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Lois d’échelle mesurées dans les expériences.
Dans cette partie essentiellement bibliographique, on présente les principaux résultats trouvés expérimentalement dans une expérience de Rayleigh-Bénard. Les résultats pour cette expérience classique provenant de différents groupes sont présentés en figure 1.4, extraite de l’article de Funfschilling et al. Tous les résultats trouvés pour la loi Nusselt versus Rayleigh donne un exposant de l’ordre γ ≈ 1/3. Le groupe de Grenoble présente dans l’article de Chavanne et al. des résultats légèrement différents des autres, cohérents entre eux. Grâce à des expériences effectuées dans l’hélium liquide à très faible viscosité, ils peuvent atteindre un très grand nombre de Rayleigh. Ils observent une transition aux alentours de Ra = 1012 vers un régime de convection qui a l’air plus efficace que le régime de γ ≈ 1/3, se rapprochant de γ ≃ 0.38 (Chavanne et al., 1997, 2001), sans toutefois atteindre la valeur γ = 0.5 prédite pour un régime de convection gouverné par la turbulence. Ce régime se termine cependant environ une décade et demie plus loin, entre Ra = 1013 et Ra = 1014, pour revenir à un régime similaire aux résultats des autres groupes. La cause de cette observation par le groupe de Grenoble n’a pas été déterminée précisément, cette observation n’ayant pu être reproduite par les autres groupes expérimentaux (Ahlers et al., 2009; Niemela et al., 2000).
On peut donc affirmer qu’une expérience de Rayleigh-Bénard classique donne un exposant de l’ordre de γ ≃ 1/3. Les expériences indiquent donc que ce sont les couches limites qui fixent le transfert de chaleur, comme expliqué dans le paragraphe sur les prédictions théoriques de ces exposants (section 1.2.2).
Figure 1.4: Le nombre de Nusselt en fonction du nombre de Rayleigh pour différentes expériences de convection de Rayleigh-Bénard. Les croix en rouge viennent de Chavanne et al., les étoiles en violet de Niemela et al., les losanges en noir et les cercles en bleu de Funfschilling et al.
Lois d’échelle observées dans les simulations numériques.
Beaucoup de simulations numériques directes (ou DNS pour « direct numerical simulations ») ont été effectuées dans la configuration de Rayleigh-Bénard. On en présente seulement quelques résultats en figure 1.5. Certaines études ont simulé cette convection jusqu’à Ra = 1014: elles indiquent clairement un exposant γ = 1/3, mais la bonne convergence de ces résultats numériques a été remise en question. En effet, les simulations mieux résolues de Stevens et al. (Stevens et al., 2010) ont conduit à une valeur différente du préfacteur et à un excellent accord avec les données expérimentales. Ces simulations atteignent Ra de l’ordre de 1011 et ne permettent donc pas de trancher le débat à plus haut nombre de Rayleigh, là où les expériences divergent.
S’affranchir des couches limites.
On a montré grâce aux modèles théoriques et aux résultats expérimentaux et numériques qu’il semble actuellement impossible d’atteindre un régime de convection ayant une efficacité de transfert de la chaleur supérieure à Nu ∼ Ra1/3 dans une expérience de Rayleigh-Bénard classique. Ceci est dû aux couches limites thermiques et visqueuses qui se forment au contact des parois solides aux bords du fluide. La recherche d’un régime plus efficace de convection (qui est l’un des objectifs de cette thèse) a déjà été étudiée expérimentalement en essayant de s’affranchir de ces limitations de couches limites, principalement par le groupe de recherche de de F. Chilla et B. Castaing à l’Ecole Normale Supérieure de Lyon. Le premier dispositif expérimental qu’ils ont envisagé a été d’utiliser une cellule de convection de forme modifiée, n’ayant artificiellement pas de plaques au contact du fluide autour de la zone étudiée. Comme présenté dans le schéma en figure 1.6, extrait de leur article de 2006 (Gibert , 2006), la zone de convection est située à l’intérieur d’un canal vertical plus étroit, délimité par des zones extérieures plus larges où la convection est empêchée grâce à une structure en nid d’abeilles. La température est fixée en haut et le flux de chaleur imposé en bas. Les résultats obtenus sont intéressants: ils obsefvent un régime de convection plus efficace que le régime Nu ∼ Ra1/3, proche même du régime ultime de convection Nu ∼ Ra1/2 pleinement gouverné par la turbulence, mais ceci uniquement si les nombres de Nusselt et de Rayleigh sont construits sur une longueur caractéristique interne à l’écoulement, et non sur la hauteur H de la cuve. Cette longueur caractéristique L est mesurée a posteriori sur l’expérience, á partir de corrélations temporelles entre deux capteurs de température, et semble dépend des “vrais” paramètres de contrôle du système. En construisant les nombres de Nusselt et de Rayleigh sur cette nouvelle longueur caractéristique, une loi d’échelle Nu ∼ Ra1/2 est obtenue, aux incertitudes expérimentales près. La limite de cette approche est qu’elle manque un peu de pouvoir prédictif, puisque la longueur caractéristique doit être mesurée. Cependant, ces études mettent en evidence l’efficacité accrue de la convection lorsque l’on s’affranchit des couches limites aux bords du fluide.
