Seuil de la qualité vocalique
Nous distinguons deux types de seuils, un seuil où la distance est juste perceptible (un seuil psychoacoustique), et un seuil où la distance est assez importante pour être robuste et supporter ainsi l’opposition qualitative de deux voyelles (distance phonétique), parce que le fait que la distance soit perceptible n’implique pas forcément le fait qu’elle soit suffisante (l’inverse n’est pas vrai).
Nous commençons par la recherche du seuil du premier type (psychoacoustique). Nous dénivelons par le bas. Ainsi nous cherchons, en premier lieu, la plus petite différence qualitative perceptible par l’oreille humaine pour un son pur, parce qu’un son pur a la structure acoustique la plus simple; plus la structure acoustique du son est complexe, et plus la variation de sa qualité doit être importante pour être perceptible, donc le son pur a le seuil, a priori, le plus fin. L’équation de Gagne & Zurek (1988) rend bien compte de cette vérité. Nous chercherons ensuite le seuil pour des structures acoustiquement plus complexes, en ce qui nous concerne, nous sommes intéressés par le seuil qualitatif du formant et de la voyelle (plusieurs formants évoluant simultanément).
Selon Moore (1971), plusieurs facteurs pourraient affecter l’amplitude du seuil, dont les plus importants sont la durée d’une manière intrinsèque, l’intensité, l’intervalle entre les stimuli (200 ms sont suffisantes pour espacer deux stimulus consécutifs et effacer l’impression auditive du stimulus précédent), et le mode de présentation. Moore affirme que l’entraînement des sujets de l’expérience joue un rôle majeur; la performance atteint une limite au bout d’un certain nombre de jours d’entraînement, et elle peut se dégrader au bout d’un certain temps après avoir arrêté l’entraînement. Les facteurs susceptibles d’affecter le seuil peuvent donc être extra-stimulus.
Nous cherchons ici le seuil différentiel de la perception de la fréquence d’un son pur en fonction de plusieurs paramètres (fréquence, intensité et durée) du stimulus considéré. Ces interactions ont fait l’objet de nombreuses études (Moore, 1973/; Hall & Wood, 1984; Freyman & Nelson, 1986; Wier et al., 1977). L’interaction des paramètres est évidemment plus simple à étudier quand nous considérons seulement 2 paramètres à la fois: fréquence et durée à intensité fixe, fréquence et intensité à durée fixe ou intensité et durée à fréquences fixes.
Son pur
Rôle de la fréquence
Moore (1973) a établi un rapport entre la fréquence d’un stimulus et la quantité de la variation de cette fréquence pour que cette variation soit perçue (delta f). ). Il a mené une étude exhaustive, laquelle résumait, en quelque sorte, les travaux de ses prédécesseurs. Contrairement aux études précédentes qui ne donnaient des résultats que sur une partie de l’échelle des fréquences, avec parfois une absence de l’information entre deux valeurs très éloignées, Moore a travaillé sur 8 valeurs, allant de 250 à 8000 Hz tout en fixant l’intensité à 60 dB, les deux stimuli étant séparés par un intervalle temporel de 200 ms, intervalle jugé suffisant (Moore, 1971) pour qu’il n’y ait pas d’interaction entre les 2 stimuli. Ses résultats ont montré que plus la fréquence était élevée et plus le seuil l’était aussi.Cependant, Moore trouve que la variation du seuil en fonction de la fréquence ne suit pas une fonction simple. Il ne parvient pas à établir une loi rendant compte de ce rapport: voir la figure 1, où nous avons choisi (le but étant de montrer la tendance et non pas donner des valeurs précises) de représenter le seuil de la fréquence en fonction de la fréquence pour trois durées différentes parmi les 7 durées étudiées par Moore (1973). En effet, nous pouvons résumer cette représentation graphique ainsi: quelle que soit la durée du stimulus, une hausse de fréquence entraîne une hausse de delta f .
