Convection et dégazage d’un système magmatique

Les éruptions volcaniques sont des événements parfois dévastateurs dont il convient d’anticiper les phases paroxysmales afin d’en limiter les conséquences sur les populations ; la surveillance continue s’impose comme une composante majeure de gestion des risques. L’identification rapide des événements précurseurs et la prédiction à court terme d’une manière fiable constituent un ample domaine de recherche dans le but d’améliorer les systèmes d’alerte. De nombreux travaux ont démontré l’importance de l’écoute microsismique comme paramètre de caractérisation des mécanismes précurseurs aux éruptions, essentiellement explosives. L’interprétation des signatures des signaux acoustiques fournit également de précieuses indications sur le caractère effusif ou explosif d’une activité en augmentation. Cependant, la compréhension des complexes procédés de mécanique des fluides qui accompagnent les éruptions représentent un troisième axe de recherche que nous proposons d’explorer ici.

Les éléments volatiles saturant le magma sont plus ou moins solubles selon les conditions de pression et de température auxquelles ils sont soumis. Lorsque les conditions d’équilibre sont rompues, l’exsolution de ces volatiles sous forme de bulles résulte en la migration du magma vers la surface. Au cours de cette ascension, la croissance des bulles s’accélère et leur solubilité diminue, entrainant une diffusion du gaz limitée essentiellement par la viscosité du liquide silicaté. Cette vitesse d’ascension dépend donc de la capacité des bulles de gaz à croître au sein du magma. L’augmentation de la flottabilité résultant de la croissance de ces bulles fournit la force motrice de l’éruption ; une énergie considérable peut s’accumuler lorsque la surface refroidie se comporte comme une barrière et piège des gaz dont la pression peut se libérer violemment.

Les magmas montant lentement vers la surface dégazent d’une manière plutôt effusive alors que les magmas rapides entrent en éruption de manière plus explosive, souvent plus dangereuse pour les populations. Au cours de cette étude, nous avons utilisé la modélisation numérique de processus de mécanique des fluides dans le but d’améliorer la compréhension du régime effusif dont les dynamiques qui le gouverne sont encore insuffisamment connues. Le volcan Erebus, en Antarctique, présente un lac de cratère permanent dont l’activité est essentiellement effusive, accompagnée d’explosions stromboliennes de faible ampleur. Il représente donc une précieuse source de données que les scientifiques ont collectées depuis des décennies, véritable fenêtre ouverte sur le cœur d’un système magmatique .

Le modèle hydrodynamique MFIX

Les équations 

L’idée centrale d’une approche multiphasique est basée sur la mécanique des milieux continus. Celle-ci considère qu’un système se compose d’un nombre suffisamment important de particules pour que les discontinuités puissent être aplanies et que ses différentes propriétés puissent être traitées comme étant continues (Figure 1). Ainsi, tout système peut être divisé en petites cellules appelées volumes finis (Figure 1a), chacune d’elles étant orientée dans l’espace par rapport à chaque cellule voisine dans un système de coordonnées (Figure 1b). Tout au long de cette étude, nous adoptons un signe positif de convention : les contraintes sont positives lorsque les forces extérieure et normale agissent dans la même direction par rapport au système de coordonnées x, y correspondant à E et vers le haut, respectivement. Chaque volume fini ou volume de référence (Figure 1c) est composé de 1 à 2 phases (Figure 1d) ; celle qui se présente sous forme de grains ou composés en petite quantité est appelée la phase dispersée ou granulaire (e.g. les cristaux) et la phase dans laquelle les grains sont dispersés est appelée la phase continue. Chaque phase granulaire est caractérisée par un diamètre et une densité uniques, et un coefficient d’élasticité.

Les équations vectorielles du modèle hydrodynamique sont basées sur ces équations et sur plusieurs travaux développés depuis 1967. Pour résoudre les équations d’écoulement multiphasique, nous avons utilisé un code numérique basé sur MFIX Ver. 2.0, 2004 (Multiphase Flow with Interface eXchanges), un programme développé par le Laboratoire National Américain de Technologie Energétique du Département de l’Energie [Syamlal et al., 1993 ; Syamlal, 1994, 1998 ; Benyahia et al., 2008]. Ce programme permet de simuler la dynamique des fluides dont la complexité est telle qu’elle ne peut se résoudre à travers des méthodes numériques sans l’aide d’un ordinateur ; c’est-à-dire en utilisant la dynamique des fluides computationnelle (CFD). MFIX a la capacité de traiter jusqu’à 4 phases dispersées. Ces équations à dérivée partielle sont linéarisées et résolues à l’aide de techniques de résolution linéaire (Figure 1f) pour l’ensemble des cellules à un temps donné. Un compterendu plus détaillé des équations utilisées et des méthodes de discrétisation peut être trouvé dans la section du manuel de MFIX relative à la théorie et à la technique numériques [Syamlal, 1993; 1994].

