Contrôle moteur et gestion de la redondance

D’après le IVe congrès international d’ergonomie (1969), « l’ergonomie est l’étude scientifique de la relation entre l’Homme et ses moyens, méthodes et milieux de travail ». Plus tard A. Wisner compléta cette définition en affirmant que l’ergonomie est « nécessaire pour concevoir des outils, des machines, et des dispositifs qui puissent être utilisés avec le maximum de confort, de sécurité et d’efficacité » (Wisner, 1995). C’est ainsi que dans le domaine industriel, l’ergonomie s’applique à la conception de produits, à l’étude des processus de fabrication et aux risques associés à ces mêmes processus. Dans le cadre de l’évaluation ergonomique d’une chaîne de production, les tâches manuelles restent encore nombreuses malgré la part grandissante donnée aux machines. Dès lors, il est nécessaire de limiter les risques de troubles musculo-squelettiques (TMS) associés à ces tâches manuelles, en étant capable, en amont, d’estimer la faisabilité d’une tâche donnée et les risques qui y sont associés. La simulation ergonomique permet de répondre à ce besoin en faisant appel aux techniques de simulation numérique pour évaluer l’ergonomie d’un produit ou d’un poste de travail sous forme de maquettage numérique. Les mannequins numériques (« Digital Human Model » – DHM) font partie des outils utilisés dans la simulation numérique. Ils visent à représenter le futur opérateur, simuler son activité et évaluer ses interactions avec son environnement pour en déduire des informations sur les contraintes subies. L’intérêt majeur d’un tel outil est de diminuer le temps de conception, et ainsi son coût (Feyen et al., 2000 ; Chaffin, 2005). L’ensemble des derniers développements et applications des mannequins numériques est décrit plus en détail par Duffy dans un livre paru en 2009 (Duffy, 2009).

Parmi les nombreuses fonctionnalités désirées par les utilisateurs de mannequins numériques, il ressort un besoin important sur la capacité à simuler des postures ou mouvements d’une façon réaliste, dans le cas d’environnements parfois contraints, avec le minimum de descripteurs de la tâche à simuler (Chaffin, 2005 ; Chaffin, 2009). Cette qualité est nécessaire, par exemple, pour évaluer une capacité d’atteinte ou de manœuvrabilité d’une commande. Prenons par exemple le cas concret d’un changement d’une ampoule de phare de voiture (évoqué par le constructeur Renault). Le mouvement complet pour retirer l’ampoule défectueuse consiste à : atteindre et saisir l’ampoule ; la desserrer et la retirer de son emplacement d’origine. La simulation d’un tel mouvement implique d’être capable de simuler chacune de ces étapes en prenant en compte les contraintes physiques du véhicule, et de les relier afin d’obtenir un mouvement comparable à un mouvement naturel, dans sa globalité. Or, les capacités de simulation des DHM existants ne permettent pas de simuler facilement des mouvements complexes tels que des tâches manuelles comme dans l’exemple choisi (Delleman et al., 2004 ; Lämkull et al., 2009 ; Bertilsson et al., 2010). Cela s’explique par la complexité du problème de simulation associé aux tâches manuelles : le corps humain possède un nombre important de degrés de liberté (ddl), en particulier au niveau du membre supérieur incluant la main et des doigts. Ainsi, le corps est qualifié de redondant pour la majeure partie des tâches qui lui sont associées. C’est-à-dire qu’il possède un nombre de ddl supérieur aux contraintes imposées par la tâche. Ceci a pour conséquence une infinité de façons de réaliser cette dernière. Dès lors, afin de pouvoir estimer la faisabilité d’une tâche, nous devons être en mesure de déterminer quelle solution choisir parmi l’ensemble de ces possibilités.