Rôle de la durée
Nombreuses sont les études qui ont montré l’existence d’une relation entre delta f et la durée du stimulus (Koning 1957; Turnbull, 1944; Liang & Chistovich, 1961; Oetinger, 1959; Cardozo, 1962; Sekey, 1963; Kietz, 1963; pour une revue de questions, cf. Moore, 1973). Les résultats de ces études sont divergents à bien d’égards. Un point reste, cependant, commun à leurs résultats, c’est que pour une même fréquence, une baisse dans la durée entraîne une hausse en ce qui concerne delta f, autrement dit, le seuil est inversement proportionnel (jusqu’à une certaine limite), à la durée du stimulus. où nous pouvons voir les 7 valeurs de la durée, de 6,25; 12,5; 25; 50; 100 et de 200 ms, combinées avec 8 valeurs de fréquences. Cette figure permet d’observer que plus la durée est importante et plus le seuil est faible et que cette tendance n’est pas toujours vraie, puisque nous remarquons qu’au-delà d’une certaine grandeur, la durée a tendance à perdre son effet, Effectivement, au-delà de 100 ms, la courbe qui représente delta f en fonction de la durée devient quasiment, mais pas tout à fait, plate. L’effet de la durée est d’autant plus important que la fréquence est importante, alors que dans les basses fréquences, l’effet de la durée est quasi inexistant.
Dans l’étude d’Hall & Wood (1984, figure 3), une étude dédiée plus à l’effet de la durée (5 valeurs) qu’à l’effet de la fréquence (2 valeurs), les stimuli étaient des sons purs de 2 fréquences, 500 et 1000 Hz. Les auteurs ont cherché à déterminer le seuil différentiel de la fréquence en fonction de la durée du stimulus, pour des malentendants cochléaires et pour des normo-entendants. Cette étude avait pour but d’apprécier la taille de la perte neurosensorielle chez les malentendants cochléaires en appréciant la taille de la perte du seuil différentiel perceptif entre les deux populations, normo-entendants et malentendants. Nous nous sommes intéressés aux 10 sujets normo-entendants de cette étude, dont la moyenne d’âge était de 38,8 ans. Les durées étudiées étaient de 5, 10, 20, 50 et 200 ms, l’intensité pour tous était de 90 dB . Deux stimuli consécutifs étaient séparés de 600 ms.
Une analyse de la variance avait montré que les effets de la fréquence et de la durée étaient significatifs; en effet, plus la fréquence était élevée et plus le seuil était élevé, le seuil augmente avec la baisse de la durée du stimulus.
Cette étude a montré aussi que la durée avait un effet drastique dans la résolution des variations de la fréquence pour des durées inférieures à 20 ms, en ce sens que la moindre hausse dans la durée se traduisait par une baisse très importante en ce qui concerne le seuil. Cet effet diminuait plus la durée était importante, vers 200 ms, la durée perdait son effet. Nous observons aussi que l’effet de la fréquence (rappel: + la f est élevée et + delta f est élevé) se maintenait pour des durées jusqu’à 200 ms. Cette étude, comme celle de Moore (1973), nous donne des informations sur le seuil pour des durées très petites, allant jusqu’à 5 ms. Ses résultats vont dans le même sens que les résultats obtenus par Moore et ils présentent le même défaut, s’arrêtant à 200 ms. Effectivement, nous ne savons pas si, pour une même fréquence, une hausse de la durée au-delà de 200 ms a ou non un effet sur le seuil en fonction de la durée.
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Table des matières
Introduction
I. Les seuils
I.1. Seuil de la qualité vocalique
I.1.1. Son pur
I.1.1.1. Rôle de la fréquence
I.1.1.2. Rôle de la durée
I.1.1.3. Rôle de l’intensité
I.1.2. Formant
I.1.3. Voyelle
I.1.3.1. Rôle des formants
I.1.3.2. Seuil relatif ou seuil absolu?
I.1.3.2.1. La non-uniformité de l’espace vocalique
I.1.3.2.2. Le seuil relatif
I.1.3.2.3. Le seuil absolu
I.1.3.3. Un seuil à valeur universelle?
