Conversion thermochimique de la biomasse végétale
Etude bibliographique
La valorisation de la biomasse végétale apparaît comme une alternative pour répondre à nos besoins croissants en énergie primaire tout en limitant les émissions de gaz à effet de serre. En particulier, la valorisation de la biomasse lignocellulosique représente un enjeu considérable puisqu’il s’agit d’une ressource qui peut être convertie en intégralité dans les procédés thermochimiques. Bien que la production de chaleur par combustion soit la voie de valorisation de la biomasse lignocellulosique la plus répandue, de nombreux procédés thermochimiques, permettant de produire des biocombustibles – solides, liquides ou gazeux – se développent et atteignent, dans certains cas, un niveau de maturité industriel. Parmi ces procédés thermochimiques, la pyrolyse flash est mise en œuvre pour convertir la biomasse en huile de pyrolyse, un liquide organique – d’aspect similaire à celui du pétrole – qui peut être utilisé pour synthétiser des biocarburants de 2ème génération.
Matériel et Méthodes
Préparation des matériaux catalytiques
L’objectif de cette thèse est d’étudier, d’une part, l’influence de précurseurs catalytiques imprégnés
sur les mécanismes de dégradation de la biomasse . D’autre part, nous avons étudié l’effet catalytique de précurseurs déposés sur un support catalytique pour convertir des vapeurs de
pyrolyse . Dans cette partie, nous décrivons le protocole d’imprégnation utilisé pour insérer le précurseur métallique au sein de la matrice lignocellulosique de la biomasse. Dans un second temps, nous présentons le protocole mis en œuvre pour préparer des catalyseurs supportés
sur charbons actifs.
Réacteurs de pyrolyse
Les essais de pyrolyse ont été effectués sur un réacteur tubulaire à lit fixe et sur un réacteur à lit
fluidisé conçu et construit au cours des travaux de thèse. Le premier réacteur fonctionne en batch et permet d’étudier les mécanismes de pyrolyse à partir de quelques grammes de biomasse. Le
réacteur de pyrolyse à lit fluidisé a été développé afin de convertir de la biomasse en continu. Il s’agit d’une technologie directement extrapolable à l’échelle industrielle [43]. Les échanges thermiques dans le lit fluidisé sont environ dix fois plus importants qu’en lit fixe [54], ce qui permet d’augmenter les rendements en bio-huiles [31]. Enfin, des essais de pyrolyse ont été effectués sur un analyseur thermogravimétrique afin de suivre la perte de masse d’un échantillon de biomasse en fonction de la température.
Conversion de molécules modèles sur lit fixe catalytique
Dans cette partie, nous présentons les deux réacteurs qui ont été utilisés pour convertir l’acide acétique et le guaiacol. L’étude de la conversion catalytique de ces deux molécules modèles a été
effectuée à l’IRCELyon. L’acide acétique est l’une des molécules principales des vapeurs de pyrolyse, il est principalement issu de la dégradation des hémicelluloses [26]. Le guaiacol est présent en quantités plus faibles, cependant, il permet d’étudier l’influence du catalyseur sur les produits de dégradation de la lignine.
Effet catalytique de sels métalliques imprégnés
dans la biomasse sur les mécanismes primaires de pyrolyse flash La pyrolyse flash est un procédé thermochimique permettant de convertir la biomasse lignocellulosique en bio-huiles. Cependant, ces bio-huiles sont fortement oxygénées ce qui les rend instables dans le temps et leur confère une faible densité énergétique. La catalyse est perçue comme un moyen prometteur pour désoxygéner les bio-huiles.D’après, les travaux de Richardson [27] et de Collard [26], l’imprégnation de la biomasse avec des sels de nitrates de nickel et de fer permet de catalyser les mécanismes primaires de pyrolyse, c’est-à-dire, de favoriser les réactions de dépolymérisation, de fragmentation et de carbonisation. Notons que seule la dépolymérisation et la fragmentation permettent de générer des vapeurs de pyrolyse. Dans l’objectif d’optimiser la production de bio-huiles, la carbonisation est une réaction que nous ne souhaitons pas favoriser car elle provoque la formation de charbons aux dépens de la formation de vapeurs de pyrolyse. Dans les travaux publiés sur l’imprégnation de métaux de transition dans la biomasse, généralement ceux-ci sont imprégnés à partir de solutions de sels de chlorures [63, 129,143, 144, 146, 176], de sulfates [143, 146, 153], de nitrates [26, 27, 138, 155, 156] et d’acétates [143]. Cependant, il est difficile de tirer des conclusions quant au rôle catalytique de chacun de ces sels métalliques car les conditions d’imprégnation et de pyrolyse varient fortement d’une étude à l’autre. Partant de ce constat, il nous a paru nécessaire d’effectuer un screening