Coordination de la chaîne d’approvisionnement sous asymétrie de l’information

Bien qu’étant désormais au cœur des activités des entreprises, l’analyse de la chaîne d’approvisionnement encore appelée supply chain demeure cependant un sujet relativement peu traité au sein des unités de recherche en sciences de gestion. Cette situation pourrait s’expliquer par le fait que cette discipline n’a véritablement émergé que durant la dernière décennie, avec la prise de conscience des entreprises sur la nécessité d’intégrer dans leurs stratégies de performance les relations entretenues avec leurs clients et leurs fournisseurs. En effet, avec la transformation des relations d’échanges à travers le monde, la gestion des flux est devenue une pratique courante déplaçant ainsi la concurrence entre les entreprises vers une concurrence entre les chaînes d’approvisionnements (Colin 2005 ; da Silveira et Arkader 2007 ; Su et al. 2008 ; Belin-Munier 2012). Dès lors, la performance des entreprises est de nos jours fortement influencée par la structure des chaînes logistiques auxquelles elles appartiennent. Ce rôle central joué par les chaînes d’approvisionnement transparait par exemple au travers de l’analyse de El Ouardighi et al (2008) qui montre que près de 70% des entreprises françaises sont engagées dans une chaîne d’approvisionnement. Cette dynamique légitime donc l’intérêt de s’intéresser particulièrement au fonctionnement des chaînes d’approvisionnement. Ce d’autant plus que la mondialisation des échanges a complexifié leur fonctionnement et par là même la relation entre les différents acteurs (Tang et Tomlin 2008). En effet, les chaînes sont de plus en plus longues et compte désormais une multiplicité d’acteurs ayant chacun l’ambition d’optimiser leur situation. Cette situation soulève plusieurs problématiques liées à la coordination de la chaîne, à la mesure de la performance, à la préservation des ressources, à l’échange d’informations, à la gestion de la qualité, à l’approvisionnement responsable qui vont susciter un intérêt chez les chercheurs en sciences de gestion.

Une présentation de l’état de l’art en supply chain management 

La revue de la littérature est le cadre privilégié pour apprécier l’évolution d’une thématique au travers du temps. Cette analyse nous permettra de définir le champ de la littérature théorique par rapport auquel nous entendons considérer notre domaine de recherche et constitue le fondement de notre fil conducteur qui délimite notre cadre de recherche. Pour ce faire, elle comprend quatre parties nous permettent dans un premier temps de dresser un historique de l’évolution de la considération faite à la notion de chaîne d’approvisionnement en sciences de gestion ; Dans un second temps, nous aborderons la question de la coordination de la chaîne d’approvisionnement en mettant en évidence les modes les plus rencontrés et analysés. La troisième partie de la revue permettra de traiter de la question de l’asymétrie de l’information dans la chaîne d’approvisionnement. Enfin, nous terminerons cette revue en abordant la thématique de la responsabilité sociale des entreprises dans les chaînes d’approvisionnement, au vu de l’importance qu’elle prend au fil du temps.

Historique et gestion de la chaîne d’approvisionnement 

Bien que l’une des premières définitions de la logistique en dehors de l’univers militaire ait eu lieu au début des années 50 comme le rappelle Belin-Munier (2012), la chaîne d’approvisionnement n’est devenue un véritable sujet d’études pour les chercheurs en sciences de gestion et les praticiens de la discipline qu’autour de la fin des années 1980, début des années 1990 avec différents travaux tels que Lamming et Hampson (1996), Rich et Hines (1997), Mentzer et al, (2001), Stank et al, 2005, Burgess et al, 2006, Cousins et al 2006, etc. La multiplication des travaux sur cette thématique s’explique par le fait que les chercheurs vont prendre conscience du rôle stratégique joué par la chaîne d’approvisionnement dans l’accroissement de la valeur des produits pour les consommateurs finaux, tout comme pour les entreprises et pour les différents territoires (Cheng et al 2006). Cependant, en dépit des nombreux travaux que l’on peut aujourd’hui dénombrer, il n’existe toujours pas de consensus sur une définition de la chaîne d’approvisionnement (Belin-Munier 2012). En effet, partant des travaux de Mentzer et al 2001, Grisprud et al 2006 ou encore Burgess et al, 2006, on aboutit au constat selon lequel près d’une centaine de définition de la chaîne d’approvisionnement existe.

A cet effet, on peut relever que l’expression « Supply Chain » est apparue pour la première fois dans un article publié en 1905 dans le journal « The Independent » et a été utilisé dans une phrase expliquant une situation de guerre . Plus tard, le 14 octobre 1912, le Glasgow Herald (aujourd’hui Herald Scotland), en couvrant les nouvelles de la guerre des Balkans, a mentionné le mot « Supply Chain» qui est plus proche de la notion utilisée de nos jours dans la littérature en sciences de gestion . Dans le monde académique, les premiers à utiliser l’expression « Supply Chain », sont deux praticiens en 1982 qui ont écrit un chapitre dans un livre coordonné par Martin Christopher et sont apparus avec un tiret entre Supply et Chain, c’est-à-dire Supply-Chain (Ageron et Lavastre 2019).