I.1.4. Etude comparative entre plusieurs systèmes
I.1.4.1. Choix de la méthode de mesure
I.1.4.2. Comparaisons entre des distances dans plusieurs systèmes
I.1.4.2.1. L’anglais
I.1.4.2.2. Le français
I.1.4.2.3. L’arabe
I.1.4.3. Conclusion
I.2. Seuil différentiel de la perception de la durée vocalique.
I.2.1. Facteurs affectant le seuil de la durée
I.2.1.1. Facteurs extra-stimulus
I.2.1.1.1. le facteur âge
I.2.1.1.2. Sexe
I.2.1.2. Facteurs intra-stimulus
I.2.1.2.1. Fréquence, Intensité et durée initiale
I.2.2. Seuil pour les segments vocaliques.
I.2.2.1. Fréquence variable
I.2.2.2. Fréquence stable
I.2.3. Étude linguistique du seuil
I.2.4. Conclusion
II. La quantité vocalique
II.1. Aspects des langues à quantité vocalique
II.2. Différence temporelle et quantité vocalique
II.2.1. La durée est un trait secondaire
II.2.2. Spécification linguistique de la durée
II.3. Quantité vocalique en arabe
II.4. Espace vocalique de l’arabe
III. Expérience sur l’arabe dialectal de Mayadin (Syrie)
III.1. Introduction en repère proximal: quantité et qualité dans le dialecte arabe d’Amman (Jordanie).
III.2. Notre dialecte de Mayadin
III.3. Partie expérimentale
III.3.1. Caractérisation de la durée
III.3.2. Caractérisation de la qualité
III.3.3. Méthode
III.3.3.1. Stimuli
III.3.3.2. Sujets
III.3.3.3. Procédure et enregistrement
III.3.3.4. Dépouillement des données
III.4. Résultats
III.4.1. Durée
III.4.2. Les formants
III.4.2.1. Présentation numérique
III.4.2.2. Présentation graphique
III.5. Significativité des écarts
III.5.1. Significativité statistique
III.5.1.1. L’écart entre les durées
III.5.1.1.1. Schéma déclaratif
III.5.1.1.2. Schéma interrogatif
III.5.1.2. L’écart entre les valeurs des F1
III.5.1.2.1. Schéma déclaratif
III.5.1.2.2. Schéma interrogatif
III.5.1.3. L’écart entre les valeurs des F2
III.5.1.3.1. Schéma déclaratif
III.5.1.3.2. Schéma interrogatif
III.5.1.4. Résumé général des études statistiques
III.5.2. Significativité perceptive
III.5.2.1. Les écarts entre les durées (quantité)
III.5.2.2. Les écarts entre les formants (qualité)
III.6. Conclusions
IV. Le poids perceptif de la durée de la voyelle face à sa qualité acoustique dans la discrimination des voyelles longues et brèves
IV.1. Introduction
IV.2. manipulation instrumentale
IV.2.1. Introduction
IV.2.2. Méthode
IV.2.2.1. Stimuli
IV.2.2.2. Contrôle
IV.2.2.3. Sujets
IV.2.2.4. Procédure
IV.2.3. Résultats
IV.2.3.1. Signaux A (non-manipulés)
IV.2.3.2. Signaux B (manipulés)
IV.2.4. Discussion
IV.2.5. Conclusion
V. Durée et qualité vocaliques en français de Savoie. Étude acoustique intergénérationnelle
V.1. Introduction
V.2. Méthode
V.2.1. Stimuli
V.2.2. Sujets
V.2.3. Procédure et enregistrement
V.2.4. Dépouillement des données
V.3. Résultats
V.3.1. Durée
V.3.1.1. Première génération
V.3.1.2. Deuxième génération
V.3.1.3. Troisième génération
V.3.2. Qualité
V.3.2.1. Première génération
V.3.2.2. Deuxième génération
V.3.2.3. Troisième génération
V.3.3. Écarts perceptifs
V.3.3.1. Écart temporel
V.3.3.2. Écart spectral
V.4. Conclusions
VI. Conclusion
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