Rappel historique
La pose de la première tête fémorale en acrylique a été réalisée en 1946 par les frères Jean et Robert JUDET (figure 1) [89]. Ils remplacèrent la tête fémorale retirée par une sphère du même calibre, celle-ci était fixée sur un pivot traversant de part en part le col du fémur. Bien que le résultat à court terme fût satisfaisant, de nombreux problèmes furent posés notamment la tenue de l’ancrage osseux de la prothèse, l’usure du matériau et la fragilisation du cotyle. En 1940, l’américain Austin Moore (figure 2A) en collaboration avec Frederick Röeck Thompson (figure 2B) et Harold R. Böhlman ont utilisé du Vitallium [73,94] (un alliage composé de 65% de cobalt, 30% de chrome et 5% de molybdène) pour concevoir leurs prothèses s’inspirant du concept des frères JUDET mais en se distinguant par la présence d’un col évasé et d’une tige intra-médullaire. Le design a été amélioré davantage en fenêtrant la tige, permettant ainsi une croissance osseuse incorporée [50]. Dans les années 50, la fracture du col du fémur était une cause de mort fréquente, le pronostic de cette lésion a été transformé. En quelques jours après l’opération, les malades marchaient dans les couloirs de l’hôpital [50]. Les premières prothèses intermédiaires sont apparues en 1964 avec John Monk [45] : la prothèse fémorale était couplée à une cupule non scellée entièrement en polyéthylène de haute densité ou de derlin. Ces premiers modèles dits soft top implantés sur des prothèses de Moore et de Thompson ont eu des résultats encourageants à court terme, mais de mauvais résultats à long terme en raison de l’usure prématurée de la cupule en polyéthylène et du descellement aseptique. Ils furent rapidement abandonnés [74]. A la même époque, en 1965, Christiansen [23] a développé une prothèse dont l’articulation intermédiaire était constituée d’un cylindre récepteur en derlin à l’intérieur de la cupule réalisant une articulation à un seul degré de liberté. Elle présentait les mêmes complications que la prothèse de Monk par usure du polyéthylène [46]. C’est en 1968 que sont apparues les premières cupules recouvertes d’une calotte métallique permettant d’éviter tout contact entre le polyéthylène et le cotyle et d’améliorer ainsi les résultats à long terme. La prothèse de Giliberty [39] (figure 3) est apparue en 1960. Mise au point en 1974, elle était réalisée en trois parties : une cupule métallique, une cupule en polyéthylène de haute densité et un implant fémoral réalisant ainsi le premier concept de prothèse bipolaire. De nombreux modèles ont vu le jour, ayant tous l’ambition d’améliorer le rôle de la mobilité intra prothétique, comme la prothèse de Bateman-UPF [9] (figure 3) introduite en 1974, la prothèse de Farizon-Semay et la prothèse SEM conçue en 1975 avec l’aide de D’Autry [24]. Cette dernière a également vu sa cupule en polyéthylène remplacée par une cupule blindée en 1976. De ce fait, dans les deux articulations, les objectifs peuvent être rapprochés à :
diminuer l’usure ;
diminuer les contraintes de descellement ;
se rapprocher de la physiologie ;
augmenter la stabilité intra prothétique.
Des progrès ont été effectués sur le dessin des prothèses. La tige fémorale, d’abord fenêtrée, a laissé place à d’autres modèles : des tiges pleines à cimenter et des tiges sans ciment. Actuellement le meilleur procédé de fixation au niveau du fémur fait appel au principe des revêtements ostéoconducteurs apparu en 1986 [51]. On projette une fine couche d’hydroxyapatite qui vient se fixer à la surface des prothèses. L’hydroxyapatite est un composant minéral de l’os qui peut être fabriqué chimiquement. L’os voisin l’identifie comme un de ses constituants et repousse rapidement sur le revêtement et donc sur la prothèse. Il y a également le plasmapore de titane qui est un excellent ostéoconducteur.
