Coopération interentreprises à la demande : motivations et contraintes
Enjeux de la coopération interentreprises
L’environnement des entreprises a fortement évolué ces dernières années, il est devenu plus complexe et imprévisible, de plus, les changements technologiques ont fortement influencé l’organisation des entreprises. L’intégration de ces changements devient indispensable pour assurer la survie de l’entreprise, non seulement au niveau d’une seule entreprise, d’un secteur, ou d’une économie donnée, mais au niveau mondial. Comme le souligne [Thisse, 2004], les entreprises essaient aujourd’hui de « rendre carré le cercle » car elles doivent d’une part répondre aux enjeux concurrentiels en améliorant la performance industrielle en termes de coût, délais, etc. et d’autre part, répondre aux problématiques d’ouverture (relations entre partenaires, partage de l’information et intégration dans les systèmes d’information des partenaires, etc.).
L’ensemble de ces facteurs, combinés avec la mondialisation des marchés, contraignent l’entreprise à acquérir un avantage concurrentiel sur son métier d’origine. Nombreuses sont les entreprises qui ont compris l’importance des coopérations pour assurer leur survie. Ainsi, divers rapports se créent entre clients, fournisseurs, concurrents et autres partenaires. Ces rapports de coopération s’étalent sur un continum qui peut varier d’une dépendance totale ou partielle (fusions-acquisitions, prise de participation, etc.), à des accords ponctuels sous forme contractuelle, ou encore à la formation de formes réticulaires entre les différents intervenants.
Par ailleurs, le mouvement de réorganisation des entreprises vers des réseaux métiers a trouvé son essor grâce au développement accéléré des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) et leur démocratisation. Ils ont amené une véritable explosion de l’information disponible aux entreprises. Les infrastructures en place permettent une circulation mondiale de l’information, via Internet en particulier, en même temps qu’elles permettent aux entreprises de communiquer avec leurs fournisseurs, leurs partenaires et leurs clients via des extranets.
Des espaces coopératifs dans lesquels les entreprises travaillent et réagissent ensemble ont émergé sous diverses formes : entreprise virtuelle, réseau d’entreprises, entreprise réseau, etc. La constitution et la gestion de ce type d’organisation s’appuient souvent des plateformes techniques et de partage d’information qui jouent un rôle de support et de facilitation de la coopération [Grefen et al., 2009]. Nous nous intéresserons dans le cadre de notre travail à ce type de relations, et plus particulièrement à la notion d’entreprise virtuelle ou encore à la coopération à la demande (on demand inter-entreprises cooperation). Nous définissons la coopération à la demande comme un regroupement temporaire de partenaires distribués dans l’espace et dans le temps. Ce regroupement est formé à partir d’alliances opportunistes initiées par une entreprise appelée entreprise initiatrice du projet de coopération et qui se dissout une fois l’opportunité terminée. Un tel scénario implique la collaboration de différentes parties dans un processus coopératif composé de plusieurs processus exécutés par différents partenaires afin de répondre à un but commun ou saisir une opportunité sur le marché.
Contraintes pesant sur la coopération interentreprises
Reconnaissant l’intérêt de la coopération interentreprises à la demande dans la construction d’avantages concurrentiels, nous allons énumérer les contraintes qui entravent l’établissement de ce genre de coopération. Certes, les technologies de l’information innovent de manière croissante, mais le monde industriel reste malgré tout réticent pour adhérer à des scénarios de coopération dynamique.
Nous avons classé les contraintes en deux catégories majeures : celles qui sont relatives au système d’information, souvent considéré comme une brique de base de la coopération, et celles relatives à la nature dynamique de la coopération.
Contraintes associées au système d’information de l’entreprise
Souvent, l’interconnexion des processus métiers des entreprises dépend fortement de la capacité des systèmes d’information utilisés. On peut dire qu’il existe deux propriétés clés caractérisant un système d’information d’entreprise capable de participer à un scénario de coopération : la flexibilité et la possibilité d’inter opérer avec un système d’information extérieur. Néanmoins, avec leurs architectures actuelles, les systèmes d’information présentent un handicap pour les entreprises et freinent la naissance d’une coopération efficace, simple et à valeur ajoutée.
• Manque de flexibilité
La flexibilité constitue aujourd’hui une préoccupation majeure des entreprises qui cherchent plus d’agilité et de réactivité. La flexibilité désigne la capacité de l’entreprise à agir et l’aptitude à répondre aux changements d’une manière dynamique et efficace [McCoy and Plummer, 2006]. La question de flexibilité de l’entreprise impacte nécessairement le domaine des systèmes d’information. Le système d’information, longtemps considéré comme un outil d’intendance au service de l’entreprise, est aujourd’hui au cœur de son fonctionnement, et sa flexibilité en conditionne les performances. Fort de ce constat, la flexibilité de l’entreprise se projette directement sur son système d’information qui doit :
– S’aligner avec les nouvelles exigences métier,
– Envisager et supporter des scénarios d’évolution et des demandes de modification.