afin de comparer le rôle catalytique de sels imprégnés. Nous avons choisi d’utiliser des sels de nitrates, qui contrairement aux sels de chlorures et de sulfates permettent d’éviter toute pollution des bio-huiles avec du soufre ou du chlore initialement absents de la biomasse. Nous avons donc sélectionné les sels : Mn(NO3)2, Fe(NO3)3, Co(NO3)2, Ni(NO3)2, Cu(NO3)2 et Zn(NO3)2. De plus, nous avons souhaité évaluer l’influence du nitrate de cérium, un terre rare possédant des propriétés redox et acide/base remarquables [177] et dont l’effet catalytique au sein de la biomasse n’a, à notre connaissance, jamais été étudié. L’objectif de ce chapitre est de déterminer si l’imprégnation de la biomasse avec des sels de nitrates peut être envisagée pour désoxygéner les bio-huiles en agissant sur les mécanismes primaires de pyrolyse. Bien entendu, cet objectif soulève de nombreuses questions. Que deviennent les anions en solution ? Sont-ils imprégnés dans la biomasse ? Si oui, influencent-ils les mécanismes primaires de pyrolyse ? D’autre part, nous savons que les sels catalysent les mécanismes de dépolymérisation, cependant, s’agit-il de la dépolymérisation de la cellulose ou de la lignine ? A l’inverse, ces sels ont-ils un effet sur les mécanismes de fragmentation et de carbonisation ?
Pour répondre à ces questions, nous commençons cette étude en présentant les résultats d’imprégnation. Afin d’étudier l’influence des sels imprégnés sur la perte de masse lors de la pyrolyse, le comportement thermochimique des biomasses a été étudié dans un analyseur thermogravimétrique (ATG). Enfin, nous avons évalué l’influence des sels sur les rendements de
pyrolyse dans un réacteur à lit fixe et dans un réacteur à lit fluidisé.
Craquage catalytique des vapeurs de pyrolyse flash sur catalyseur supporté sur charbon
Le craquage catalytique est mis en œuvre pour catalyser les mécanismes secondaires de pyrolyse en présence d’un catalyseur hétérogène. Dans le chapitre précédent, les analyses effectuées sur les charbons obtenus par pyrolyse de biomasse imprégnée en lit fixe ont permis de mettre en évidence la présence de nanoparticules cristallines finement dispersées sur le support carboné. En outre, nous avons montré que les charbons produits par pyrolyse de biomasse imprégnée catalysent la conversion des vapeurs de pyrolyse et plus particulièrement que ceux-ci favorisent la déshydratation et la décarboxylation. Bien que les charbons de pyrolyse aient déjà été utilisés en tant que support catalytique [116], les charbons actifs sont plus couramment employés en raison de leur surface spécifique très importante qui permet notamment une meilleure accessibilité des sites catalytiques.L’objectif de ce chapitre est d’évaluer l’activité de catalyseurs supportés sur charbon pour désoxygéner les vapeurs de pyrolyse flash par craquage catalytique. Dans le but de sélectionner un catalyseur hétérogène performant pour craquer les vapeurs de pyrolyse, les catalyseurs supportés sur charbon de pyrolyse et sur charbon actif ont, dans un premier temps, été testés sur des molécules modèles.Afin de favoriser la désoxygénation des vapeurs, nous nous sommes focalisés sur la conversion del’acide acétique, une espèce fortement oxygénée, qui est présente en quantités importantes dans les bio-huiles. D’autre part, les catalyseurs ont été testés pour convertir le guaiacol qui permet de simuler les réactions de craquage des monomères aromatiques issus de la dépolymérisation de la lignine. Parmi les métaux étudiés au chapitre 3, le cérium, le manganèse et le fer semblent les plus adaptés pour convertir ces deux molécules. En effet, plusieurs auteurs ont montré que les oxydes CeO2, Fe2O3 et Mn3O4 sont très actifs pour catalyser la condensation cétonique qui permet notamment de convertir l’acide acétique en acétone par décarboxylation et déshydratation [132, 133, 177, 204-207]. De plus, une autre étude montre que le fer a été utilisé avec succès pour convertir les vapeurs de pyrolyse et augmenter les rendements en phénols [105]. Partant de ce constat, nous avons choisi d’utiliser les charbons, produits sur le réacteur à lit fixe, qui contiennent des nanoparticules d’oxydes de fer, de cérium et de manganèse. Ces catalyseurs sont notés Cpyro, Ce/Cpyro, Fe/Cpyro, Mn/Cpyro. Pour comparer aux charbons de pyrolyse, nous avons utilisé un charbon actif commercial, produit à partir de biomasse, qui a ensuite été dopé avec du fer, du cérium et du manganèse (ceux-ci sont notés Cnorit, Ce/Cnorit, Fe/Cnorit et Mn/Cnorit). Après avoir effectué la phase de sélection sur les molécules modèles, le catalyseur le plus efficace a été utilisé dans un lit fixe catalytique couplé au réacteur à lit fluidisé présenté au chapitre précédent.