Tenseur de contrainte de la phase granulaire

Nous nous sommes d’abord concentrés sur l’examen de la rhéologie globale de l’écoulement granulaire en utilisant les relations constitutives existantes dans MFIX, car elles constituent probablement l’approche la plus acceptable aujourd’hui pour modéliser les écoulements de particules [e.g., Valentine, 1994 ; Patiño, 1997 ; Dartevelle, 2004; Dartevelle et al., 2004; Dufek and Bergantz, 2005; Dartevelle and Valentine, 2007; Ruprecht et al., 2008; Dufek and Bachmann, 2010]. Un milieu granulaire se comporte de façon très différente [Jaeger et al., 1996] en fonction du rapport ɛm/ɛs et de la manière dont la phase dispersée transmet le mouvement à l’intérieur d’elle-même (Figure 5). Un ensemble de grains posés sur une table peut former un tas statique. Malgré des contraintes de cisaillement présentes dans le tas, le milieu reste immobile (stagnant) et se comporte donc comme un solide (Figure 5a). Les théories décrivant ce régime sont gouvernées par la mécanique des solides, spécifiquement dans le champ de « l’élasticité ». Dans ce régime, le système est dominé par les interactions de contact entre les grains. Lorsque les grains sont en mouvement, comme dans un sablier par exemple, les particules interagissent à la fois par collision et contacts frictionnels de longue durée (Figure 5b) ; lorsque les contacts entre les grains sont de type frictionnel ce régime est connu comme plastique. Porté à l’extrême, si l’on secoue énergiquement un tas de billes, le milieu devient très agité avec des particules bougeant dans tous les sens, se déplaçant par translation (cinétique) et interagissant par collision. Dans ce régime que l’on appelle collisionnel, le milieu ressemble à un gaz (Figure 5c) ; ce régime est connu comme visqueux.

Tenseur Cinétique-Collisionnel 

Les équations utilisées pour traiter ce régime sont basées sur les théories d’écoulement cinétique-collisionnel, proche du comportement des gaz denses tel que l’a défini ChapmanEnskog [Chapman et Cowling, 1970] modifié ensuite par les travaux de Jenkins et Savage [1983], Lun et al. [1984], Ding et Gidaspow [1990] et Gidaspow [1994], qui ont pour objectif la prise en compte de la nature inélastique des collisions entre grains. Dans la partie diluée de l’écoulement (Figure 5c), les grains se déplacent au hasard par transport cinétique (déplacement de particules) lors de leur interaction avec le fluide. À concentrations supérieures (Figure 5c), les particules seront également transportées par collisions binaires de grain à grain à un temps donné.

Exemple d’application du modèle MFIX

Nous avons appliqué notre modèle pour reproduire une expérience analogique effectuée par Jaupart and Brandeis en 1986, au cours de laquelle les auteurs observent le développement de la convection dans un liquide visqueux à la suite d’un changement de température. L’analyse approfondie des résultats est présentée au Chapitre II. Nous nous focalisons ici sur la technique de mise en place d’une simulation avec MFIX. L’expérience analogique consiste à donner naissance à une convection thermique dans une cuve remplie d’huile silicone. Une caractéristique fondamentale du point de vue thermique réside dans le fait que celle-ci est refroidie par le haut et par le bas .

Afin de simuler des conditions de refroidissement instantané (i.e. une chute de température ΔT au temps t=0), les auteurs ont commencé leur expérience en maintenant une couche de fluide chaud et isotherme à une température To . Pendant ce temps, un cryostat maintenait un volume de fluide à 4°C en circuit fermé. Au temps t = 0, le fluide circulant dans le cryostat a été dévié dans le circuit incorporé aux plaques de cuivre supérieure et inférieure. Après une phase transitoire d’environ 3 minutes, la température des deux plaques avait chuté d’une valeur ΔT variant selon l’expérience (autour de 20°C). En réglant alors le cryostat à une valeur proche de cette nouvelle température, les auteurs ont réussi à stabiliser celle-ci en moins de 6 minutes à 0.1°C près. La température des limites supérieure et inférieure était donc maintenue à une valeur constante Tf après 6 minutes. Lors de l’expérience de Jaupart et Brandeis [1986] les conditions aux limites varient en fonction du temps (entre le moment où l’écoulement est aligné du cryostat vers la base de la cuve et celui où la température se stabilise). La vitesse de refroidissement est importante au cours des 3 premières minutes de l’expérience, jusqu’à ce que la température du cryostat soit atteinte. Elle l’est beaucoup moins pendant le reste de l’expérience, lorsque la température de la cuve est proche de celle du cryostat. Ces expériences avec différents liquides visqueux ont montré un comportement similaire : (i) la convection a commencé après environ 2 minutes, (ii) cette convection se caractérisait par la formation de plusieurs instabilités initiées dans la couche immédiatement adjacente à la plaque de cuivre supérieure, (3) ces instabilités ont atteint le fond de la cuve en 1 minute, (4) formant une couche stagnante dans le fond de la cuve.

