Il y a actuellement peu de postes de psychomotriciens en centre de rééducation. Quelles peuvent en être les raisons ? Serait-ce que les équipes actuelles n’ont pas de besoin ? Est-ce que la psychomotricité ne peut pas vraiment apporter quelque chose de pertinent ? Ou que les psychomotriciens ne veulent pas y aller parce que ça ne serait pas une psychomotricité noble ou qu’il serait difficile d’y exercer ? Ou encore est-ce parce que la psychomotricité n’y est tout simplement pas très connue? Rien de mieux que l’exploration pour se faire son idée, même limitée par le cadre de l’expérience. Après plusieurs stages où les difficultés des patients s’exprimaient plutôt sur un versant psychiatrique, je souhaitais justement découvrir des pathologies d’origine plus somatiques avec une atteinte visible du corps. C’est ainsi que j’ai franchi les portes d’un centre de rééducation. C’est alors que, le jour de mon entretien, ma première image est celle, dans le grand hall, d’un homme seul, assis, dans une posture me rappelant celle du penseur mais quelque chose cloche dans ce tableau. L’homme porte en fait une attelle qui maintient sa main à l’envers… Je sens instantanément comme un pincement de cœur me signifiant que la situation peut être douloureuse physiquement ou psychiquement. Je sens aussi le regard de l’homme sur moi. Voici déjà de nombreux éléments annonçant un cadre de stage riche.
Je me suis donc immergée dans le service de traumatologie orthopédique d’un centre de rééducation. Au contact de ces patients, au fil des accompagnements en psychomotricité et en m’impliquant progressivement dans ces prises en soin, j’ai pu observer les liens psychocorporels de ces patients envers leur membre blessé et son histoire et vivre l’évolution de ceux-ci. C’est donc dans une démarche plutôt clinico-théorique que j’ai mené mon analyse.
Après avoir dépeint le cadre institutionnel nous nous intéresserons à deux histoires de patients. Ces derniers nous donneront l’occasion d’aller revisiter des notions fondamentales à la psychomotricité, du tonus à l’image du corps en passant par le schéma corporel. Il sera alors temps d’interroger les compétences du psychomotricien qu’il peut mettre au service de ces patients notamment grâce à sa formation et à la qualité de la relation qu’il met en jeu. Enfin, nous pourrons examiner la place du psychomotricien dans l’équipe pluridisciplinaire de l’établissement.
« Une immersion en centre de rééducation»
Le cadre institutionnel
La structure
L’institution
Le cadre de mon expérience de stage est un établissement de réadaptation et de soins de suite participant au service public hospitalier. Géré par une Fondation reconnue d’utilité publique, le centre est un établissement de Santé Privé d’Intérêt Collectif. Sa mission principale, d’après le livret d’accueil, est de contribuer à l’amélioration de l’état de santé du patient dans le respect de la personne humaine. La participation active du patient est demandée pour permettre l’efficacité des soins et l’amélioration de l’autonomie. L’établissement compte près de 300 lits d’hospitalisation complète et places d’hôpital de jour. Les pathologies prises en charge sont de plusieurs catégories :
– L’orthopédie, la traumatologie, notamment de la main,
– La médecine polyvalente à orientation cancérologique,
– La polypathologie de la personne âgée,
– La réhabilitation respiratoire, cancérologique et nutritionnelle.
L’association de ces divers services provient de l’historique de la fondation qui a regroupé plusieurs centres. Mon stage s’est effectué dans la partie hospitalisation complète, au sein du Département de Médecine Physique et de Réadaptation (MPR) qui contient trois unités, rassemblant 87 lits et 30 places d’hospitalisation de jour. Ce département traite de la rééducation des membres inférieurs et supérieurs à la suite d’une opération ou un accident, de la rééducation de la main, du sepsis* articulaire, et de la cicatrisation. Le centre de jour permet de poursuivre la rééducation après la fin de l’hospitalisation complète ; cela s’organise en demi-journées ou journées complètes. Il accueille également des patients de l’extérieur.
L’établissement possède un plateau technique de rééducation qui comprend bassins de balnéothérapie, plateaux de kinésithérapie, plateaux d’ergothérapie, salles de rééducation collective, salle spécialisée dans la réhabilitation à l’effort, locaux de psychomotricité et d’orthophonie. Les locaux sont modernes, propres, relativement lumineux.