Théorie de Pauwels
Elle part d’un exemple relativement simple, celui d’une colonne supportant une charge, quand le poids de celle-ci est centré au niveau de l’axe de la colonne, les contraintes de compression exercées sont uniformément réparties sur toute la section de la colonne. Lorsqu’on déplace cette charge latéralement, en plus des contraintes de compression, il y a des contraintes de flexion. Ces contraintes de compression se répartissent de part et d’autre de l’axe neutre de la colonne, avec des contraintes de pression du côté de la charge, et de tension du côté opposé. A partir d’un certain degré d’excentricité de la charge, les contraintes de tension deviennent supérieures aux contraintes de pression. Si en plus, la charge s’exerce obliquement, une force de cisaillement apparaît et les sollicitations en flexion augmentent. Pauwels compare le col fémoral à une colonne courbe qui subit une force résultante du poids du tronc et des forces musculaires (les muscles fessiers). La direction de cette force est inclinée de 16° par rapport à la verticale, s’exerçant selon l’axe mécanique du col qui est variable selon les changements de position et donc distinct de l’axe anatomique du col . Cette force produit des contraintes de compression maximale au bord inférointerne du col et des contraintes de traction maximale au bord supéro- externe du col et un effet de cisaillement du fait de son obliquité (Figures 4 et 5).
Mobilité de l’articulation intra-prothétique
Il existe de grandes discordances dans l’appréciation de la mobilité intra prothétique, certaines études allant même jusqu’à douter de son existence. En 1979, P. Langan [61] a montré sur des radiographies en abduction de prothèses de Giliberty, une diminution du mouvement intra prothétique lors de la première année post-opératoire, allant parfois même jusqu’à s’annuler. Drinker et Murray [29] ont étudié à la même période le mouvement des prothèses Bateman chez 13 patients. La mobilité intra prothétique persistait à 4 ans postopératoire, mais était très diminuée par rapport à la mobilité retrouvée à 18 mois de l’intervention. G.P. Gonon [41] lors du symposium de la Société Française de Chirurgie Orthopédique et Traumatologique (SOFCOT) sur les prothèses intermédiaires en 1978 dirigé par LP.Fischer et H.Olivier a mis en évidence sur 3 reprises opératoires de prothèses intermédiaires, une prolifération de tissus cicatriciels s’invaginant dans l’articulation et la bloquant dans les 3 cas. En 1982, Van Elegem [97] a constaté une réduction progressive du mouvement intra-prothétique en abduction dans la phase post-opératoire précoce qu’il attribue à la constitution d’un manchon fibreux enserrant le col de la prothèse. Lortat-Jacob [65] a fait les mêmes constatations en 1983. Sur 57 hanches prothétiques SEM radiographiées en abduction et en adduction, quatre Patients seulement avaient un fonctionnement semblable à celui d’une prothèse totale. Douze Patients avaient une mobilité intra-prothétique et 41 Patients se comportaient comme une prothèse de Moore. La mise en charge n’a pas modifié la mobilité intra prothétique. Lors des ré-interventions, il a été également retrouvé une couche de tissu fibreux entre la base de la cupule et l’implant fémoral, bloquant toute mobilité intraprothétique. T.W. Phillips [79] a montré en étudiant des prothèses Bateman implantées pour fracture du col et pour coxarthrose, qu’il existait une mobilité intra- prothétique prédominante dans 80% des hémi-arthroplasties pour arthrose, et une mobilité extraprothétique prédominante pour 75% des hémi-arthroplasties pour fracture du col. L’augmentation de la friction à l’interface cupule-cartilage dans la coxarthrose en serait l’explication. R.M. Bochner [11], en 1988, a comparé la mobilité en flexion et en abduction des prothèses intermédiaires : 65% du mouvement se produisait à l’interface extraprothétique, que la prothèse soit ou non en charge. L. Fabeck [33], en 1994, a présenté une méthode d’analyse de la mobilité intraprothétique par scanner sur 14 hémi-arthroplasties revues à deux ans. Sur les 14 Patients étudiés, neuf patients présentaient une mobilité intra-prothétique lors de la flexion de hanche. L’ampleur du mouvement intra-prothétique était de 88% du mouvement global chez un patient et de 64% chez un second. Il demeurait inférieur ou égal à 45% pour sept autres patients. Pour les cinq autres patients, aucun mouvement intra prothétique lors de la flexion n’était noté, tout se passant comme si la totalité du mouvement se localisait à l’interface cupule-cotyle. Par ailleurs, Brueton [13] a étudié la mobilité intra et extra-prothétique par rapport au diamètre de la tête fémorale, comparant les implants fémoraux Charnley à têtes de 22 mm aux implants Zimmer à têtes de 32 mm. Les résultats sont en faveur des diamètres de 22 mm qui présentent une mobilité extra prothétique inférieure aux implants de 32 mm, en accord avec le principe de low friction de Charnley. Ces études sur la mobilité des articulations intra et extra-prothétiques révèlent dans la majorité des cas une prédominance nette de l’articulation extra-prothétique dans la prise en charge des mouvements de flexion- extension et d’abductionadduction. Néanmoins, l’amplitude du mouvement intra-prothétique n’influence pas les résultats cliniques, les cupules bloquées ayant les mêmes résultats que les cupules mobiles (Wada [102], Larta-Jacob [65]). Cette absence de corrélation entre la mobilité de la cupule et les résultats cliniques a fait avancer comme hypothèse que le rôle protecteur de la cupule intermédiaire sur le cartilage cotyloïdien était plus en rapport avec un effet amortisseur du polyéthylène de la cupule, qu’avec sa mobilité intra-prothétique (G.P.Gonon [41], E.Vazquez-Vela [99]).