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Table des matières

Introduction génèral
Chapitre I. Le modèle hydrodynamique MFIX
Résume
Les équations
Les équations de continuité ou de conservation de la masse
1.2. Les équations de bilan de la quantité de mouvement
1.2.1 Tenseur de déformation ou de contraintes
1.2.1.1. Tenseur de contrainte de la phase liquide
1.2.1.2. Tenseur de contrainte de la phase granulaire
1.2.1.2.1. Tenseur Plastique/Frictionelle
1.2.1.2.2. Tenseur Cinetique-Collisionelle
1.2.2. Interaction entre fluide et particules
1.3. Les équations de bilan d’energie
2. Conditions initiales et aux limites du système
3. Example d’application du modèle MFIX
3.1. Comment lancer un calcul et mettre en place l’expérience analogique MFIX ?
3.1.1. Le lancement d’une simulation vers le centre de calcul
3.1.2. Les paramètres numériques d’affinement
3.1.3. Les conditions aux limites
3.2. Comment traiter les données de sortie ? et quelques examples d’application
3.2.1. L’aire d’interface
3.2.2. Influence de la viscosité () sur la croissance de l’aire d’interface
3.2.3. Influence du coefficient d’expansion thermique () sur la croissance de l’aire
d’interface
3.2.4 Épaisseur theorique de la couche stagnante
4. Conclusions
Annexe 1
Annexe 2
Annexe 3
Annexe 4
Annexe 5
References
Chapitre II. Numerical simulations of convection crystal-bearing magmas: a case study of the magmatic system at Erebus, Antarctica
Abstract
1. Introduction
2. Physical model description
Sommaire
Sommaire
2.1. Governing equations
2.2. Thermal boundary conditions
2.3. Numerical considerations
3. Validation and verification of the physical model
3.1. Validation and verification of momentum and heat transfer for single-phase
simulations
3.1.1. Comparison between numerical and experimental results
3.2. Verification of momentum coupling between melt and solid for bi-phase
simulations
3.2.1. Comparison between steady-state, bi-phase flow and mixture theory
4. Erebus lava lake simulations
4.1. Physical parameters of the natural system
4.2. Idealized magmatic system
4.3. Overview of the simulations and numerical considerations
4.4. Results concerning how melt and crystals are treated in the simulations
4.4.1. Pure melt
4.4.2. Crystals as part of the melt
4.4.3. Crystals as a separate phase
4.4.4. Comparison of the three scenarios for representing phases
4.5. The influence of the conduit dimensions
4.6. Sensitivity to boundary conditions
4.6.1. Crystal settling in a closed system (no feeding)
4.6.2. Crystal settling in an open system (permanent feeding)
4.7. Analysis of salient model outputs: Behaviour of the lake surface
5. Discussion
6. Conclusions
Appendix A
Acknowledgements
References
Chapitre III. Numerical simulation of the effusive regime in bubbles-bearing magmas: a case study of the magmatic system at Erebus, Antarctica
Résume
Abstract
1. Introduction
2. Fluid dynamical model
2.1. Governing equations
2.1.1. Volatile exsolution
2.1.3. Sub-grid model for the expantion of the bubles
3. Erebus simulations
3.1. Physical parameters of the natural system
3.2. Idealized magmatic system
4. Results
4.1. Flow velocity
4.2. Reaction rates
4.3. Dissolved water
4.4. Gas volume fraction
4.5. Bubble diameter
4.6. Water release
4.7. Surface velocites at the top of the lake
4.8. Coupling of the mixture and gas velocities
5. Interpretations and implications for the effusive regime of Erebus
6. Main conclusions and future work
Appendix 1. Sub-grid model for gas expansion
Appendix 2. Diffusivity of dissolved water
Appendix 3. Viscosity model
Appendix 4. General notations and parameters of viscosity model
References
Chapitre IV. Physical models addressing level fluctuations of the lava lake at Erebus, Antarctica: I. The role of degassing cycles 
Résume
Abstract
1. Introduction
2. Calculation of the convection model
2.1. Data
2.1.1. What do we know of height oscillations
2.1.2. Which pre-conceptual model do we have?
2.2. Theory
2.2.1. Stokes approximation
2.2.2.1. Terminal velocity of ascending blob
2.2.1.1. Method of solution
2.2.2. Poiseuille approximation
3. Results
3.1. Reconciling geochemical and physical scenarios
3.2. Selecting plausible scenarios
3.3. Summary of results
4. Discussion
5. Concluding remarks
References
List of Appendix
Appendix A1
Chapitre V. Physical models addressing level fluctuations of the lava lake at Erebus, Antarctica: II. The role of the lake crust
Résume
Abstract
1. Introduction
2. Permeability of the surface of the lake
3. Ascent of the crust as a Bingham flow
4. Gas pressure combined into an ideal gas law
5. Results
5.1. Constraints on porosity
5.1.1. Method of solution
6. Discussion
7. Conclusion
References
Conclusiones générales

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