Les systèmes d’information doivent développer une capacité à agir et être extrêmement réactif afin d’aider à mettre sur le marché de nouvelles offres ou encore à répondre rapidement à des demandes d’adhésion à des scénarios de coopération. Cependant, avec leurs architectures actuelles, les systèmes d’information freinent les opportunités de coopération interentreprises. L’absence de solution architecturale efficace pour résoudre les problèmes auxquels est confronté le système d’information, a plongé ce dernier dans une situation de blocage vis-àvis des exigences croissantes des métiers. L’enjeu consiste donc à rendre le système d’information le plus réactif possible aux évolutions du métier tout en préservant le patrimoine informationnel de l’entreprise.
• Réticence à l’ouverture
À l’origine, le système d’information a été conçu pour le fonctionnement interne d’une entreprise. Ni son architecture, ni ses missions n’envisageaient de prendre en considération des coopérations. En effet, le système d’information opère à l’interne de l’entreprise et l’interaction avec le monde extérieur se fait sous forme d’échanges d’information qui doivent être prévus à l’avance. Cependant, une coopération interentreprises à la demande exige une certaine ouverture du système d’information et une interopérabilité avec d’autres systèmes d’information hétérogènes.
L’hétérogénéité des systèmes d’information a motivé la recherche dans le domaine de l’interopérabilité. Malgré la multiplication des travaux sur l’interopérabilité du système d’information, dont on peut par exemple trouver des références dans [Izza, 2006], [Touzi, 2007], [Berre et al., 2007], les systèmes d’information des entreprises fonctionnent dans un environnement fermé où les frontières sont bien déterminées et l’interaction avec l’extérieur est bien planifiée.
Contraintes associées à la nature dynamique de la coopération
La question de coopérations à la demande est nécessairement impactée par la nature de l’écosystème économique qui tend vers une fluidification de sa structure, porteuse à la fois de nouvelles opportunités, mais également de nouvelles contraintes pour les entreprises. En effet, l’interconnexion des processus et la réalisation d’une coopération à la demande n’est pas une tâche facile à entreprendre. Suite à nos différentes études, nous avons classé l’ensemble des contraintes de la coopération en trois catégories : la confidentialité, l’autonomie et le dynamisme. Par conséquent, toute architecture d’interconnexion de processus doit respecter ces contraintes.
• La confidentialité
Un premier besoin lors d’une coopération est le respect de la confidentialité des entreprises participantes. Bien qu’il soit important que chaque entreprise puisse communiquer et coopérer avec les autres, ceci ne nie pas le fait qu’elles peuvent être concurrentes. En effet, c’est le dilemme de ce genre de projet qui consiste à mettre en partenariat sur une durée limitée des entreprises qui sont concurrentes le reste du temps et qui hésitent à partager des données et des activités. De plus, la spécificité d’un processus interentreprises est que ses activités sont distribuées à travers les différentes entreprises participantes dans la coopération. Ces activités appartiennent à des processus internes qualifiés de processus privés et confidentiels. Ainsi, le respect de la confidentialité exige de les décrire avec un niveau d’abstraction suffisant tel que le savoirfaire des entreprises ne soit pas divulgué aux partenaires. De ce fait, toute interconnexion des processus doit prendre en compte des aspects de confidentialité des processus, des données et des informations des différents partenaires.
• L’autonomie Un autre besoin clairement identifié dans le cadre d’une coopération interentreprises à la demande est l’autonomie. Bien que les entreprises travaillent ensemble dans le cadre d’une coopération, elles conservent leur entière autonomie. Le souci principal est d’avoir un support pour la réalisation d’un projet commun, mais en aucun cas elles seront amenées à modifier leur propre manière d’opérer. Chaque entreprise participante souhaite garder ses méthodes et outils de travail habituels. Par conséquent, toute interconnexion des processus doit assurer la cohérence globale tout en préservant l’autonomie de chaque partenaire.
• La coopération planifiée versus la coopération dynamique Lors d’une coopération et notamment dans le cadre d’une entreprise virtuelle dynamique, les entreprises peuvent avoir des compétences semblables. Cependant, elles ne résolvent pas toujours les problèmes rencontrés de la même manière. Chacune des entreprises possède ses propres manières d’agir qui les différencient des autres partenaires. C’est dans ce sens que lors de l’élaboration d’un processus coopératif on peut avoir le choix entre plusieurs partenaires. Ce choix est conditionné par un ensemble de critères stratégiques. De plus, on peut exprimer le besoin de changer l’ensemble des partenaires initiaux. Par conséquent, il s’avère difficile de décrire un scénario de coopération qui définit à l’avance l’ensemble des partenaires ainsi que leurs interactions possibles.