Il apparait donc le besoin d’un outil de simulation de mouvement pouvant résoudre ce problème de redondance. Dans ce contexte, de nombreux progrès ont été permis dans le domaine de la simulation de mouvement ces dernières années grâce à l’avancée rapide des méthodes de capture de mouvement. Cette méthodologie a permis, dans des domaines d’application bien spécifiques, la création de bases de données de mouvements ou de postures à évaluer. C’est le cas en particulier dans le domaine de la conception d’habitacles de voiture. Ainsi, l’Ifsttar a aidé le constructeur Renault à constituer une importante base de données sur des mouvements allant du simple geste d’atteinte de bouton (Wang et al., 2006) jusqu’à des mouvements d’entrée/sortie de véhicule (Monnier et al., 2006 ; Chateauroux et al., 2007). A partir de cela, une méthode de simulation de mouvement à partir d’une base de données (« data-based ») a été développée et implémentée dans le logiciel RPx (Monnier et al., 2009b), toujours en collaboration avec Renault. Cette méthode repose sur la modification d’un mouvement préenregistré similaire au scénario de simulation en termes d’anthropométrie du sujet et de caractéristiques de la tâche (voir (Park et al., 2004) ou (Monnier, 2004) pour une description détaillée de la méthode). Cependant, comme toutes les méthodes basées sur données, la méthode RPx souffre de la difficulté d’étendre la simulation au-delà du domaine expérimental dans lequel les données ont été collectées. Dès lors, si l’on s’intéresse à une tâche manuelle, il semble difficile de posséder une base de données couvrant l’ensemble des possibilités existantes d’objets et de tâches associées. Pour pallier ce problème, Wang a proposé une méthode de simulation hybride (Wang et al., 2008) combinant les approches basées sur données et celles basées sur des connaissances (« knowledge-based »). L’approche basée sur connaissances suppose que les stratégies de contrôle de mouvement soient connues sous forme de critères d’optimisation ou de règles heuristiques. L’identification de ces connaissances passe alors par des observations expérimentales. Le travail exposé dans ce manuscrit s’inscrira donc dans cette logique de compréhension du mouvement permettant par la suite la simulation d’un mouvement réaliste. Nous nous intéresserons en particulier à des tâches manuelles ayant des séquences de mouvement multiples. Pour ce faire, nous nous appuierons sur des données de manipulation d’objet récoltées au court d’une thèse précédente réalisée au sein du laboratoire (Savescu, 2006).

De par la diversité des tâches manuelles et des différents outils existants, aucune de ces questions ne semble triviale et nous ne pouvons envisager de répondre à l’ensemble de ces questions dans ce manuscrit. Nous chercherons donc au cours de ce travail à apporter des réponses sur la résolution des problèmes de redondance cinématique, dans la tâche de manipulation afin d’obtenir un outil de simulation de cette même tâche. La démarche se basera sur une approche expérimentale et cherchera à caractériser les déterminants de la coordination du membre supérieur de l’opérateur en fonction des caractéristiques de la tâche demandée, dans un cas simple où l’objet à manipuler peut être atteint, et ce sans obstacle.

La manipulation d’un objet peut se définir comme étant un mouvement multi-séquentiel effectué par le membre supérieur. Les différentes phases de la manipulation sont clairement définies comme étant l’atteinte, la saisie et la manipulation de l’objet à proprement parler. L’atteinte, également appelée transport (Woodworth, 1899 ; Jeannerod, 1981 ; Jeannerod, 1984), est la phase qui permet à un individu d’approcher sa main de l’objet à partir d’une posture initiale. Une fois la main amenée dans l’environnement proche de l’objet, la saisie peut être effectuée. Cette dernière consiste à attraper l’objet en fonction de la tâche à accomplir avec ce dernier. Enfin, la manipulation de l’objet en elle-même consistera en une modification de sa position et/ou de son orientation. De telles actions sont effectuées à maintes reprises dans une journée, laissant croire qu’elles n’impliquent aucune difficulté. Or il n’en est rien. Nombreux sont les paramètres influençant ce geste et qui doivent être pris en compte par l’individu. Le système nerveux central (SNC) permet de telles interactions entre l’Homme et son environnement. En effet, ce dernier traite en continu les informations perçues sur l’environnement afin d’ajuster le mouvement produit à toute perturbation pouvant survenir.

La simulation d’une tâche manuelle doit faire face essentiellement (mais pas uniquement) à deux problèmes indéterminés liés à la redondance cinématique : la planification de la trajectoire de la main (organe terminal) et le suivi de cette trajectoire. Tout d’abord, l’outil de simulation doit être en mesure de déterminer une posture de saisie et une trajectoire du mouvement en fonction de la tâche à réaliser parmi une multitude de possibilités. Il s’agit du problème de planification de la trajectoire. Dans un second temps, une posture caractérisée par les angles articulaires doit être choisie parmi une multitude de possibilités à chaque position de la main. Il s’agit alors de résoudre le problème de la cinématique inverse.

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Table des matières

1 Introduction
1.1. Contexte
1.2. Problématique scientifique
1.3. Plan
2 Etat de l’art
2.1. Introduction
2.2. Le membre supérieur : un système redondant
2.2.1. Rappels sur le membre supérieur
2.2.2. Une redondance multi-échelle
2.3. Contrôle moteur et gestion de la redondance
2.3.1. Redondance versus abondance
2.3.2. Contrôle moteur et SNC
2.3.3. Préhension et canaux visuo-moteurs
2.4. Effets de la tâche sur le geste de manipulation
2.4.1. Atteinte
2.4.2. Saisie
2.4.3. Manipulation d’objets
2.5. Méthodes de simulation de mouvement
2.5.1. Méthodes basées sur des connaissances
2.5.2. Méthodes basées sur des données
2.5.3. Méthodes hybrides
2.6. Synthèse
3 Conclusion

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