erreurs à partir du vecteur d’innovation.
Modèle de chimie-transport
LMDz-4 est un modèle de circulation générale atmosphérique développé par le Laboratoire de Météorologie Dynamique (LMD). Il s’appuie sur les équations de la physique et de la dynamique des fluides. Les équations de la dynamique sont discrétisées sur une grille sphérique alors que les équations de la physique sont modélisées par des juxtapositions de colonnes atmosphériques, c’est à dire à une seule dimension avec un pas de temps de 3 minutes. Le réalisme du modèle dépend de la représentation aussi bien du transport àgrande échelle (voir figure 2.4) que de la représentation locale de processus turbulents, convectifs et nuageux.
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Table des matières
1.Méthane
1.1 Effets du méthane sur le climat
1.2 Sources
1.2.1 Sources biogéniques
1.2.1.1 Processus
1.2.1.2 Zones marécageuses
1.2.1.3 Lacs de barrage
1.2.1.4 Végétation
1.2.1.5 Riziculture
1.2.1.6 Ruminants
1.2.1.7 Termites
1.2.1.8 Dépôts organiques
1.2.1.9 Pergélisol
1.2.1.10 Hydrates de méthane
1.2.2 Sources thermogéniques
1.2.2.1 Exploitation de combustibles fossiles
1.2.2.2 Sources géologiques
1.2.3 Sources pyrogéniques
1.2.3.1 Feux de biomasse
1.3 Puits
1.4 Concentrations
1.4.1 Observations
1.4.2 Tendances
2 Méthode
2.1 Problème inverse
2.1.1 Approche bayésienne
2.1.2 Résolution
2.1.3 Caractérisation des erreurs
2.1.4 Diagnostics
2.2 Application à la chimie atmosphérique
2.3 Modèle de chimie-transport
3 Sources d’information
3.1 Inventaires d’émissions
3.1.1 EDGAR
3.1.2 GFED
3.1.3 Zones humides
3.1.4 Termites
3.1.5 Océan
3.1.6 Absorption du sol
3.2 Observations
3.2.1 Stations de surface
3.2.2 Incertitudes des observations de surface
3.3 Satellites
3.3.1 SCIAMACHY et TANSO-FTS
3.3.1.1 Instruments
3.3.1.2 Méthodes
3.3.2 IASI
4 Application
4.1 Introduction
4.2 Inversions d’origine
4.3 Tests de sensibilité
4.3.1 Sensibilité aux erreurs de l’a priori
4.3.2 Sensibilité aux erreurs des observations
4.3.3 Sensibilité aux conditions initiales
4.3.4 Mise à jour des inversions
4.3.5 Sensibilité au filtrage des observations
4.4 Article ACP
4.4.1 Présentation
4.4.1.1 Inversions de base
4.4.1.2 Correction de biais des produits TANSO-FTS et SCIAMACHY
4.4.1.3 Réglage des statistiques d’erreurs
4.4.2 Abstract
4.4.3 Introduction
4.4.4 Method
4.4.4.1 Inversion system
4.4.4.2 Bias correction
4.4.4.3 Tuning of error statistics
4.4.4.4 Chemistry-Transport Model : LMDz-SACS
4.4.5 Prior information and observations
4.4.5.1 Prior information
4.4.5.2 Surface measurements
4.4.5.3 Satellite observations
4.4.6 Results
4.4.6.1 Default configurations
4.4.6.2 Bias correction
4.4.6.3 Tuning of error statistics
4.4.7 Discussion
4.4.8 Conclusions
4.4.9 Cas particulier : les erreurs de l’analyse
4.5 Conclusions
5 Application 2
5.1 Introduction
5.2 Méthodes
5.2.1 Relations avec des paramètres climatiques
5.2.2 Capacité de détection des anomalies de CH4
5.2.3 Résolutions spatio-temporelles
5.3 Corrélations
5.3.1 Corrélations des concentrations de CH4
5.3.2 Corrélations des flux de CH4
5.3.3 Corrélations des anomalies de CH4
5.4 Article GRL
5.4.1 Présentation
5.4.1.1 Capacité de détection des anomalies de CH4
5.4.1.2 Sensibilité des corrélations à la résolution spatiotemporelle
5.4.2 Abstract
5.4.3 Introduction
5.4.4 Method
5.4.4.1 Inversion Framework
5.4.4.2 Data sets
5.4.4.3 Error statistics
5.4.4.4 Evaluation criteria
5.4.5 Results
5.4.5.1 Signal-to-noise ratio
5.4.5.2 Correlations with temperature and soil moisture
5.4.6 Discussion
5.4.7 Corrélations non linéaires
5.5 Conclusions
6 Conclusions et perspectives
A Acronymes