Les professionnels
De nombreux métiers se coordonnent
L’équipe de professionnels compte environ 350 personnes : médecins, infirmiers et aidessoignants, secrétaires médicales, rééducateurs (diététiciens, ergothérapeutes, kinésithérapeutes, orthophonistes, psychomotriciens), psychologues, neuropsychologues, enseignants en activités physiques adaptées, assistantes sociales, agents hôteliers et de restauration, agents techniques et administratifs.
En ce qui concerne le rôle de ces divers acteurs de l’équipe pluridisciplinaire :
– Le médecin prescrit et coordonne les traitements appropriés au patient, échange avec le patient.
– Le cadre de santé est l’interlocuteur principal du patient quant aux soins, il est responsable de la qualité des soins prodigués et du bon fonctionnement de l’organisation du service.
– Les infirmiers et aides-soignants assurent la permanence et la continuité des soins.
– Le cadre rééducateur est responsable de l’ensemble des professionnels contribuant à la rééducation : kinésithérapeute, ergothérapeute, orthophoniste, psychomotricien, diététicien.
– D’autres professionnels peuvent intervenir auprès du patient : psychologues, neuropsychologues, enseignants en activités physiques adaptées (APA).
– Une équipe d’assistants sociaux peut accompagner le patient pendant son séjour et créer les conditions favorables à la préparation de sa sortie.
A cette équipe, se rajoutent des animateurs, agents de bibliothèque, des personnes facilitant l’exercice de culte, des bénévoles pour accompagner les patients (associations locales), une coiffeuse, une esthéticienne et une pédicure.
Le chef d’orchestre : le médecin
A chaque service est rattaché un médecin. Celui-ci peut partager son temps sur plusieurs services ou même n’intervenir dans le département qu’une journée par semaine. Le médecin est le chef d’orchestre du projet de soin du patient : il rencontre le patient une fois par semaine à jour fixe et plus si besoin, écoute également les retours des divers professionnels soit dans le cadre formel des réunions de synthèse ou réunions de transmission soit lors d’échanges informels et peut ainsi ajuster la prise en soin, les indications de rééducation, les divers traitements dont celui de la douleur. C’est également le médecin qui gère les liens avec le chirurgien et, si besoin, d’autres partenaires médicaux en lien avec la pathologie du patient.
|
Table des matières
Introduction
Chapitre I : « Une immersion en centre de rééducation»
I) Le cadre institutionnel
A) La structure
1) L’institution
2) Les professionnels
3) Les modalités de la rééducation
B) La place de la psychomotricité dans l’institution
C) Les pathologies
1) La population accueillie
2) Les pathologies les plus rencontrées
3) L’évaluation psychomotrice au centre de rééducation
II) Une clinique variée
A) Le parcours de Madame C
B) Le parcours de Monsieur T
Chapitre II – « Tonus, axe et représentations du corps dans cette atteinte corporelle »
I) Les deux items psychomoteurs des indications principales : tonus et schéma corporel
A) Le tonus comme approche psychocorporelle de la personne
B) Le schéma corporel
C) Conscience corporelle
II) Les représentations du corps dans la clinique ortho-traumatologique rencontrée
A) Définitions des représentations du corps
B) Construction de l’image du corps
C) Rôle du psychomotricien auprès de patients souffrant d’une image du corps altérée
III) Verticalité, axe corporel
Chapitre III – « Quel apport spécifique du psychomotricien en traumato-orthopédie ? »
I) Une formation à la fois pratique et ouverte sur des théories variées
A) Une formation pratique pour un métier incarné
B) Formation à la croisée des théories pour conserver prudence et adaptabilité
II) La relation spécifique du psychomotricien au sein du dispositif rééducatif
A) Préalable de la relation thérapeutique : le cadre
B) L’écoute du psychomotricien
C) Un regard pour faire naître une autre relation
D) Des fruits de la relation : l’expression, la verbalisation pour recréer une historisation
E) Et le Jeu pour soutenir le sentiment d’identité, l’agentivité
III) L’apport spécifique du psychomotricien en centre de rééducation
1) L’apport du psychomotricien dans une équipe pluridisciplinaire
2) L’apport spécifique du psychomotricien : retisser du lien pour le patient
Conclusion générale
Bibliographie
GLOSSAIRE
ANNEXES