L’autre dispositif intéressant consiste à modifier les parois hautes et basses du fluide pour réduire l’influence des couches limites en introduisant des rugosités de surface.
Le première expérience est décrite dans l’article (Xie et al., 2017). On discutera ici les résultats du groupe de Lyon, qui ont étudié en détail les dispositifs de convection avec plaques rugueuses. Le schéma de la figure 1.7 est extrait de (Roche et al., 2001). Il a été constaté que l’ajout des rugosités de paroi permet en effet d’améliorer le transfert de chaleur en enlevant la limitation des couches limites au contact paroi / fluide (Shen et al., 1996; Toppaladoddi & Wettlaufer, 2018; Tisserand et al., 2011; Ulloa et al., 2018; Wei et al., 2014). Le système se comporte comme si les conditions aux limites étaient des conditions de contact fluide / fluide d’une certaine manière. Il a alors été observé que l’écoulement atteignait une forme de régime ultime, où la loi Nu ∼ Ra1/2 a été observée (Rusaouen et al., 2018). Dans l’article (Du et al., 1998), les auteurs décrivent qualitativement l’écoulement. Ils montrent que l’efficacité améliorée du transport de chaleur est due à une augmentation du nombre de panaches de chaleur qui se décollent plus facilement de la couche limite du bas, grâce à des écoulements tourbillonaires engendrés à l’intérieur des zones de rugosité mêmes.
Mais il semble faire consensus que ce régime « ultime » de convection observé n’est que local en nombre de Rayleigh. A partir d’un certain nombre de Rayleigh, les écoulements convectifs tourbillonaires à l’intérieur des rugosités eux-mêmes deviennent limitant au transfert de chaleur, comme illustré en figure 1.8. Cela a été observé numériquement dans l’article (Zhu et al., 2017) (d’où est extraite la figure précédente) et expérimentalement dans l’article (Rusaouen et al., 2018). On a alors retour à un régime de convection similaire à celui observé avec des plaques lisses avec un préfacteur corrigé.
On obtient la courbe Nusselt versus Rayleigh présentée en figure 1.9.
Il n’existe donc pas de montage expérimental améliorant l’efficacité du transfert de chaleur jusqu’à obtenir une observation claire d’un régime ultime de convection asymptotiquement en nombre de Rayleigh.
Convection radiative.
Dans cette partie, on présente l’idée générale derrière ce travail de thèse autour de la convection radiative. On expliquera d’abord le principe de fonctionnement, avant de présenter les motivations et les écoulements naturels engendrés par ce type de convection.
Nous présentons en figure 1.10 un schéma de principe de la convection forcée radiativement: un fluide est éclairé par un flux lumineux dirigé (ici) de bas en haut. Le fluide absorbe la lumière et la convertit en chaleur. Le flux de lumière, et donc la source de chaleur, décroissent ainsi avec la hauteur dans la cuve: on chauffe le fluide préférentiellement dans la partie basse de la cuve, ce qui conduit à une stratification en densité instable. Lorsque le flux lumineux est suffisamment intense, on s’attend ainsi à engendrer un écoulement convectif. La différence ptincipale entre ce dispositif et une expérience de Rayleigh-Bénard est donc cette injection de fluide partiellement en volume: la chaleur ne doit pas nécessairement traverser une couche limite diffusive avant d’atteindre le coeur de l’écoulement, pleinement turbulent. On s’intéresse dans ce qui suit à une telle convection forcée radiativement, mais aussi – par extension – à tout écoulement convectif pour lequel les sources de chaleur sont partiellement volumiques.
On détaille dans ce qui suit nos motivations pour étudier cette convection, tant sur le plan fondamental que sur le plan des applications aux écoulements naturels.