L’évolution de la notion de chaîne d’approvisionnement se fait sous l’influence des discussions sur les questions contemporaines en lien avec la logistique urbaine, l’évolution du numérique, l’importance donné à la responsabilité sociale des entreprises, etc. dont l’intérêt s’est accru il y’a près d’une décennie. Cette transition a toutefois commencé dans les années 1960 avec le rôle croissant du marketing qui, dans des conditions de production de masse pour des produits similaires influençait véritablement le profit des acteurs sur le marché. Cette période est connue sous le nom d’économie d’échelle. Cependant, après avoir satisfait les marchés avec la quantité de produits requise, les problèmes de qualité sont devenus cruciaux. C’est ainsi que dans les années 1970, la gestion de la qualité totale (TQM) a été mise en place pour y remédier et demeurer compétitif (Lee et Whang 2005). L’augmentation de la qualité a déclenché une individualisation des exigences des clients qui va connaître son apogée dans les années 1980. Ce fut le point de départ de l’établissement de l’économie du client. Cette période est caractérisée par des efforts vers une gestion optimale des stocks et une réduction des cycles de production (Allen, 1995). Dans les années 1980-1990, la manipulation d’une grande variété de produits a mis au défi la gestion des opérations. Une autre tendance était ce qu’on appelle l’effet de vitesse caractérisé par la rapidité de réaction aux changements du marché et la réduction des délais de mise sur le marché. Ces variables sont devenues les plus importantes à considérer pour demeurer performant. Par conséquent, l’optimisation des processus internes avec des liens externes avec les fournisseurs était simultanément enracinée dans les concepts de production allégée et de juste-à temps (JIT) (Womack et al 2007). Tout au long des années 1990, les entreprises se sont concentrées sur les approches de développement des compétences de base, de l’externalisation, des innovations et de la collaboration. Ces tendances ont été causées par la mondialisation, les progrès de l’informatique et les processus d’intégration dans l’économie mondiale. C’est à ce moment qu’un paradigme de gestion de la chaîne d’approvisionnement (SCM) a été établi façonnant ainsi les développements de la gestion des opérations de la chaîne d’approvisionnement (SCOM).

Une fois les chaînes d’approvisionnement établies, la problématique de leur gestion va elle aussi naître. Pilkington et Fitzgerald (2006) soutiennent que la gestion de la chaîne d’approvisionnement est l’acte le plus préoccupant en gestion, et plus particulièrement en gestion des opérations. Cette situation s’explique par le fait que la chaîne d’approvisionnement va influencer plusieurs aspects de la performance potentielle de l’entreprise. Ces éléments peuvent être liés aux coûts, à la disponibilité des ressources, à l’accès aux marchés, à la détention d’informations cruciales, etc. C’est conscient de ce rôle tentaculaire que joue la chaîne logistique que Ponce et al, 2007 vont, quant à eux, étudier les liens entre l’organisation scientifique du travail et la gestion de la chaîne d’approvisionnement. Parmi plusieurs analyses et classifications qu’ils fournissent, ils mentionnent que les principaux concepts et auteurs dans le développement de la logistique et de la SCM sont tout d’abord les universitaires sous l’effet coup de fouet (l’effet bullwhip) mis en avant par Forrester en 1958. L’effet coup de fouet fait référence aux fluctuations croissances des stocks en réponse aux changements de la demande des consommateurs dans la chaîne d’approvisionnement en amont. Il s’en suivra la publication du premier livre sur la logistique par Smykay et al en 1961. Par la suite, d’autres ouvrages universitaires verront le jour avec Magee en 1968 puis Oliver et Weber en 1982.

Depuis la première introduction du terme chaîne d’approvisionnement jusqu’à aujourd’hui, de nombreuses recherches ont été menées sous forme d’articles, de livres, de conférences, d’ateliers, permettant d’approfondir la relation entre la théorie et la pratique. A cet effet, Ageron et al 2016, ont publié un livre qui peut être utilisé comme référence dans le domaine. Dans ce dernier, ils ont analysé les travaux de 27 grands auteurs dans la gestion de la chaîne d’approvisionnement et la logistique, ayant publié des articles, des livres ou donnant des enseignements qui peuvent être utiles pour les académiciens et les praticiens. Dans leur sélection, les auteurs se concentrent sur les sciences de gestion plutôt que sur la modélisation, la simulation, l’ingénierie ou un type spécifique de logistique. Il ressort de ces différents travaux que la chaîne d’approvisionnement a été analysé sous différents angles tels que le point de vue de l’entreprise ou de la gestion, la gestion opérationnelle ou la recherche, les systèmes d’information, les conceptions de systèmes, le marketing, etc. La pluralité de ces angles d’analyse confirme le caractère multidisciplinaire de cette notion ce qui justifie également la variété des définitions proposées par les auteurs.

