La conduite automobile reste une activité dangereuse qui produit de nombreux dégâts humains et économiques. Les accidents par sortie de voie représentent selon les statistiques 30% à 40% des sinistres (Bar et Page, 2002): direction erronée du véhicule suite à un endormissement, une imprudence ou une vitesse excessive, ou encore par perte de contrôle due à l’inexpérience, une mauvaise visibilité ou une adhérence amoindrie. Ceci motive un effort important de recherche visant à aider le conducteur et sécuriser la conduite routière. Les aides sont développées sur trois niveaux :
● Sécurité passive : systèmes d’aide cherchant à réduire les conséquences de l’accident sans action préventive pour l’éviter. L’airbag est un exemple d’un tel système.
● Sécurité active : systèmes d’aide modifiant le comportement du véhicule en situation critique tels l’ABS et l’ESP ; ces systèmes n’ont pas d’action d’anticipation.
● Sécurité préventive: systèmes d’aide anticipant les situations dangereuses et cherchant à effectuer une action préventive. En ce qui concerne les travaux sur systèmes: l’assistance à l’évitement de sorties de voies LDA (Lane Departure Avoidance), et l’assistance au contrôle latéral pour le maintien dans la voie LKS (Lane Keeping Support).
La thèse vise à contribuer à la recherche sur la sécurité préventive. Elle se situe dans le cadre des recherches menées au sein de l’IRCCyN sur un projet national ANR de large envergure, PARTAGE qui traite du contrôle partagé entre conducteur et assistance à la conduite automobile pour une trajectoire sécurisée. Le projet est centré sur la fonction de prévention des sorties involontaires de voie, en virage ou en ligne droite. Il traite de la coopération entre le conducteur et les dispositifs techniques, en considérant différents styles de conduite (différences individuelles) et distractions. Il accorde une grande attention à l’acceptabilité des solutions proposées, ainsi qu’aux interactions homme-machine, notamment celles réalisées au travers du volant, en vue d’aboutir à une efficience optimale (PARTAGE, 2008). PARTAGE a vocation à proposer des modèles cybernétiques du conducteur pour orienter les recherches vers les points les plus intéressants de cette question. Le travail réalisé dans cette thèse s’inscrit dans cette vision interdisciplinaire, et a été réalisé en concertation entre les équipes « Commande » et « PsyCoTec » de l’IRCCyN. Ce type de collaboration originale, entre de la psychologie ergonomique et les sciences de l’ingénieur, est porteur d’innovation pour le développement d’un modèle cybernétique du conducteur et l’élaboration d’un contrôle partagé entre conducteur et automate d’assistance.
L’interface homme-machine concerne l’interaction entre le conducteur et le véhicule (IHM cv), et entre le conducteur et l’automate (IHM c-a). L’activité de recherche de la thèse a dû respecter le rythme et les exigences des différents partenaires universitaires et industriels impliqués dans le projet PARTAGE. En cohérence avec l’organisation du projet, le travail de la thèse a été articulé autour de deux grandes parties :
1. La modélisation cybernétique du conducteur pour le contrôle latéral (tâche L3-4)
2. La conception du contrôle partagé en se basant sur la théorie de la commande (tâche L6-2) .
La thèse a apporté des contributions sur ces deux axes en particulier.
Assistance à la conduite : Etat de l’art et objectifs
Depuis une vingtaine d’années, de nombreux projets de recherche concernant le concept de la « route intelligente » ont été menés au niveau international. Ce terme désigne l’automobile qui se déplace dans une infrastructure complexe en mettant en œuvre des technologies combinant l’électronique, l’informatique et la télécommunication. Ce terme englobe également le développement des multitudes d’applications pour l’amélioration de la sécurité des usagers de la route qui ne sont pas seulement des conducteurs d’automobile. Ces applications englobent entre autres la gestion de trafic, le contrôle de la signalisation des feux tricolores, l’optimisation des réseaux routiers, la localisation et la navigation par GPS, et autres. La recherche dans le domaine des systèmes intelligents de transport a connu une réorientation autour des années 95. Le centre d’intérêt est passé des applications macroscopiques, reposant sur une infrastructure fortement instrumentée, vers le véhicule et le conducteur (Enache, 2008). Des technologies pionnières se dégagent l’idée de la « voiture intelligente ». Cet axe cherche à améliorer les conditions de circulation et doit permettre une meilleure coopération entre le conducteur, son véhicule et l’infrastructure. Ceci a donné naissance à des dispositifs qui se sont généralisés comme les systèmes d’aide à la stabilité de véhicule (ABS, ESP, etc) et d’autres, en cours de développement à ce jour, comme l’assistance au maintien de la voie. Vers la fin des années 90, les recherches mettent davantage l’accent sur le conducteur qu’on ne cherche plus à remplacer, mais à aider dans ses tâches de conduite. C’est le concept du « copilote » intelligent qui informe, avertit et qui, au final, agit en cas de défaillance du conducteur. Les grands projets de recherches concernant les systèmes intelligents de transport sont structurés autour de plusieurs axes dont l’un concerne l’assistance au suivi de voie. Dans ce qui suit, quelques projets seront présentés succinctement. Nous serons plus attentifs aux développements de l’aide au maintien dans la voie, les autres aspects seront traités de manière secondaire.
