Contrôle du magnétisme par le champ électrique

Contrôle du magnétisme par le champ électrique

Multiferroïques naturels

Les matériaux dit multiferroïques naturels (ou monophasique), c’est-à-dire qui possèdent des paramètres d’ordre multiple (soit ferroélectrique, (anti-)ferromagnétique, ou ferro-élastique etc.)  ont suscité l’intérêt de nombreux chercheurs jusqu’à présent. La coexistence de la ferroélectricité et du ferromagnétisme dans un même matériau, qui se traduit par l’apparition de l’effet magnétoélectrique, est une des propriétés les plus recherchées actuellement. L’utilisation extensive des matériaux magnétiques et ferroélectriques dans des applications diverses et variées suppose logiquement de combiner ferromagnétisme et ferroélectricité dans un même matériau, ce qui n’est pas trivial.

En 1888, Röntgen observa pour la première fois un état d’aimantation dans un oxyde sensible au champ électrique [Rontgen 1888]. Plus tard, l’effet inverse, c’est-à-dire le changement d’état de la polarisation diélectrique avec le champ magnétique fut mis en évidence par Wilson [Wilson 1905]. En 1894, Curie prédit de la magnéto-électricité intrinsèque dans certains cristaux en se basant sur la théorie des symétries (la notion de « l’effet magnétoélectrique » fut introduite par Debye) [Curie 1894]. Cet effet a été observé pour la premier fois dans l’oxyde de chrome Cr2O3 [Astrov 1960]. Un coefficient de couplage magnétoélectrique α de 4.13 ps/m (α = dM/dE) a été alors obtenu dans ce matériau [Rado 1961]. Depuis, plus de cents matériaux magnétoélectriques ont été découverts ou synthétisés [Tokura 2006, Wang 2008, Spaldin 2005, Khomskii 2006, Eerenstein 2006, Cheong 2007, Ramesh 2007, Fiebig 2005].

Dans la plupart des matériaux, la coexistence des ordres ferroélectrique et ferromagnétique n’apparait qu’à basse température, ce qui rend difficile leur utilisation. Le seul matériau possédant un couplage magnétoélectrique à température ambiante est le BiFeO3 (BFO) [Teague 1970]. Ce ferrite de bismuth appartient à la famille des pérovskites et présente une polarisation électrique très importante (d’autant plus importante lorsqu’elle est en couche mince [Wang J. 2003]. Malheureusement, le BFO massif est un ferromagnétique faible (son moment magnétique n’est que de ~0.01 ´B/m.u.{maille unitaire}).

La raison principale pour laquelle les multiferroïques naturels sont rares et possèdent un couplage assez faible est l’incompatibilité intrinsèque entre la ferroélectricité et le ferromagnétisme. En effet, du point de vue de la symétrie, la ferroélectricité exige une brisure de symétrie d’inversion spatiale figée tout en ayant une symétrie d’inversion temporelle variable. L’apparition d’une polarisation électrique spontanée est impossible jusqu’à ce que les distorsions de la phase hautement symétrique para-électrique soient suffisantes pour briser cette symétrie. La direction de la polarisation doit être différente des directions cristallographiques.

A l’opposé, la brisure de la symétrie temporelle est essentielle pour l’établissement du magnétisme (ferro ou antiferro) et de l’ordre de spin. De plus, pour les matériaux magnétiques conventionnels, l’invariance de symétrie d’inversion spatiale est usuelle. Parmi les 233 groupes magnétiques de Shubnikov, seuls 13 groupes (1, 2, 2’, m, m’, 3, 3m’, 4, 4m’m’, m’m2’, m’m’2’, 6 and 6m’m’) permettent l‘apparition simultanée d‘une polarisation électrique et d’une aimantation. Ces restrictions cristallographiques sont des arguments supplémentaires qui peuvent justifier la rareté des multiferroïques naturels.

Malheureusement, l’effet magnétoélectrique intrinsèque dans les matériaux monophasiques est très faible et n’apparait généralement qu’à basse température, ce qui rend difficile l’utilisation de ces matériaux. La réalisation des composites magnétoélectriques, basés sur le couplage extrinsèques des phases ferroélectriques et magnétostrictives, a permis d’obtenir un effet magnétoélectrique «géant», qui est plus intéressant du point de vue applicatif.

Composites massifs ou macroscopiques 

Dans les composites magnétoélectriques, ce ne sont pas les propriétés de la phase intrinsèque du matériau qui régissent l’effet magnétoélectrique, mais l’interaction et le couplage entre deux phases extrinsèques, respectivement ferroélectrique et ferromagnétique. En 1972, van Suchtelen décrivit la magnétoélectricité comme une propriété résultante de la multiplication des effets relatifs à chaque phase [Suchtelen 1972].