De façon spécifique, Stadtler (2005) utilise les quatre constituants de la chaîne d’approvisionnement pour la définir. Il s’agit de : l’objet de la philosophie de gestion, le groupe cible, l’accroissement du profit et les modes de coordination. Dès lors, il définit la gestion de la chaîne d’approvisionnement comme : « la tâche d’intégrer des unités organisationnelles le long d’une chaîne d’approvisionnement et de coordonner les flux matériels, informations et financiers afin de répondre aux demandes (ultimes) des clients dans le but d’améliorer la compétitivité d’une chaîne d’approvisionnement dans son ensemble ». Cette vision rejoint celle de Christopher (2005) qui estime que la chaîne d’approvisionnement est « [un] réseau d’organisations qui sont impliquées, à travers des liens en amont et en aval, dans les différents processus ». Il découle de ces définitions que chaque organisation doit donc fabriquer un produit ou fournir un service qui a de la valeur pour les clients. Sinon, l’existence de l’organisation n’a pas de sens. Ces organisations ont donc pour cible la satisfaction et la fidélisation des consommateurs finaux. Elle est alimentée par la recherche accrue de la compétitivité du fait d’une hausse de la concurrence tant entre entreprises qu’entre les chaînes d’approvisionnement. On peut donc en conclure que la vision traditionnelle de la gestion des opérations met l’accent sur les activités qu’une organisation particulière doit effectuer lors de la gestion de ses propres opérations. Mais, aussi importantes que soient les opérations d’une entreprise, il apparait qu’il ne suffit pas pour elle de se concentrer uniquement sur les activités menées entre ses quatre murs. Les gestionnaires doivent également comprendre comment l’entreprise est liée aux opérations de ses fournisseurs, distributeurs et clients. C’est cela que l’on appelle la chaîne d’approvisionnement (Bozarth et Handfield 2008).

Il apparait dès lors que la gestion de la chaîne d’approvisionnement implique nécessairement la collaboration de plusieurs entités. Cette situation témoigne du fait que la gestion de la chaîne d’approvisionnement ne peut se faire sans stratégies de coordination entre les différentes parties. Dans ce contexte, les modes de coordination ou de coopération s’avèrent déterminant pour accroitre non seulement la performance des acteurs mais aussi celle de la chaîne toute entière. Cette importance de la coordination est considérée par certains auteurs comme un élément plus significatif que la structure de la chaîne d’approvisionnement elle-même (Mentzer et al, 1999 ; Hugos, 2018).

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Table des matières

1. Introduction générale
Introduction
Contexte
Enjeux de la recherche
Plan de recherche
2. Une présentation de l’état de l’art en supply chain management
Historique et gestion de la chaîne d’approvisionnement
Coordination de la chaîne d’approvisionnement
Asymétrie de l’information
Responsabilité sociale des entreprises
3. Démarches épistémologique et méthodologique
Paradigme de la recherche
Processus de recherche et choix de la méthode
4. Présentation des travaux
Structuration de notre premier article
Article 1: Supply Chain Coordination under Information Asymmetry: A Review
4.2.1 Introduction
4.2.2 Previous literature reviews
4.2.3 Systematic literature review methodology
4.2.4 Discussion on information
4.2.5 Concluding remarks
Vers une prise en compte plus pertinente de l’asymétrie de l’information dans la littérature
Article 2 : Coordinating Corporate Social Responsibility in a Two-Level Supply Chain
Under Bilateral Information Asymmetry
4.4.1 Introduction
4.4.2 Related literature
4.4.3 Model
4.4.4 Numerical example
4.4.5 Conclusion
La négociation, un atout pour la coordination des chaînes d’approvisionnement
Article 3 : Coordinating Corporate Social Responsibility in Supply Chain through a Negotiation Based Mechanism under Bilateral Information Asymmetry
4.6.1 Introduction
4.6.2 Literature review
4.6.3 Model
4.6.4 Negotiation based mechanism
4.6.5 Numerical example
4.6.6 Conclusion
5. Discussion
Les apports de notre revue de la littérature par rapport aux revues existantes
5.1.1 Principales observations du premier article
5.1.2 Discussion sur l’asymétrie de l’information
5.1.3 Principales lacunes identifiées comme recherches futures potentielles
Discussion sur le deuxième et troisième article
5.2.1 Principales observations et exemples numériques
Extension du deuxième article
6. Conclusion générale
Apports théoriques
Apports managériaux
Limites et perspectives d’avenir
References

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