L’étude de systèmes de convection forcée radiativement a deux motivations principales:
• La première motivation est fondamentale. Comme présenté dans les parties précédentes de cette introduction, l’efficacité du transfert du chaleur dans les expériences de convection est limitée par les couches limites aux interfaces fluides / parois. Il s’y forme de très forts gradients de température, alors que le coeur du fluide, où la turbulence est très efficace à mélanger le fluide, est à température quasiment uniforme. En injectant la chaleur à l’intérieur du fluide directement,
l’idée est qu’elle n’aura pas à diffuser à travers ces couches limites. Le transfert de chaleur sera alors amélioré. Cette géométrie de convection à forçage radiatif constitue donc une tentative d’obtenir clairement un régime ultime de convection. On va donc particulièrement étudier la loi du nombre de Nusselt en fonction du nombre de Rayleigh pour une source de chaleur partiellement volumique.
Mais on pense également pouvoir retrouver une configuration similaire à celle de Rayleigh-Bénard, lorsque la source de chaleur chauffe le bas du fluide sur une taille typique très petite devant la taille du système. En modifiant l’extension spatiale du chauffage, on espère ainsi passer d’une situation de type Rayleigh-Bénard à une situation de chauffage partiellement volumique.
• La deuxième motivation est celle d’étudier les écoulements naturels. De très nombreux écoulements naturels sont en effet dus à un forçage convectif. Parmi ceux-ci un nombre non négligeable a une source de chaleur qui est partiellement volumique, ou tout du moins qui n’est pas due à un transfert de chaleur entre un solide (paroi) et le fluide lui-même. On va en présenter quelques exemples :
– Dans les étoiles, et le soleil particulièrement, la chaleur est engendrée au voisinage du coeur. Suivant la masse de l’étoile, il existe une structure composée de zones où la chaleur est transférée par des radiations, et de zones où elle est transférée par convection. En effet, les réactions nucléaires au centre de l’étoile sont plus ou moins énergétiques, et les couches externes plus ou moins opaques au rayonnement en fonction de la masse d’étoile.
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Table des matières
1 Introduction
1.1 Convection en laboratoire
1.1.1 Convection de Rayleigh-Bénard
1.1.2 Mise en équation et approximation de Boussinesq
1.1.3 Calcul et soustraction de la solution statique
1.1.4 Adimensionnement
1.2 Lois d’échelle
1.2.1 γ = 1/2
1.2.2 γ = 1/3
1.2.3 γ = 2/7
1.3 Lois d’échelle mesurées dans les expériences
1.4 Lois d’échelle observées dans les simulations numériques
1.5 S’affranchir des couches limites
1.6 Convection radiative
1.6.1 Motivations
2 Convection engendrée par des sources et puits volumiques de chaleur : stabilité linéaire
2.1 Étude analytique
2.1.1 Approximation de Boussinesq
2.1.2 Conditions aux limites
2.1.3 Calcul et soustraction de la solution statique
2.1.4 Adimensionnement
2.1.5 Analyse de la stabilité linéaire – faibles perturbations
2.2 Cas de la source de chaleur exponentielle
2.2.1 Adimensionnement
2.2.2 Interprétation
3 Étude numérique de la convection forcée radiativement
3.1 Equations du problème
3.2 Description du code utilisé
3.3 Configurations étudiées
3.4 Efficacité du transfert thermique
3.4.1 Cas numéro 1 : l ≪ δ et configuration de Rayleigh Bénard
3.4.2 Cas numéro 2 : l ≫ δ, chauffage volumique de l’écoulement turbulent
3.5 Structure de l’Écoulement – champs instantanés issus des simulations
3.6 Influence de la longueur d’absorption
3.6.1 Modélisation
3.6.2 Rôle des couches limites de stagnation et température maximale
3.7 Conclusion
4 Réalisation expérimentale de la convection par chauffage radiatif
4.1 Dispositif expérimental
4.1.1 Méthode de chauffage
4.1.2 Caractéristiques de la cuve
4.1.3 Méthodes de mesure
4.2 Paramètres de contrôle et nombres sans dimension
4.2.1 Données brutes. Séries temporelles
4.3 Précautions à prendre et déroulé d’une expérience
4.4 Résultats
4.4.1 Nusselt versus Rayleigh
4.4.2 Dépendance en longueur d’absorption
4.4.3 Profils de température
4.5 Modèle de rouleau de convection chauffé radiativement
4.6 Discussion : dépendance en nombre de Prandtl
4.7 Conclusion
5 Épilogue : quelle est l’efficacité maximale d’une convection engendrée par des sources et puits de chaleur?
5.1 Retour à un chauffage sinusoïdal en z
5.2 Solution exacte à grand nombre de Rayleigh
5.3 Validation numérique
5.4 Discussion
Conclusion
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