Le couplage s’effectue à travers des interactions élastiques. Une multitude de composites magnétoélectriques fut développé depuis, présentant un effet magnétoélectrique de plusieurs ordres de grandeur supérieurs à ceux des multiferroïques naturels [Fiebig 2005].

Depuis la formulation de van Suchtelen, de nombreux composites ont été proposés, réalisés et optimisés [Nan 2008]. Parmi eux, les composites céramiques à base de ferroélectriques de type BaTiO3 (BTO) ou Pb(Zr,Ti)O3 (PZT) ont attirés l’attention depuis les années 2000 en combinaison avec l’alliage à magnétostriction géante Tb1-xDyxFe2 (Terfenol-D) [Jiles 1994]. L’effet géant magnétoélectrique géant (supérieure à 1 V/cm·Oe) fut d’abord prédit théoriquement [Nan 2001] dans ces composites puis fut obtenu expérimentalement [Ryu 2001]. Récemment, plusieurs types de composites présentant différents types de connectivité (par exemple des particules dans une matrice 0-3, des composites laminaires 2-2 ou encore des fibres dans une matrice 1-3) ont été présentés [Srinivasan 2010].

Dans la littérature, on trouve également beaucoup d’essais de combinaison de céramiques d’oxydes ferroélectriques et d’oxydes magnétiques dans le but d’obtenir un grand coefficient magnétoélectrique [Ma 2011]. En général, ces composites sont obtenues en utilisant des techniques de cofrittage. Malheureusement, l’effet magnétoélectrique dans ce type de composites est un ordre de grandeur inferieur aux prédictions (le coefficient magnétoélectrique ne dépasse pas 1 V/Oe·cm). Ces faibles valeurs sont dues principalement à des problèmes de synthèse tels que la diffusion atomique interfaciale, les réactions chimiques entre les phases, la discordance des coefficients de dilatation thermique pendant la synthèse à haute température (frittage), etc. D’autre part, la présence de la phase ferromagnétique (qui est en générale conductrice) dans les composites de type 0-3 peut entraîner la dégradation de l’isolation du composite et des problèmes de fuites électriques. Ces problèmes de fuites peuvent être éliminés dans la configuration 2-2 (composite laminaire). Dans ce cas, la phase ferrite peut même jouer le rôle d’électrodes. Toutefois, la réalisation de composites céramiques laminaires reste difficile avec des points critiques similaires aux composites de type 0-3 (interdiffusion, réaction entre les phases, couplage d’interface faible).

Parmi les composites massifs, ceux qui utilisent des alliages magnétostrictifs (Terfenol-D, Metglas, etc.) montrent un effet magnétoélectrique plus fort. La plupart de ces composites présentés dans la littérature sont basés sur le Terfenol-D et différents types de matériaux piézoélectriques. Le coefficient magnétoélectrique dans le régime non-résonant peut atteindre plusieurs V/Oe·cm. Grâce à l’effet d’autoamplifications pour les composites exploitants la fréquence de la résonance électromécanique, il est possible d’obtenir des coefficients magnétoélectriques de plusieurs 100aines de V/Oe·cm. Cependant, les composites à base de Terfenol-D ne sont pas utilisables pour les applications à faible champ magnétique et à haute fréquence du fait d’un champ coercitif trop élevé et d’une perméabilité très faible. En raison de cela, des matériaux magnétiques doux mais moins magnétostrictifs (comme Metglas, FeCo, Ni[Mn-Ga], etc.) peuvent être utilisés. Par exemple, les alliages de type FeBSiC (Metglas) ont une perméabilité relative qui peut atteindre 40000 et une constante de magnétostriction de 20-30 ppm sous un champ de saturation de 10 Oe. Il en résulte un coefficient pièzomagnétique plus élevé que pour le Terfenol-D (autrement dit une sensibilité au champ magnétique plus grand) [Glasmachers 2004, Dong X. 2009]. Ces propriétés ont permis d’obtenir des coefficients magnétoélectriques plus importants dans les composites laminaires, notamment pour les rubans amorphes de Metglas couplés avec des composites piézoélectriques à base de fibres monocristallines de PZT dans une matrice polymère. En régime quasi-statique (1 Hz), ce composite a montré une réponse magnétoélectrique de 22 V/Oe·cm et jusqu’à plusieurs 100aines de V/Oe·cm à la fréquence de la résonance [Dong 2006].