Etude de faisabilité de l’intégration du craquage
catalytique dans la filière d’hydrodésoxygénation des biohuiles pour produire des biocarburants
L’hydrodésoxygénation (HDO) des bio-huiles obtenues par pyrolyse flash est considérée comme
étant la filière de référence pour co-raffiner les bio-huiles avec du pétrole pour produire des biocarburants de 2ème génération [82, 214]. En effet, l’hydrodésoxygénation permet de désoxygéner les bio-huiles jusqu’à une teneur en oxygène suffisamment faible pour envisager un traitement dans des raffineries conventionnelles. L’HDO a lieu en présence de catalyseurs et sous forte pression partielle de dihydrogène afin d’extraire l’oxygène des bio-huiles par déshydratation [75]. Cette étape est coûteuse en raison des conditions de mise en œuvre du procédé et de la consommation importante de dihydrogène et de catalyseurs. Par conséquent, la mise en œuvre d’un procédé amont permettant d’obtenir des bio-huiles partiellement désoxygénées permettrait de réduire en partie le recours à l’hydrodésoxygénation, diminuant ainsi le coût de cette étape. Nous avons montré au chapitre 3 que l’imprégnation de la biomasse agit sur les mécanismes primaires de pyrolyse mais ne permet pas de réduire la teneur en oxygène des bio-huiles. En revanche, comme étudié au chapitre 4, le craquage catalytique catalyse les réactions de désoxygénation telles que la déshydratation, la décarboxylation et la décarbonylation. Le craquage catalytique peut donc être vu comme un moyen de désoxygéner les bio-huiles en amont de l’HDO. A l’échelle d’une filière de production de biocarburants, l’intégration d’une étape de craquage catalytique est envisageable. Cependant, cette option est-elle économiquement viable par comparaison avec la filière de référence pour laquelle les bio-huiles sont uniquement désoxygénées par hydrodésoxygénation ? Quelles peuvent être les conséquences de cette option sur la base de critères environnementaux ? Afin de simplifier l’étude, seule la réponse à cette première interrogation est traitée dans ce chapitre. Celle-ci dépend à la fois du coût, de l’efficacité, de la durée de vie et de la quantité de catalyseur que nécessite cette filière intégrant le craquage catalytique. L’objectif de ce chapitre est donc d’évaluer les conditions minimales requises par les catalyseurs de craquage catalytique – efficacité, durée de vie et coût – en fonction de la quantité utilisée pour s’assurer de la viabilité économique de la filière. Pour ce faire, nous commençons par décrire en détail la filière de référence ainsi que la filière intégrant une étape de craquage catalytique. Puis, nous déterminons, à partir d’une modélisation des flux matière, les quantités d’H2 nécessaire à la désoxygénation des bio-huiles en fonction de leurs teneurs en oxygène à l’entrée de l’HDO. Cette modélisation permet par la suite de comparer ces deux filières à partir de critères économiques. Dans un troisième temps, nous proposons une méthode qui permette d’estimer simplement la durée de vie minimale requise pour un catalyseur de craquage catalytique et cela, en fonction de son efficacité, de son coût et en considérant les conditions opératoires employées. Cette méthode est ensuite appliquée à des cas concrets ainsi qu’à des cas plus exploratoires, qui permettent de cibler les caractéristiques que devront posséder les catalyseurs de craquage à développer au cours des prochaines années.