Ossifications péri-articulaires
Les ossifications péri-articulaires sont formées d’os métaplasique qui se transforme en os lamellaire. Leur origine est mal définie, leur gravité est variable selon leur importance et leur étendue. Le plus souvent, elles sont asymptomatiques et leurs causes ne sont pas claires :
la technique employée jouerait un rôle dans leur production : la voie d’abord postéro-externe donnerait plus d’ossifications que les autres voies, ainsi que les traumatismes musculaires et l’importance des pertes sanguines ;
le terrain joue un rôle indiscutable selon certaines études : les ossifications semblent peu influencées par l’âge mais sont plus fréquentes et plus importantes chez le sexe masculin. On note une prévalence de ces ossifications chez les patients atteints de spondylarthrite ankylosante (SPA). Leur prévention fait appel aux moyens chimiques et à la radiothérapie. Les médications actuellement utilisées sont les anti-inflammatoires non stéroidiens (AINS) [98]. Ces différents moyens permettraient de diminuer de moitié l’incidence des ossifications.
Infection chronique
C’est la variété la plus fréquente ; son origine est essentiellement per-opératoire mais elle se développe lentement et de façon torpide. Le motif de consultation le plus fréquent est la douleur. La présence d’une fistule ou d’un abcès, sa survenue dans un tableau septicémique affirme le diagnostic. Le bilan radiologique doit rechercher les signes évocateurs d’infection ou de descellement. Le traitement est chirurgical encadré par une antibiothérapie et comporte deux étapes en un ou deux temps opératoires :
l’excision : elle doit emporter :
o la totalité des tissus infectés ;
o les deux pièces prothétiques même si l’une d’elle n’est pas descellée ;
o la totalité du ciment cotyloïdien et fémoral.
la reconstruction.
Après un bilan des lésions osseuses, la reconstruction doit permettre un scellement stable d’une prothèse sur un support osseux continu. Si le descellement, l’infection ou le chirurgien n’ont pas créé de dégâts sur le cotyle ou le fémur ; le scellement est simple après ravivement de l’os et création de bon ancrage sur le cotyle. Dans de nombreux cas des greffes osseuses sont nécessaires. La lutte contre l’infection est complétée par l’utilisation d’antibiotiques dans le ciment. Le rescellement d’une prothèse en un temps après infection chronique permet de guérir 70 à 80% des patients [54, 100]. Certaines équipes préfèrent un protocole en deux temps. Cette méthode présente des inconvénients :
deux interventions lourdes rapprochées ;
risque de réveil septique aussi important qu’en un temps ;
qualité plus aléatoire du scellement du fait de l’ostéoporose et de la fibrose qui recouvre l’os.
Cependant, certaines mesures sont de diminuer le taux d’infection:
correction des tares notamment le diabète ;
recherche et traitement des foyers infectieux à distance ;
asepsie rigoureuse du geste opératoire ;
l’antibiothérapie peropératoire ;
surveillance infectieuse stricte de tout porteur d’une prothèse de la hanche.
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Table des matières
INTRODUCTION
GENERALITES
I. Rappel historique
II. Biomécanique de la hanche
III. Physiologie de la hanche
IV. Principes de fonctionnement de l’hémi-arthroplastie
V. Complications post-opératoires de l’hémi-arthroplastie
VI. Spécificités opératoires de la conversion de l’hémi-arthroplastie de la hanche
MATERIEL ET METHODES
I. Cadre d’étude
II. Matériel
III. Méthodes
RESULTATS
I. Données concernant l’hémi-arthroplastie
II. Données concernant la conversion en prothèse totale
III. Données évolutives
1. Résultats fonctionnels
2. Résultats radiologiques
DISCUSSION
I. Données épidémiologiques
II. Données concernant l’hémi-arthroplastie
III. Données concernant la conversion en prothèse totale
IV. Données évolutives
CONCLUSION
REFERENCES
ANNEXES
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