Grâce à ses propriétés ultra douces et compatibles avec les hautes fréquences, le Metglas est également un bon matériau pouvant être incorporé comme troisième phase dans les composites Terfenol-D/matériaux piézoélectrique. Il permet d’augmenter la perméabilité effective du composite, qui se traduit par l’augmentation du coefficient pièzomagnétique et en conséquence une meilleure réponse magnétoélectrique à faible champ magnétique [Park 2010]. Aujourd’hui on trouve de plus en plus de travaux sur les composites magnétoélectrique à base de polymères. L’utilisation de matrices fortement élastiques permet d’améliorer les propriétés mécaniques des composites, tout en gardant un niveau de magnétoélectricité intéressant. Les composites de type 0-3 avec des particules magnétiques (CFO, NiFe2O4, Fe2O3Ni, Terfenol-D, etc.) implantées (dispersées) dans une matrice polymère (PVDF, Polyuréthane, etc.) provoquent l’intérêt des chercheurs du fait de traitement facilité. Cependant, les effets obtenus ne dépassent pas ceux des composites céramiques similaires. Par exemple, un composite constitué d’une matrice de copolymère P(VDFTrFe) incorporant des particules de CFO possède un coefficient magnétoélectrique autour de 40 mV/ Oe·cm [Zhang 2009]. Récemment, un composite fait à partir d’une matrice de Terfenol-D/époxy (TDE) incorporant un cylindre de PZT céramique a été réalisé [Ma 2008]. Les résultats expérimentaux ont démontré que dans cette configuration le couplage magnétoélectrique est plus important que dans les autres composites basés sur les polymères . L’importance du rapport d’aspect pour les cylindres a été discutée. Les auteurs supposent qu’un rapport d’aspect critique de 10 existe dans ce type de composite et que cela ouvre la possibilité d’utiliser des fibres monocristallines de PZT pour réaliser des micro-composites à fort effet magnétoélectrique. Par ailleurs, les mesures de fatigue effectuées montrent une pérennité remarquable de la réponse magnétoélectrique dans ce type de composite.

Heterostructures en couches minces

La présence de ces couches de collage affecte fortement la réponse magnétoélectrique. La fatigue possible de ces adhésifs et les inhomogénéités d’épaisseur peuvent dégrader le couplage mécanique et abaisser considérablement les performances de ces composites. Comme alternative, il est plus intéressant de déposer directement le matériau magnétique sur le substrat piézoélectrique ou même de réaliser toute la structure avec des procédés de dépôt pour s’affranchir de l’utilisation de couches adhésives [Tiercelin 2009]. Le dépôt direct de Ni (par électrolyse) sur le PZT céramique a ainsi permis d’améliorer les performances du composite Ni/PZT/Ni avec un coefficient magnétoélectrique de 33 V/Oe·cm à la résonance [Pan 2008].

Les structures de type cantilever sont également très attractives de nos jours car elles sont relativement facile à réaliser en technologie MEMS et offrent une flexibilité au niveau du design (adaptation de la résonance). Récemment, le groupe de Quandt a réalisé un composite laminaire en couches minces avec AlN (1.8 µm) et FeCoSiB (1.75 µm) sur un substrat de Si par pulvérisation cathodique [Greve 2010]. Le cantilever obtenu mesurant 20×2 mm2 et ayant une épaisseur totale de 140 µm (silicium inclus), manifeste un coefficient magnétoélectrique record de 737 V/Oe·cm à la résonance et 3.1 V/Oe·cm à 100 Hz . Ces valeurs sont parmi les plus élevées à l’heure actuelle.

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Table des matières

Introduction
1. Contexte
1.1. Contrôle du magnétisme par le champ électrique
1.1.1. Multiferroïques naturels
1.1.2. Composites massifs ou macroscopiques
1.1.3. Heterostructures en couches minces
1.2. Applications
1.2.1. Capteurs
1.2.2. Transducteurs et gyrateurs
1.2.3. Composants RF
1.2.4. Mémoires
1.2.5. Récupération d’énergie
1.3 Conclusion
2. Modélisation analytique
2.1 Energies magnétiques
2.2 Cas isotrope
2.3 Cas uniaxial
2.4 Cas unidirectionnel
2.5 Conclusion
3. Composites macroscopiques magnétoélectriques
3.1 Choix des matériaux
3.1.1 Le matériau magnétostrictif (F)
3.1.2 Le matériau piézoélectrique (PE)
3.2 Composite à anisotropie uniaxiale (F/PE)
3.3 Composite à Anisotropie unidirectionnelle (AF/F/PE)
3.4 Conclusion
4. Simulations FEM
4.1 Objectifs
4.2 Choix du logiciel
4.3 Validation du modèle
4.4 Etude de la géométrie
4.5 Influence des paramètres mécaniques
4.6 Système complet avec couche magnétique et ligne RF
4.7 Conclusion
5. Caractérisation Microstructurale
5.1 Nanoindentation
5.2 AFM
5.3 XRD
5.4 Conclusion
6. Observation directe de l’effet magnétoélectrique : Effet Kerr
6.1 Structure en domaine magnétiques
6.2 Techniques d’observation des domaines magnétiques
6.3 Effets magnéto-optiques
6.4 Réalisation du microscope Kerr
6.5 Visualisation des domaines magnétiques dans les composites magnétoélectriques microstructurés
6.6 Conclusion
7. Realisation de l’inductance variable MEMS
Conclusion

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