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Table des matières
INTRODUCTION GÉNÉRALE
1. Coopération interentreprises à la demande : motivations et contraintes
1.1 Enjeux de la coopération interentreprises
1.2 Contraintes pesant sur la coopération interentreprises
2. Évolutions nécessaires des systèmes d’information
2.1 Comment rendre le système d’information de l’entreprise flexible et réactif aux changements métier ?
2.2 Comment gérer l’hétérogénéité des systèmes d’information ?
3. Pertinence de l’orientation service
3.1 Avantages de l’orientation service pour le système d’information
3.2 Avantages de l’orientation service pour la coopération
4. Problématiques de recherche
4.1 Problématique de mise en place de la SOA
4.2 Problématique de construction du processus coopératif par composition des services
4.3 Problématique d’adaptation de la logique métier des services au contexte
5. Principes méthodologiques
6. Objectifs et contributions
7. Organisation du document
CHAPITRE 1 État de l’art
1.1 Coopération interentreprises à la demande
1.1.1 Coopération interentreprises à la demande : vers une relation dynamique
1.1.2 Coopération interentreprises à la demande : essais de définition
1.1.3 Formes de coopération à la demande
1.1.4 Concepts relatifs à la vue métier de la coopération
1.1.5 Concepts et approches relatifs à la vue technique de la coopération
1.1.6 Conclusion
1.2 Approche service pour la coopération
1.2.1 Cadre de référence pour les services
1.2.2 Vue architecture
1.2.3 Vue technologique
1.2.4 Vue méthode de mise en place de la SOA
1.2.5 Vue de composition des services
1.2.6 Conclusion
1.3 Adaptation des services Web au contexte
1.3.1 Notion de contexte
1.3.2 Notion de sensibilité au contexte
1.3.3 Éléments fonctionnels d’un système sensible au contexte
1.3.4 Définition, finalité et mécanismes de l’adaptation au contexte
1.3.5 Approches d’adaptation au contexte pour les services Web
1.3.6 Conclusion
1.4 Conclusion
CHAPITRE 2 Construction de l’architecture de services au sein de l’entreprise
2.1 Présentation générale de CSOMA
2.2 Méta-modèle de CSOMA
2.3 Typologie de services de CSOMA
2.3.1 Services métier
2.3.2 Services informatiques (ou services IT)
2.4 Phases de CSOMA
2.4.1 Phase 1 : Étude de besoin
2.4.2 Phase 2 : Construction de la SOA métier
2.4.3 Phase 3 : Construction de la SOA IT
2.4.4 Phase 4 : Accostage entre la SOA métier et la SOA IT
2.5 Étude de cas et validation
2.6 Conclusion
CHAPITRE 3 Construction du processus coopératif à la demande
3.1 Principes fondateurs
3.2 Méta-modèles de la coopération interentreprises à la demande
3.2.1 Méta modèle organisationnel de la coopération à la demande
3.2.2 Méta-modèle de la communauté de services domaines
3.2.3 Méta-modèles du processus coopératif à la demande
3.3 Présentation générale de l’architecture de coopération à la demande
3.4 Services de coopération pour la composition des services
3.4.1 Description des services domaines
3.4.2 Publication des services domaines
3.4.3 Découverte des services
3.5 Conclusion
CHAPITRE 4 Adaptation des services domaines au contexte à base de tissage d’aspects
4.1 Adaptation du service domaine aux changements de contexte : constats
4.2 Architecture générale du service domaine
4.2.1 Gestionnaire de contexte (CMM : Context Manager Module)
4.2.2 Module d’orchestration de services (SOM : Service Orchestration Module)
4.2.3 Modules d’adaptation du service domaine
4.3 Analyse de l’adaptation de la logique métier des services
4.3.1 BPEL et les changements de contexte
4.3.2 Motivations liées à l’utilisation de la programmation orientée aspect
4.3.3 Rappel des travaux précédents et positionnement
4.4 Adaptation du service domaine à base de tissage d’aspects
4.4.1 Modèle d’orchestration adaptable des services
4.4.2 Anatomie d’un aspect dédié à l’adaptation
4.5 Mise en œuvre de l’adaptation du service domaine à base de tissage d’aspects
4.5.1 Vue générale du processus d’adaptation
4.5.2 Architecture technique de l’adaptation
4.6 Scénario d’adaptation et validation
4.7 Conclusion
CONCLUSION GÉNÉRALE
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