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Table des matières
Remerciements
Résumé
Summary
Liste des abréviations
Nomenclature
Introduction générale
Chapitre 1 Etude bibliographique
I. Conversion thermochimique de la biomasse végétale
1. La biomasse végétale
2. Procédés de conversion thermochimiques
II. Production de bio-huiles par pyrolyse flash
1. Le réacteur de pyrolyse flash à lit fluidisé
2. Conditions opératoires de la pyrolyse flash
3. Propriétés physico-chimiques et compositions chimiques des bio-huiles
4. Valorisation des bio-huiles
III. Etat de l’art des procédés de désoxygénation des bio-huiles
1. Procédés de désoxygénation des bio-huiles
2. Catalyseurs de craquage catalytique
IV. Vers la catalyse des mécanismes primaires de pyrolyse
1. Distinguer les mécanismes primaires et secondaires de pyrolyse
2. Pyrolyse de biomasse imprégnée : vers la catalyse des mécanismes primaires
V. Positionnement du sujet de thèse
Chapitre 2 Matériel et Méthodes
I. Préparation des matériaux catalytiques
1. Préparation de la biomasse imprégnée
2. Préparation de catalyseurs supportés sur charbons actifs
II. Réacteurs de pyrolyse
1. Réacteur tubulaire à lit fixe
2. Réacteur à lit fluidisé
3. Analyse thermogravimétrique
III. Conversion de molécules modèles sur lit fixe catalytique
1. Schéma et principe de fonctionnement
2. Protocole expérimental
IV. Caractérisation de la biomasse et des produits de pyrolyse
1. Caractérisation des solides : biomasse et charbon
2. Analyse des bio-huiles
3. Analyse des gaz : chromatographie en phase gazeuse et analyseur de combustion
Chapitre 3 Effet catalytique de sels métalliques imprégnés dans la biomasse sur les mécanismes primaires de pyrolyse flash
I. Caractérisation des biomasses imprégnées avec des sels de nitrates métalliques
II. Comportement thermique de biomasse imprégnée avec des sels de nitrate en ATG
1. Etat de l’art : décomposition thermique des sels de nitrate
2. Comportement thermique de la biomasse imprégnée : influence des produits de
décomposition des nitrates
III. Pyrolyse de biomasse imprégnée en lit fixe : effet catalytique des sels de nitrates sur les
mécanismes primaires
1. Influence des sels de nitrates imprégnés sur les rendements de pyrolyse
2. Décomposition des sels de nitrates au sein des charbons de pyrolyse
3. Influence de la nature du précurseur catalytique sur les mécanismes primaires de
dépolymérisation et de fragmentation
4. Conclusion partielle
IV. Pyrolyse de biomasse imprégnée en lit fluidisé
1. Imprégnations complémentaires
2. Effet catalytique des sels imprégnés sur les mécanismes de pyrolyse
3. Influence des sels métalliques imprégnés sur la désoxygénation de la fraction organique des
bio-huiles
V. Conclusion
Chapitre 4 Craquage catalytique des vapeurs de pyrolyse flash sur catalyseur supporté sur charbon
I. Caractérisation des catalyseurs
II. Conversion catalytique de molécules modèles
1. Conversion de l’acide acétique
2. Conversion du guaiacol
3. Conclusion partielle
III. Conversion catalytique de vapeurs de pyrolyse générées dans un réacteur à lit fluidisé
1. Rendements des essais de craquage catalytique
2. Influence du catalyseur sur la désoxygénation de la fraction organique
3. Influence du catalyseur sur la composition des bio-huiles
IV. Conclusion
Chapitre 5 Etude de faisabilité de l’intégration du craquage catalytique dans la filière
d’hydrodésoxygénation des bio-huiles pour produire des biocarburants
I. Description de la filière de référence et de la filière intégrant le craquage catalytique
1. Présentation de la filière de référence
2. Présentation de la filière intégrant le craquage catalytique
II. Modélisation de l’intégration du craquage catalytique dans une filière de production de
biocarburants
1. Cadre de l’étude
2. Modélisation des flux de matières
3. Evaluation économique des deux filières
III. Proposition d’une méthode de détermination des conditions de viabilité d’une filière intégrant le craquage catalytique
1. Présentation de la méthode
2. Exemples d’application
3. Application de la méthode à des cas extrapolés
IV. Conclusion
Conclusion générale et perspectives
Références bibliographiques
Annexe A : Les réacteurs de pyrolyse flash à cône rotatif et de pyrolyse ablative
Annexe B : Méthode de construction des courbes de niveaux de densité énergétique sur un
diagramme de Van Krevelen
Annexe C : Structure cristalline et activité catalytique des zéolithes
Annexe D : Détermination du temps de séjour des vapeurs de pyrolyse dans le réacteur à lit fluidisé
Annexe E : Dimensionnement de l’étage de condensation en sortie du réacteur lit fluidisé :
différentes configurations
Annexe F : Comparaison des caractéristiques des réacteurs de pyrolyse à lit fixe et à lit fluidisé
Annexe G : Détermination du taux de récupération des métaux dans les charbons par pyrolyse de
biomasse imprégnée
Annexe H : Identification du LAC à partir de son spectre MS
Annexe I : Détermination des taux de conversion de l’acide acétique et du guaiacol en présence de
zéolithes
Annexe J : Détermination du taux de conversion de l’acide acétique avec les catalyseurs Ce/Cnorit et Mn/Cnorit : influence de la température
Annexe K : Essai complémentaire de désorption des espèces piégées dans le catalyseur Ce/Cnorit
après un essai de craquage catalytique
Annexe L : Méthode de calcul du coût de l’HDO (KHDO)
Liste des figures
Liste des tableaux.
Liste des équations
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