Projets de recherche et systèmes existants
La recherche en Japon
Avant 1996, on trouve des projets concernant plutôt la route intelligente comme VICS (Vehicle Information and Communication Systems), ARTS (Advanced Road Transportation Systems), et ASV (Advanced Safety Vehicles). Le Japon a créé, en 1996, l’association AHSRA (Advanced Cruise-Assist Highway Research Association) qui se focalise sur l’amélioration de la sécurité avec une implication de l’infrastructure et de la communication véhicule/infrastructure.
Les constructeurs automobiles japonais tels que Mitsubishi, Nissan, Toyota, Honda, sont largement impliqués dans les projets de développement des systèmes de transport intelligents. Les résultats qui concernent l’assistance à la conduite sont déjà intégrés dans les automobiles japonaises. Un système LKS (Lane Keeping Support) a été développé par Nissan et implémenté dans le model Cima 2001. Ce système offre une assistance active à la conduite en parallèle avec le conducteur. Le système concerne les situations de conduite monotone et il fonctionne au-dessus d’une vitesse minimale (opérationnel pour des vitesses 65 100 km/h) et d’un rayon de virage minimum (en lignes droites et pour des virages au-delà de 230 m de rayon de courbure). Le LKS de Nissan vise à diminuer la charge du conducteur pour ce qui relève du contrôle latéral tout en le gardant dans la boucle. Ce système se compose d’une caméra pour identifier la trajectoire, d’un moteur monté sur le volant pour délivrer le couple d’assistance et d’une unité électronique de contrôle (http://ivsource.net). Nissan a aussi développé un système LDA (Lane Departure Avoidance) qui cherche à réduire les sorties de voie en corrigeant la position latérale du véhicule et en fournissant une alerte au conducteur (vibration au niveau de volant). Le système commence à diriger automatiquement le véhicule quand il est proche de sortir de la voie. Le niveau d’action de cette assistance baisse ensuite progressivement au bout de quelques secondes supposées suffisantes pour que le conducteur alerté reprenne une conduite sécurisée.
Un autre constructeur automobile japonais, Honda, a proposé une assistance au maintien de voie LKS, associée à un régulateur de vitesse et d’interdistance (ACC), dans le modèle Accord 2004. Cette assistance avait pour objectif de réduire la charge du conducteur sur les longs trajets via un couple d’assistance sur la colonne de direction. Ce couple d’assistance ne dépasse pas 80% du couple nécessaire au braquage, le reste est à fournir par le conducteur (Iihoshi, 2004).
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Table des matières
CHAPITRE 1 INTRODUCTION
1.1. CONTEXTE
1.2. CONTRIBUTIONS
1.3. LISTE DE PUBLICATIONS
1.4. PLAN DU MEMOIRE
BIBLIOGRAPHIE
CHAPITRE 2 ASSISTANCE A LA CONDUITE : ETAT DE L’ART ET OBJECTIFS
2.1. ORIENTATIONS DE LA RECHERCHE
2.2. PROJETS DE RECHERCHE ET SYSTEMES EXISTANTS
2.2.1. La recherche en Japon
2.2.2. La recherche aux Etats-Unis
2.2.3. La recherche en Europe
2.3. LES LIMITATIONS DES SYSTEMES EXISTANTS
2.3.1. Domaine de fonctionnement
2.3.2. Modes de fonctionnement
2.3.3. Performances
2.4. PARTAGE D’ACTION ENTRE PILOTES HUMAIN ET ELECTRONIQUE
2.4.1. Modes de coopération homme-machine
2.4.2. Systèmes existants en vue de coopération homme-machine
2.4.3. Partage en vue de la coopération homme-machine
2.5. LE CONTROLE PARTAGE OBJECTIF DE LA THESE
2.5.1. Domaine de fonctionnement
2.5.2. Cahier des charges
2.5.3. Les typologies envisagées : CoLat1 et CoLat2
BIBLIOGRAPHIE
CHAPITRE 3 MODELE DE VEHICULE-ROUTE POUR LE SUIVI DE VOIE
3.1. INTRODUCTION
3.2. LA DYNAMIQUE LATERALE DU VEHICULE
3.2.1. Les mouvements du véhicule et les forces extérieurs
3.2.2. Modèle « Bicyclette » du véhicule
3.3. POSITIONNEMENT DU VEHICULE SUR LA VOIE
3.4. SYSTEME DE DIRECTION ASSISTEE ELECTRIQUE
3.5. MODELE VEHICULE-ROUTE (VR)
3.6. EQUIPEMENT DU SIMULATEUR SCANER TM
BIBLIOGRAPHIE
CHAPITRE 4 MODELE CYBERNETIQUE DU CONDUCTEUR POUR LE SUIVI DE VOIE
4.1. INTRODUCTION
4.2. LA PERTINENCE DE L’APPROCHE CYBERNETIQUE POUR LA MODELISATION
4.3. PRINCIPES GENERAUX POUR LA MODELISATION DU CONTROLE DE LA TRAJECTOIRE
4.3.1. La perception de l’environnement
4.3.2. Le contrôle neuromusculaire
4.3.3. Le contrôle cognitif
4.4. DEVELOPPEMENT D’UN MODELE CYBERNETIQUE DU CONDUCTEUR
4.4.1. La base de départ
4.4.2. Le modèle proposé
4.4.3. Mise en équation du modèle
4.5. IDENTIFICATION PARAMETRIQUE DU MODELE
4.6. ÉTUDES DE VALIDATION DU MODELE
4.7. OBSERVATION DE L’ETAT DU CONDUCTEUR
4.8. ELABORATION DU MODELE GLOBAL CVR
4.9. CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
CHAPITRE 5 SYNTHESE D’UN PILOTE AUTONOME POUR LE SUIVI DE VOIE
5.1. SYNTHESES DES LOIS DE COMMANDE UTILISEES POUR L’ASSISTANCE
5.2. SYNTHESE DE LA COMMANDE OPTIMALE AVEC ANTICIPATION (H2-PREVIEW)
5.2.1. Problématique
5.2.2. Etat de l’art
5.2.3. Définition du problème généralisé : H2/LQ avec anticipation et pondération fréquentielle
5.2.4. Solution du problème généralisé
5.2.5. Analyse de la solution
5.3. APPLICATION A LA SYNTHESE D’UN AUTOMATE CONDUCTEUR
5.3.1. Modèle véhicule-route
5.3.2. Vecteur de performance et choix de réglage
5.3.3. Implémentation et évaluation sur le simulateur de conduite
5.3.4. L’horizon « optimal » d’anticipation
5.4. COMMANDE AVEC ANTICIPATION VS COMMANDE PREDICTIVE
5.5. CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
CHAPITRE 6 MISE EN ŒUVRE ET EVALUATION DU CONTROLE PARTAGE
6.1. INTRODUCTION
6.2. CRITERES D’EVALUATION DU CONTROLE PARTAGE
6.2.1. Critères d’évaluation courants
6.2.2. Définition des nouveaux critères
6.3. COLAT1 : CONTROLE PARTAGE ENTRE PILOTE AUTONOME ET CONDUCTEUR
6.3.1. Architecture de l’automate
6.3.2. Implémentation et évaluation de l’assistance
6.3.3. Etude du partage en fonction du choix de g
6.3.4. Conclusion
6.4. COLAT2 : CONTROLE PARTAGE ENTRE COPILOTE ET CONDUCTEUR
6.4.1. Architecture de copilote
6.4.2. Vecteur de performance et gestion du compromis
6.4.3. Synthèse H2-Preview à base du modèle CVR
6.4.4. Implémentation et évaluation de l’assistance
6.4.5. Conclusion
6.5. COMPARAISON COLAT1 VS COLAT2
6.6. ROBUSTESSE PARAMETRIQUE DE COLAT2 VIS-A-VIS DU MODELE CONDUCTEUR
6.7. CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
CHAPITRE 7 CONCLUSION GENERALE